Aimé Michel crédibilise l'observation de Quarouble

Aimé Michel
Aimé Michel
Aimé Michel (1919-1992) fut une vingtaine d'années le "pape" de l'ufologie française. licencié en philosophie, il travailla au service de la recherche de la télévision française, ayant réussi le concours d'ingénieur du son pendant la guerre.
Il s'intéressa aux mystérieux objets célestes avec les fusées fantômes de 1946, avant même qu'arrivent les "soucoupes volantes". Handicapé par une polyomyélite contracté étant enfant, ses efforts de rééducation le conduisirent à admirer l'alpinisme, lui qui avait eu tant de mal à gravir les petits sommets voisins. Il écrivit en 1953 "Montagnes héroïques", une histoire de l'alpinisme, pour les éditions Mame, tout en préparant un ouvrage sur les mystérieux objets célestes, qui devait s'appeler Les Mystères du ciel.
L'ouvrage parut l'année suivante sous le titre Lueurs sur les soucoupes volantes, juste après Les soucoupes volantes viennent d'un autre monde, de Jimmy Guieu. La vague qui survint cette année là, lui donna l'occasion de découvrir une (illusoire) structure d'alignements, qu'il décrivit dans son nouveau livre Mystérieux Objets Célestes, paru en 1958, après sa traduction américaine. Malgré la polémique sur sa théorie, Aimé Michel fut considéré comme un ufologue de premier plan, devint le conseiller technique de la revue Lumières dans la nuit, écrivit de nombreux articles et préfaça plusieurs ouvrages.
On l'a présenté comme un écrivain scientifique. En fait, il n'avait pas la mentalité d'un scientifique (ses articles contenaient beaucoup d'erreurs), mais celle d'un métaphysicien. Il se définissait lui même comme un chercheur parallèle, et un "agitateur d'idées molles". De fait, il remua beaucoup d'idées sur beaucoup de sujets dans des revues très variées. Son apport ne se résume, malheureusement, qu'à ce remuage d'idées.
Sans Aimé Michel, l'affaire de Quarouble aurait eu moins d'importance pour les ufologues, ne serait ce que parce qu'elle n'aurait pas été édudiée par Michel Carrouges. L'auteur en ayant parlé avant lui, Jimmy Guieu, n'avait pas la même réputation de sérieux.

Aimé Michel respectabilise le témoin

  La fantasmagorie continue. Mais laissons descendre cette nuit du vendredi 10 septembre. Il est 22 h 30. Dans l’obscurité de sa chambre, Antoine Mazaud se retourne dans son lit et cherche le sommeil...
Au même moment, 500 kilomètres plus au nord, près de Valenciennes, quelqu’un est en train de vivre une aventure plus extraordinaire encore. Il s’appelle Marius Dewilde, trente-quatre ans, marié, père de famille, ouvrier métallurgiste aux Aciéries de Blanc-Misseron, sur la frontière belge. Dans son entreprise, il a la réputation d’un homme sérieux, travailleur : le contraire d’un exalté. Exactement comme Antoine Mazaud, d’ailleurs. Il habite avec sa famille une petite maison isolée au milieu des bois et des champs, à deux kilomètres du village de Quarouhle. Devant la maison, un petit jardin entouré d’une palissade. La voie ferrée des Houillères Nationales, qui va de Saint-Amand à Blanc-Misseron, longe ce jardin. A côté de la maison, le passage à niveau n° 79.
Note: Marius Dewilde vivait maritalement avec une femme d'origine allemande et n'avait pas la réputation d'un homme sérieux, ni travailleur. Il n'y avait pas de jardin mais seulement une courette. La voie ferrée qui longe la courette appartient à la SNCF, et va de Fresnes sur Escaut à Blanc-Misseron.

