CHAPITRE V

DE NOS JOURS

la faveur actuelle
L'avis des psychologues
Les dégâts de l'astrologie: escroquerie, danger médical, déchéance de l'intelligence publique
Devoir des éducateurs. L'appel de l'UNESCO
Difficultés de la croisade
Les ripostes à prévoir
Une enquête encourageante

Si son emprise a continué à décroitre jusqu'à nos jours, devant le développement de l'instruction publique, si elle n'a jamais repris son pouvoir de façon alarmante, l'astrologie n'en demeure pas moins un grave problème social et un danger. Après les guerres, aux heures de désarroi émotif, de misère, quand de graves incertitudes pèsent sur l'avenir, réapparaît parmi les hommes la mentalité tragique des peuples primitifs; la superstition, sous toutes ses formes, trouve un regain de faveur.
Entre les deux dernières guerres, on a pu constater un accroissement de l'intérêt public pour l'astrologie. Ce déplorable essor s'est manifesté d'abord dans les pays de langue anglaise: Etats-Unis, Canada, Iles Britanniques, Afrique du Sud, Australie. Puis il a gagné l'Europe continentale. La France, hélas, ne s'est pas distinguée par une résistance particulière et les pouvoirs publics sont demeurés inertes, quand ils n'ont pas été complaisants.
Les journaux quotidiens et, plus encore, les hebdomadaires, ont été les véhicules du microbe, par vénalité et par ignorance. Maints journaux impriment avec régularité un bulletin astrologique. Cette néfaste propagande s'accroît aujourd'hui. C'est le devoir des astronomes et de tous les éducateurs, d'informer le public sur la vraie nature de l'astrologie, de montrer qu'elle est un leurre, une absurde pseudo-science et non pas une science concurrente de l'Astronomie.
En 1935, il y avait rien qu'à Paris trois mille quatre cent soixante cabinets d'astrologie-chiromancie déclarés et imposés comme « bureaux de renseignements » et combien d'officines clandestines. Un illustre astrologue à lui seul avait un courrier de cinq mille lettres par jour et occupait cinquante employés
(Il déclara seulement 44.500 Ir. de bénéfices à la cédule des professions non commerciales et paya 2.945 fr. d'impôts)
Aujourd'hui, la vogue devient si grande, que plusieurs périodiques sont exclusivement consacrés à l'astrologie: l'un d'eux tire à cent mille exemplaires, en cette époque où le papier manque pour imprimer les choses sérieuses.
On a vu
les délirantes promesses de ces feuilles. Aux Etats-Unis, la situation est pire: il existe au moins trente mille astrologues, vingt magazines astrologiques purs (dont l'un tire à cinq cent mille) ; plus de deux mille quotidiens ou hebdomadaires ont leur rubrique astrologique. La Radio a beaucoup favorisé les charlatans. Après une série de causeries, Miss A... reçut cent cinquante mille demandes d'horoscope en trois mois; un autre charlatan offrant pour 1 $ « un horoscope solaire complet » reçut par lettres trente mille billets de 1 $ (1 million de francs).
Les ondes de la Radio leur ayant été interdites aux U. S. A., certains astrologues ont pris la radio mexicaine pour véhicule et ont fourni une adresse postale en ce pays. D'après une enquête faite en 1943 « cinq millions d'Américains, hommes et femmes, agissent d'après le devin et dépensent 200 millions de dollars par an pour connaître l'avenir ..
Les fervents ne sont pas uniquement des adolescents romantiques ou des adultes excentriques: les milieux d'affaires et d'artistes sont particulièrement contaminés; Wall Street et Hollywood sont, dit-on, des paradis pour les astrologues.
Les appareils à sous ont succombé à la folie astrologique: sur le recto du ticket, il y a le poids de la victime et au verso, des conseils astrologiques.
