1859 Eliphas Levi embellit Garinet de ses rêveries
HISTOIRE DE LA MAGIE
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Sous le règne de Pépin le Bref, des phénomènes fort singuliers se montrèrent publiquement en France. l'air était plein de figures humaines, le ciel reflétait des mirages de palais, de jardins, de flots agités, de vaisseaux les voiles au vent et d'armées rangées en bataille. L'atmosphère ressemblait à un grand rêve, Tout le monde pouvait voir et distinguer les détails de ces fantastiques tableaux.
Note: Encore une fois, c'est la description embellie de ce que le peuple voyait dans une aurore boréale. Seulement, il n'y a pas eu d'aurores boréales spectaculaires sous Pépin le bref. Eliphas Lévi ne fait que reprendre cette description à Garinet, qui la plaçaient après l'intervention de Zédéchias.
Était-ce une épidémie attaquant les organes de la vision ou une perturbation atmosphérique qui projetait des mirages dans l'air condensé? N'était-ce pas plutôt une hallucination universelle produite par quelque principe enivrant et pestilentiel répandu dans l'atmosphère?
Note: Ce genre de tentative d'explication rationelle a déja été tenté par Collin de Plancy, qui invoquait une aurore boréale, et serait tombé juste, si ces phénomènes avaient bien eu lieu.
Ce qui donnerait plus de probabilité à cette dernière supposition, c'est que ces visions exaspéraient le peuple; on croyait distinguer en l'air des sorciers qui répandaient à pleines mains les poudres malfaisantes et les poisons.
Note: Ceci sort encore de Garinet, mais l'auteur semble avoir mélangé les passages.
Les campagnes étaient frappées de stérilité, les bestiaux mouraient, et la mortalité s'étendait même sur les hommes.
Note: Garinet parle d'une récolte perdue en 793 (sous Charlemagne),mais pas de mortalité bovine ou humaine, inventées par l'auteur.
On répandit alors une fable qui devait avoir d'autant plus de succès et de crédit, qu'elle était plus complétement extravagante. Il y avait alors un fameux kabbaliste, nommé Zédéchias, qui tenait école de sciences occultes, et enseignait non pas la kabbale, mais les hypothèses amusantes auxquelles la kabbale peut donner lieu et qui forment la partie exotérique de cette science toujours cachée au vulgaire.
Note: le fameux kabbaliste Zédéchias n'a jamais existé, puisqu'il a été inventé par Montfaucon de Villars, repris par Collin de Plancy, repris par Garinet.
Zédéchias amusait donc les esprits avec la mythologie de cette kabbale fabuleuse. Il racontait comment Adam, le premier homme, créé d'abord dans un état presque spirituel, habitait au-dessus de notre atmosphère où la lumière faisait naître pour lui et à son gré les végétations les plus merveilleuses; là il était servi par une foule d'êtres de la plus grande beauté, créés à l'image de l'homme et de la femme,dont ils étaient les reflets animés, et formés de la plus pure substance des éléments: c'étaient les sylphes, les salamandres, les ondins et les gnomes; mais dans l'état d'innocence, Adam ne régnait sur les gnômes et sur les ondins que par l'entremise des sylphes et des salamandres qui, seuls, avaient le pouvoir de s'élever jusqu'à son paradis aérien.
Rien n'égalait le bonheur du couple primitif servi par les sylphes; ces esprits mortels étant d'une incroyable habileté pour bâtir, tisser, faire fleurir la lumière en mille formes plus variées que l'imagination la plus brillante et la plus féconde n'a le temps de les concevoir. Le paradis terrestre, ainsi nommé parce qu'il reposait sur l'atmosphère de la terre, était donc le séjour des enchantements; Adam et Ève dormaient dans des palais de perles et de saphirs, les roses naissaient autour d'eux et s'étendaient en tapis sous leurs pieds; ils glissaient sur l'eau dans des conques de nacre tirées: par des cygnes, les oiseaux leur parlaient avec une musique délicieuse, les fleurs se penchaient pour les caresser; la chute leur fit tout perdre en les précipitant sur la terre; les corps matériels dont ils furent couverts, sont les peaux de bètes dont il est parlé dans la Bible. Ils se trouvèrent seuls et nus sur une terre qui n'obéissait plus aux caprices de leurs pensées; ils oublièrent même la vie édenique, et ne l'entrevirent plus dans leurs souvenirs que comme un rêve. Cependant, au-dessus de l'atmosphère, les région paradisiaques s'étendaient toujours, habitées seulement par les sylphes et les salamandres qui se trouvaient ainsi gardiens des domaines de l'homme, comme des valets affligés qui restent dans le château d'un maitre dont ils n'espèrent plus le retour.
