George Sand et le Père Noël

(Les faits doivent remonter aux années 1807 à 1809)

Ce que je n'ai pas oublié, c'est la croyance absolue que j'avais à la descente par le tuyau de la cheminée du petit père noël, bon vieillard à barbe blanche, qui, à l'heure de minuit, devait venir déposer dans mon petit soulier un cadeau que j'y trouvais à mon réveil.
Minuit ! Cette heure fantastique que les enfants ne connaissent pas et qu'on leur montre comme le terme impossible de leur veillée ! Quels efforts incroyables je faisais pour ne pas m'endormir avant l'apparition du petit vieux !
J'avais à la fois grande envie et grand' peur de le voir : mais jamais je ne pouvais me tenir éveillée jusque-là, et le lendemain, mon premier regard était pour mon soulier, au bord de l'âtre. Quelle émotion me causait l'enveloppe de papier blanc, car le père noël était d' une propreté extrême, et ne manquait jamais d' empaqueter soigneusement son offrande. Je courais pieds nus m' emparer de mon trésor. Ce n' était jamais un don bien magnifique car nous n' étions pas riches.
C'était un petit gâteau, une orange, ou tout simplement une belle pomme rouge. Mais cela me semblait si précieux que j' osais à peine le manger. L'imagination jouait encore là son rôle, et c' est toute la vie de l' enfant.

Je n' approuve pas du tout Rousseau de vouloir supprimer le merveilleux, sous prétexte de mensonge. La raison et l' incrédulité viennent bien assez vite d' elles-mêmes. Je me rappelle fort bien la première année où le doute m' est venu sur l' existence réelle du père noël. J' avais cinq ou six ans, et il me sembla que ce devait être ma mère qui mettait le gâteau dans mon soulier. Aussi me parut-il moins beau et moins bon que les autres fois, et j' éprouvais une sorte de regret de ne pouvoir plus croire au petit homme à barbe blanche.

J' ai vu mon fils y croire plus longtemps ; les garçons sont plus simples que les petites filles. Comme moi, il faisait de grands efforts pour veiller jusqu' à minuit. Comme moi, il n'y réussissait pas, et comme moi, il trouvait, au jour, le gâteau merveilleusement pétri dans les cuisines du paradis ; mais, pour lui aussi, la première année où il douta fut la dernière de la visite du bonhomme.

Il faut servir aux enfants les mets qui conviennent à leur âge et ne rien devancer. Tant qu' ils ont besoin du merveilleux, il faut leur en donner. Quand ils commencent à s' en dégoûter, il faut bien se garder de prolonger l' erreur et d' entraver le progrès naturel de leur raison.

( George Sand, Histoire de ma vie, tome 4, chapitre 11ème, page 80 à 82 de l'édition de 1856 )

George Sand nous raconte ici des souvenirs qui remonte à l'époque ou elle avait de 3 à 5 ans, donc de Noël 1807 à Noël 1809. Il n'est pas sûr qu'à cette époque, l'expression "père Noël" existait déja. On sait que George Sand aurait commence la rédaction de son Histoire de ma vie en 1847, et que cette rédaction lui aurait pris 8 ans
Mais on peut remarquer que la description correspond assez bien à ce que sera plus tard, le Santa Claus américain, qui ne prendra taille humaine qu'à la fin du 19ème siècle.
On peut donc se demander si, à l'inverse de la croyance actuelle, ce ne serait pas plutôt le petit père Noël qui aurait inspiré les premières descriptions de Santa Claus

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