Richard Maibaum et Tom Mankiewicz trahissent Ian Fleming.
Diamonds are forever est l'adaptation cinématographique du roman éponyme de Ian Fleming paru en 1956 et traduit en France sous le titre Chauds les Glaçons!
Adaptation si l'on peut dire. Dans le roman, Bond est engagé par le Mi5 à trouver les commanditaires d'un trafic de diamants dont les autres services britanniques ne peuvent s'occuper. A la base, dans une mine de diamants d'Afrique du sud, des mineurs détournent des diamants qu'ils cachent dans leur bouche, avant d'aller consulter un dentiste qui leur en donne de l'argent. Ensuite toute une filière s'occupe de faire passer ces diamants aux Etats Unis. C'est cette filière que James Bond infiltre, ce qui lui permet de découvrir que les commanditaires sont Jack et Seraffimo Spang.
Mais quelle différence avec le film, qui commence d'abord par une série de règlements de compte, n'ayant rien à voir avec le roman, mais qui introduisent l'ambiance de violence qui va suivre.
Après le générique, James Bond se voit effectivement, comme dans le roman, engagé par le Mi5 à résoudre ce trafic de diamants, mais ensuite le scénario de Richard Maibaum et Tom Mankiewicz diverge de plus en plus de celui de Ian Fleming.
Les scénaristes mettent en scène un génie du crime, Ernst Stavro Blofeld, dans le genre de M. Ming, ou Fantomas. Ce Blofeld a des clones, et tantôt c'est lui qui croit avoir tué James Bond, tantôt c'est Bond qui croit l'avoir tué, en n'ayant tué qu'un des ses clones.
Les diamants, eux, installés sur le miroir concave d'un satellite, servent à focaliser un rayon laser capable de detruire un missile à charge nucléaire dans son silo, voire un sous marin en plongée, en en faisant exploser les bombes nucléaires.
Mais ce satellite ne dispose d'aucune autre source d'énergie que celle du rayonnement solaire, sans miroir primaire pour en renvoyer le flux sur le miroir concave, et avec une puissance récupérée inférieure à celle d'une cafetière. C'est encore plus invraisemblable que dans la bande dessinée d'Alec Weinberg, Le maitre du soleil, où un grand miroir solaire de quelques dizaines de mètres, même pas sphérique, et lui aussi sans miroir primaire, mais invisible depuis la terre ( ??? ), parvenait à assécher un lac en peu de temps, et à des centaines de km!
De plus quand une bombe nucléaire est détruite, elle n'explose justement pas. Là, ce n'est plus de la science-fiction, c'est de la science fictive, du conte de fée pour enfant de 5 ans... ou du miracle.
On est vraiment très loin du roman de Ian Fleming. Tellement loin qu'on va se retrouver... sur la lune. Ou plus exactement Bond, alors qu'il a réussi à s'introduire dans le Tectronics Space Center de Willard Whyten est découvert comme espion, doit s'enfuir et se réfugie sur un plateau de tournage, où le spectateur découvre... un décor lunaire qui semble montrer que les vidéos d'Apollo sont tournées en studio.
Le Moonhoax mis en scène.
le Moonhoax, c'est cette légende moderne qui veut que les photos et vidéos d'Apollo aient, en réalité, été prises en studio. Ici, le décor et les costumes font bien penser à ce genre de mise en scène. Sauf qu'on s'attendrait à voir le LEM, et qu'on voit à la place un curieux véhicule lunaire. Doit on comprendre qu'on est pas en train de simuler le programme Apollo, mais de tourner un film d'anticipation à la Stanley Kubrick?
Mais de toutes façons, il y a des indices de contrefaçon qu'ont laissé trainer les réalisateurs: Terre beaucoup trop grosse et éclairée de façon incohérente, sol lunaire plat comme un parking, scaphandres non gonflés, pesanteur lunaire non simulée, véhicule lunaire fantaisiste, et même... absence de caméras.
Cette absence de caméra nous met sur une autre piste: On a pu vouloir représenter l'entrainement des astronautes. Mais cette hypothèse ne tient pas mieux la route: L'entrainement des astronautes nécessite une pesanteur réduite, et un sol lunaire irrégulier et poudreux. Il n'y a pas besoin de représenter la Terre, et l'engin lunaire doit être le même que celui des astronautes, c'est à dire le LEM, et éventuellement la jeep lunaire, puisque le film est sorti en décembre 1971, après la mission Apollo 15, qui avait emmené une jeep lunaire.
La Terre parait bien grosse, et le sol lunaire bien plat.
James Bond débarque dans un décor en stuc, manifestement inspirés de dessins de la lune du siècle précédents: Les vrais reliefs lunaires sont moins abrupts.
Et nos moonhoaxers ont oublié que sur la lune, il n'y a pas d'atmosphère, la pression des scaphandres les fait alors gonfler comme des bibendums.
James Bond regarde d'un air perplexe.
Mais voici que l'alarme retentit...
Et que les gardes font irruption dans le paysage lunaire, qui, cette fois, ne trompe plus personne.
James Bond doit s'enfuir.
Au passage, nous découvrons la régie du studio et ses opérateurs.
Les pseudo-astronautes tentent d'intercepter Bond.
Mais il feinte et leur échappe.
Il grimpe dans le véhicule lunaire.
Sous l'oeil perplexe des opérateurs.
Puis il tente de le mettre en route.
Mais Comment mettre en route une machine dont on ne connait rien?.
Bon sang! Les voilà!.
Cà y est! Tout s'allume.
Il faut les empêcher d'approcher.
Gagné! Il a trouvé.
Ca démarre!
Tant pis pour le décor...
Pour mieux en juger, voici la vidéo elle même.
Le reste est une course poursuite entre le véhicule lunaire, et les voitures et tricycles des gardes. Mais, sur le sol accidenté, les voitures se retournent les unes après les autres, et les tricycles ne font guère mieux. Toute ces cascades rappellent furieusement la poursuite du camion de citrouilles par les allemands, dans La grande vadrouille de Gérard Oury (1966).
Finalement Bond laisse le véhicule lunaire continuer tout seul, toujours poursuivi, et s'empare d'un des tricycles avant d'aller rejoindre Tiffany Case et sa voiture qui l'attendait à la sortie de la zone d'accès restreint.
On est loin du roman de Ian Fleming, où James Bond et Tiffany s'enfuyaient dans une draisine, poursuivi par une vieille locomotive à vapeur qu'ils réussissent, après la panne de la draisine, à aiguiller sur une voie de garage, où elle ne peut s'arréter, et explose, tuant le chef du gang.
Qu'est ce qui a bien pu pousser les scénaristes à cette curieuse mise en scène? On ne sait pas très bien s'il voulait suggérer que le programme Apollo avait été tourné en studio, s'ils voulaient montrer que le Tectronics Space Center abritait l'entrainement des astronautes, ou encore qu'on y tournait un film d'anticipation. Dans tous les cas, il y a des anomalies.
On peut dire que c'est normal. Les films de James Bond, et les productions Hollywoodiennes en général, ne sont pas des films de vulgarisation scientifique et contiennent beaucoup d'erreurs scientifiques et techniques.
Il n'empèche qu'aujourd'hui, de nombreux auteurs prennent cette séquence comme une référence au Moonhoax. Pour certains c'est une dénonciation de la duplicité de la Nasa, pour d'autres c'est une parodie ridiculisant la légende du Moonhoax. Il faut quand même remarquer que cette légende n'avait pas alors l'ampleur qu'elle a aujourd'hui, et que, tout comme le "documenteur" Opération Lune, de William Karel, cette parodie a souvent été prise au premier degré.