Note: Voila de bien belles merveilles, qu'on ne trouve pas chez les auteurs précédents. Mais comment notre auteur pouvait il connaitre l'enseignement d'un personnage qui n'a jamais existé? Et ce paradis terrestre, comment se maintenait il au dessus de l'atmosphère? Voila qui fait penser à Brinsley le Poer Trench qui plaçait le paradis terrestre... sur la planète Mars.
Les imaginations étaient pleines de ces merveilleuses fictions lorsqu'apparurent les mirages du ciel et les figures humaines dans les nuées. Plus de doute alors, c'étaient les sylphes et les salamandres de Zédéchias qui venaient chercher leurs anciens maitres; on confondit les rêves avec la veille, et plusieurs personnes se crurent enlevées par les êtres aériens ; il ne fut bruit que de voyages au pays des sylphes, comme parmi nous on parle de meubles animés et de manifestations fluidiques. La folie gagna les meilleures têtes, et il fallut enfin que l'Église s'en mêlât.
Note: Ici nous sommes dans l'incohérence complète. Chez Garinet et ses prédécesseurs, c'est Zédéchias qui a fait paraître les sylphes. Ici, ce même Zédéchias remplit toutes les têtes de ses fictions, avant qu'apparaissent les visions célestes. Et il nous faudrait admettre que des phénomènes qui n'ont jamais existé, aient été interprété dans le cadre des théories d'un kabbaliste qui n'a jamais existé non plus.
L'Église aime peu les communications surnaturelles faites à la multitude; de semblables révélations détruisant le respect dû à l'autorité et la chaîne hiérarchique de l'enseignement ne sauraient être attribuées à l'esprit d'ordre et de lumière. Les fantômes des nuages furent donc atteints et convaincus d'être des illusions de l'enfer;
le peuple alors, désireux de s'en prendre à quelqu'un, se croisa en quelque sorte contre les sorciers. La folie publique se termina par une crise de fureur: les gens inconnus qu'on rencontrait dans les campagnes étaient accusés de descendre du ciel et tués sans miséricorde; plusieurs maniaques avouèrent qu'ils avaient été enlevés par des sylphes ou par des démons; d'autres, qui s'en étaient déjà vantés, ne voulurent plus ou ne purent plus s'en dédire: on les brûlait, on les jetait à l'eau et on croirait à peine, dit Garinet (1), quel grand nombre ils en firent périr ainsi dans tout le royaume. Ainsi se dénouent ordinairement les drames où les premiers rôles sont joués par l'ignorance et par la peur.
Ces épidémies visionnaires se reproduisirent sous les règnes suivants, et la toute-puissance de Charlemagne dut intervenir pour calmer l'agitation publique. Un édit, renouvelé depuis par Louis le Débonnaire, défendit aux sylphes de se montrer sous les peines les plus graves.
Note: Encore une fois, l'auteur a mélangé tout ce qu'il avait trouvé chez Garinet.
On comprit qu'à défaut des sylphes ces peines atteindraient ceux qui se vanteraient de les avoir vus et on finit par ne les plus voir; les vaisseaux aériens rentrèrent dans le port de l'oubli et personne ne prétendit plus avoir voyagé dans le ciel.
Note: Voila qui contredit ce que disent tous les ufologues, que les manifestations de phénomènes inconnus se moquent bien des interdictions, mais qui rappelle le profeseur Heuyer, croyant avoir stoppé la vague d'observations de soucoupes volantes de 1954, parce qu'il avait écrit un article en dénonçant la psychose, au moment même ou elle venait de s'arréter.
(1) Garinet, Histoire de la magie en France, 1818, 1 vol. in-8.
SOURCE: Eliphas Levi, Histoire de la magie, Félix Alcan, 1859, tome 2, p 453
Remarques:
On a beaucoup de mal à suivre l'auteur dans son raisonnement confus, basé sur des citations incohérentes, de la rumeur d'une fiction. Il est vrai qu'Eliphas Lévi, alias Alphonse-Louis Constant, qui était un prêtre raté, fut toute sa vie une ame tourmentée, toujours à la recherche de "la Clef des grands mystères" (qui sera le titre d'un de ses ouvrages. Son Histoire de la Magie eut du succès, mais était-ce à cause de son érudition, ou parce qu'elle faisait rêver?
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