VOICI LE SECRET DES FUSÉES RUSSES
YOURI GAGARINE a inscrit son nom dans l'histoire le 12 avril : le premier, après avoir été transformé pour un temps en satellite de la Terre, il est redescendu vivant. L'Union Soviétique s'adjugeait une fois de plus une performance hautement spectaculaire dans le match qui l'oppose aux Etats-Unis pour la conquête du Cosmos. Et ce récent succès russe pose avec plus d'acuité un problème qui étonne le monde scientifique aussi bien que le grand public : d'où vient l'incontestable supériorité de l'U.R.S.S. dans l'art et la manière d’expédier des objets lourds ? Il n'est pas concevable que l'effort financier russe soit supérieur à celui des Américains (le double du budget total de la France): les deux nations sont aussi riches en cerveaux remarquables (la comparaison dans les autres domaines scientifique le prouve). Alors ?
Alors, on est amené à déduire que les savants et techniciens soviétiques ont su découvrir un « truc ». On ne peut pas ne pas être frappé par l'atmosphère de secret qui entoure chez eux les lancers spatiaux. Après l'exploit de Gagarine, la Télévision soviétique avait annoncé le film du départ ; en fait, on n'a présenté que des cartes postales de la vie privée du glorieux astronaute. Le mystère des fusées spatiales russes, si jalousement gardé, « L'Auto-Journal » est le premier dans le monde à en révéler ici le « tour de main ».
L'AUTO-JOUNAL décrit dans cette double page le secret des fusées soviétiques. Aucun journal à tintamarre, aucune publication technique, aucun rapport scientifique n’a jusqu'ici, à notre connaissance, fourni cette explication.
Pourtant, il ne s’agit pas de notre part d’un bluff, d’une trouvaille de « science-fiction » camouflée en révélation scientifique. Les commentaires dont nous accompagnons ces révélations démontrent leur logique et leur solidité. Il ne nous est pas possible, on s’en doute, d'indiquer comment ces informations sont parvenues jusqu’à nous : les congrès scientifiques, le brassage des touristes, permettent désormais de forcer le « rideau de fer » à certains techniciens que l’U.R.S.S. voici quelques années avait persuadés d’une façon ou d’une autre de venir travailler chez elle. Il ne nous est pas possible d’en dire plus.
DES RÉVÉLATIONS SENSATIONNELLES |
Les précisions que nous avons recueillies (ainsi que les illustrations exécutées sous notre contrôle), nous les avons soumises sous le sceau d'une discrétion absolue à des spécialistes de l'électronique, de la balistique et de l’astronautique avant de les résumer ici de la façon qui convient. Tous sont tombés d'accord pour les juger « possibles » et même « probables ». Leur responsabilité ne pouvait aller plus loin.
En toute rigueur, on est en droit de se demander si les services secrets du Pentagone ont percé ce secret capital. Ce n’est pas impossible. Mais on conçoit que les astronauticiens U.S. se refusent à admettre qu'ils ont joué la mauvaise carte.
Le directeur-général, par intérim, de l’U.N.E.S.C.O, M. René Maheu, recevait, le 9 mars dernier, M. Leonid Sedov, père des Spoutnik et récemment élu président de la Fédération astronautique internationale : l'U.N.E.S.C.O. a convenu «d’apporter une aide financière à la Fédération pour organiser des colloques entre savants sur les problèmes de l’Espace. « La science, dit poliment M. Maheu, ne peut que gagner à ces échanges. C’est ainsi que le secret de lancer de vos satellites extralourds passionne l'opinion mondiale… »
M. Sedov se contenta de confirmer, en souriant : « L’U.R.S.S. est à même de lancer des Spoutnik de n'importe quel poids. »
M. Sedov n’est pas l’homme des proclamations tonitruantes : depuis le congrès d’astronautique de Barcelone, il est connu de ses collègues du monde entier pour sa gentillesse et sa
modération. Et il est de fait que depuis dix mois les Soviétiques ont placé en orbite des engins qui sont de véritables camions (voir l’encadré ci-dessous).
15 LANCERS CONNUS DE 83 À 6.500 KG
PREMIER SATELLITE ARTIFICIEL : SPOUTNIK I (4 octobre 1957). 83 kg. Sphérique, diamètre 0,80. Poussée initiale 170 tonnes. Inclinaison de la trajectoire sur l'écliptique : 65°.