Les efforts de l'astrologie pour se faire reconnaitre légalement sont de plus en plus grands: elle a failli devenir légale en Californie en 1943 (proposition de loi n° 1793). Le bill fit la navette entre plusieurs Commissions avant d'être écarté: le seul fait qu'il ait pu être introduit et discuté montre les ravages et les progrès actuels de l'obscurantisme dans des milieux qu'on aurait pu croire moins crédules.
Le Monde n' a-t-il pas été plongé dans la guerre par Hitler, à une date déterminée, sur la foi de ses astrologues? Un président de l'Université Columbia, Nicolas Murray Butler, affirme qu'Hitler était en consultation fréquente avec cinq astrologues et qu'en 1939, ces conseillers lui donnèrent le mois de Septembre comme sommet de sa carrière. « Quoi-qu'il jugeât bon de faire pour accroitre sa renommée, il devait le faire avant cette époque. »
Si cet avis a vraiment pesé sur la décision, c'est l'un des plus grands triomphes du non-sens dans l'Histoire. Très accessoirement, ce serait une nouvelle preuve de la nullité de l'astrologie: car, cette décision de nature à accroitre la gloire d'Hitler, on sait comment elle a finalement tourné pour lui.
En tous pays, certains journaux ont le courage de réagir, de publier les erreurs flagrantes des virtuoses. Un périodique fort répandu aux Etats- Unis, Good House Keeping, a publié en 1940 les résultats d'une longue enquête; en particulier, un astrologue fut chargé de tirer l'horoscope de cinq personnes choisies par le magazine: les prophéties s'avérèrent dénuées de tout lien avec la vérité. Puis Good Heuse Keeping lança à la Société Astrologique le défi suivant: la Société désignerait quatre de ses membres les plus qualifiés; on les isolerait; on leur proposerait, à chacun, de tirer l'horoscope des deux mêmes lecteurs du magazine, un sténographe recueillerait tous les mots prononcés.
Les astrologues ne sont pas fous: le défi n'a pas été relevé.

L'avis des psychologues. - La Société américaine d'études psychologiques et sociales a publié en 1940 la déclaration officielle suivante:
Les psychologues ne trouvent aucun indice que l'astrologie soit d'aucune valeur, en tant qu'indicateur du passé, du présent ou de l'avenir, pour la vie ou la destinée de quiconque. Il n'y a pas non plus la moindre raison de croire que les événements sociaux peuvent être prédits par l'astrodivination. La Société déplore donc la foi d'une grande partie du public en une pratique magique qui n'a aucun élément de justification dans des faits scientifiques.
La principale raison qui tourne les gens vers l'astrologie et les autres superstitions connexes, est qu'ils manquent, dans leur propre vie, des ressources nécessaires pour résoudre les problèmes personnels sérieux qui se posent à eux. Désemparés, ils cèdent à la plaisante suggestion qu'une clef d'or est à leur portée - une solution simple - une aide toujours présente aux temps de trouble. Cette croyance est plus facilement acceptée aux époques de bouleversement et de crise quand sont rompues les sauvegardes normales de l'individu contre la
crédulité. Quand les habitudes morales sont amoindries par la dépression économique ou la guerre, l'égarement croît, la confiance en soi s'amoindrit, et la croyance à l'occultisme augmente.
La foi en l'astrologie est nuisible, dangereuse, car elle encourage une évasion malsaine hors des problèmes permanents de la vie réelle. S'il est humain d'essayer d'échapper à l'effort que représente une pensée profonde et aux responsabilités de ses propres actes, cela ne fait aucun bien de se tourner vers la magie et le mystère pour échapper à la misère. D'autres solutions sont à trouver par ceux qui souffrent de la pauvreté, de la mort d'un être cher, ou de la peur du lendemain.
