1451 Croix lumineuse à Bayonne
vers 1461, Mathieu d'Escouchy raconte la vision de la croix
Mathieu d'Escouchy, dit aussi "de Coucy", fut un chroniqueur picard. Continuateur de l’œuvre d'Enguerrand de Monstrelet, sa Chronique s'étend du 20 mai 1444 à la mort de Charles VII en 1461.
Et fut icellui traictié ainsy fait et passé le mardi vingtiesme jour du mois d'aoust l'an dessusdit, auquel jour mirrent ladicte ville ès mains dudit comte de Dunois, comme lieutenant general du Roy Charles, qui en print les clefz et la possession.
Et, comme à l’eure de sept heures du matin, ainsy qu'ilz entroient dedens ladicte ville, le ciel à celle heure fut veu [cler et l’air] bien puriffié, ouquel se apparut, dedens une nuée, une crois blance, au droit de ladicte ville, au lez vers les parties d’Espaingne; laquelle crois, sans mouvoir, demoura bien l’espace d’une heure. Aucuns disoient que au commencement, sur icclle avoit la samblance de ung crucefix couronné d’une couronne sur le chief, laquelle se mua eu une fleur de lis; dont chascun fut bien esmerveillez, meismement ceulx de ladicte cité de veoir telle merveille; et incontinent prinrent les enseingnes qui portoient des crois rouges, estans sur leurs tours et portes et, ou lieu d’icelles, mirrent les bannières de France1. De ceste merveille ay icy fait ung petit de memoire, selon la coppie d'une certifficacion qui m'a esté envoiée; laquelle ledit comte de Dunois avoit envoyé au Roy Charles, signé de sa main, et seellée de son seel armoyé de ses armes, escripte du xxi° jour d'aoust2, l'an mil cccc cinquante et ung, et y avoit :
ainsi signé, Le BASTARD D'ORLEANS.
1. Le chroniqueur, comme il le dit plus bas, a emprunté ces détails à une attestation du miracle écrite par Dunois. Dunois ajoute : « Plus de mille hommes ont veu ladicte croix, et dient tous ceulx qui l'ont veu, tant Franchois, Espaignois que Navarrois que jamais n’avoient veu chose semblable. » L’attestation de Dunois est dans le manuscrit 9669 22 et dans les Annotations sur les œuvres de maïstre Alain Chartier, par du Chesne, p. 848.
On trouve aussi dans la Table du mémorial L de la chambre des comptes (Archives, PP. 118) l’indication d’une « lettre missive du comte de Foix et de Dunois, adressant au Roy, faisant mention
de l'apparition d’une grande croix blanche sur la ville de Bayonne. »
2. 20 août, dans le manuscrit cité et dans du Chesne.
Note: Pour Mathieu d'Escouchy, la ville fut rendu le 20, par traité, et le prodige aurait donc eu lieu le lendemain matin 21 aout 1451.
(Mathieu d'Escouchy, Chronique de Mathieu d'Escouchy, Vve Renouard, Paris, 1863 p. 361-367)
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avant 1476, Jean Chartier décrit la croix dans sa Chronique de Charles VII.
Jean Chartier, moine de l'abbaye de Saint-Denis, mort le 19 février 1464, fut un historiographe français. Il termina la chronique latine du règne de Charles VI, puis rédigea à la fois une chronique latine (allant de 1422 à 1450) et une chronique française (couvrant tout le règne) du règne de Charles VII.
Et le vendredy, vingtiesme jour dudit mois, ung pou après soleil levant, le jour parut fort beau, serein et clair, et fit moult beau temps. Si fut veue ou ciel par ceulx qui estoient en l’ost du roy, et mesmement par les Anglois estans oudit Bayonne, une croix blanche, laquelle fut veue pupliquement, par l’espace de demie heure, de tous ceulx qui la voulurent voir. Or ceulx de ladite ville, qui s’estoient rendus le jour d’auparavant, et qui avoient fait leur composicion, ostèrent leurs bannières et pennons aux croix rouges, disans qu’il plaisoit à Dieu qu’ils fussent et devinssent François, et qu’ils portassent tous la croix blanche: cette croix fut veue le jour de vendredy, qui est le jour que Nostre Seigneur fut crucifié.
Note: Pour Jean Chartier, c'était donc le vendredi 20 aout 1451.
(Jean Chartier, Chronique de Charles VII, par Vallet de Viriville, Paris, 1858, p. 320)
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1720, Le père Gabriel Daniel fait se rendre la ville après la vision.
Le père Gabriel Daniel, fut un historiographe jésuite français. Il est surtout connu pour don histoire de France, en 3, puis en 10 volumes. Son oeuvre fut assez décriée, mais néanmoins plus exacte que celles de ses devanciers.
Le père Gabriel Daniel, fut un historiographe jésuite français.
