La curieuse analyse de Michel Carrouges
Dans son livre de 1963, Les apparitions de Martiens, Michel Carrouges consacre six pages à discuter de l'observation de Marius Dewilde. il analyse tous ses éléments un à un, et leur trouve une grande cohérence. Tout ce qui est décrit est apparemment très logique.
Apparemment seulement, car l'auteur ne se rend pas compte qu'il n'est pas en train d'analyser l'observation du témoin, mais sa reconstruction par Aimé Michel
Et malheureusement, on ignore les sources d'Aimé Michel.
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4° 9 cas de petits pilotes en scaphandres.
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L’incident Dewilde est le plus célèbre.
C’est lui qui le premier a effectivement lancé la notion des petits scaphandriers. Il est le plus précis, d’abord parce que le témoin s‘est trouvé extrêmement près des étranges petites créatures. A cela s’ajoute une autre raison : l’incident étant le premier il a fait l’objet d’interviews, de photos, de dessins, d’enquêtes beaucoup plus poussées que les témoignages suivants.
Note: Mais la médaille à son revers: Le témoin a été harcelé par des dizaines d'enquéteurs qui ont orienté ses réponses, en sorte que l'analyse de Michel Carrouges porte sur un récit reconstruit progressivement pour être le plus complet possible.
Première phase : (1) Ancien marin, âgé de 34 ans, M. Dewilde se trouve ce soir-là chez lui, dans sa maisonnette de gardien de passage à niveau, en bordure d’une petite voie ferrée d’intérêt local. Sa femme et son fils sont déjà couchés ou prêts à le faire. Lui est en train de lire. Soudain, il entend son chien Kiki « aboyer à la mort ». M. Dewilde regarde l’heure, il est 22 h 30. Il prend sa lampe-torche (qu’il n’allume pas encore) et sort pour voir ce qui se passe. Il fait quelques pas dans le jardinet contigu à la maisonnette. Ce jardinet est clos d’une modeste palissade à claire-voie dont les intervalles sont plus larges que les morceaux de bois. En outre, M. Dewilde dépasse de plus de la tête le sommet de la palissade.
Note: Il serait plus simple de dire que la palissade fait environ 1.20 m .
D’un côté, tout près de lui, cette palissade longe la voie ferrée. Puis, à quelques pas encore, elle fait un coude à angle droit le long du « chemin des contrebandiers » ; en effet l’habitation de M. Dewilde est située près de la frontière franco-belge et le sentier voisin a la réputation de servir parfois au trafic de la contrebande.
Note: En fait l'angle n'est pas du tout droit comme le montre notre plan, et la palissade longe un fossé qui lui même longe le prolongement de la chasse des saules, entre les deux voies ferrées. Le sentier des contrebandiers est plus loin vers l'est.
Pour commencer, M. Dewilde ne voit qu’une chose : en face de lui, de l’autre côté de la barrière, sur les rails, il y a une grosse masse sombre. Il l’aperçoit si indistinctement qu’il la prend pour une charrette de foin. Il suppose qu’un paysan l’a laissée là par négligence. Voilà bien un détail absurde. Il a pourtant une explication très réaliste. Parfois, précise, M. Dewilde, on rentre les récoltes en utilisant le ballast car les chemins dans ce marais sont assez médiocres, alors que les trains sont très rares sur cette ligne. (Que ne penserait-on du témoin et de sa méprise sur l’objet couché sur la voie, si l’on n’avait pas pris soin de recueillir ces explications !)
Note: Pas besoin d'explications: l'objet avait la taille et la forme d'une charrette de foin, et nous sommes au milieu des champs.
Il en résulte autre chose d’encore plus intéressant, c’est qu’à aucun moment le témoin n’est suggestionné d’avance par la pensée d’une soucoupe. Quand il a entendu aboyer son chien, il a cru au passage d’un rôdeur. Maintenant qu’il est dehors. il croit voir une charrette de foin, et pense seulement qu’il devra avertir les agents de la gare voisine pour qu'ils enlèvent cette malencontreuse charrette. Tout cela est aussi peu martien que possible.
