1891 Louis Rozier fait d'Agobard un précurseur
Louis Rozier n'est pas un historien connu, il n'a pas droit à une page sur Wikipédia, et n'est pas connu de Google. Il est cependant l'auteur d'une thèse intéressante consacrée à Agobard de Lyon. Malheureusement, son point de vue subit la réfraction de sa croyance religieuse: Sa thèse est soutenue pour obtenir le grade de bachelier en théologie devant la faculté de théologie protestante de Montauban. Mais on peut aussi la considérer comme un antidote, à d'autres études faites par le clergé catholique.
La voix de la raison est méconnue, ajoute-t-il avec tristesse : « Une telle folie a écrasé le pauvre monde que maintenant les chrétiens croient des choses si absurdes, que jamais auparavant on n’en pouvait persuader de pareilles aux païens, bien qu’ils ne connussent pas le Créateur de tous les hommes ».
Agobard ne se contente pas de déplorer le mal. Comment s‘efforce-t-il d’y porter remède? C’est ce qu’il importe de relever.
Dans toute l’étendue de son diocèse s’était répandue l’absurde opinion que la grêle et le tonnerre pouvaient être produits suivant le caprice des hommes; qu’en particulier, certains hommes appelés Tempestarii soulevaient des orages par leurs incantations. La sottise de quelques-uns était telle qu’ils affirmaient avoir entendu parler d'une certaine contrée appelée Magonia, d’où venaient des navires à travers les airs. Les fruits abattus par la grêle ou détruits par les tempêtes étaient, disaient-ils, transportés par ces navires dans la contrée de Magonia.
Sans doute que des matelots aériens donnaient de l’argent aux Tempestarii en échange du froment et des autres fruits. Un jour on présenta à Agobard plusieurs personnes que l’on croyait tombées de ces navires aériens. Elles étaient enchaînées, et la foule excitée n’attendait que le consentement de l’archevêque pour les lapider. Après bien des exhortations et des supplications, il obtint leur gràce.
Note: Rozier fait ici une erreur assez commune. Agobard dit bien que ceux qui avaient amenés ces prisonniers furent aussi confus qu'un voleur surpris, après beaucoup d'argumentation ( post multam ratiocinationem ). Il ne s'agit donc pas du tout de supplication. Agobard était en situation d'autorité et démontra qu'on lui avait raconté des bétises.
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Pourquoi dans les années de sécheresse n'a-t-on pas recours aux Tempestarii pour soulever des tempêtes? S'ils ne peuvent faire pleuvoir, ils ne peuvent pas non plus faire tomber de la grêle. Et, en effet, personne n'a jamais vu à l'oeuvre ces sorciers dont on cite les merveilleux exploits.
Certains hommes exploitaient la naïve crédulité du peuple. Ils se vantaient d'écarter les orages, mais ils exigeaient pour cela de riches présents. Ils avaient même à ce sujet un règlement appelé canonique, ce qui nous amène à penser que ces "homines miserrimi" étaient des prêtres.
Note: Ici le protestantisme reprend le dessus. Louis Rozier qui semble se méfier des prêtres comme de la peste, soupçonne que les para-tempestaires, ceux qui se faisaient payer pour protéger de la grêle étaient des prêtres. Mais si cela avait été, Agobard eut été le premier à s'en indigner, or il n'en dit rien.
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Les superstitions et les injustices vaincues par la raison et la charité, voila la noble cause défendue par Agobard au IXe siècle, en plein Moyen-Age. Il a d'autant plus de mérite qu'ils étaient bien rares à cette époque ceux qui soutenaient de pareilles idées.
SOURCE: Louis Rozier, Agobard de Lyon, sa vie et ses écrits, Montauban, 1891, p 20
Remarques:
L'affaire des tempestaires est correctement rapportée, mais l'épisode des quatre prisonniers, un peu moins. En effet Agobard n'eut de grace à demander à personne.
L'idée générale de Louis Rozier est qu'Agobard fut un précurseur du protestantisme, c'est pourquoi il lui adresse des louanges.
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