Pas de martien pour le cantonnier

Le cas dit de Mertrud figure dans tous les bons catalogues d'atterissage de soucoupe volante avec occupants.
A en croire Jacques Vallée un cantonnier a vu un nain chevelu remonter dans son engin:

5 octobre 1954, 07h 15. Mertrud (France)
Un cantonnier, M. Narcy, aperçut un objet près de la route entre Voillecomte et La Neuville. Dans son rapport à la police, il déclara avoir vu un nain chevelu, vêtu d'une sorte de jaquette orange, qui remontait à bord du vaisseau dont une des sections avait la forme d'un cigare sous un disque plat. Entre les deux sections se trouvait un hublot à travers lequel l'entité s'introduisait dans l'objet. Des traces furent retrouvées à cet endroit.
(P. 38, P. 39)
38: Le Parisien, 7 octobre 1954.
39: Combat, l'Aurore, France-Soir, 8 octobre 1954; Journal du Dimanche, 10 octobre 1954

(Jacques Vallée , Un siècle d'atterrissage UFO, in Chronique des apparitions extraterrestres, Denoel 1972, page 292)

La première source de vallée fut donc Le Parisien du 7 octobre. Voici ce que nous y lisons:

D'autres traces près de Wassy (Hte-Marne)
Saint-Dizier, 6 octobre, de notre corr. part.) - M. André Narcy, agé de 48 ans, père de sept enfants, cantonnier aux ponts et chaussées à Wassy depuis 19 ans, demeurant à Mertrud (Haute-Marne), a été témoin d'une étrange apparition hier matin 5 octobre. Il a fait un long récit où il décrit une soucoupe en stationnement et près de laquelle il a pu apercevoir des personnages de petite taille.

( Le Parisen Libéré, 7 octobre 1954, page 5)

Notons que la date de l'observation est le 5, mais qu'il est question de personnages de petite taille, et non d'un seul. Le correspondant de Saint-Dizier n'a probablement pas interrogé le témoin lui-même.
Les journaux locaux sont, comme d'habitude, plus précis:

Un cantonnier découvre une soucoupe
volante en Haute-Marne
"Un petit être poilu se tenait debout à côté de l'engin" affirme le témoin