Le Siége de Bayonne fut commencé le sixiéme d’Août par les Comtes de Dunois et de Foix. Les assiégez firent d’abord très-bonne contenance; mais le Fauxbourg de Saint Leon ayant été emporté par le Comte de Foix, et les approches du Comte de Dunois faites avec une promptitude merveilleuse jusqu'au fossé du Château, la garnifon perdit courage, et demanda à capituler. Le Commandant nommé Jean de Beaumont, et la garnison demeurérent prisonniers de guerre; mais la Ville refusa de se rendre, jusqu'à ce qu’il parut une espéce de prodige dans l’air qui la détermina à se soumettre. La chose est rapportée dans un Mémorial de la ‘Chambre des Comptes de Paris sur les Lettres des Comtes de Foix et de Dunois. Dans le temps que les troupes Françoises prenoient possession du Château, un peu après le lever du Soleil, le temps étant fort serain, il parut au Ciel pendant une heure sur la Ville du côté des Pyrenées une nuée en forme de Croix d'une lumiére et d'une blancheur extraordinaire sans changer de place. Selon quelques-uns, dit le Mémorial, elle étoit au commencement en forme de Crucifix qui avoit une Couronne sur la tête, et
cette couronne se changea en fleurs-de-lys. Comme depuis long-temps la Croix blanche étoit la marque du parti Royal François, de même que la Croix rouge étoit celle du parti Anglois, ce phénomene fut regardé comme un signe certain, que le Ciel fe déclaroit pour la France contrel'Angleterre, et les Bayonnois se rendirent. On ne laissa pas de les condamner à payer quarante mille écus au Roy, pour n’avoir pas obéi à la premiére sommation.
Note: Selon le détail de la capitulation donné par Mathieu d'Escouchy, on leur en réclama 40000, mais ils n'en payèrent que 20000, en deux fois.
(P.G. Daniel, Histoire de France, tome 4, Amsterdam, 1720, p 204)
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1829, L'abbé Vrindts cite des témoignages d'époque.
En 1451, sous le règne de Charles VII, la ville de Bayonne, qui était assiégée par les comtes de Dunois et de Foix, s’obstinant à ne point se rendre aux tronpes françaises, quoique le château et la garnison se fussent déjà rendus, une espèce de prodige qui parut en l'air la détermina enfin à se soumettre.
Comme les troupes françaises prenaient possession du château, un peu après le lever du soleil , le temps étant fort serein, il parut au ciel sur la ville, du côté des Pyrénées, une croix d’une lumière et d’une blancheur éblouissantes : ce phénomène dura une heure entière. Quelques-uns assurent que cette croix parut au commencement en forme de crucifix qui avait une couronne sur la tête , et que cette couronne se changea en fleurs de lis. Comme la croix blanche était l'enseigne des rois de France, de même que la croix rouge était celle des Anglais, on regarda le phénomène comme un
signe certain que le ciel se déclarait pour la France contre l'Angleterre, et la ville de Bayonne se rendit incontinent.
Un prodige si étonnant , qui avait frappé par son éclat toute l’armée française, et qui avait fait des impressions si fortes sur les habitans de Bayonne, ne pouvait assurément se révoquer en doute. Cependant le comte de Dunois voulut en certifier la vérité pour en transmettre le souvenir aux siècles suivans, et il rendit sur cela un témoignage authentique signé de sa propre main , qui subsiste encore. Le voici dans les mêmes termes qu’il le donna.
« Nous, Jean comte de Dunois, lieutenant-général du roi, notre sire, sur le fait de sa guerre, certifie la verité à tous que, aujourd'hui 10 avril, à l'heure de sept du matin, à laquelle heure était promise la cité de Bayonne, et y entrèrent les gens du roi pour en prendre possession, au ciel qui à celle heure était cler et bien purifié, s'apparut dedans une ruée une croix blanche, au droit de la dite cité devers les parties d'Espaigne, laquelle croix sans mouvoir demoura l'espace de une heure, et äucuns dient que du commencement sur icelle croix avait une semblance de ung crucifix couronné d'une couronne d'azur sur son chef, laquelle couronne se mua en une fleur de lys, dont chacun fut moult émerveillé, et ceux de la ville étaient fort espoentez de veoir telles merveilles. Et incontinant leur enseigne de leurs croix rouges qu'ils avaient sur leurs portes et tours ôtèrent. Plus de mille hommes ont vu ladite croix, et dient tous ceux qui l'ont vue tant Français, Espaignols que Navarrois, que jamais n'avaient vu chose semblable.
Fait en notre ville devant Bayonne, signé de notre main et scellé du scel de nos armes, le vingt-unième jour d'avril l'an mil quatre cent et cinquante-ung.
Note: c'était au mois d'aout, et non au mois d'avril. le témoignage aurait donc été signé le 21 aout, ce qui confirme la vision aurait eu lieu le 21 aout vers 7 heures.
Ainsi signé BATARD D'ORLÉANS.