En offrant au public un horoscope qui se substituera aux conclusions d'une réflexion soutenue,les astrologues sont coupables de favoriser l'humaine tendance à préférer la facilité aux chemins ardus. Ils le font en dépit du fait que la science rcjette leurs prétentions et en dépit des lois qui interdisent leurs prophéties comme frauduleuses. C'est à l'encontre des intérêts du public que les astrologues prodiguent leurs conseils, qui l'arrachent à la réalité. Il est malheureux que, dans l'esprit de beaucoup, l'astrologie soit confondue avec une vraie science. Cette confusion empêche de développer des habitudes de pensée correctes qui aideraient à comprendre les facteurs naturels, sociaux, et psychologiques, qui influencent en réalité les destinées des hommes. Il est, d'ailleurs, exact que la science même est encore loin d'apporter une solution définitive aux problèmes sociaux et psychologiques de l'humanité; mais ses progrès, jusqu'à présent, indiquent clairement que les destinées des hommes sont modelées par leurs propres actions en ce monde. Les corps célestes, sur ce sujet, peuvent à bon droit être mis hors de compte. Nos destins reposent non pas dans nos étoiles mais en nous-mêmes.

Les dégâts de l'astrologie: escroquerie, danger médical, déchéance de l'intelligence publique. - A la vente des horoscopes, l'astrologie ajoute souvent un fructueux commerce de pacotilles. Voici un échantillon épistolaire typique:
« Monsieur, je suis charmée de mon horoscope. Vous me dites exactement la vérité. Je suis heureuse de posséder les treize talismans de la bonne sorcière, dont je constate déjà les heureux effets. Veuillez m'envoyer par retour du courrier un grand flacon de votre parfum astral-magnétique d'automne, avec un horoscope pour mon fils. »
Louis Couderc, médecin psychiatre, ancien interne des asiles de la Seine, rapporte une expérience fort instructive. Ayant fait passer dans un quotidien une annonce brutale, où il se donnait ouvertement pour un nouveau Messie, il fut submergé de réponses. A tous ces correspondants, il expédia la même circulaire de pronostics et de conseils. Il reçut plus de deux cents lettres enthousiastes. « Vous lisez dans ma vie comme dans un livre. » - « Ce que vous me dites de mon passé et de mon caractère est l'absolue vérité. »
Parmi les conclusions de son enquête, retenons ceci: les clients des astrologues ne sont pas uniquement des nalfs, des débiles mentaux, des délirants; certains déprimés, des anxieux (ce qu'on nomme des psychopathes légers, dont l'intelligence, ordinairement, n'est pas inférieure à la moyenne) se font exploiter sans vergogne et aggravent par ce moyen leur crise mentale. Il est urgent de combattre la liberté d'une publicité scandaleuse, de stigmatiser la carence des réactions officielles et l'indulgence des magistrats lorsqu'une affaire d'occultisme leur est soumise.
Le premier charlatan venu peut se baptiser « professeur », couvrir les murs d'affiches, gangréner la presse qui succombe à l'appât de fructueux contrats de publicité. Désormais, des familles iront dépenser en consultations incessantes, à tout propos, le peu d'argent qu'elles ont de disponible; elles se priveront parfois du nécessaire: j'en connais de tristes exemples et j'ai reçu déjà bien des confidences, ou écouté des plaintes navrantes sur ce sujet.
Non seulement l'astrologie draine chez de pauvres gens des deniers qui auraient pu servir à leur santé ou à leur bien-être, mais elle jette le trouble dans les esprits, les incline au fatalisme, démoralise les faibles, constitue un danger médical. Elle contrarie les efforts de l'éducation nationale pour le progrès et la raison. L'astrologie, comme les autres superstitions, accompagne en général l'ignorance. Cependant, dans l'Histoire, des personnages éminents par certains caractères, en ont été les victimes. Aujourd'hui encore, des gens sincères et en apparence cultivés lui demeurent asservis.
On tourne le dos à la science que l'on baptise avec mépris « le scientisme », on bannit l'exercice de la raison, on se révolte contre son « absurde tyrannie », on l'accuse de dessécher le cœur et l'âme. Ensuite, on transfère la capacité de connaitre à ce subjectivisme, que la science a eu le mérite d'éliminer: notre civilisation occidentale a essentiellement consisté à nous en débarrasser.