  SAINT-DIZIER. -- L'affaire des objets volants prend des proportions considérables. On assiste à une véritable épidémie de visions variées qui, malgré tout, coïncident étrangement sur certains points.
  Nous laisserons à d'autres le soin d''épiloguer et nous nous bornerons chaque fois que la chose est possible, à donner les témoignages dans leur intégrité car nous estimons que devant ces phénomènes, nous en sommes encore au stade de l'observation pure et simple.
  Personne ne peut prouver l'inexistence des objets volants et ceux qui les ont vus en affirment l'existence. Ces derniers sont d'un certain nombre maintenant et la plupart sont d'honnêtes gens bien incapables d'une mystification. Parmi eux, on peut ranger M. André Narcy, âgé de 48 ans, père de 7 enfants, cantonnier aux Ponts-et-Chaussées depuis 19 ans, demeurant à Mertrud, près de Wassy (Haute-Marne). M. Narcy a été le témoin d'une étrange apparition hier matin.
Note: Ce "hier matin" semble se rapporter à la date de rédaction de l'article, le 6 octobre, et non à la date de parution.
Une apparition qui ajoute un élément au dossier déjà volumineux des objets volants inconnus. M. Narcy avait quitté son domicile de bonne heure pour se rendre à moto sur un chantier des Ponts et Chaussées entre Voillecomte et Wassy. Il emprunta la route Laneuville à Rémy - Voillecomte et c'est entre ces deux villages qu'il vit la chose phénoménale. Laissons-le parler:
  « Il était 7 h. 15. Tout en roulant, j'approchais de la vieille Tuilerie, un lieu-dit, quand sur ma gauche dans les champs j'aperçus quelque chose d'orange. Je crus que c'était une bâche tendue sur le sol ou bien la tente d'un campeur. Mais soudain j'eus un choc au coeur et réalisai qu'il s'agissait d'un engin. Je stoppai, rangeai ma moto contre la barrière, passai sous les barbelés et courus dans la pâture en direction de la chose. L'engin était posé sur le sol au fond d'une cuvette où jadis on extrayait la glaise pour la tuilerie maintenant en ruines. De loin, je n'avais vu que la calotte de la Soucoupe Volante qui m'apparaissait maintenant en entier. J'en étais à peu près à 100 mètres et commençais à distinguer tous les détails quand je vis un être debout à côté de l'engin. Cet être mesurait à peu près 1 m. 20 de haut. Il me parut tout couvert de poils, ou bien il portait un habit serré en fourrures autour de la taille il portait une sorte de large corset de couleur orange. Sur la tête, il avait une sorte de toque en peluche. Il était immobile et semblait me regarder. Je ne distinguais pas ses traits. Soudain je pris conscience du fait que j'étais seul en face de lui. J'eus peur et m'arrêtais de courir. Faisant un geste, je l'interpellai. Alors il s'engouffra dans sa machine très rapidement. Je distinguais nettement quand il se pencha pour entrer par un hublot rond, qu'il avait des bras. J'eus largement le temps de voir la Soucoupe avec précision. Elle était de forme sphérique d'un diamètre approximatif de 10 mètres. En-dessous de cette sphère, je vis une sorte de fuseau. Le hublot rond se trouvait entre la sphère et le fuseau. Il se referma sur le petit être et je vis une sorte de fumée d'une extrémité du fuseau tandis qu'il se produisait un grand remous vaporeux sous la Soucoupe qui s'éleva à la verticale. Tout disparut très vite dans les nuages. Je n'avais entendu qu'une sorte de bruissement comparable à celui d'un moteur électrique ».
  Aussitôt, M. Narcy regagnait sa moto et se rendit à son chantier au plus vite. Là ses camarades, en voyant sa pâleur, lui demandèrent s'il n'avait pas eu d'accident. M. Narcy raconta son aventure et, en compagnie de deux autres cantonniers, MM. Louis Riel et Henri, retourna sur les lieux. A l'endroit même de l'apparition, les trois hommes constatèrent que la rosée du matin n'existait plus sur une large surface où elle avait été comme séchée. L'herbe semblait avoir été tassée sur un carré de 3 mètres sur 3, tous les abords étant nettement visibles. Cette herbe avait un aspect laiteux. Par ailleurs on voyait une douzaine de traces larges comme deux mains chacune, de forme ronde, plus profonde d'un côté que de l'autre. Les traces allaient par terre. Dans la même terre chaque trace était distante de 50 cm, de l'autre et ces terres étaient elles-mêmes séparées par 1 m. 50 environ.
  Elles étaient dispersées en ligne droite au départ du quadrilatère décrit. Plus haut on dirait que la mystérieuse machine a fait six sauts avant de s'immobiliser. Une de ces traces semblait indiquer un dérapage sur 40 centimètres...

(Le Républicain Lorrain, 7 octobre 1954.)

Cette fois, c'est presque trop précis. Mais le lendemain, un autre journal donne un son un peu différent.

Le cantonnier de Mertrud assure
avoir vu au sol, à LANEUVILLE-A-REMY

UNE SOUCOUPE VOLANTE
pilotée par un "orang-outang"
L'engin de 2 m. 50 de haut sur 3 m. de long était vert-orange avec du jaune...

