2003 Les chiens de Dieu contre les sylphes L'histoire qui mêle dans une savante salade, des personnages historiques, des légendes, des contes philosophiques, et des croyances anachroniques, est censé se passer à l'aube de l'an mille. Le roi Hugues Capet est sans héritier, car nous sommes dans une histoire "parallèle", ou son héritier, qui dans l'histoire réelle devient Robert le pieux, est ici décédé. Le personnage principal, Raedwald le saxon, est marchand de reliques. Il a arraché son acolyte, le gigantesque Arnulf à des marchands d'esclaves à Trèves. Quand aux "chiens de Dieu", ces sont les moines du puissant ordre de Cluny. Ici, le fait d'avouer avoir voyagé dans un vaisseau aérien sylphe sort évidemment de Montfaucon de Villars, puisque chez Agobard, il était démontré, au contraire, que les prétendus voyageurs aériens n'étaient jamais descendus d'un vaisseau. Et le fait qu'on prépare un bucher sort encore de Montfaucon de Villars, puisque, chez Agobard, les prétendus voyageurs aériens étaient menacés de lapidation, et non d'un bucher. On note dans l'image de droite, une allusion aux mutilations de bétail, phénomène inconnu à cette époque, et sévissant surtout aux Etats-Unis, mais faisant partie du folklore ufologique moderne, et s'accordant donc bien avec l'idée que les sylphes sont en réalité des extraterrestres. Le chien de Dieu ordonne de mettre le feu au bucher, alors que, comme chez Montfaucon de Villars, celui qui revient de chez les sylphes est persuadé qu'ils sont nos amis. Puis, le chien de Dieu exploite la situation pour réclamer davantage de sanction contre les sorciers, détail qui sort plutôt des capitulaires de Charlemagne contre les tempestaires. SOURCE: Richard D. Nolane, François Miville-Deschênes, Millénaire - t. 1 - Les chiens de Dieu, Les Humanoïdes associés, 2003 Remarques: Si l'on veut se placer dans un cadre historique, le scénario est incohérent. Les sylphes, cher au pseudo comte de Gabalis, dans une fiction publiée en 1670, sortait des idées de Cornelius Agrippa et de Paracelse, à propos des esprits élémentaires (ou élémentaux), et quand bien même, on ferait appel à Psellos, c'est un écrivain du XIème siècle, qui ne semble même pas l'auteur du traité sur les démons qu'on lui attribue. Personne ne croyait donc aux sylphes au Xe siècle. Ici les sylphes agissent depuis la fin du règne de Pépin le bref, exactement comme dans Le comte de Gabalis. La crainte de l'an Mille, qui transparait dans d'autres planches, dans les révélations des chiens de Dieu à propos de l'antéchist, n'est en fait qu'une légende qui eut cours au XIXe siècle. Historiquement, tout ceci est aussi anachronique que si la pape Jean XXIII avait préché la croisade, ou réclamé des buchers pour les sorciers. Mais ici, nous somme dans une uchronie, ou l'auteur profite des libertés que donne la fiction, exactement comme Montfaucon de Villars en avait usé, vis à vis de ses sources. Il va donc puiser le commerce d'esclaves par les juifs chez Agobard, les sylphes et le bûcher chez Montfaucon de Villars, le navire aérien chez les deux précédents, et les admonestations contre les sorciers dans les capitulaires. Il va même saupoudrer le récit de thémes plus modernes comme les mutilations de bétail, et la combustion spontanée (celle de frère Fulcran, qui n'apparait pas dans les images ci-dessus, car elle n'a rien à voir avec les vaisseaux aériens d'Agobard). Et tant qu'à faire, allons y pour rajouter des créatures fantastiques, comme la Goule sarrazine, et même des miracles, histoire de bien montrer qu'on n'est pas dans la réalité. La série se poursuit avec d'autres albums, dont la lecture permet de reconstituer lentement le puzzle sylphe. Les sylphes de Nolane et Miville n'ont en commun avec ceux de Montfaucon de Villars, que le nom et le caractère non terrestre. Ce ne sont plus des élémentaux, comme chez Paracelse, mais les anges déchus de la Bible, des sortes d'extraterrestres malfaisants. Ils ressemblent en fait aux "petits gris" du folklore ufologique moderne et leur vaisseau a la forme d'un disque. Ce sont eux qui ont ressucité le roi Hugues et qui interfèrent dans notre histoire depuis des siècles. La série est une véritable saga où se cotoient les thèmes antiques, médiévaux et modernes. Sodome et Gomorrhe voisinent avec le rayon vert. L'auteur s'amusent même à jouer avec le thème millénariste, en faisant révéler par un vieux document que la vraie naisssance du Christ a eu lieu plusieurs années avant notre ère, ce qui est admis depuis longtemps, et que par conséquent l'an mille est déjà passé sans que quiconque ne remarque rien. Nous pourrions même aller plus loin: La chronologie de James Ussher, qui plaçait la création du monde en 4004 avant notre ère, placait aussi la naissance du Christ en 4 avant notre ère, et son millénaire aurait donc eu lieu en l'an 996, soit deux ans avant la date où commence notre bande dessinée. Mais il eut été bien difficile à notre scénariste de retenir la chronologie Usshérienne, car elle implique que la fin du monde ait eu lieu en 1996. Cette fois, ce serait de l'uchronie au second degré: non seulement les faits et les personnages sont uchroniques, mais le lecteur lui même est uchronique, puisqu'il existe dans un monde qui n'existe plus. |
Dernière mise à jour: 21/02/2018
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