On voit bien la tentation qu'offrent aux paresseux ces mirages: il serait si commode de remplacer des années d'études et de laboratoire par une extase de cinq minutes! L'occultisme se trouve naturellement apparenté à ces rhétoriques qui passent pour une connaissance intime des choses. Dans la pensée confuse, on se sent solidaire à la fois de l'Antiquité préscientifique et d'un orientalisme encore englué d'astrologie.
La raison n'est pas un point de départ commun à tous les hommes: c'est une conquête fragjle et toujours menacée. Nous ne sommes pas en danger par excès de rationalisme: un vernis scientifique se superpose encore souvent à une mentalité primitive. Nous devons lutter en permanence contre l'invasion du déraisonnable.
A côté de l'enseignement rationnel scolaire, l'enfant recueille dans les scènes de la vie quotidienne les survivances du fétichisme ancestral: méfaits du vendredi 13, du nombre 13 surtout à table, du souhait de bonne chance la veille d'un examen; bienfaits du bois qu'on touche, du fer à cheval ou du trèfle à quatre feuilles, du fétiche qu'on arbore ou de l'amulette que l'on cache.
La croyance à l'astrologie, en dépit de son pompeux appareil, ne fait que compléter cette liste: cette superstition de l'âge mûr profite de l'ambiance où pullulent les menus rites populaires.

Devoir des éducateurs. L'appel de l'UNESCO. - Une bonne partie de la population, dans les pays les plus civilisés, croit encore que l'astrologie est une science. Dans une grande bibliothèque publique, même, l'astrologie est classée dans la rubrique « sciences .. Les observatoires reçoivent chaque jour des demandes d'horoscopes: donc la confusion entre astronomie et astrologie persiste.
Jusqu'à présent, les savants, qui sont unanimement hostiles à l'astrologie, n'ont élevé que des protestations isolées, individuelles. L'UNESCO, organisation mondiale pour le développement de la pensée, de la culture, nous invite officiellement à entreprendre une action concertée, à entamer la lutte contre cette néfaste superstition.
« Celui qui divulgue la science se trouve automatiquement rangé du côté des ennemis implacables de ces cultes du mysticisme; il doit chercher à les remplacer chez autrui par des modes rationnels de pensée. »
L'UNESCO demande aux instituteurs, aux professeurs, aux écrivains scientifiques, aux savants, et particulièrement aux astronomes, que leur fonction engage, de faire campagne pour éclairer l'opinion.
Nous n'avons pas le droit de nous dérober, de rester passifs ni neutres. Dans une démocratie, informer le public sur la nature et la valeur d'une fausse science si antique et si malfaisante, fait partie des fonctions de tout éducateur et de tout homme de science, si désagréable que puisse être la corvée.
Les instituteurs sont cités en premier lieu, car l'enfant doit être averti et mis en garde. Dans les Ecoles du Premier Degré, l'avertissement, tombant dans un terrain vierge, peut faire lever des générations allergiques à l'astrologie, qui résisteraient mieux que la nôtre au virus de l'art spéculatoire et à l'abracadabra de ses formules. L'Education Nationale, dont l'efficacité est compromise par cette marée du déraisonnable, devra mettre explicitement au programme des Ecoles la dénonciation de l'astrologie et des commerces associés ou concurrents.
Les Ecoles Normales d'Instituteurs me semblent les milieux qu'il faut armer pour cette lutte et éveiller à l'action en première urgence.
Il ne faut pas se dissimuler que le progrès sera lent: il sera parallèle au relèvement général du niveau de l'instruction publique et à l'enseignement de la méthode scientifique, mais, réciproquement, la lutte qu'on nous demande contribuera à ce relèvement.