  - "Une soucoupe volante s'est posée près de Wassy!".
  Tel était le bruit qui courait le mercredi 6 octobre 1954 dans la petite cité.
Note: Là encore, le fait que le journaliste en ai entendu parler le 6, ne prouve pas que l'observation a eu lieu le 6.
...
Le cantonnier de Mertrud, M. Narcy, s'il est réputé comme un excellent garçon, est également connu comme étant doué d'une imagination qui ne manque pas d'originalité.
...
  -« Qu'avez-vous vu? » avons-nous demandé à M. Narcy.
  Alors qu'il venait de prendre son service au chantier bordant la route qui traverse Laneuville-à-Rémy, M. Narcy d'après ses déclarations, aurait aperçu à 250 mètres devant lui, alors qu'il arrivait à la hauteur d'un vaste pré peuplé de vaches et de chevaux, et situé à la lisière d'un petit bois, comme une bâche étendue sur l'herbe. Intrigué, il posa sa moto contre un bouquet d'arbustes. Puis, ayant soulevé les fils-ronce, il s'engagea sur le pré. Arrivé à 200 mètres environ de l'objet insolite, dissimulé en partie par la déclivité assez accentuée du terrain, il identifia l'objet:
  -« C'était une soucoupe ! »
  -« Quel était, à votre avis, ses dimensions ?
  -« Deux mètres cinquante de haut, sur trois mètres de long.
  -« Quel était sa couleur ?
  -« Vert-orange, avec du jaune.
Un orang-outang
  -« Avez-vous vu son passager ?
  -« Oui.
  -« A quoi ressemblait-il ?
  -« On aurait juré un orang-outang d'un mètre 20 de haut.
  Il n'avait pas de vêtement mais il était couvert de poils.
Il y avait du brouillard
  -« Quelle heure était-il ?
  -« 7 h. 15.
  -« Le temps était-il clair ?
  -« Il y avait du brouillard.
J'ai crié: « Hep », assure M. Narcy. Alors l'orang-outang est remonté dans son engin, qui s'est élevé verticalement, en laissant échapper, par-dessous, une légère fumée. Il disparut rapidement.
  M. Narcy se précipita alors vers son chantier, à 3 km. de là. Son agitation et sa pâleur intriguèrent fort ses camarades. Ils ont tenu à nous le spécifier, unanimement.
  C'est alors qu'il fit le premier récit de son aventure.
Visite sur les lieux
  Nous sommes allés sur le pré, à Laneuville-à-Rémy, avec M. Narcy, les policiers, et plusieurs témoins.
  M. Narcy à reconstitué les scènes successives telles qu'il assure les avoir vues, et sur un ton de parfait naturel.
  Il a précisé l'endroit où il dit avoir vu l'engin et qui n'est pas exactement celui qui a pu être indiqué d'autre part. C'est à 50 mètres de traces assez profondes, marquées dans le sol, et qui auraient pu être provoquées par un soc de charrue (par exemple), que la soucoupe était posée.

(La Haute-Marne Libérée, 8 octobre 1954, page 5)

Cette fois, le témoin était à 200 mètres et non plus à 100. Quant aux traces, elle n'étaient pas à l'endroit où se situait l'objet, et semblaient n'avoir aucun rapport avec l'observation. Enfin, il y aurait eu du brouillard.

Mais voila qu'un autre article du journal précédent, plaisante cette observation, et M. Narcy d'écrire au journal:

D'après votre article de ce jour "Pigeon Vole" je puis vous affirmer que ce n'est pas un vol de canard que j'ai vu car il aurait manqué dans ce groupe la "Haute-Marne-Libérée".
D'autre part si des informations sont déformées par le téléphone je crois que votre appareil doit être également en mauvais état car si l'individu que j'ai vu ressemblait à un singe je n'ai pas dit que c'en était un, pas plus qu'un martien.

( La Haute-Marne Libérée, 13 octobre 1954, page 5)

Radar met les pieds dans le plat

Bon, nous savons que l'occupant aurait ressemblé à un singe, mais voila que la revue Radar nous assène ses propres conclusions:


(Radar, 17 octobre 1954, p 3)

Donc ces deux témoins qui ne se connaissaient pas auraient vu la même chose, dessiné la même chose, et donc n'auraient pas menti.
Seulement voila:
- Les deux dessins des témoins ne sont absolument pas identiques (sauf à avoir pris du LSD)
- D'après le Républicain Lorrain, l'observation de Grégoire Oldut aurait eu lieu le 6 octobre à 6H du matin, alors que nous savons, puisque que le correspondant du Parisien Libéré, envoie le 6 une dépèche mentionnant la date du 5, que celle d'André Narcy aurait eu lieu le 5 à 7H 15.
- M. Oldut s'engageant sur la route de Wassy en venant des "Babottes" se trouvait face à l'est. Le rideau d'arbres au lieu dit "la Tuilerie" se trouvait pour lui, au nord-est, et donc l'objet aussi. Si M. Narcy venait de Voillecomte il aurait bien pu voir l'objet avant d'arriver à la Tuilerie, mais il était censé venir de Laneuville.
- Le dessin "minutieusement reconstitué" montre un être en scaphandre, alors que M. Narcy parlait d'un être velu ressemblant à un orang-outang.

