1913: faux avions russes en Galicie Face à face austro-russe Depuis le partage de la pologne de 1772, la Galicie, à l'est de la Pologne, se trouvait sous domination autrichienne, et face à l'empire russe. Or, en 1913, l'Autriche appartenait à la Triplice, avec l'Allemagne et l'Italie, alors que la Russie appartenait à la Triple Ententen avec l'Angleterre et la France. Ces deux alliances rivales allant bientôt en découdre avec la première guerre mondiale. On comprend que de part et d'autre de la frontière, la méfiance régnait. A la frontière de Galicie, on voit des avions russes la nuit Nous n'avons, sur l'incident de Galicie que l'article du Petit Journal, mais il vaut son pesant de cannabis: ( 1 ) Des sentinelles autrichiennes tirent sur des aviateurs russes qui font des reconnaissances nocturnes à la frontière avec des aéroplanes munis de projecteurs électriques Des aviateurs russes ayant fait, ces temps derniers, de nombreuses reconnaissances à la frontière, près de Jéroslaw (Galicie), et se servant la nuit de puissants projecteurs électriques, les autorités austro-hongroises donnèrent l'ordre de tirer sur eux Une de ces dernières nuits, un de ces aéroplanes sur lequel des sentinelles avait tiré vint s'écraser sur le sol, et le pilote, tué dans la chute, fut reconnu pour un officier de l'état major russe. Le dessin de la dernière page du supplément illustré du Petit Journal est explicite: Le dessin de l'avion est même très explicite, avec son hélice et son train d'atterrissage Trop explicite, car: les soldats autrichiens ne risquaient pas de voir l'hélice de l'avion, en rotation rapide. Ils ne risquaient pas non plus de voir l'avion lui même, éblouis qu'ils étaient censé être, par le projecteur Et ils ne devaient pas non plus voir le faisceau illuminant l'air, ce n'est qu'une convention graphique Donc les soldats ne voyaient que la lumière, qu'ils interprétait comme un projecteur braqué sur eux. Un projecteur électrique Mais comment pouvaient ils savoir qu'il était électrique? A l'époque, les phares des voitures fonctionnaient à l'acétylène. Les projecteurs électriques étaient installés au sol, et l'on voit mal que l'aviation russe, née en 1910, ait dès janvier 1913 disposé d'avions équipés de projecteurs, alors que le premier avion russe équipé pour le combat aérien ne sortit qu'en 1915. De tels projecteurs n'auraient d'ailleurs servi à rien d'autre que de signaler l'avion à l'ennemi, et pas à faire des reconnaissances, qu'il était si simple de faire de jour. Sans compter que manipuler un projecteur, par la température glaciale qui devait régner en janvier 1913 au dessus de la Galicie, dans un appareil sans cockpit, devait être un exploit. Donc cette histoire de projecteur électrique ne sort que de l'imagination des soldats autrichiens, trompés par une lumière intense dans le ciel, qui leur semblait un projecteur braqué sur eux. Un projecteur qui ne pouvait être porté que par un aéronef. Un aéronef qui ne pouvait qu'ètre envoyé par l'ennemi russe, et comme les russes n'avaient pas de zeppelin, c'était donc un avion Et voila comment le dessinateur, qui n'était pas sur place, et qui ne dispose que du récit se sent obligé de dessiner un aéroplane éclairant des soldats autrichiens Ce faisant, le dessinateur commet une grosse erreur: les soldats sont illuminés par le projecteur. De nombreuses sources de l'époque, parlent aussi de projecteurs sur aéroplane ou zeppelin qui ont illuminé les témoins, voire une rue. En faut c'est un abus de langage. On ne connait pas de témoignages ou le projecteur créait des ombres. Les journalistes sont allés trop loin en objectivant l'impression des témoins qui voyaient l'objet lumineux comme