1787 A. F. Delandine répète ses inventions
=====================*===================== DANS ces temps d'ignorance & de barbarie où l'on brûloit les Juifs, où l'on transportoit les Saxons incrédules d'une contrée à l'autre pour leur faire changer d'opinion , tous les événemens qui sembloient extraordinaires , parurent aux peuples de la France méridionale , les effets d'une force surnaturelle & du pouvoir des Sorciers. Les inondations , & surtout les orages qui détruisoient les récoltes & l'espoir des Hameaux, leur furent attribués, et l'on distinguoit parmi eux les souffleurs des tempétes, tempestarii. Ces sorciers ne faisoient pas le mal sans intérêt : toutes les productions des champs, tous les grains abattus par la grêle ou par les vents, fruits de leur haine ou de leurs plaisirs, passoient, à l'aide des chars volans qu'ils dirigeoient à volonté dans les airs , dans une contrée nommée Magonîe. Cest là que les Sorciers trouvoient un débit avantageux de leurs rapines , que leurs greniers, toujours remplis , étoient fans cesse vuidés, & qu'ils faisoient bientôt des fortunes considérables. Nos peres vouloient bien les chasser & se délivrer de leurs fléaux ; mais comment faire ? Les poursuivre dans les airs n'étoit pas chose aisée ; il eût fallu avoir le secret de leurs voitures aériennes. La voix de l'homme n'étoit pas assez perçante pour les intimider & se faire entendre au-dessus des nues : alors on éleva les cloches ; on en fit les interpretes de la frayeur publique ; mais avant de les installer dans leur emploi, on voulut leur donner un caractere plus imposant, & de là vint l'usage de leur conférer le baptême. Tous les rituels du temps contenoient des exorcismes contre les auteurs des maléfices, des prieres pour conjurer les sorciers d'interrompre leurs jeux & leurs commerces ; & dès que les cloches eurent été établies pour porter ces paroles de paix , on se mit à sonner pour conjurer le temps. Sous l'épiscopat d'Agobard, on vit à Lyon dans la place du change , vis-à-vis la maifon des comtes de Forez , une femme & trois étrangers, qu'on crut descendus d'un char aérien ; le peuple , furieux d'une grêle qui avoit quelques jours auparavant détruit son espérance , s'imagina voir en eux des habitans de Magonie. Il les saisit & les conduisit aux prisons de l'Archevêque. Déjà on se préparoit à les brûler, lorsqu'Agobard, l'homme le plus éclairé de son siecle , chercha à les sauver, & publia à cette occasion un traité curieux & savant contre l'existence des chars aériens & de la contrée de Magonie. Mais en vain le généreux prélat employoit les citations des Sts. Peres , & les raifonnemens tirés de la physique du temps , le bûcher alloit s'allumer, si plus sage encore qu'éloquent , il n'eût fait secrétement évader les étrangers, objets de la haine du peuple , & qui seroient devenus les victimes de sa fureur. Dans un moment consacré à la gloire de MM. Montgolfier, où tout retentit des heureux succès de leur découverte, où de hardis Pilotes traversent les airs , sans même l'espoir de trouver Magonie, il est doux de penser qu'on a le bonheur de vivre dans un siecle éclairé & sous un gouvernement sage , qui fait offrir des récompenses à ceux qui , huit siecles auparavant , auroient risqué d'être la proie des flammes & de la venceance du peuple. Par M. De. L**** SOURCE: LE CONSERVATEUR OU BIBLIOTHEQUE CHOISIE DE LITTÉRATURE, tome 2, 1787, p. 183 Remarques: M. De. L****, C'est toujours Antoine François Delandine, qui avait déjà écrit les mêmes âneries sans en donner la vraie source, dans le Journal de Lyon |
|