Donc ces deux témoins n'ont pas vu la même chose et n'ont pas dessiné la même chose.
Alors? ce journaliste est il fou, ou nous prend il pour des imbéciles? Nous avons notre petite idée là dessus...

C'était un canular!

Voila qu'on apprend que ce brave cantonnier avait tout inventé!

WASSY-MERTRUD
La "SOUCOUPE VOLANTE"
et son "PASSAGER VELU"

n'ont existé que dans la cervelle féconde
en "blagues" de M. NARCY
...
l'épilogue de cette histoire ne ressemble en rien à ses débuts.
La police s'était, comme il se doit, emparée de l'affaire.
Note: En fait, il devait s'agir de la gendarmerie.
Son enquête lui permit, rapidement, d'établir que M. Narcy n'avait pu, en aucune façon, voir une soucoupe volante près de la "Vieille Tuilerie" à 7 h. 15 du matin, pour l'excellente raison qu'au jour dit, à cette heure, il ne s'y trouvait pas (ce n'est pas à nous de dire où il était alors).
Samedi, lors d'une visite des représentants de la loi, M. Narcy devait reconnaître, très gentiment d'ailleurs, que l'histoire de sa "soucoupe" était pure imagination.
Il l'avait montée pour faire "marcher" ses camarades de travail, sans autre intention.
Lorsque l'histoire s'ébruita, il se trouva pris dans l'engrenage et maintint ses dires pour éviter le ridicule.
( Le Haut-Marnais Républicain, 18 octobre 1954.)

Quelques journaux du 19 octobre, vont diffuser cette information, comme envoyée de Dijon, le 18, en écrivant que le cantonnier avait inventé cette histoire pour excuser son retard à son travail.

Le cantonnier était arrivé
en retard à son travail...
Parce qu'il vu
une "soucoupe volante"
  Dijon, 18. - Il y a dix jours, M. André Narcy, 47 ans, cantonnier à Mertrud, arrivait à son travail tout essoufflé:
« J'ai vu une soucoupe volante! » affirma-t-il. Et de donner force détails: un engin de couleur orange arrété dans un champ, un petit être vétu d'une houppelande à pols. Un beau démarrage à la verticale du mystérieux appareil.
  D'ailleurs M. Narcy pouvait montrer l'endroit. Avec deux de ses camardes, MM. Riel et Henry, il y retourna. Tous trois déclarèrent qu'en effet la rosée avait séché sur une certaine surface, que l'herbe avait pris « une teinte légèrement laiteuse », qu'on apercevait des traces de pieds ronds. etc...
  Bref, interrogé à nouveau par la gendarmerie, M. Narcy vient d'avouer qu'il avait monté cette histoire de toutes pièces pour excuser son arrivée tardive au travail.

Note: Dans le titre, il faut évidemment lire "il avait vu" au lieu de "il vu". Le journaliste devait être essoufflé, lui aussi.
(Le Journal du Pas de Calais et de la Somme, 19 octobre 1954, page 1)

Dans la région du Nord, la même dépèche est reproduite le même jour par Nord Littoral, mais aucun autre journal, comme La Voix du Nord, ou Le Courrier Picard n'en parle. Ainsi, peu de journaux ayant répercuté cette information, beaucoup d'ufologues vont l'ignorer, à commencer par Vallée dont nous avons vu la citation.

Polémique chez les ufologues

Mais alors que les bons auteurs, ignorant les aveux du témoin, intégraient ce cas dans leurs catalogues, quelques irréductibles semèrent le doute.
En avril 1975, Jean Giraud révélait au petit monde ufologique, ce qui était connu depuis 21 ans, à savoir que M. Narcy avait avoué avoir inventé son histoire

5/10/54, Mertrud près de Voillecomte (Haute Marne)

Vers 7h15, alors qu'il se rendait à son travail, M. NARCY, un cantonnier,
remarqua un objet orange posé dans un champ.  Il s'en approcha à une cen-
taine de mètres et aperçut près de l'engin un petit être de 1,20m vétu
d'une houpelande à poils. Le témoin l'interpella mais l'être se précipi-
ta dans son appareil qui sassitôt décollaa à la verticale. (Centre Matin du
8/10/54)
...
SEULEMENT VOILA:
Le 7/10/54 Mr. NARCY de Mertrud avouait avoir inventé son histoire pour
se faire excuser un retard à son travail. Il fut hélas exceptionnel que la
presse publia ce démenti.