Désintégré le 4 janvier 1958.
SPOUTNIK II (3 novembre 1958). 508 kg. Conique. long. 4,95 m. Poussée initiale 400 tonnes. inclinaison 65°. Désintégré en mars 1959, avec la chienne Laïka.
SPOUTNIK III (15 mai 1958-7 avril 1960), 1 336 kg. Même forme conique.
PREMIER ENGIN COSMIQUE (c'est-à-dire lancé à une vitesse suffisante pour se libérer complètement de l'attraction terrestre) : LUNIK I ou MECHTA (2 janvier 1959, vie illimitée). L’engin rate la Lune et devient la première planète artificielle. Sphère, 1472 kg.
LUNIK II (13 septembre 1959). Frappe la Lune.
LUNIK III (4 octobre 1959). Phatographie la face cachée de la Lune. En orbite Terre-Lune. Double tronc de cône. 278 kg (1 550 avec le dernier étage).
SPOUTNIK IV ou KORABL 1. Premier vaisseau cosmique ; conique. 4550 kg. Cabine « habitable ». inclinaison 65°. Devait quitter son orbite sur télécommande : échec. Désintégré ultérieurement.
SPOUTNIK V ou KORABL II (18 août 1960). Même modèle avec deux chiennes, Fléchette et Ecureuil. 65°. Ejection d'orbite et récupération réussies.
SPOUTNIK VI (1er décembre 1959) ou KORABL III. Cylindre environ 3 m ; 4660 kg. Deux chiennes, Abeille et Moucheron. inclinaison 65°. Echec : le véhicule se désintègre.
SPOUTNIK VII (4 février 1961). PREMIER VEHICULE INTERPLANETAIRE. 6 483 kg. Orbite à 65°. Selon l'usage soviétique, le lancer est annoncé lorsque la mise en orbite est
réussie, Mystère total sur sa fonction. Echec probable de sa mission, réussie par :
SPOUTNIK VIII (1 février 1961). Même modèle. Après mise en orbite, lance l'engin Venusik (M.A.S.2), en direction de Vénus (arrivera dans son voisinage vers le 15 mai, cesse d'émettre le 27 février).
SPOUTNIK IX (VAISSEAU COSMIQUE N° 4) : 9 mars 1961. Même modèle que Spoutnik VI. Récupération réussie avec la chienne Noiraude. Inclinaison 65°.
VAISSEAU COSMIQUE N° 5. (25 mars 1961). Même modèle. inclinaison 65°. Récupération réussie avec la chienne Petite Etoile, et d'autres êtres vivants.
VAISSEAU COSMIQUE N° 6 (11 avril 1961). Même modèle. inclinaison 65°. Premier homme satellisé.
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Les Américains, dans ce chapitre précis de la course à l’Espace sont, depuis le départ, très largement distancés. Il est vrai que, huit jours après le lancer du Spoutnik IV de 4 tonnes et demi, ils plaçaient dans le ciel Midas II, satellite d'observation de 2.3 tonnes; mais la multiplicité des satellites qu'ils ont lancé depuis lors (les Discoverer, Pionnier, Courrier, Transit), ne dépassent pas la demi-tonne.
Leur seul appareil comportant une cabine habitable pour un astronaute, la capsule Mercury, a bien été lancée dans l'espace et récupérée, mais seulement après une trajectoire courbe, balistique, dont l'exécution exige une vitesse et donc une poussée considérablement moins fortes que la transformation en satellite de la Terre.
Ainsi donc, si, dans quelques semaines, l’Américain Glenn part faire un tour dans les mémes régions que Gagarine, sa performance sera moins méritoire (sur le plan technique),
puisqu’il retombera de l’Espace selon les lois inéluctables de la balistique tandis que le Soviétique s’est intégré, au moins provisoirement, à la mécanique céleste...
Si ce pronostic s’avére exact, l'U.R.S.S. inscrira une « premiére » spectaculaire de plus à son palmarés de la course à l’Espace.
Le lancer du premier Spoutnik et les tentatives ratées pour mettre en orbite le minuscule satellite U.S., imprudemment baptisé « Avant-Garde », avaient réduit à zéro la confiance des
U.S.A. dans leur supériorité technique. Dans les trois années qui suivirent, l'opinion publique put dénombrer avec consternation les échecs qui précédaient généralement les réussites dans la proportion de moitié-moitié.
