2 aout 1914: Zeppelin sur Paris Folie nationaliste à Paris 2 aout 1914: La déclaration de guerre n'est même pas encore signé que des nationalistes fanatiques, se livrent à de grandes démonstrations d'hystérie anti-allemande: ( 1 )    Les têtes étaient chaudes et l'on voyait des allemands partout.    Plusieurs cafés furent, de ce fait, saccagés; deux d'entre eux, rue de Rennes, ont particulièrement souffert. ...    Ayant à leur tête un jeune homme enveloppé dans un drapeau tricolore, de nombreux manifestants sont arrivés, à 11 heures, place de l'opéra, devant le siège social de la Société laitière Maggi. ...    Les assaillants se rendirent ensuite rue Louis-Le-Grand, dans l'intention de mettre à sac, le magasin d'un tailleur, M. Schwartz, qu'ils soupçonnaient être d'origine allemande. Fort heureusement ils apprirent que le négociant était Alsacien, et s'en prirent alors à un magasin d'objets d'art, 38 boulevard des Italiens, où tout fut brisé.    Il en fut de même quelques instants plus tard d'un magasin de porcelaine situé au n° 34.    Enfin, à minuit, le magasin de comestibles Appenrodt, situé à l'angle de la rue des italiens, fit également assailli et saccagé. ...    Voici la liste des magasins qui ont été saccagés par la foule. Brasserie Muller, à l'angle de la rue Thorel et des boulevards; brasserie Denoyer, rue de Strasbourg à la gare de l'est; maison de produits alimentaires et restaurant, 38, boulevard des Italiens; maison Klein, 38, boulevard des Italiens; maison Maggi, 10 bis, rue Lamartine, brasserie Pschorr, 2, boulevard de Strasbourg; ...    Des manifestants se sont rendus, après minuit, dans une taverne bavaroise de la rue Notre-Dame-de-Lorette. Ils ont en partie démoli le matériel dont ils ont jeté les débris sur la chaussée.    Les agents ont du dégaîner. Sur le pont Saint Michel, on s'inquiète d'un zeppelin Dans une telle ambiance, on comprend que toute lumière insolité paraissait allemande, même celle d'une innocente planète. c'est ce qu'a pu constater, à ses dépens, André Danjon, plus tard directeur de l'observatoire de Paris, dont l'aventure a été racontée par Evry Schatzmzn: ( 2 ) André Danjon Jeune agrégé de physique, André Danjon revenait de la place du Chatelet le 2 aout 1914, indigné d'avoir vu saccager une célèbre brasserie alsacienne qui portait un nom un peu trop germanique pour une veille de guerre avec l'Allemagne. A la traversée du pont Saint-Michel, André Danjon trouve un groupe très agité criant "un zeppelin, un zeppelin" en regardant du coté des tours de Notre-Dame. S'adressant à ces gens, André Danjon leur dit: "Votre zeppelin, c'est Jupiter." Se tournant contre lui, et l'accusant d'être un espion, ils veulent le jeter dans la Seine. Danjon proteste: "Mais je suis astronome." On lui crie: "Prouvez-le, prouvez-le." Il a heureusement sur lui sa carte de membre de la Société astronomique de France, on le laisse partir. Grace au logiciel Stellarium, et à "Google Sreet", nous pouvons reconstituer le ciel, vu du pont Saint Michel, ce soir là à 20H 45 Ne pouvant reconstituer, ni l'éclairage urbain, ni les vètements des passants, ni les véhicules de l'époque, nous avons choisi de traiter le paysage en silhouette. La lumière qui trone dans le ciel, à hauteur des tours de Notre-Dame, est bien la planète Jupiter, et André Danjon, pour avoir osé le dire, contre la conviction populaire, faillit être un martyr de la Science. Jupiter ne fut pas trop souvent prise pour le phare d'un zeppelin, au cours de la guerre. Il fallait plutôt l'éclat de Vénus, ou mieux encore, une conjonction Jupiter Vénus. On peut juger de la fièvre qui s'était emparé des têtes parisiennes ce 2 aout 1914, en voyant que l'éclat de Jupiter leur suffisait Personnellement nous voyons là un curieux enchainement d'effets: Si Camille Flammarion n'avait pas fondé la Société astronomique de France, Danjon n'aurait pas pu prouver qu'il était astronome, et aurait été lynché. S'il avait été lynché, il n'aurait pas pu publier son traité d'astronomie générale. Et s'il ne l'avait pas publié, nous n'aurions probablement pas écrit, ou plus tard, le logiciel de calcul de positions des astres, qui nous sert encore aujourd'hui, concurremment à Stellarium Notes et références 1) Le Petit Journal, 3 aout 1914, p 2. 2) Evry Schatzman, La grande démystification, Ciel et Espace, n° 268 avril 1992, p36