Note: orthographe et typographie respectés. Le 7/10 au lieu du 17/10 est probablement une faute de frappe, comme il en a d'autres dans le texte.
(INFO OVNI n° 0, Avril 1975, septième et huitième page)

Dès lors deux attidudes vont s'affronter: Celle de ceux qui admettent le canular, et celle de ceux qui l'ignorent, ou le récusent.

Ceux qui admettent le canular, auraient du être des sceptiques, mais curieusement ils se sont conduits comme des naïfs, en reprenant sans vérification l'information donnée par Jean Giraud. Or la date était erronée, et c'est ce qui permet de comprendre qu'ils se sont basés exclusivement sur Giraud, et pas sur les démystifications de la presse de l'époque.
C'est d'abord en 1978, Alain Gamard.

09. : 5 octobre 1954, 07 h 15, Mertrud, près de Voillecomte (Haute-Marne).
L'anecdote: Alors qu'il se rend à son travail, M. André Narcy, 48 ans, cantonnier, remarque dans un champ, au lieudit «La Vieille Tuilerie », un objet de couleur orange, de 10 mètres de diamètre. S'en approchant à une centaine de mètres, il aperçoit près de l'engin un petit être de 1,20 m vêtu d'une houppelande couverte de poils. Le témoin l'appelle, mais l'être se précipite dans l'appareil qui aussitôt décolle à la verticale et disparaît dans les nuages. Des traces de dérapage sont relevées dans l'herbe
Réf. : - Centre-Matin du 08/ 10/54.
          - France-Soir du 08/10/54.
          - C.V. 196.
Les faits : Le 7 octobre 1954, le témoin avoue avoir inventé son histoire pour se faire excuser son retard au travail.
Réf. : - Info-OVNI n° 0.
Note: cette date erronée du 7 octobre montre que la source est INFO OVNI n° 0.
(Alain Gamard, Méprises, canulars and Co", in, Eric Zurcher, Les apparitions d'humanoïdes, Alain Lefeuvre 1978, p 178)

Puis en 1979, Barthel et Brucker, qui croient pouvoir dénoncer la légèreté des journalistes de Radar.

Arrivés parmi les premiers sur les lieux, ce sont deux journalistes de l'hebdomadaire « Radar », qui eurent la primeur de recueillir les témoignages des deux observateurs de Wassy.
Note: On peut douter de la primeur qu'eurent ces journalistes, puisqu'alors le reportage serait paru le 10 octobre, et non le 17.
Citons cette publication:
Deuxième témoin. André Narcy, 48 ans, cantonnier à Mertrud, à 15 km de Wassy. Il dépose ainsi : « C’est à 7 h du matin que j’ai vu une soucoupe et son passager. Le mystérieux engin, orange, de 10 m de diamètre, reposait dans le champ de la « vieille tuilerie ». J’étais à 100 m. Le pilote, debout près de son appareil, me regardait! Il était couvert de poils et mesurait à peine 1,20 m. Je lui fis signe. Aussitôt, il rentra dans la soucoupe par un hublot et s’envola à la verticale. « Tout » disparut très vite dans les nuages. J’ai alors relevé dans l’herbe des traces de dérapage produites par l'appareil ».
Cette observation a eu lieu le 5 octobre. Seulement dans cette affaire, un grain de sable vient faire grincer la mécanique: « Le 7-10-54, Monsieur Narcy, de Mertrud, avouait avoir inventé son histoire pour se faire excuser un retard à son travail. Il fut hélas exceptionnel que la presse publia ce démenti. » 7
Dénonçons ici la légèreté des journalistes de l’époque, leur manque évident de sincérité, leur malhonnêtetê, bref, la façon pernicieuse avec laquelle ils traitaient l'information: car l’événement ayant eu lieu le 5, le démenti ayant été publié le 7 octobre, l’hebdomadaire « Radar », qui se consacrait presque exclusivement au problème a publié le 17 octobre le texte que nous venons de citer.

