1854 Louis François Guérin résume le traité d'Agobard
XXIX. Mais là ne se bornent pas encore les travaux de notre saint archevêque. « Ses ouvrages, dit l'Encyclopédie d’Alembert (1117), sont très-remarquables en ce que les préjugés du temps, et qui ont subsisté si longtemps encore après, tels que le duel judiciaire,les épreuves par l’eau et par le feu, l’opinion qui attribue à des sorciers les tempêtes et je ne sais quels maléfioes, y sont formellement combattus. » Nous avons vu qu‘en effet Agobard combattit les duels,les épreuves judiciaires, et qu’il fit un livre contre ta loi que Gondebaud, roi des Bourguignons, avait donnée en faveur de ces absurdes combats (1118); il eut aussi le courage d‘attaquer d‘autres préjugés non moins absurdes et non moins préjudiciables à la religion. Parlons d‘abord de son livre sur le tonnerre et la grêle.
Par une suite de l‘ignorance ou de la négligence des prêtres, dit un savant critique (1119), il s‘était répondu une illusion grossière parmi les peuples au sujet des orages accompagnés de grêle et de tonnerre, et de la mortalité qui régnait quelquefois parmi les bestiaux. Les gens de qualité de même que ceux du peuple, les habitants des villes comme ceux de la campagne, les vieillards et les jeunes gens donnaient également dans de fausses idées là-dessus, et tous pensaient que ces fâcheux événements étaient produits par les sorciers. Leur folie sur ce point allait si loin , qu‘ils croyaient et disaient qu'il avait un certain pays appelé Magonie, d‘où venaient des vaisseaux montés sur les nues, dans lesquels on chargeait les blés que la grêle faisait tomber, et qu’ils étaient ensuite transportés dans le même pays par des matelots aériens, après qu‘ils en avaient payé le prix aux tempestaires : c‘est ainsi qu’ils appelaient ces sorciers. Agobard parle de cette illusion , non sur des ouï-dire, mais pour avoir vu, entendu et interrogé lui-mème eux qui en étaient frappés (1120). C‘est ce qui le détermina à écrire contre une erreur aussi généralement répandue.
Il montre qu‘elle était fondée sur le mensonge, puisqu‘elle attribuait aux hommes ce qui est l‘ouvrage de Dieu seul; que , quand l'Ecriture parle dans le livre de l‘Exode de la grêle extraordinaire qui fut la septième plaie de l‘Egypte, il est dit que ce fut Dieu même qui la fit tomber, et non pas Moïse ni Aaron, qui étaient des hommes justes , ni même Jamnès et Mambrès. qui étaient des enchanteurs. Il prouve la même chose par le livre de Josué, où nous lisons que, lorsque les cinq rois contre lesquels Josué combattait eurent pris la fuite avec leur armée, Dieu lit tomber sur eux une grêle de pierres, qui en fit mourir beaucoup plus que les Israélites n‘en avaient fait périr par l’épée. ll rapporte divers autres endroits de l’Ecriture qui attribuent à Dieu les orages et tous les autres événements extraordinaires, faisant voir que les éléments obéissent en ces
occasions, non aux hommes, mais a Dieu, auteur de la nature.
A l'égard de ce bruit que Grimoald duc de Bénévent , avait, en haine de l’empereur Charlemagne, envoyé des hommes répandre une certaine poussière sur les campagnes, les montagnes et les fontaines, ce qui avait causé une mortalité parmi les animaux, Agobard soutient que ce fait est faux, non-seulement parce que l‘exécution en était impossible, mais parce qu'on n'en
avait aucune preuve. D‘où il conclut qu’il n'y avait pas moins de folie à l‘avoir imaginé qu‘à attribuer aux sorciers la grêle et le tonnerre (1121).
Après avoir loué Agobard de ses luttes contre les préjugés de son temps, l’Encyclopédie ajoute aux lignes que nous avons citées ci-dessus : « C’était un heureux
effet des lumières que Charlemagne avait répandues; mais ces lumières n’éclairèrent que quelques esprits privilégiés, et ne parvinrent pas jusqu’au peuple (1122). » ll eût sans doute trop coûté à l'Encyclopédie de reconnaitre que ce fut plutôt par l’effet des lumières du christianisme qu‘Agobard agit; et nous voyons, contrairement ce que dit cet ouvrage, que ces préjugés et ces erreurs se dissipèrent peu à peu, après les efforts de l‘archevêque de Lyon, ce qui fut encore un effet du travail de la religion chrétienne dans la société.
(1117) Hist. art. AGOBARD, In-4°, 1789, tom. I, p. 228, col. 1.
(1118) Agobardus, Opera, ibid., p. 107 et seqq.
(1119) Hist. des Aut. sac. et éccles., tom. XVIII, p. 600.
(1120) Agobardus, Opera, ibid., p. 145.
(1121) Nous avons d'autant plus tenu à faire connaître ce traité d'Agobard, qu'on a eu le tort dans le Dictionnaire des sciences occultes, etc., tom. I, col. 32. de se borner à dire « qu'il a écrit contre les épreuves judiciaires et contre plusieurs superstitions de son époque, » sans les spécifier, quoique c'en était bien là le lieu.
(1122) Encyclop., id. ibid.
SOURCE: L. F. Guérin, Dictionnaire de l'histoire universelle de l'église, Migne, 1854, tome 1, col. 459
Remarques:
La référence à l'Encyclopédie est fausse: Ce n'est pas l'encycclopédie D'Alembert, mais l'encyclopédie méthodique Panckoucke. Ce tome ne date pas de 1789, mais de 1784
Le livre d'Agobard ne parle pas de la grêle et du tonnerre, mais de la sotte croyance populaire à leur sujet.
Par contre la croyance à la Magonie et aux tempestaires est correctement décrite.
Mais le sectarisme et l'esprit de clocher reprennent bien vite le dessus. L'auteur accuse l'Encyclopédie d'avoir menti en disant que les lumières d'Agobard n'atteinrent pas le peuple. En fait, non seulement c'est exact, mais elles n'étaient pas destinées au peuple, mais au clergé, qui, d'ailleurs, ne les reçut pas plus que le peuple, puisqu'après Agobard des évèques continuèrent de condamner les tempestaires. Mais l'auteur est un écclésiastique, et pour lui les lumières ne peuvent venir que de la religion chrétienne, et pas de Charlemagne ou des encyclopédistes.
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