1977 Michel Bougard répète ses erreurs


Après avoir maintenu une "chronique des OVNI" dans la revue INFORESPACE, Michel Bougard va en faire un livre. Dans le chapitre Les OVNI d'avant l'an mille, Le passage concernant Agobard est quasiment identique... et contient donc les mêmes erreurs

  Mais ce n’est pas tout, et nous allons maintenant quitter les récits « légendaires » pour passer a des faits historiques rapportés par des historiens. Au IXe siécle, l’archevéque de Lyon, Agobard4 publiait son « Liber Contra Insulam Vulgi Opinionem », ouvrage violemment antisémite dans lequel il critiquait les croyances populaires de l’époque et les diverses superstitions. Dans un chapitre intitulé « De Grandine et Tonitrua » (De la gréle et du tonnerre), il s'insurge notamment contre le fait que les gens croyaient que ces calamités naturelles étaient causées « par les habitants de Magonia, la contrée du ciel d’où vierment les vaisseaux que l’on voit dans les nuées...»
  Remarquons qu’Agobard emploie l’indicatif (on voit) et que pour lui la réalité de ces « vaisseaux aériens » semble acquise, méme s’il s’insurge sur certains effets qu’on leur préte. D’ailleurs, on trouve dans les « Patrologiae » de Migne (saeculum IX, annus 840, p. 147), quelques réflexions inspirées a Agobard par ces événcments. L’archevéque de Lyon y raconte également comment, en 840, il vit personnellement trois homes et une femme lynchés par la foule qui les avait vus descendre d’un de ces « navires dc l’espace », et qui les accusait d’étre des magiciens envoyés par Grimoald, duc de Bénévent, pour dépouiller les Franqais de leurs récoltes et vendanges. La foule mit a mort ces « étrangers » et les jeta dans le Rhone aprés avoir attaché les cadavres à des planches. Agobard relate aussi qu’en mars 8425, en pleine nuit, on vit des « armées multicolores » avancer dans le ciel.

  4. Agobard naquit en 779 et fut nommé coadjuteur de Leidrade, le bibliothécaire de Charlemagne, en 808. En 814, il devint archevêque de Lyon, fut déposé en 835 et rétabli peu de temps après. Il mourut à Saintes en 840. Il est vénéré comme un saint dans la région lyonnaise (St-Aguebaud) mais il ne fut jamais canonisé.
  5. Il y a là une erreur puisque Agobard est mort en 840. Mais comme nous le verrons plus loin, les dates étaient plutôt prises à la légère à cette époque.


  Pour de plus amples renseignements sur les cas signalés dans ce chapitre, je vous invite à consulter les références suivantes: n° 13, 16, 40, 69, 108, 162, 179, 181, 183, 187, et 194.
Note: Le texte étant identique à celui déjà publié, nous renvoyons à cet article d'INFORESPACE pour l'analyse de ses erreurs .
Cette fois, les sources sont indiquées, mais en vrac à la fin du chapitre. C'est à nous de trouver quoi correspond à quoi. Il semble que les références pour Agobard soient:
108 FSR vol. 10, n° 3, mai-juin 1964
162 LDLN Contact-lecteurs, n° 93bis-94bis, mai 1968
181 LDLN n° 128, octobre 1973
194 Phénomènes Inconnus n° 12, juillet 1970

SOURCE: Michel Bougard, La Chronique des O.V.N.I., Jean-Pierre Delarge, 1977, p. 50-51.

Ce passage, concernant Agobard, va être reproduit -avec ses erreurs- par divers auteurs, qui vont parfois tenir compte d'autres récits (non moins erronés) de visions de vaisseaux aériens, que Bougard prétend tirés de Lycosthènes.

