1837 Péricaud dénonce les altérations du récit d'Agobard
- Sancti Agobardi, archiepiscopi Lugdunensis opera. Item epistolae et opuscula Leidradis et Amulonis, episcoporum Lugdunensium, Stephanus Baluzius , Tutelensis, in unum collegit, emendavit, notisque illustravit. Paris, 2 vol. in-8°. Voyez sur Agobard les Archives du Rhone, I, 345 et suiv., et XIV, 74. -Le Traité de la grêle, composé par cet illustre prélat, contient deux anecdotes qui ont été tellement altérées par ceux qui les ont rapportées, que nous croyons de voir en reproduire ici une traduction littérale: - CHAPITRE I. « Nous avons vu et entendu beaucoup de gens assez fous et assez aveugles pour croire et pour affirmer qu'il existe une certaine région appelée Magonie, d'où partent, voguant sur les nuages , des navires qui transportent dans cette même contrée les fruits abattus par la grêle et détruits par la tempête , après toutefois que la valeur des blés et des autres récoltes a été payée par les nautonniers aériens aux tempestaires de qui ils les ont reçus. Nous avons même vu plusieurs de ces insensés qui , croyant à la réalité de choses aussi absurdes, montrèrent à la foule assemblée quatre personnes enchaînées , trois hommes et une femme qu’ils disaient être tombés de ces navires. Depuis quelques jours ils les retenaient dans les fers, lorsqu'ils les amenèrent devant moi, suivis d‘une grande foule, avec l'intention de les lapider ; mais , après beaucoup de discussions , la vérité ayant enfin triomphé, ceux qui les avaient montrés au peuple se trouvèrent , comme l’a dit un prophète aussi confus qu’un voleur pris sur le fait. ( Jérémie II, 26 )...»
- CHAPITRE XVI. « Il y a peu d’années , lors d’une mortalité de bœufs , on avait semé le bruit absurde que Grimoald , duc de Bénévent, parce qu’il était ennemi de l’empereur très-chrétien, Charles , avait envoyé des hommes chargés de répandre sur les plaines et les montagnes , dans les prairies et les fontaines, une poudre pernicieuse qui, ainsi répandue , donnait la mort aux
boeufs. Nous savons que plusieurs personnes prévenues de ce délit furent arrêtées, et nous en avons même vu quelques-unes qui avaient été mises à mort , puis attachées sur des planches , et
jetées dans les fleuves; et ce qu’il y a de plus étrange , c’est que ces hommes , après avoir été pris, rendaient témoignage contre eux-mêmes, disant qu’ils possédaient une pareille poudre
et qu’ils l’avaient répandue çà et là : car le diable , par un jugement secret et équitable de Dieu, usait si bien du pouvoir qu’il avait reçu contre ces misérables , qu’il les faisait servir à eux-mêmes de faux témoins pour leur, condamnation , et que ni les châtiments , ni les tortures , ni la mort ne pouvaient les détourner de témoigner à faux contre eux. Telle était la conviction publique, qu’il y avait bien peu d’individus qui trouvassent absurde une pareille chose ; car on ne pouvait raisonnablement imaginer de quoi se composait une poudre qui ne donnait la mort qu’aux bœufs, en épargnant les autres animaux , ni comment elle pouvait avoir été portée sur des régions si étendues , qu’il eût été impossible aux hommes d’y semer de la poussière , quand , surtout, nul Bénéventin , ni homme , ni femme , ni vieillard , ni jeunes gens n’étaient sortis du pays avec des chars remplis. de poussière. Une si «grande démence s’est emparée de notre malheureux siècle que des, chrétiens croient aujourd’hui des choses absurdes qu’on n’aurait jamais pu faire croire autrefois à ces païens qui ignoraient le créateur de l’univers. J’ai voulu citer ce fait, parce qu’il est semblable à celui sur lequel roule ce traité , et qu’il peut être un exemple des vaines séductions et des altérations du bon sens. »
SOURCE: Almanach historique et politique de la ville de Lyon,1837, p. XXXIII.
Remarques:
Antoine Péricaud fut bibliothécaire de la ville de Lyon de 1827 à 1847, après Antoine François Delandine, qui termina sa carrière en 1820. Quand ils parlent de "ceux qui les ont rapportées" il est évident qu'il pense aussi à Delandine, son prédécesseur, qui a tellement altéré la première anecdote, que c'en est un record, juste avant que Rozier n'en rajoute une louche.
La traduction de Péricaud, suit bien l'idée générale du texte, mais ne suit pas ce texte de près. là ou Péricaud traduit: "assez fous et assez aveugles", Agobard disait: "tanta dementia obrutos, tanta stultitia alienatos", ( enfoncés dans tant de folie, aliénés de tant de sottise), c'est à dire que Péricaud allège la dureté de l'appréciation d'Agobard. Aujourd'hui on écrirait: "tellement fous, tellement cons", car visiblement Agobard ne faisait pas dans le "politiquement correct".
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