Note: Inutile d'évacuer la pensée d'une soucoupe, puisque le témoin n'a pas parlé de soucoupe .
A ce moment, M. Dewilde allume sa lampe-torche, le chien recommence à aboyer et un bruit de pas précipités se fait entendre sur le « sentier des contrebandiers ». M. Dewilde se tourne dans cette direction; il est tout contre la partie de la palissade qui longe le sentier. Ses préoccupations n’ont toujours rien de martien.
Note: Inutile d'évacuer la pensée des martiens, puisque le témoin n'a pas parlé de martiens.
Il braque sa lampe-torche sur le sentier.
Seconde phase : « Ce que je découvris n’avait rien de commun avec des contrebandiers, dit-il : deux « êtres » comme je n’en avais jamais vu, à trois ou quatre mètres de moi à peine, tout juste derrière la palissade, qui seule me séparait d’eux, marchaient l’un derrière l’autre en direction de la masse sombre que j’avais remarquée sur la voie ferrée.
« L’un d’eux, celui qui marchait en tête, se tourna vers moi. Le faisceau de ma lampe accrocha, à l’endroit de son visage, un reflet de verre ou de métal. J’eus nettement l’impression qu’il avait la tête enfermée dans un casque de scaphandre. Les deux êtres étaient d’ailleurs vêtus de combinaisons analogues à celles des scaphandriers. Ils étaient de très petite taille, probablement moins d’un mètre, mais extrêment larges d’épaules, et le casque protégeant la « tête » me parut énorme. Je vis leurs jambes, petites, proportionnées à leur taille, me sembla-t-il, mais par contre je n’aperçus pas de bras. J’ignore s’ils en avaient » (M. II, p.65).
On le voit, la découverte des petits scaphandriers est subite, contraire à l’attente d’un témoin qui guettait le passage de tout autre chose. En outre ces petits êtres sont à une distance de 3 ou 4 m, directement éclairés par la lampe-torche braquée sur eux et décrits en détail. Ici la tête de scaphandre est nettement caractérisée, mais on voit que pour le reste du corps, il n’y a aucune opposition entre le thème du scaphandre et celui de la combinaison, le témoin emploie les deux mots accordés ensemble, ce qui est normal. On notera en outre la prudence des expressions du témoin à propos de la question des bras.
Note: Mais tout ceci est une reconstruction sortie du livre d'Aimé Michel, qui est la source de Carrouges. Les premiers récits ne parlaient pas de scaphandriers, mais disaient que le faiseau de la lampe s'était réfléchi comme sur duverre, comme sur un casque de scaphandrier.
Mais si surpris que soit M. Dewilde, il n’est médusé ni effrayé.
Les premières secondes de stupeur passées, je me précipitai vers la porte du jardin avec l’intention de contourner la palissade et de leur couper le sentier pour capturer au moins l’un d’eux.
Cette porte n'est évidemment qu’un morceau de la petite palissade.
Ces précisions sont remarquables. Nous avons vu d’abord avec une extrême netteté le témoin dans la première phase de sa recherche, quand il sort : il s’attend à quelque chose de purement humain, comme il est normal, plusieurs faits le frappent, plusieurs pensées lui viennent à l’esprit sans qu’on voie rien poindre d’anomal ni dans les idées ni dans le comportement. Le témoin se montre simplement un homme lucide, curieux et normalement courageux. Ensuite, seconde phase avec l’irruption brusque des petits scaphandriers dans la lumière de la lampe. Après quelques secondes de stupeur parfaitement compréhensibles (c’est leur absence qui serait bizarre), le témoin réagit avec le même processus psychologique. A-t-il seulement le loisir de se « faire une idée » de ces extraordinaires petites créatures qui se précipitent devant lui ? Il ne l’a pas dit. D’ailleurs peu importe. Dans les situations de surprise intense, on agit par réflexes instantanés. Il n’y a qu’à voir ces êtres pour saisir qu’ils sont d’un genre prodigieusement extraordinaire et M. Dewilde réagit comme il l’a déjà fait en entendant aboyer son chien : il veut voir de plus près encore, il veut se rendre compte, et (c’est le réflexe le plus profond de l’être humain actif en face d’un objet ou d’un être inconnu) il veut en capturer « au moins un ». Cette volonté de capture et cette réserve sur les possibilités (il ne pourra en attraper qu’un seul, peut-être, l’autre aura le temps de filer), c'est encore le plus réaliste des calculs, qu’il s’agisse d’une chasse à l’homme ou à l’animal. Le tout est d’une belle témérité. Ces petits êtres qui portent scaphandre, sur le sol de la terre, là où nul être humain n’a besoin d’un.tel attirail, le témoin ignore tout de leur caractère et de leur pouvoir de défense, ou même d’agression. Il ne mesure pas les risques, mais pèse très bien les moyens. Il y a là, tout près de lui, cette espèce de portillon, il se précipite pour passer par là, couper le chemin aux deux petits êtres et sauter sur l’un d’eux.
