Pas de martien à Joinville le Pont

On a peine à croire qu'on ait pu accorder du crédit à la plaisante lettre d'un lecteur à Ici-Paris. Et pourtant...

Petit Courrier
des soucoupes
volantes
  M. Louis Perret, industriel à Paris, est heureux de notre objectivité:
  - Vous relatez les faits dont ont été témoins des personnes dignes de foi. Un ami, M. D..., et moi, nous promenions sur les berges de la Marne, à 21 heures 35, le 25 septembre, à Joinville-le-Pont. Un engin descendit à la verticale et se posa sans bruit à vingt mètres de nous... Deux êtres descendirent, deux étranges personnages de 1 mètre 10 environ, le visage couvert de poils. Comme j'étais immobilisé par le rayon, l'un d'eux se précipita sur moi et m'arracha mon pantalon. Cela peut vous paraître invraisemblable et pourtant nous étions deux. Mon ami cria et les deux Martiens remontèrent dans leur engin qui s'éleva à la verticale...
On conçoit que notre correspondant ne soit pas près d'oublier cette aventure.
(Ici Paris, 11 octobre 1954)


Ce simple titre, "Petit courrier", indique déja que le rédacteur ne prend pas cette affaire très au sérieux.



Par contre, l'auteur de la lettre semble fort désireux d'être pris au sérieux. Après s'être présenté comme un industriel parisien, il explique qu'il s'agit d'un récit de témoins "dignes-de-foi", et qui auraient été deux (pour qu'on ne soupçonne pas la lettre d'un plaisantin)
Mais bien sûr!
Malheureusement, le témoignage de M. D...., l'autre témoin n'est pas cité.
Malheureusement, alors que les vrais témoins décrivent l'engin comme ils peuvent, il n'y a ici aucune description.
Malheureusement, cette histoire de rayon paralysant semble sortie tout droit d'un article journalistique décrivant l'affaire de Quarouble.
Malheureusement, les canulars mis à part, les rencontres rapprochées avec des pilotes de soucoupes volantes n'ont jamais lieu en milieu urbain.
Malheureusement, aucun autre article de journal ne vient corroborer cette histoire extravagante, au contraire des cas bien moins extravagants de Quarouble, Mouriéras ou Loctydy.
Et curieusement, l'heure est indiquée à la minute près!

Conclusion: Cette histoire a exactement le profil d'un canular, et non d'une véritable observation.

Ce cas est inconnu d'Aimé Michel, de Charles Garreau, de Michel Carrouges, de Jacques Vallée, et n'apparait dans la littérature ufologique qu'en 1979, avec des doutes.

1979 Michel Figuet regrette l'absence d'enquête

25 09 1954 21 h 35 Joinville-le-Pont (berges de la Marne) 94340 C5.

TÉMOINS. M. Louis Perret, industriel à Paris et un ami, M. D, (XX).

OBSERVATIONS.
  a) Un engin qui se pose sans bruit (pas de description).
  b) Deux étranges personnages de l m 10 environ, le visage couvert de poils.

DÉROULEMENT. M. Louis Perret et un ami se promènent sur les berges de la Marne. Il est 21 h 35, un engin descend à la verticale et se pose sans bruit à 20 mètres d’eux. Deux êtres descendent, deux étranges personnages de 1 m 10 environ, le visage couvert de poils.
  « Comme j’étais paralysé par un rayon (pas de description), l’un d’eux se précipita sur moi et m‘arracha mon pantalon. Mon ami cria, et les deux êtres remontèrent dans leur engin qui s'éleva à la verticale et disparut. »

EFFET. Paralysie du témoin.

A NOTER. La vision d’êtres de petite taille avec un visage couvert de poils, comme dans de nombreux cas.
  Par manque d’enquête, ce cas est douteux.

SOURCES. Journal au titre inconnu sous la rubrique: « Petit courrier des soucoupes volantes » du 26/09/1954.

Note: la date est fausse, c'est en fait le 11/10/1954.
(Michel Figuet, OVNI: Le premier dossier complet des rencontres rapprochées en France., Alain Lefeuvre 1979, p 86)

1979 Barthel et Brucker récusent l'autorité de la source.

Faisons ici notre mea culpa. Parmi tous les récits que nous possédions, nous nous étions promis de tout soumettre à enquête; pourtant la narration de l’incident qui va suivre, nous ne l’avons pas vérifiée, d'une part, parce que le témoin Louis Perret habite Paris, sans plus de détails, d’autre part, parce que cette affaire a été révélée par un journal de « notoriété universelle » et connu par chacun: Le petit courrier des soucoupes volantes du 26 septembre 54 (sic) 14.
« Monsieur Louis Perret et un ami se promènent sur les berges de la Marne. Il est 21 h 35, un engin descend à la verticale et se pose sans bruit à 20 m d’eux. Deux êtres descendent, deux étranges personnes de 1,10 m environ, le visage couvert de poils.
- Comme j'étais paralysé par un rayon (pas de description), l'un d’eux se précipita sur moi et m'arracha mon pantalon.
Mon ami cria et les deux êtres remontèrent dans leur engin qui s'éleva à la verticale ».
Nous espérons que les deux agresseurs de Monsieur Perret en ont fait bon usage, et se sont inspirés de la coupe, probablement parfaite, du pantalon que portait cet industriel parisien pour cette promenade crépusculaire à Joinville-le-Pont.

