Bréghot du Lut fait trop confiance à Delandine


Un beau matin , quelques années avant le milieu du neuvième siècle, on vit descendre sur la place du Change-, vis-à-vis la maison des Comtes de Forez, un char ou navire aérien , contenant quatre personnes , trois hommes et une femme. Le peuple crut que c'étaient des sorciers qui arrivaient du pays de Magonie ; il s'empara d'eux , les traîna en prison et demandait leur mort à grands cris. L'archevêque de Lyon , saint Agobard , examina la chose, n'y trouva point de sortilège, fit mettre les prétendus magiciens hors de cour et de procès , et publia à cette occasion un traité contre les préjugés populaires qui régnaient alors. On croyait dans ce temps-là que la grêle et le tonnerre, trop souvent attirés sur la ville par le voisinage des montagnes et les vapeurs de nos deux rivières, étaient l'ouvrage des sorciers , que l'on regardait comme de vrais tyrans de l'air. Sans la fermeté et les lumières d'Agobard, les quatre individus débarqués sur la place du Change eussent été infailliblement brûlés , comme tant d'autres l'ont été pour des équipées à peu près semblables. (1)

Suivant ce qu'on lit dans le Comte de Gabalis , nos quatre navigateurs aériens étaient du nombre de quelques hommes que les Sylphes avaient enlevés pour faire éclater leur puissance et pour détruire la mauvaise opinion qu'on avait conçue d'eux, et qu'ils remirent ensuite sur la terre en divers endroits du monde, après leur avoir fait voir leurs belles femmes , leur république et leur gouvernement. « Echappés au supplice, continue le même auteur, ils furent libres de raconter ce qu'ils avoient vu : ce qui ne fut pas tout-à-fait sans fruit : car, s'il vous en souvient bien , le siècle de Charlemagne fut fécond en hommes héroïques : ce qui marque que la femme qui avoit été chez les Sylphes, trouva créance parmi les dames de ce temps-là , et que , par la grâce de Dieu , beaucoup de Sylphes s'immortalisèrent. Plusieurs Sylphides aussi devinrent immortelles par le récit que ces trois hommes firent de leur beauté ; ce qui obligea les gens de ce temps-là de s'appliquer un peu à la philosophie ; et de là sont venues toutes ces histoires de fées que vous trouverez dans les légendes amoureuses du siècle de Charlemagne et des suivans. Toutes ces fées prétendues n'étoient que Sylphides et Nymphes. »

L'auteur de l'ouvrage que nous venons de citer, met ce récit dans la bouche de son héros qui cherche à prouver que le commerce des Sages avec les Sylphes, les Nymphes , les Salamandres , etc. , peut donner l'immortalité à ces esprits élémentaires nés mortels ; mais il se trompe quand il dit au même endroit que S. Agobard était archevêque de Lyon sous Charlemagne et qu'il avait été moine. Ce saint prélat n'a jamais été moine, et n'a exercé les fonctions archiépiscopales que du temps de Louis-le-Débonnaire. Le cabaliste a donc tort d'ajouter que le peuple lyonnais , en demandant que les quatre magiciens arrivés dans le char volant lussent brûlés , se fondaient sur ce qu'ils étaient envoyés par Grimoald, duc de Bénévent, ennemi de Charlemagne , pour perdre les moissons des Français.

Agobard était , par ses lumières , supérieur à son siècle. Les ouvrages qu'il a laissés, en sont des preuves subsistantes. Dans l'un d'eux il a exprimé ce vœu qui ne s'est réalisé que depuis quelques années : « Plaise au Dieu tout-puissant que la France entière , réunie sous le sceptre d'un roi pieux , soit gouvernée par une législation uniforme ! »

( Extrait des Etrennes mignonnes lyonnaises pour 1829 ).

1) Voy. la Notice sur Agobard , par M. Pericaud , Archives du Rhône, tom. I , pag. 351-2.


SOURCE: Bréghot du Lut, Nouveaux mélanges biographiques et littéraires, pour servir à l'histoire de la ville de Lyon, 1829-1831, p 98

Remarques:

L'auteur se base à la fois, sur la notice d'Antoine Péricaud, qu'il cite, sur Le comte de Gabalis de Montfaucon de Villars, dont il parle, mais aussi sur l'article du journal de Lyon ou sur Le Conservateur de Delandine, qu'il ne cite pas
Pas plus que Collin de Plancy ou Garinet, il ne semble avoir compris que Le comte de Gabalis n'était qu'une fiction
Ainsi l'auteur cite une source qu'il a lu, en cite une qu'il n'a pas lu, et ne cite pas une qu'il a lu. Comme bien sûr, il n'en cite pas qu'il n'a pas lu, il réussit à épuiser toutes les combinaisons possibles

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