Note: Tout ce beau discours pour une situation qui n'a peut être jamais existé. L'intention de la capture n'apparait pas dans les premiers récits, ni dans celui fait aux actualités Pathé.
Troisième phase : « Je n’étais plus qu’à deux mètres des deux silhouettes quand, jaillissant soudain à travers une espèce de carré de la masse sombre que j’avais d’abord aperçue sur les rails, une illumination extrêmement puissante, comme une lueur de magnésium, m’aveugla.
Note: L'ouverture carré apparait dans des récits ultérieurs. En réalité Le témoin n'a pas vu la voir, puisqu'il regardait vers les deux êtres au moment ou la puissante lumière l'a ébloui et l'a obligé à fermer les yeux.
« Affolé, j’entendis comme dans un rêve, à un mètre de moi, un bruit de pas sur la dalle de ciment qui est posée devant la porte de mon jardin. C’étaient les deux êtres qui se dirigeaient vers la voie ferrée. »
Une puissante lumière à reflets verts (P.P., 14 sept.) jaillit de la masse sombre qui avait semblé si débonnairement terrienne et voilà, d’un seul cqup, le témoin qui aligne les mots aveuglé », « fermai les yeux », « voulus crier mais ne le pus pas », « comme paralysé », « affolé », « dans un rêve ».
Il vient d’avoir là une nouvelle surprise, aussi subite, aussi intense que la précédente. Dans cette phase, l’attitude du témoin est bouleversée, mais rien de plus logique avec le déroulement des faits. Notons au surplus que la nouvelle surprise ne provient pas des « petits êtres » qui excitent la curiosité de M. Dewilde, mais de la masse sombre qui lui avait semblé d’une nature débonnaire, se trouvait de côté, à l’écart de son attention et ne le préoccupait plus du tout.
La seule question difficile est de savoir si la paralysie de Dewilde est purement émotive. Vient-elle même du fait qu’il est aveuglé par l’intensité de la lumière ? Il faut croire que les petits scaphandriers qui pourtant se hâtaient de rentrer à bord jugent le témoin devenu tout à fait inoffensif, puisqu’ils passent encore plus près de lui : à un mètre seulement, alors que Dewilde était encore à deux mètres quand il a été stoppé net : il est aveuglé. mais il entend sonner leurs pas sur la dalle de ciment qui borde la petite barrière qu’il voulait
ouvrir.
Il y a un beau jeu de lumière dans cette affaire. D’abord c’est l’homme qui braque sa lampe-torche sur les petits scaphandriers, mais tandis qu’il se précipite pour leur barrer la route, c’est la « masse sombre » qui braque sur lui un autre rayon de lumière infiniment plus intense.
Note: Si ce rayon avait été infiniment plus intense, le témoin aurait été réduit en fumée. Une bonne lampe torche à réflecteur large suffit à éblouir à quelques mêtres de distance.