Note: Là encore, c'est faux. Radar n'a jamais consacré que 4 pages au plus aux soucoupes volantes, et ne s'est pas géné pour démystifier les fausses photographies de soucoupes qu'on lui envoyait. Quand à l'aveu du canular, il n'a été publié que le 17, donc le jour même où est paru l'article de Radar.
(Gérard Barthel et Jacques Brucker, La grande peur martienne, Nouvelles éditions rationalistes, Paris 1979, page 74-76)

Quant à Michel Figuet, il fait lui aussi confiance à Jean Giraud.

Pour se faire excuser un retard a son travail

05 10 1954 7 h 15 Mertrud Marne.

TEMOIN. André Narcy, 48 ans, cantonnier.
OBSERVATIONS.
a) Un disque de 10 m de diamétre au sol.
  b) Un être de l m 20 de haut, chevelu et vêtu d’une sorte de jaquette orange (Vallée) vêtu d’une houppelande à longs poils (C. Garreau et R. Lavier).

DÉROULEMENT. Le témoin, qui est cantonnier a Mertrud, se rend a son travail. En arrivant prés de Voillecomte, il voit un objet circulaire posé dans un champ a 100 metres de lui, et apercoit un petit être qu’il appelle aprés s’être mis a plat ventre. Cet être s’est retourné, regarde autour de lui, puis pénétre dans son appareil par un hublot.
  Des traces furent découvertes.

EN REALITÉ. M. Narcy avait inventé cette histoire pour se faire excuser un retard a son travail. La presse publia ce démenti.

SOURCES. Catalogue Vallée, cas n° 198. - C. Garreau et R. Lavier: Face aux E.T., p. 31. - Le Parisien du 7/10/1954. Combat, l’Aurore, France-Soir du 8/10/1954. - Journal du Dimanche du 10/ 10/ 1954. - Centre-Matin du 8/ 10/ 1954. - Info-OVNI, n° 0 : « Le lapin et le renard » par le groupe 03100.

Note: là encore, la seule source rapportant le canular est INFO OVNI n° 0.
(Michel Figuet,OVNI: Le premier dossier complet des rencontres rapprochées en France., Alain Lefeuvre 1979, p 665)

En sens inverse, retrouvant le témoin, une trentaine d'années plus tard, des ufologues donnent un autre son de cloche.

  Revu récemment par les enquêteurs du groupe 5255, le témoin, lassé par les curieux, aurait inventé ces démentis pour avoir la paix.
(Lumières dans la nuit, n° 267-268, Septembre-Octobre 1986, page 41)

Mais M. Narcy aurait il menti aux gendarmes? Les autorités se seraient elles trompés en découvrant qu'il n'était pas sur les lieux?
Les choses se sont passés comme si M. Narcy racontait ce que ses interlocuteurs veulent entendre:
- A ses camarades de travail, friands de ses bonnes histoires, il raconte l'atterrissage d'une soucoupe.
- Aux gendarmes, qui n'y croient guère, il avoue le canular.
- Aux ufologues, friands d'atterrissages de soucoupes, il nie le canular.
Il ne nous étonnerait pas que le témoin ait ensuite démenti le démenti de son canular, mais nous ne pouvons plus lui demander, puisqu'en 2016, il aurait eu 110 ans.

Puis en 1997, Jean Sider fustige Barthel et Brucker pour n'avoir tenu compte que des affirmations de Jean Giraud, et pas de l'observation de M. Oldut. Et bien sûr, il mentionne le démenti du démenti.