Aimé Michel donne de la cohérence au récit

Et voici le récit de M. Dewilde tel qu'il a été enregistré par les enquéteur.
Note: En fait d'enquéteurs, ce sont les journalistes, puiqu'Aimé Michel ne doit pas avoir eu en main les rapports d'enquète issus des autorités. Il fait seulement une savante synthèse de tout ce qu'il a pu lire dans les journaux.
Deux « petits hommes ». « Ma femme et mon fils venaient de se coucher, et je lisais au coin du feu. L’horloge accrochée au-dessus de la cuisinière marquait 22 h 30, lorsque mon attention fut attirée par les ahoiements de mon chien Kiki...
Note: Ici Aimé Michel se lance dans une construction du récit en sélectionnant les éléments, trouvés dans la presse, qui lui paraissent les plus vraisemblables pour obtenir un récit cohérent.
...
  Enfin, le projecteur s’éteignit. Je retrouvai le contrôle de mes muscles et courus vers la voie ferrée. Mais déjà la masse sombre qui y était posée s’élevait du sol en se balançant légèrement à la façon d’un hélicoptère. J’avais pu toutefois voir une sorte de porte se fermer.
Note: A ce moment là, Dewilde ne vit rien du tout, il entendit la fernmeture de la porte, mais fermait encore les yeux.
Une épaisse vapeur sombre jaillissait par-dessous avec un léger sifflement. L’engin monta à la verticale jusqu’à une trentaine de mètres, puis, sans cesser de prendre de l’altitude, piqua vers l’ouest en direction d’Anzin. A partir d’une certaine distance, il prit une luminosité rougeâtre.
  « Une minute plus tard, tout avait disparu. »
Note: Cette reconstruction du récit par Aimé Michel va servir à Michel Carrouges pour analyser l'observation, sans qu'il se rende compte que la cohérence qu'il y trouve n'est pas propre à l'observation, mais à Aimé Michel.

Aimé Michel donne de l'autorité à l'observation.

L'enquête. Lorsqu’il eut un peu repris ses esprits, M. Dewilde alla réveiller sa femme, puis un voisin. Il courut ensuite à la plus proche gendarmerie, celle de la petite localité d’Onnaing, à deux kilomètres de là. Il était si ému et ses propos semblèrent si décousus qu’on le prit pour un fou et qu’on le pria de rentrer chez lui sans l’avoir entendu. Il se rendit alors au commissariat de police, où il arriva vers minuit.
Note: La gendarmerie se trouvait à Quiévrechain, et non à Onnaning, et Dewilde ne fut pas pris pour un fou par les gendarmes puisqu'il trouva la gendarmerie fermée.
  Le commissaire Gouchet comprit sur-le-champ que quelque chose d’extraordinaire venait de se passer et décida de l’entendre. Il trouva devant lui un homme tremblant de tous ses membres. Il fut pris de ce qu’on appelle en argot de l’armée une « colique militaire », phénomène bien connu de ceux qui ont été au feu, et qui est pudiquement désigné par les rédacteurs du rapport par les mots « contractions intestinales ». Sans engager son opinion sur l’observation elle-même, le commissaire Gouchet, ayant entendu le témoin, écarta sans hésitation l’hypothèse d’une comédie ou d’une simulation : la peur de M. Dewilde était trop évidente.
Note: Le commissaire ne vit rien du tout. Ce sont les policiers de garde qui virent Dewilde, manifestement très apeuré, et le renvoyèrent chez lui en lui promettant de prévenir le commissaire.
  Le rapport du commissaire Gouchet déclencha une triple enquête, menée conjointement par la police, la gendarmerie de l’Air et la D. S. T. Au cours d’un premier transport sur les lieux exécuté le lendemain, ces trois organismes recueillirent une nouvelle fois la déposition de M. Dewilde. Les enquêteurs voulaient déterminer au préalable si le récit pouvait être retenu. Il s’agissait, en somme, de peser la bonne foi du témoin. Ils aboutirent à la même conclusion que le commissaire Gouchet et écartèrent l’hypothèse de la simulation.
Note: prévenue par les commissaire, la police de l'air vint dès l'après midi du lendemain, mais trois polices font évidemment plus sérieux qu'une seule.