Ce rayon paraît avoir aussi d’autres pouvoirs. Cependant, il faut se méfier de cet aspect impressionniste du phénomène. Le problème est plus complexe qu’il ne paraît, à première vue. La lumière comme lumière n’a pas la propriété de paralyser les êtres. On pense donc d’abord que le phare en question produit à la fois des rayons lumineux et des rayons inconnus capables de paralyser un être vivant. Mais cette distinction ne suffit pas encore. Si tous les rayons de cette lumière sont associés à des rayons paralysants, les petits pilotes qui passent à deux mètres, puis à un mètre du témoin sont, de toute façon, eux aussi dans le plein feu du phare et risqueraient d’être paralysés ce qui ne les avancerait guère. Il y a deux solutions possibles : ou bien les scaphandres protègent contre les rayons paralysants, ou bien ces rayons sont spécialement braqués dans la direction de Dewilde.
Note: Surtout, tout ce récit n'est qu'une reconstruction. Les petits êtres, de l'autre coté de la barrière ne sont jamais passé à un mètre du témoin, ce rayon n'avait rien de paralysant, et les petits êtres ne portaient pas de scaphandre.
Quatrième phase
« Enfin le projecteur s’éteignit. Je retrouvai le contrôle de mes muscles et courus vers la voie ferrée. Mais déjà la masse sombre qui y était posée s’élevait du sol en se balançant légèrement à la façon d’un hélicoptère. J’avais pu toutefois voir une sorte de porte se refermer. Une épaisse vapeur sombre jaillissait par-dessous avec un léger sifflement.
Note: C'est ici, en fait que se termine la première phase de l'observation, la phase au sol. Le balancement s'explique tout simplement par les cahots de l'engin roulant sur les traverses, et le témoin n'a jamais vu la porte se refermer, mais seulement entendu.
L’engin monta à la verticale, jusqu’à une trentaine de mètres puis sans cesser de prendre de l’altitude, piqua vers l’ouest en direction d’Anzin.
Note: Cest ici que commence la dernière phase, celle qui est corroborée par d'autres témoignages.
A partir d’une certaine distance, il prit une luminosité rougeâtre.
Une minute plus tard, tout avait disparu. »
Là encore les précisions sont excellentes. Aussi soudainement qu’il s’était senti paralysé par le rayon, Dewilde se retrouve libre quand le rayon s’éteint. Et il retrouve les mêmes réflexes de dynamisme, il court vers la voie ferrée,mais il est trop tard.
On a remarqué que contrairement à ce que suggèrent les dessins des magazines, la soucoupe n’a été vue que dans l’ombre au dernier moment, à contre-jour du phare. Elle n’a donc joué aucun rôle de suggestion. Ce sont les petits pilotes qui ont tenu le rôle capital et sans eux on pourrait même douter que Dewilde ait réellement vu une soucoupe.
Note: La masse sombre à forme indistincte ne risquait pas de suggestionner le témoin, et, avec ou sans petits êtres, le témoin n'a pas parlé de soucoupe.
Les enquêteurs officiels partirent même de l’hypothèse d’un hélicoptère servant à la contrebande, mais ils durent reconnaître que les fils télégraphiques de la voie n’avaient pas été touchés et qu’un hélicoptère n’aurait pas pu ne pas les endommager. (M. II, p. 67).
Note: M. II = Aimé Michel, Mystérieux Objets Céleste, Arthaud 1958
En présence d’un récit aussi cohérent, il n’y a aucune raison de soupçonner un délire ou une hallucination ; nous y reviendrons en détail.
Note: Mais la cohérence de ce récit vient ce qu'il est une reconstruction par Aimé Michel du récit original.
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Ce premier témoignage est, en outre, fortement corroboré par les témoins Anverlot et Hublard qui virent le même soir, à la même heure, 2 km plus loin, à Onnaing. une lueur rouge traverser le ciel au-dessus de Quarouble, et par trois témoignages analogues au village de Vicq. (M. II, p. 69).
Note: Ces témoignages mentionnaient une lumière venant de Quarouble, et non au dessus, et ils ne corroborent que la dernière phase.
(Michel Carrouges, Les apparitions de martiens, Artheme Fayard 1963, page 109 à 115)
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