L'ASTRONOMIE ET LA JUSTICE

  Un jeune homme habitant la localité de Ohama (Etats-Unis d’Amérique) fut arrété sous l’accusation d’avoir, dans une intention criminelle, placé une valise contenant de la dynamite à la porte d’une maison, entre 14h et 15h du dimanche 22 mai 1910.

  Il n’y avait comme témoins à charge que deux jeunes filles de 15 et 16 ans qui prétendaient avoir vu, en se promenant dans le quartier un peu avant 15h, un homme répondant au signalement de l’inculpé porter a la main une valise.

  L’avocat de l’accusé fit une enquéte et découvrit qu’à l’heure dite les jeunes filles étaient dans une église située à plus d’un kilométre 1/2 de la maison dynamitée, qu’elles y avaient assisté à l’office, et qu’elles s’étaient ensuite fait photographier deux fois prés de cette église. Une ombre trés marquée dans une des épreuves fit naitre dans l’esprit de l’avocat l’idée de consulter un astronome, dans l’espoir que celui-ci pourrait, d’aprés la position de l’ombre, determiner le moment exact auquel la photographie avait été prise.


fac-similé de l'épreuve originale, produite en justice.

  L’astronome assura que ce moment était, à moins d’une minute prés, 15h 21m 30s. Il était donc impossible que les jeunes filles eussent vu l’accusé à l’endroit et l’heure qu’elles disaient. Le témoignage de l’astronome départagea le jury.

  Il y eut un deuxiéme procés et le témoignage fut apporté. L’avocat général sentant que sa seule chance de succés était d’infirmer la déposition faite, au nom de la science, railla les calculs et les prédictions des savants en général, et, par ses sarcasmes et ses saillies, provoqua chez les jurés une hilarité continue. A l’unanimité, l’accusé fut déclaré coupable ct condamné a quinze ans de travaux forcés.

reconstitution 1
22 Mai 1912, à 15h 20m 30s
reconstitution 2
22 Mai 1912, à 15h 21m 30s
reconstitution 3
22 Mai 1912, à 15h 22m 30s
  La défense s'adressa a la cour suprême d’Etat.
Pendant quc la vérité se faisait jour peu à peu, le premier anniversaire du jour où la photographie avait été faite arriva. L’astronome eut alors l’occasion de vérifier ses calculs: il ne s’était pas trompé d’un quart de minute.

  Quelques mois plus tard, la cour suprême jugea que l’accusé avait été condamné sur des preuves insuffisantes.

Pendant l’instruction d’un troisième procés, l’accusation s’adressa à M. G.-D. Swezey, professeur d’astronomie à l’Université de Nebraska, pour lui demander de remesurer la position de l’ombre et de calculer le temps.
Le professeur Swezey relatant 1e fait dans une réunion publique de l’académie des Sciences de Nebraska, tenue à Lincoln le 3 mai dernier, dit qu'il s’était entièrement abstenu de se référer aux premiers calculs avant d’avoir terminé les siens.
Le résultat trouvé par lui donnait un écart de 29 secondes sur celui du premier astronome; l’Etat abandonna alors ses poursuites.

  Le 22 mai 1912, deuxième anniversaire, l’ombre était de nouveau à la méme place qu’au jour où la photographie fut prise; elle y sera tous les ans à la même date tant que l’édifice, le point qui projette l’ombre et le mur sur lequel elle tombe seront debout.

  Remarquons que dans la première et la troisième photographie, le coin gauche de l’ombre est exactement sur le milieu d’une planche de l’auvent, au dessous de ce point dans la deuxième et au-dessus dans la quatrième. Le temps calculé était, par consequent, certainement exact à une minute près et probablement même à quelques secondes près.

WILLIAM F. RIGGE

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(L'Astronomie, avril 1913, p 177, d'après Photo-Revue du 17 novembre 1912)

Commentaire:
Il n'est pas rassurant de constater qu'en 1910, aux Etats Unis, le fait de porter une valise pouvait valoir quinze ans de travaux forcés, quoique récemment, le fait de se trouver là où il ne faut pas à l'heure où il ne faut pas, pouvait en valoir autant, sinon plus.
Surtout, il est consternant qu'un avocat général ait pu persuader les jurés de se fier au témoignage de deux jeunes filles, plutôt qu'à la science. Ses railleries contre les résultats des savants évoquent assez bien celles du Dominicain Tommaso Caccini concluant, en 1614, que les mathématiques sont une invention du diable et que les mathématiciens devraient être bannis de tous les États chrétiens. Heureusement, les magistrats de la cour suprême étaient moins stupides.

Dernière mise à jour: 11/07/2015

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