(Gérard Barthel et Jacques Brucker, La grande peur martienne, Nouvelles éditions rationalistes, Paris 1979, page 83-84)

1985 Michel Figuet reproduit l'article original

  Les gens qui enquêtaient et qui cherchaient à cette époque, et que M. J.F. GILLE nomme pompeusement des « ufologues », ne pullulaient pas sur l'ensemble du territoire français. Ils réalisaient la plupart du temps une enquête comme peut la faire un journaliste en mal de copie ou en quête d'un bouche-trou dans la rubrique des chats écrasés et dans l'intarissable « PETIT COURRIER DES SOUCOUPES VOLANTES »
Note: ici Figuet reproduit la photocopie de l'article d'Ici-Paris, cité plus haut, avec la mention: journal inconnu (article découpé par un enquêteur consciencieux ou un ami de "l'ufologue".)
(Michel Figuet, Heureux ceux qui croient sans savoir, Lumières dans la Nuit N° 249-250, Mars-Avril 1985, p. 20)

1997 Jean Sider invoque la récurrence du visage velu.

- 25 septembre, 21h15, Joinville-le-Pont, Val-de-Marne.
Mr. Louis Perret.
Mr. Perret, industriel parisien, en compagnie d'un ami (anonyme), se promène sur les berges de la Marne. Un appareil est remarqué venant vers le sol à la verticale, qui se pose sans bruit à 20m des deux hommes. Deux êtres faisant environ 1m10 en descendent, le visage couvert de poils. Mr. Perret se sent paralysé par un rayon (sic) et l'un des nains velus se précipite sur lui pour lui arracher son pantalon (!). Puis les deux personnages regagnent leur machine qui reprend l‘air verticalement pour disparaître dans le ciel.
Source : Ici-Paris, Paris, 11 octobre 1954, p. 12.
Nota : Il s'agit en fait de la lettre d'un lecteur envoyée à l'hebdomadaire parisien. Figuet, p. 86, se réfère à un journal inconnu nanti d'une date fausse !! S'agit-i1 un canular ? Le lecteur fera son choix. Je remarque toutefois que c‘est le premier cas de la vague mettant en scène un petit humanoïde au visage velu, type d'occupant qui apparaîtra plus tard dans d’autres RR3. Par conséquent, si canular il y a, c'est vraiment une coïncidence extraordinaire.
Note: Pas besoin d'invoquer une coincidence. Si le prétendu témoin affirme que son observation eut lieu le 25 septembre, rien ne nous indique qu'il rédigea sa lettre le 26. Si cela avait été le cas, elle aurait probablement été publiée dans l'édition du 4 octobre. Par contre s'il l'avait rédigée le 7 octobre, elle aurait été reçue le 8, et publiée le 11. Or le 7 octobre, la France entière apprenait que dans le Finistère, on avait observé le 5, un martien au visage couvert de poils. Il n'y a donc pas besoin d'évoquer une prescience du prétendu témoin.
(Jean Sider, Le dossier 1954 et l'imposture rationaliste, Ramuel, 1997, page 169)

2014 Julien Gonzalez prend l'affaire pour argent comptant

Joinville-le-Pont, Val-de-Marne, 25 septembre 1954, 21 h 15.
M. Louis Perret.

M. Perret, industriel parisien, en compagnie d‘un ami (anonyme), se promène sur les berges de la Marne. Un appareil est remarqué venant vers le sol à la verticale, qui se pose sans bruit à 20 mètres des deux hommes. Deux êtres faisant environ 1.10 m en descendent, le visage couvert de poils. M. Perret se sent paralysé par un rayon et l’un des nains velus se précipite sur lui pour lui arracher son pantalon. Puis les deux personnages regagnent leur machine qui reprend l’air verticalement pour disparaître dans le ciel.

Sources: Ici-Paris du 11 octobre 1954; Jean Sider, Le dossier 1954 et l’imposture rationaliste, page 169.
Note: Alors que Julien Gonzalez a réservé un chapitre pour les cas démystifié, il n'émet aucun réserve sur ce cas, et passe sous silence celles de Jean Sider.
(Julien Gonzalez, RR3 - Le Dossier des Rencontres du Troisième Type en France, Le Temps Présent, 2014, pp 91)

Ce cas, évoqué en 1979, n'a vu son texte complet publié qu'en 1985, et sa source originale mentionnée qu'en 1997, soit 43 ans après.
Il n'empèche que, comme nous l'avons montré plus haut, ce cas a tout à fait la structure d'un canular, d'autant qu'il a été publié dans un hebdomadaire "people", et que le prétendu témoin y a ajouté un détail invraisemblable: Comment le "martien" aurait il pu lui arracher son pantalon, s'il était immobile, les pieds rivés au sol?
Notons aussi que le témoin ne dit pas qu'il a été paralysé par un rayon, mais paralysé par "le" rayon. Comme si l'action d'un rayon paralysant était devenue rituelle dans les atterrissages de soucoupes volantes.
Il semble donc qu'après avoir lu que le témoin de Quarouble avait été paralysé par un rayon, et que celui de Loctudy avait vu un martien au visage couvert de poils, M. Perret se soit amusé à inventer une histoire réfutable, destinée à un lectorat crédule.
Car enfin, qu'est ce qui est le plus probable? Que des extraterrestres fassent des milliards de kilomètres pour venir arracher son pantalon à un promeneur parisien sur les berges de la Marne, ou qu'en pleine vague d'histoires de soucoupes, un plaisantin écrive une histoire cocasse?

Non, décidément non. Pas de martien à Joinville-le-Pont.

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Dernière mise à jour: 10/04/2018