Et puis, lorsqu’en fin 1960 — et selon une habitude qui devient une tradition — on établit le score du grand match; on s’apercut que les résultats s’avéraient peu a peu plus encourageants. Nous établirons une autre fois le bilan (provisoire) de cette compétition pacifique. Retenons seulement que le seul chapitre où la supériorité soviétique soit évidente est celui
du poids des engins propulsés dans l’Espace.
De ce fait indiscutable, les publications scientifiques tirent cette conclusion, reprise en Amérique par les revues à grand tirage : « Les Russes disposent de fusées dont la poussée est quatre fois plus puissante que celle de nos plus gros missiles... »
Chacun, jusqu'ici, semble s’étre contenté de cette explication qui, au premier examen, n’a d’ailleurs rien d’absurde. Elle nous avait méme paru une simple lapalissade... jusqu’au moment ou le secret des fusées soviétiques nous est apparu tel que nous l’exposons ici.
Raisonnons. Cette charge de 6500 kilos, satellisée en mars dernier par les savants russes, quand et comment les Américains pourront-ils la placer en orbite à leur tour ? Il leur faudra attendre la mise au point de Saturne, dont les essais au banc, étage par étage, ont commencé depuis peu, et qui ne sera pas préte avant 1963. Il s’agit d’un monstrueux assemblage à cinq étages, dont la base est formée de huit fusées Jupiter (celles qui lancérent les Explorer) ! Le deuxiéme étage sera une « Atlas », la plus grosse fusée US.
Saturne fournira une poussée de 750 tonnes, mesurera dix métres de diamétre à la base et 70 métres de haut. Avec les formules de propergols actuels, elle satellisera 5 tonnes; peut-étre le triple et le quadruple avec l'emploi de l'hydrogène, puis du fluor.
… Mais rien ne permet de supposer que l'URSS. ait déja la maîtrise de ces combustibles qui marqueront l'extrême limite des possibilités de la fusée chimique. Mieux : en passant les
faits à la loupe, on peut se demander si l'U.R.S.S. possède vraiment des fusées plus puissantes que celles des U.S.A. !
En effet, le plus vaste empire est trop exigu pour les fusées modernes ; les Russes ont été contraints d’avertir le monde de leurs essais de tir à longue portée, et de choisir une zone du Pacifique comme point d'impact. Le 20 janvier 1960, la portée de leurs deux missiles s'avérait de 12500 kilomètres. En septembre et octobre 1960, pendant la session de l'ONU? leur flotille de navires-radar patrouilla pour rien dans le Pacifique, la conférence triomphale prévue sur le bateau qui avait amené M. Khrouchtchev n'eut pas lieu ; lui-même manifesta la mauvaise humeur que
l'on sait ; et l’on apprit peu après que trois engins géants avaient fait long-feu.
De leur côté, les U.S.A. plaçaient, le 21 mai 1960, le cône d'une Atlas à 14 500 kilomètres ; et c'est un missile analogue qui lança, quelques jours plus tard, Midas (2,5 tonnes).
IL Y A UN « TRUC »
On se trouve donc devant cette alternative troublante :
— ou bien l'URSS. utilise pour l’espace un assemblage de fusées-gigogne en grappes et par étages, analogue à la future « Saturne » ; mais elle n’en a pas réglé la portée et la précision par des tirs terrestres. Et cela semble peu logique et peu vraisemblable ;
— ou bien l'URSS. ne dispose, en fait, que d’engins comparables aux plus puissants missiles américains, tout juste capables de satelliser 2 tonnes et demi. et, dans ce cas, elle utilise un procédé de lancement capable de fournir une poussée de départ égale à la poussée fournie par le premier étage de « Saturne ».
Ce procédé, c'est celui que nous à décrit notre informateur.
« Les fusées spatiales soviétiques, nous explique-t-il à mi-voix, partent de rampes de lancement gigantesques. Celle dont je vais parler est dans les monts Altaï. Il en existe, paraît-il, deux autres. Elles exigent un site très particulier : une chaîne de montagnes offrant une longue vallée glaciaire, où bien une crête dont l'altitude décline régulièrement.