À la suite d'un article quelque peu ironique paru dans La Haute-Mame Libérée, dans lequel Mr. Narcy était soupçonné d'avoir monté une farce, ce dernier écrivit une lettre de protestation qui fut publiée dans l'édition du 13 octobre, page 5. Le témoin maintenait ses dires initiaux, précisant même qu'il n'avait jamais dit avoir vu un singe, ni un Martien. Puis, le 18 octobre, les deux quotidiens cités précédemment divulguent les "aveux" de Mr. Narcy, qui admettait avoir raconté une fable. Curieusement La Haute-Marne Libérée expliquait que l‘homme avait agi ainsi pour justifier un retard au travail, pendant que Le Haut-Marnais Républicain parlait d'une simple blague pour faire marcher les copains, sans autre intention (sic)
Note: Nous avons vu que La Haute-Marne Libérée et Le Républicain Lorrain racontaient l'affaire de façon quelque peu différente. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce l'interprétation de la motivation du témoin diffère selon les journaux, d'autant que le dit témoin semble dire à ses interlocuteurs ce qu'ils veulent entendre.
Tous ces éléments contenus dans la presse régionale indiquent de façon indubitable que:
1 - Mr. Narcy semblait de bonne foi.
Note: D'après La Haute-Marne Libérée, le témoin était connu comme étant doué d'une imagination qui ne manque pas d'originalité.
2 - Ses "aveux" ne cadrent pas car deux explications différentes sont données.
Note: Ces deux explications différentes sont données par des journalistes différents, et ne changent rien au fait que le lé témoin a avoué son canular aux gendarmes.
3 - D'autres témoins ayant vu un phénomène de type ovni au même moment et pratiquement au même endroit, donnent du crédit à cet incident.
Note: Ces autres témoins, c'est surtout M. Oldut, dont nous avons vu que l'observation a eu lieu le lendemain, et à une heure différente.
Or, il se trouve que le groupe 52/55 a eu l'occasion de rencontrer Mr. Narcy, au milieu des années 1980. Mr. Roger Thomé put bavarder brièvement avec le témoin lequel n'avait plus envie de parler. Toutefois il réussit à obtenir la version suivante à propos des "aveux” : "J'ai dit que c'était un canular pour qu’on me fiche la paix"! LDLN n°267-268, page 41, publia cette mise au point en octobre 1986.
Note: Mais ceci ne prouve rien contre le canular, car on peut comprendre: "J'ai révélé que ce n'était qu'un canular pour avoir la paix.
(Jean Sider, Le dossier 1954 et l'imposture rationaliste, Ramuel, 1997, page 68-69)

Comme d'habitude, on trouve ceux qui croient que oui et ceux qui croient que non, pour des raisons qui ne sont pas meilleures chez les uns que chez les autres.

La désopilante théorie de Top Secret

Nous avons vu que le temoin avait décrit l'occupant comme ressemblant à un orang-outang, puis protesté qu'il n'avait pas dit que c'était réellement un singe, et enfin avoué avoir inventé son histoire.
Qu'à cela ne tienne, il suffit d'ignorer les démentis, d'ignorer que le témoin aurait vu l'occupant à 200 m, dans le brouillard, et voila un orang-outang pilote de soucoupe volante!
Mais un orang-outang, c'est un animal terrestre, la soucoupe était donc un engin terrestre, mais un engin ultra-secret. Et comme les premiers êtres lancés dans l'espace furent des animaux, la revue Top-Secret n° 46, n'y va pas par quatre chemins:

Ham
Le chimpanzé Ham
Analyse des faits
Le témoin M. Narcy a pu observer la soucoupe volante à eviron 200 mètres. Quand il affirme avoir vu un orang-outang d'1,20 m de haut, il ne formule aucun doute, ce n’est pas “une entité orange poilue” qu'il a dit avoir observé, mais bien un singe couvert de poils qui n'avait pas de vêtement. Quand il a crié dans sa direction, l'orang-outang est remonté dans son engin, qui s'est élevé verticalement, en laissant échapper, par-dessous, une légère fumée. La soucoupe n'a pas laissé de traces au sol.
...
Crédible ?
Un orang-outang pilotant un engin capable de performance époustouflante et en avance de plusieurs décennies sur la technologie connue en 1954, est-ce crédible ?
Pour une grande puissance travaillant sur l'antigravité en secret, tester ses engins au-dessus de la France, c'est déjà un bien gros risque de perdre son prototype, mais celui-ci est encore multiplié par dix si aucun humain n'est aux commandes.
( Top Secret N° 46, décembre 2009-janvier 2010, page 31)

C'était bien la peine de se donner tant de mal à occulter les détails génants, pour se rendre compte ensuite que ça ne tient pas debout.
Ajoutons que si Top Secret prétend que le chimpanzé Ham fut le premier de son espèce a être lancé dans l'espace le 31 janvier 1961, les premiers singes à être lancés dans l'espace furent des singes rhésus, lancés dans des capsules de fusées V2, en 1949. Ces pauvres singes furent les premiers martyrs de l'espace, car les parachutes de retour n'ayant pas fonctionné, ils s'écrasèrent avec leur capsules dans le désert du Nouveau Mexique, et furent probablement à l'origine de la rumeur des crashes de soucoupes volantes.