Aimé Michel mentionne des preuves de l'atterrissage

  En cinq endroits, trois des traverses de bois du ballast portaient des marques identiques d’une surface de quatre centimètres carrés chacune. Ces marques étaient fraîches et propres. Elles montraient que le bois des madriers avait subi en ces cinq endroits une très forte pression, comme s’il avait supporté un objet très lourd. De plus, la disposition des cinq marques présentait une symétrie. Les trois du milieu, transversales, étaient sur une même traverse, distantes les unes des autres de 43 centimètres. Les deux autres, situées de part et d’autre de la ligne formée par les trois premières, étaient distantes des précédentes de 67 centimètres. Interrogé par les journalistes sur ce qu’il pensait de ces cinq traces, l’un des inspecteurs de la police de l’Air menant l’enquête leur répondit:
  « Un engin qui atterrirait sur des béquilles et non sur des roues comme nos propres engins ne laisserait pas d’autres empreintes. » (Il est évident que ce propos, faisant part d’une interprétation subjective, n’est pas rapporté dans le dossier.)
  Pour expliquer ces traces, on suggéra d’abord qu’elles avaient pu être laissées par des ouvriers de la voie posant des tire-fond. Mais aucun travail de cette sorte n’avait été fait depuis longtemps : or, les traces étaient fraîches. De plus, si cette hypothèse pouvait à première vue expliquer chacune des traces prises isolément, elle ne donnait aucune raison valable de leur disposition géométrique.
Note: Il est bizarre que devant des traces de coup de burin, on ait pensé à des trous de tire-fond. Depuis quand met on des tire-fond au milieu des traverses?

Aimé Michel découvre la masse de l'engin

  Enfin (et je n’ai eu connaissance de ce point capital que deux ans après), les ingénieurs des chemins de fer, consultés par les enquêteurs, déterminèrent la pression qu’il avait fallu exercer sur les traverses pour obtenir de telles empreintes. Voici en substance leur réponse:
  « La pression révélée par ces empreintes correspond à un poids de trente tonnes. »
Note: Ce chiffre de trente tonnes va faire une belle carrière, car c'est la seule réference de poids qu'on ait pour une soucoupe. Mais on aimerait savoir comment ces ingénieurs l'ont déterminé, et s'ils sont allés sur place. Un burin ne pèse pas trente tonnes, tout de même.
  Voilà qui sans doute explique le propos d’un inspecteur de l’Air rapporté plus haut.
  En examinant les pierres du ballast, les enquêteurs trouvèrent un autre détail bien difficile à expliquer : à l’endroit de l’atterrissage supposé, ces pierres étaient friables, comme si on les avit calcinées à haute température.
Note: Ces pierres friables ne se trouvent pas dans les sources initiales. Les journaux d'époque disent seulement que les inspecteurs de la police de l'air ont prélevé quelques pierres pour analyse, et la revue Semaine du Nord, précise que c'est Marius Dewilde qui a attiré leur attention dessus.

Aimé Michel mentionne d'autres témoins

Témoins. Enfin, les enquéteurs retrouvérent des dépositions faites le samedi 11 septembre par cinq personnes de deux villages voisins qui corroborent le récit de M. Dewilde.
  A Onnaing (deux kilométres au sud), M. Edmond Auverlot et M. Hublard avaient apergu le vendredi 10 vers 22 h 30 - heure indiquée par M. Dewilde - une lueur rouge se déplaçant dans le ciel, semblant venir de la direction de Quarouble. On ne peut s’empécher de penser à la « luminosité rougeétre » signalée par le témoin lors du départ de l’engin supposé.
  Au méme moment, trois jeunes gens qui sortaient d’un bal à Vicq, à 800 métres de la, avaient également apergu la méme lueur dans la méme direction.
Note: Vicq est à 2.4 km, et nous n'avons trouvé aucune source disant que les témoins sortaient d'un bal, mais ça fait plus vivant.
Ces témoignages corroborent effectivement la description de la dernière phase de l'observation de Marius Dewilde, mais comme c'est la description d'un bolide, ils invalident l'interprétation par un engin volant.

( Aimé Michel, Mystérieux Objets Célestes, Arthaud 1958, page 64 à 69)

Et voila! Un témoin crédible, un récit cohérent, des traces indubitables, la caution des autorités, la caution d'autres témoins, un ballast rendu friable, un poids de trente tonnes.
La légende est en marche...

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Dernière mise à jour: 05/10/2016