« La rampe pour laquelle je travaillais épouse le dessin d’une vallée, rectifié par des ouvrages d'art. Une triple voie ferrée, d'une dizaine de mètres de large, s’amorce en contre-pente par une descente d'environ 2 kilomètres. Puis elle s’étire horizontalement, pour se redresser avec la montagne, et enfin, à vingt kilomètres du point de départ, se cabrer vers le ciel
à 45 degrés en débouchant dans une sorte d’énorme meurtrière encochée artificiellement dans la crête.
C'est l'échine de la Terre qui sert de rampe de lancement aux fusées spatiales soviétiques. Le dispositif oblige à placer les satellites sur des trajectoires identiques (tous les Spoutniks dont l'orbite est connue se meuvent dans un plan incliné à 65° sur l'écliptique, le plan où se déplace notre planète. Dans le domaine militaire un tel dispositif serait trop vulnérable, malgré le camouflage prévu pour dérouter les avions U2 : la rampe est maquillée en carrière de minerai et des wagonnets sur cable se livrent à un trafic factice.
— Comment la fusée file-t-elle sur ces rails ?
— Portée par un chariot, qui l’attend au sommet de la contre-pente. L’engin est assemblé dans le complexe de base, puis hissé en ascenseur et couché sur un berceau.
— Quelles dimensions ?
— Le chariot mesure 60 mètres et pèse 250 tonnes. I1 porte, de chaque côté, sur 24 boggies de deux roues (hautes de 1,50 m) et sur des roues centrales. Il possède des ailerons latéraux destinés à augmenter l’adhérence au chemin de roulement. La fusée, elle, est équipée de plans orientés vers le décollage et qu’elle perd en vol. Il existe plusieurs formes de berceaux, selon la fusée ; certaines d’entre elles dépassent le chariot d'une dizaine de mètres. Le berceau est profilé en forme de goutte d’eau par une superstructure qui se fend lors du décollage de l'engin.
— Quelle est le poids de l’ensemble ?
— Environ 350 tonnes : la motrice d’un train rapide dépasse souvent 100 tonnes.
— Quelle est la manœuvre ?
— Au lâchez tout, l’ensemble s'ébranle doucement sur la contre-pente. A 20 km-heure, des moteurs électriques sont branchés : on leur épargne ainsi la surtension. L'énergie est transmise au moteur par des contacts au moyen de galets à roulements. (Aux vitesses atteintes, les balais primitivement prévus fondaient au frottement...) Ces moteurs entrainent l’ensemble jusqu’à deux
kilomètres environ de la pente montante. L’allure atteint alors 600 km-heure.
« À ce moment, les fusées du chariot sont mises à feu automatiquement, tandis que les moteurs électriques sont déconnectés et largués pour éviter l’inertie des rotors. Il y a deux propuiseurs sur le chariot. Leur poussée n’est pas rigoureusement égale : ainsi, l’ensemble a tendance à peser légèrement sur l’un des chemins de roulement latéraux. Le résultat est d'éviter les vibrations qui rejetteraient le chariot de l’un vers l’autre des rails latéraux.
« À noter que la flamme des tuyères, que l’on voit lors des tirs à la verticale faire littéraement fondre le béton de l'aire de lancement, n'a pas ici le temps d’échauffer les installations fixes.
« En bout de course, le chariot porté maintenant sur patins atteint 3000 km/h avec une pente à 45°. Une mise à feu clavetée sur le chariot allume alors l'étage inférieur du missile, qui se détache dès que la poussée équivaut à celle du chariot, qui est stoppé en fin de course ou en cas d'incident par contre-fusées et parachute. »
Dans le hurlement de ses tuÿères qui vomissent leur flamme orange et verte, voici donc la fusée lancée...
Avec la technique américaine du tir à la verticale, et compte tenu de l'inertie à vaincre, un ensemble gigogne pesant 150 tonnes au départ a dévoré déjà près de 60 tonnes de sa substance pour se trouver ainsi lancé à Mach 2,5 et à 2 500 m d’aititude. Si l'on veut qu'à cette vitesse et à cette hauteur l'engin représente encore 150 tonnes, c'est une masse d'environ 400 tonnes qu’il aura fallu dresser sur l'aire de départ.
400 tonnes ? C’est, à peu de chose près, le poids de Saturne, que les U.S.A. espèrent utiliser en 1963, et qui pourra placer des satellites de même masse que les derniers vaisseaux cosmiques de leurs rivaux.