Le P. Daniel rapporte ainsi cet événement : (1)
« Le siége de Bayonne fut commencé le sixième d'août par les comtes de Dunois et de Foix........ La ville refusa de se rendre jusqu’à ce qu’il parut une espèce de prodige dans l'air qui la détermina à se soumettre.
La chose est rapportée dans un mémorial de la chambre des comptes de Paris sur les lettres des comtes de Foix et de Dunois.
Dans le temps que les troupes françaises prehaient possession du château, un peu âprès le lever du soleil, le temps étant fort serein, il parut au ciel, pendant une heure, sur la ville du côté des Pyrénées, une nuée en forme de croix , d’une lumière et d’une blancheur extraordinaires sans changer de place : selon quelques-uns , dit le Mémorial, elle était au commentement en forme de crucifix , qui avait une couronne sur la tête, et cette couronne se changea.en fleurs de lis. Comme depuis long-temps la croix blanche était la marque du parti royal français, de même que la croix rouge était celle du parti anglais , ce phénomène fut regardé comme un signe certain que le ciel se déclarait pour la France contre l’Angleterre, et les Bayonnais se rendirent. »
(1) Daniel, Histoire de France, l'an 1451;
Vrindts, La croix de Migné vengée de l'incrédulité et de l'apathie du siècle, Librairie ecclésiastique de Rusand, 1829, p. 200-203
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1885, Adrien Peladan fait aussi se rendre la ville après la vision
Croix miraculeuse de Bayonne
En 1451, sous le règne de Charles VII, la ville de Bayonne, défendue par une garnison de troupes anglaises, et assiégée par les comtes de Foix et de Dunois, prolongeait sa résistance d’une manière opiniâtre, même après que le château fut rendu. Un prodige qui parut dans l'air détermina enfin sa soumission.
Au moment où les troupes françaises prenaient possession de la citadelle, un peu après le lever du soleil, le temps était serein ; il parut au ciel, directement au-dessus de la ville, une croix d’une lumière et d’une blancheur éblouissantes ; le phénomène dura une heure entière. Quelques personnes assurèrent que cette croix apparut au commencement en forme d’un crucifix dont la couronne se changea en fleur de lis, la couleur blanche étant celle de la France comme le rouge était celle de l’Angleterre, depuis que les deux nations avaient échangé leurs couleurs, par suite des prétentions d'Edouard II, qui s’arrogea en même temps la royauté et le drapeau de la France. On regarda le phénomène céleste comme un signe certain que Dieu se déclarait contre l’Angleterre, et la ville de Bayonne se rendit incontinent.
Un prodige si merveilleux, qui fit une impression si forte quoiqu'en sens opposé, sur les troupes françaises et sur les habitants de Bayonne, ne pouvait assurément se révoquer en doute. Cependant le comte de Dunois voulut en certifier la vérité par une pièce authentique, qui put servir de monument aux siècles suivants. La cédule existe encore.
Jean Chartier, Mathieu de Couci, le P. Daniel ont consigné ce fait dans leurs ouvrages. L'acte signé de Dunois se lit dans un Mémorial de la chambres des comptes, côté L, fol. 40, v°.
(Adrien Peladan, Annales du surnaturel au XIXe siècle, 15 avril 1885, p. 148)
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1938, César de Vesme se souvient du récit de Peladan
Adrien Peladan, en ses Annales du surnaturel (1885 p. 149) parle d'une relation de la vision d'une croix lumineuse dans le ciel au-dessus de Bayonne, en 1451; prodige qui serait attesté par Jean Chartier, Mathieu de Couci, le P. Daniel, et même par un acte, signé Dunois, conservé dans un mémorial de la chambre des comptes, cote L, folio 40, verso.
C. de Vesme, visions grandioses de croix d'armées et de combats dans les airs, Revue métapsychique, novembre décembre 1938, pages 350-351
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Analyse
La vision aurait eu lieu le 21 aout 1451, vers 7 heures, par un temps serein. On peut donc exclure la fantasmagorie nuageuse, et pour expliquer cette croix blanche et brillante dans une nuée, il ne reste quère que la croix parhélique dans un halo. Le phénomène aurait duré une heure, ce qui n'est pas impossible si la durée est "arrondie". La difficulté est qu'à cette heure là, le soleil était à l'ESE, ce qui n'est pas la direction de l'Espagne, depuis Bayonne. Pour l'espèce de couronne, qui se mue en fleur de Lys, il faut se rappeler que seulement certains l'ont vu. Il n'est pas sûr que c'étaient ceux qui avaient une meilleure vue, bien au contraire, et l'on peut soupçonner ici, myopie + paréidolie.
Remarquons aussi qu'à partir du père Daniel, on attribue à la croix la reddition de la ville, alors qu'elle s'était rendue la veille. Et cela aurait été pire si les ufologues s'en était mélé.
Conclusion
Pour la croix de Bayonne, une croix parhélique parait possible, mais seulement possible.
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