Enfin, 60 ans après les aveux du cantonnier, Julien Gonzalez essaie de sauver son observation

Entre Laneuville-à-Remy et Voillecomte, Haute Marne, 06 octobre 1954, vers 07h 15.
Note: ça commence mal, puisque l'observation du cantonnier date du 5.
M. André Narcy, 48 ans, cantonnier demeurant à Mertrud.

ici, le récit de la première version de l'observation
Informations complémentaires:
ici, l'auteur mentionne:
1. la protestation du témoin dans La Haute-Marne Libérée, 13 octobre
2. l'opinion de Jean Sider suggérant qu'une entente a été conclue entre le témoin et les renseignements généraux.

3. Selon Le Républicain Lorrain du 9 octobre l954, un autre témoin se fit connaître: « En effet, un fermier des Bobottes, sur la route de Wassy-Montier-en-Der, M. Grégoire Odut, âgé de 64 ans, cultivateur, venait de donner du fourrage à ses chevaux. Il était 6 heures du matin. Il sortit sur la route pour examiner le ciel afin de voir si le temps lui permettrait de travailler dehors ce jour-là. À ce moment, il vit un objet lumineux de couleur rouge-orange qui semblait descendre du firmament et qui, après avoir ralenti son allure, atterrit doucement dans la direction de la Vieille Tuilerie, derrière le rideau d’arbres de la forêt.
Note: cette description ressemble assez bien à celle d'un bolide.
M. Odut ignorait tout des soucoupes volantes, et il n’en parla pas. Or, jeudi après-midi voyant passer plus de monde que d’habitude devant chez lui, il posa la question: « Vous venez sans doute voir l’étoile que j’ai vu tomber? » C’est ainsi que ce 2e témoignage put être relevé. (...) Précisons en outre que M. Odut n’a jamais rencontré M. Narcy et que c’est seulement après l’avoir entendu parler qu’on lui raconta toute l’histoire dans ses détails. »
Si l’on en croit l’hebdomadaire parisien Radar du l7 octobre l954, M. Odut aurait également vu « une créature haute d’un mètre (sortir) de la machine infemale.
Note: Mais quand le journalistes de Radar ont interrogé le témoin, il connaissait l'histoire du petit être poilu du cantonnier.
puis, l'auteur mentionne:
4. le supposé démenti du cantonnier d'après le groupe 5255.

(Julien Gonzalez, RR3 - Le Dossier des Rencontres du Troisième Type en France, Le Temps Présent, 2014, pp 109-110)

Conclusion

Les auteurs de catalogues avaient leurs raisons de mentionner ce cas: A en croire le résumé des données brutes des premières sources disponibles, c'était un atterrissage de soucoupe volante avec occupant et traces.
Mais à l'analyse tout s'effondre:
- l'observation n'aurait pas eu lieu à Mertrud mais à La Tuilerie, près de Laneuville
- les traces sont des traces de socs de charrue à 50 m de là.
- l'occupant ne peut pas avoir été reconnu comme un orang outang de 1.20 m, puisque c'était à 200 m par temps de brouillard
- le temoin a fini par avouer son canular.

Il reste l'observation de M. Oldut, ou Odut, qui aurait eu lieu le lendemain à l'aube à la Tuilerie. Il pourrait bien avoir vu un bolide, mais pour sa créature haute d'un mètre, il n'a raconté son histoire aux journalistes de Radar qu'après avoir eu connaissance de celle d'André Narcy.
Or nous avons déja vu ( cas de Nivelle, du 2 au 3 octobre 1954 ), un témoin recopier des détails donnés par d'autres qu'avait mentionné la Presse. Ce brave M. Oldut ne savait évidemment pas qu'André Narcy avait inventé son histoire, et de toutes façons, les dates et heures ne correspondent pas.

Désolé pour les réveurs, mais notre cantonnier n'a jamais vu de "martien", ni à Mertrud, ni à "la Tuilerie", ni ailleurs.

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Dernière mise à jour: 25/04/2018