On voit donc que le procédé secret de la rampe géante économise presque l'équivalent d’un étage, celui de la base, évidemment, lequel représente à lui seul plus du triple de tout le
reste (1).
Les derniers rapports des avions-espions U2 ont fait état de fusées au montage dont la taille atteignait 70 mètres. On peut, par extrapolation, les situer entre les projets américains
« Saturne » et « Nova ». Le lancement sur rampe leur permettrait aisément de satelliser un astronef de 50 tonnes...
« UTILISER SON INTELLIGENCE »
Nous pensons avoir montré que le lancer Spatial sur rampe est possible. Rappelons qu'en aviation les catapultages sont d'usage courant. (Premier essai sur le transatlantique « Ile-de-France », avec catapultes Penhoët, .hydravion Lioré-Olivier 193, étudié par Marcel Riffard.)
Et le fameux X 15, avec lequel le major Joe Walker vient d'atteindre 50000 m d'altitude et Mach 4, part littéralement d'une « rampe de lancement mobile » constituée par le bombardier B 52 qui l'emporte jusqu'à la vitesse de Mach 1,1, à partir de laquelle le X 15 enflamme ses tuyères...
Hermann Oberth, d’ailleurs, le grand théoricien de l’astronautique, a écrit dans « Les Hommes dans l'Espace » : « C’est en s'envolant verticalement qu'une fusée se soustrait le plus vite à la résistance de l'air. On pourrait croire que c’est ainsi que la perte de « puissance propulsive » est la moindre. Ce n'est pas, en réalité, la trajectoire la plus favorable... »
Puisqu'il semble avéré que le procédé secret des Soviétiques permet des performances très supérieures, il ne reste plus que deux petits mystères à résoudre : Comment les Russes l'ont-ils découvert ? Pourquoi les Américains persistent-ils à l'ignorer ?
Le défilé des fusées de guerre sur la place Rouge, confirme que l'U.R.S.S. n'a pas d'avance dans le domaine des carburants: cette fusée divisionnaire resemble comme une soeur d'arme, à la Sergeant U.S. (4,5 t.; mach 3,5; portée 160 km; en service 1959).
La psychologie russe est telle qu'ils ne sont pas obnubilés par la virtuosité technique: ils adoptent sans vergogne des solutions simplistes.
M. Mikoyan, lors de son voyage aux U.S.A., disait : « Nous ne sommes pas plus intelligents que vous. Mais comme nous sommes moins riches, nous devons nous servir de notre intelligence. » Et c'est là peut-être la réponse à la première question.
Quant aux Etats-Unis...
À la fin de la guerre, lorsque les vainqueurs se partagèrent à la foire d’empoigne les savants allemands, le hasard voulut que Wehrner von Braun et son équipe traversent l'Atlantique,
tandis que Schultz et ses techniciens passaient la Volga. Or, von Braun, que la presse et le film ont rendu célèbre, c'est le père des V2, qu’on tirait à la verticale. Tandis que Schultz, inconnu en Occident, c'est l'homme des V1, qui partaient sur des rampes de lancement.
Il semble qu’au départ l'URSS ait tiré la bonne carte. Mais, d'ici peu d'années, lorsque les fusées spatiales seront propulsées autrement qu'avec des combustions chimiques, lorsque la masse effrayante des astronefs interdira tout départ sur chariot, les rampes géantes n'apparaîtront plus que comme un bricolage.
La lutte reste ouverte.
Constantin BRIVE
(1) Sans vouloir accabler le lecteur de détails superflus, rappelons que pour satelliser un objet, il faut lui imprimer une vitesse d'environ 36000 km/h, représentant les vitesses additionnées d‘au moins trois étages. Avec les combustibles que nous laissions prévoir (« L‘Auto-Journal » du 15 avrii 1960) et qui représentent les possibilités extrémes de la chimie, on obtient par exemple : poids au départ : 150 t. Sans le premier étage : 37 t. Poids troisieme étage et satellite : 9 t. Satellite seul : 2,3 t. C’est exactement le cas de Midas, le plus lourd satellite U.S. Les vaisseaux russes de 6,5 t impliquent au total plus de 420 t. Et les satellites « de n‘importe quel poids », dont parle M. Sedov...