1952 Dick Giordano est il un précurseur?
C'est dès 1952 que le mot "Magonia", pas encore popularisé par Jacques Vallée, mais qui avait bien failli resté à jamais inconnu, va apparaître dans une bande dessinée. Mais le dessinateur, Richard Joseph "Dick" Giordano, qui signait simplement "Dick Giordano", n'est probablement pas l'auteur du scénario. L'histoire qui est racontée mélange la légende des vaisseaux aériens lyonnais, et l'histoire britannique du vaisseau aérien de Cloéra, transporté en d'autres lieus aux siècles suivants par la magie de la rumeur.
Nous pensons au voyage spatial et aux invasions d'un autre monde comme une idée moderne de quelque chose qui pourrait arriver dans le futur... En fait, de telles notions datent de plusieurs siècles ... Il y a mille ans, on prétend que les autochtones d'Angleterre non seulement craignaient, mais subirent réellement les invasions des ... navires des nuages de Magonia.
Note: Cette bande dessinée étant publiée dans une revue de "space opéra", l'interprétation obligée était celle des voyages spatiaux. Mais il y a plusieurs siècles, cette interprétation n'avait pas cours, puisque le bon peuple du moyen age ignorait totalement que les planètes puissent être des mondes habités.
Même l'interprétation par des navires aériens de Magonia n'avait pas cours... en Angleterre, puisque Magonia était une croyance purement lyonnaise.
Autre anachronisme, mais du dessinateur cette fois: Le bateau représenté plus haut est un classique trois-mats, comme on en construisait au XVIIe siècle, avec mat de beaupré, focs, mat de misaine, grand mat, mat d'artimon et brigantine. C'est effectivement une représentation classique des vaisseaux d'autrefois, ceux du temps de "la marine en bois", mais ici, il s'agit de représenter des vaisseaux antérieurs de huit siècles à ces trois-mats. Les vaisseaux qu'on imaginait voguant dans les nuages du temps de la croyance à Magonia, ne pouvaient qu'être identiques à ceux qu'on connaissait, c'est à dire des bateaux rustiques, à un seul mat, et sans gouvernail, comme ceux représentés ci-contre, deux siècles plus tard, sur la tapisserie de Bayeux.
Selon la légende, les tempêtes de grêle étaient apportées par les navire des nuages pour détruire les récoltes afin que les hommes de Magonia puissent atterrir sur terre et ramasser vite les récoltes. |
Après une telle tempête, un groupe d'étrangers d'allure bizarre fut repéré dans un champ anglais ... |
Note: Le texte de l'image de gauche fait visiblement référence aux croyances lyonnaises du temps d'Agobard, mais avec une confusion: Pour les Lyonnais, c'étaient les tempestaires qui déclenchaient la grêle, et non les navires magoniens, qui ne faisaient qu'emporter les récoltes perdues après que leurs occupants les aient acheté aux tempestaires.
Sur l'image de droite, la scène est une pure invention, pour faire la laison entre les croyances lyonnaises, et l'histoire du navire aérien anglais.
Les magoniens alarmés grimpèrent à une corde qui pendait du brouillard bas .... |
Mais l'un fut rattrapé et capturé, comme il luttait, il haleta, à cause de trop de pression atmosphérique.
Et finalement expira entre les mains de ses ravisseurs.
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Note: L'image de gauche essaye de maintenir la cohérence avec l'image précédente, ou plusieurs occupants du vaisseau se trouvaient dans un champ. En fait, dans l'histoire originelle du vaisseau des nuages anglais, il n'y a qu'un seul personnage, qui descend le long de la corde pour tenter de libérer l'ancre qui s'est accrochée.
A droite, comme dans l'histoire originelle, ce personnage est capturé, mais ensuite les différentes versions diffèrent: le personnage est libéré, ou, au contraire, expire. Ici, le scénariste a choisi de le faire expirer sous l'excès de pression atmosphérique, ce qui est absurde: la différence de pression pour quelques dizaines de mêtres d'altitude est à peine sensible: Autrement, il serait impossible de descendre dans un puit de mine, et d'en remonter vivant. Cette allusion à la pression atmosphérique n'est là que pour donner un caractère extraterrestre au personnage.
A travers une brèche dans le brouillard, les magoniens virent que leur camarade était mort et remontèrent leur corde.
Note: Dans l'histoire originelle, que le personnage soit mort ou libérée, faute de pouvoir détacher l'ancre, la corde est coupée.
Et la dernière vue de l'étrange vaisseau spatial, il se dirigeait vers la terre légendaire de Magonia. |
L'étrange créature fut enterrée dans un cimetière anglais, peut-être la première victime à mourir pour cause de voyage interplanétaire! |
Note: Encore des anachronismes:
A gauche, dans l'histoire originelle, le vaisseau s'éloignait dans les airs, mais ni le chroniqueur, ni les supposés témoins n'avaient entendu parler de Magonia.
A droite, si tombe il y avait eu, l'inscription ne risquait pas non plus de porter le mot "Magonia", totalement inconnu en angleterre à l'époque.
Enfin, parler de navigation interplanétaire dans Space adventures est logique, même au moyen age, mais imaginer des extraterrestres venant au XIe siècle, dans des bateaux à voiles, et du XVIIe siècle, en plus, est totalement absurde.
SOURCE: Dick Giordano The cloudships of Magonia, Space adventures, vol. 1, n° 3, nov. 1952, Horvath, 1979, p 4-6
Remarques:
Dick Giordano a représenté comme il a pu, c'est à dire avec un anachronisme sur le modèle de bateau, l'histoire qu'on lui a demandé d'illustrer.
Quant au scénariste, il a bricolé une hybridation de la légende des vaisseaux aériens lyonnais, venant de Magonia, avec celle du vaisseau aérien anglais, sans trop la respecter. Dans la légende anglaise, il y a une ancre, mais pas de Magonia.
Ce qu'il serait intéressant de savoir, c'est où le scénariste a-t-il retrouvé l'histoire des vaisseaux aériens de Magonia. Comme le baron Ernouf, il mélange les tempestaires et les magoniens. Mais il ne peut avoir connu cette histoire par la filière du Comte de Gabalis, puisqu'il n'est pas question de sylphes, mais de Magonia, à l'inverse de celle ci. Et bien sûr, on n'imagine pas qu'il donne ses sources dans une bande dessinée de "space opéra".
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