un projecteur braqué sur eux, ce qui les poussait à écrire que le projecteur avait illuminé les rémoins. Après quoi, le dessinateur dessinait des rémoins éclaires par un projecteur, avec des ombres, scène complètement illusoire. Nous avons donc reconstitué une scène plus vraisemblable, respectant mieux, ou moins mal, l'ambiance lumineuse (il y a encore des ombres) Donc, nos soldats autrichiens tirent sur un point lumineux très brillant, qui apparait à de nombreuses reprises le soir. Or ce dernier détail est typique d'une confusion astronomique. Et justement, à cette époque là, la planète Vénus se montrait comme étoile du soir. Stellarium est formel: Fin janvier 1913, en Galicie, Vénus tronait au Sud-Ouest. Mais alors, l'avion abattu? Le pilote? Pour admettre une telle histoire, il faut aussi admettre que des officiers de l'état major russe, volaient la nuit, en plein hiver, dans des avions rudimentaires, braquant sur l'ennemi un improbable projecteur électrique qui ne servait qu'à signaler leur présence. Il faudrait aussi admettre que les autrichiens aient réussi à abattre une cible de taille angulaire inconnue située à une altitude et à une distance indéterminée. Comme tout ceci est absurde, la conclusion s'impose d'elle même: c'était tout simplement de la propagande. Nous pouvons d'ailleurs comparer à une vraie mission de reconnaissance aérienne, par un vrai pilote russe: ( 2 ) A Janina, les grecs disposaient de plusieurs aéroplanes. On nous signale en particulier la belle reconnaissance accomplie au-dessus du fort de Bizani par l'aviateur volontaire russe Sakoff. Celui ci, à 500 m. du sol, put observer les positions ennemies et lancer 6 bombes sur la garnison. Les Turcs dirigèrent un feu nourri sur l'aéroplane qui fut atteint ar plusieurs balles. Le réservoir d'essence fut transpercé et le moteur s'arréta. L'aviateur put cependant atterrir sans autre dommage, réparer et reprendre son service. L'aéroplane grec du lieutenant Sakoff à Janina, poursuivi par des obus turcs Cette fois il s'agit d'un volontaire russe au service des grecs, d'une reconnaissance en plein jour à partir du "camp d'aéroplanes" de Janina, et il faut un feu nourri de balles et d'obus sur cette cible bien visible pour toucher l'avion et le forcer à atterrir. On est loin de la fable précédente Et les russes, que pensaient ils de tout ceci? Hé bien, ils en pensaient exactement la même chose, sauf que c'était exactement le contraire: ( 3 )     Vénus et l'ignorance astronomique. - M. JEAN OSEMBLOVSKY, membre de la Société, à Belgorod (Russie), nous adresse la relation suivante qui montre que l'on a pris, en Russie, la planète Vénus pour... un espion autrichien! ! On peut lire, en effet, dans le n° 11 210 du 3 février 1913 du journal quotidien Pays du Sud, paraissant à Kharkow (Russie méridionale), la notice qui suit: « La manie d'espionnage. - Kiew: On constate maintenant dans la Russie du Sud-Ouest les résultats de la crainte des espions. Dans plusieurs localités de province, le rôle d'aéroplane autrichien a été attrihué à ...la planète Vénus. « A peu près chaque jour, en effet, les journaux des gouvernements de Kiew, Podolie, Volhynie et Tchernigow signalent des aéroplanes mystérieux, vraisemblablement autrichiens, vus par de nombreuses personnes. « Tous ces récits sont certainement faux et, pour la plupart, causés par la planète Vénus, brillant, en ce moment, au couchant, d'un éclat splendide. » Pour résumer, à la fin de l'hiver 1913, Vénus c'était l'ennemi! Notes et références 1) Le Petit Journal, Supplément illustré, 2 février 1913. 2) La Nature, supplément, 3 mai 1913, p 169-170 3) Bulletin de la Société Astronomique de France, mars 1913, page 133