  En 1518, Conrad Wolffhart naissait à Rouffach (Alsace). Ce curieux personnage dont l'œuvre est encore très mal connue professa la grammaire et la dialectique à l'université de Bâle et devint, en 1545, diacre de Saint-Léonard. Sous le pseudonyme de Lycosthenes, il publia à Bâle en 1557 sa « Prodigiorum ac Ostentorum Chronicon ». Dans cette œuvre inspirée de toute évidence de celle de l'écrivain latin Julius Obsequens (dont il assura d'ailleurs la publication des « Prodigiorum »), Wolffhart décrit tout une gamme de phénomènes aériens étonnants que Charles Fort allait redécouvrir quelques siècles plus tard:
...
Que les cas rapportés ci-dessus soient des observations de phénomènes parfaitement naturels tels que météores, aurores boréales ou comètes, c'est probable, mais loin d'être certain.
...
Mais le plus grand reproche que l'on peut adresser à Conrad Wolffhart, c'est de rapporter des cas transmis de génération en génération pendant des centaines d'années. Il est bien évident que dans de telles conditions, on ne peut guère attribuer de valeur à ces « témoignages».
Note: Ce reproche est absolument faux. Lycosthènes n'avait pas compilé des rumeurs transmises de génération en génération, mais des récits tirés d'historiens et de chroniqueurs.
D'autre part, Lycosthenes, véritable mine pour le chercheur en quête d'anciens cas d'OVNI, nous apprend que vers 746-48, on vit à plusieurs reprises des « dragons » dans le ciel d'Angleterre, ainsi que des « vaisseaux aériens avec des hommes à bord ». Il nous signale aussi qu'en 773, une croix rouge apparut après le coucher du soleil au-dessus de l'Angleterre.
Note: Voila maintenant que Bougard fait confiance à Lycosthènes, dont il s'était méfié trois pages auparavant.
Mais le pire, c'est que ces récits ne viennent absolument pas de Lycosthènes, qui, pour cette époque, ne mentionne qu'une pluie de croix en 746, un seisme en 747, un autre en 752 ainsi qu'un bolide, le tout agrémenté de quelques épidémies de peste. Pas de dragons ni de vaisseaux volants, et pas non plus de croix rouge en 773. Bougard n'a donc pas lu Lycosthènes, qui d'ailleurs écrivait en latin, imprimé en caractères mal lisibles. En fait, Bougard a recopié ces informations dans Flying Saucers on the attack, de Harold Tom Wilkins, qui citait en vrac des dizaines d'observations de 220 BC, à 1150, comme si elles provenaient toutes de Lycosthènes.
En réalité, les vaisseaux aériens de 748 viennent des Annala Senait (Annals of Ulster). Quant à la croix rouge de 773, elle vient des Annales Saxonici (Anglo-saxon Chronicle), mais n'est probablement qu'un phénomène parhélique.

pseudo-vaisseaux aériens
Ces vaisseaux aériens de l'an 748 pourraient bien n'avoir jamais été que de simples nuages.
Le texte latin des Annala Senait dit:
Naves in aere visae sunt cum suis viris
Du moins est ce la transcription qu'on a faite, à partir d'un manuscrit du XVe siècle, bourré d'abréviations de l'époque. Ce manuscrit compilait des annales plus anciennes qui semblent aujourd'hui perdues. Il reprendrait mot pour mot les anciens textes, mais il faut se rappeler que, sept siècles après, le style d'écriture avait changé, et probablement, les abréviations aussi. Nous ne pouvons donc plus être sûrs que la lecture de mots ambigus étaient bien correcte. Fallait il lire "viris" (hommes) ou "velis" (voiles)? Dans le second cas, cela donnerait:
On vit dans les airs des navires avec leurs voiles
Annals of Ulster, Dublin, 1887, p. 212-213)
Alors, ce serait à ces apparences de voiles qu'on aurait cru reconnaitre des navires. Et c'est aussi à cause de cette apparence que les romains croyaient voir des navires dans le ciel.
Or, comme le montre la photo ci-contre, de simples nuages prennent parfois l'aspect de navires avec leurs voiles. Il se pourrait donc qu'on ait pas besoin de vaisseaux volants pilotés par des magiciens, encore moins d'engins extraterrestres camouflés en navires du moyen-age.
Mais puisqu'on peut aussi lire "viris", ces pseudo-navires se sont bientôt transformés, en navires avec des hommes à bord. Plus tard apparaitra l'histoire de l'ancre qui se prend dans un obstacle, avec un homme tentant de la décrocher, plus tard encore, cet homme mourra étouffé par notre atmosphère.
Et bien plus tard encore, des ufologues écriront que du temps d'Agobard, des vaisseaux volants sillonnaient les airs depuis longtemps.

SOURCE: Michel Bougard, La Chronique des O.V.N.I., Jean-Pierre Delarge, 1977, p. 55-58.

Remarques:

Lors de sa sortie en 1977, le livre de Michel Bougard a paru être une très intéressante chronique des observations d'OVNI du passé, et divers auteurs lui ont fait confiance, à commencer par Christiane Piens qui a repris les informations d'INFORESPACE, pour sortir, la même année; un livre mieux sourcé.
Mais rétrospectivement, après une analyse, devenue possible grace aux bibliothèques digitales disponibles sur internet, il apparait que Michel Bougard n'a fait qu'intoxiquer le monde ufologique avec des rumeurs imprimées. L'exemple de Lycosthènes est révélateur: Bougard le cite sans l'avoir lu, et le comble, c'est qu'il l'accuse "de rapporter des cas transmis de génération en génération pendant des centaines d'années", c'est à dire d'avoir colporté des rumeurs, alors que Lycosthènes reprenait des récits d'historiens ou de chroniqueurs. Des historiens qui, souvent, en reprenaient d'autres, aux ouvrages disparus depuis, des historiens pas toujours fiables, mais des historiens tout de même.
Non, décidément, nous ne pouvons plus considérer Michel Bougard comme un historien.

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Dernière mise à jour: 12/01/2019