Lorsque l'adulte a contracté l'habitude de s'appuyer sur l'astrologue, de le prendre pour confident et pour conseiller, le mal est souvent sans remède. Pour ceux qui veulent croire au mirage, toute réfutation demeure sans valeur. Et d'ailleurs, les articles contre l'astrologie, qui seraient les armes les meilleures, ne sont lus, en général, que par ceux qui les approuvent; ils n'atteignent pas les milliers ou les millions de crédules car la croyance ne laisse pas le temps à la raison de prendre contact avec l'argument ; l'hostilité de l'article, dès qu'elle apparaît, en fait abandonner la lecture; la dupe se rejette sur les innombrables feuilles qui flattent sa marotte et accroissent sa confusion mentale (avant de les envoyer à l'officine qui soulagera son portefeuille).
De même, les conférences ne sont pas très efficaces, car elles sont surtout suivies par ceux qui sont déjà édifiés sur l'astrologie.
Il est donc essentiel d'agir, avant tout, sur la jeunesse, en terrain vierge et encore neutre.
Plus tard, je ne vois guère que la Radio et le Cinéma qui puissent avoir une action profonde, renouvelée, à laquelle le public n'échapperait pas facilement, à condition que ces puissants moyens de propagande entreprennent la croisade et de façon habile.
Mais sur ces terrains, l'astrologie a pris les devants : pendant plusieurs années, les mages et prophètes s'en sont donné à cœur joie sur les antennes, et ont eu Je temps de contaminer les foules, de gagner d'immenses clientèles. Quant aux films, nous en avons déjà vu un, consacré à Nostradamus, qui était très beau et ne pouvait qu'encourager les tendances antiscientifiques. Le magnat d'Hollywood, Will Hays, vers 1940, se préparait à faire une douzaine de films astrologiques: on l'apprit à temps. Les sociétés scientifiques américaines et soixante-dix clubs astronomiques d'amateurs élevèrent de violentes protestations. On n'a plus reparlé de ces films, mais c'est peut-être la guerre, surtout, qui a contrarié leur réalisation?
Un très bon film, qui montrerait l'humanité dans sa faiblesse, dans ses terreurs séculaires, avec l'espoir toujours déçu d'éclairer par les astres son destin; qui ferait valoir les humbles débuts de la véritable science, sa méthode, ses bienfaits, ses promesses si l'homme en use avec sagesse; ce film, habilement réalisé, ne manquerait pas de puissance dramatique, et pourrait éveiller un intérêt général. Monté avec tact, il ferait peut-être concevoir même aux croyants de l'astrologie qu'elle n'est qu'un jargon dénué de sens.
Quelle organisation, quel pays, nous l'offriront?

Difficultés de la croisade. - La tâche est ingrate et rude. Se poser en redresseur de torts, rompre des lances sans nécessité directe, blesser ceux qui croient trouver en l'astrologie un réconfort, tout cela compose une attItude a priori désagréable.
« Celui qui relève les erreurs des autres s'expose à leur rancune sans aucune chance de gloire » dit un adage ancien.
Tous les caractères n'ont pas la dose d'agressivité nécessaire; beaucoup préfèrent leur repos, l'indifférence, le scepticisme.
Les fidèles de l'astrologie qui sont sincères et honnêtes, n'ont en général aucun contact avec la science, ni aucun moyen de distinguer la vraie preuve de la fausse. Croyant détenir des preuves évidentes, ils estiment la science étrangement aveugle, intolérante et bigote. Leurs arguments sont émotifs et non rationnels. Il est impossible et dangereux, d'engager un débat public avec eux, car les mots n'auraient pas le même sens dans les deux camps. Comme il n'y a, non plus, aucune base commune de départ, la discussion ne va jamais loin et déçoit. Les inspirés sont en général retors, habiles à la chicane. Il n'existe, c'est un fait, aucun critère immédiat et indiscutable, qui rende évidente l'erreur astrologique et une discussion peut tourner à la confusion du rationaliste mal préparé à l'assaut. Des amateurs d'astronomie, malgré les avertissements, s'étaient prêtés à la controverse; ils résument ainsi l'expérience: « Raisonner avec les astrologues, c'est boxer un oreiller de plume: ou l'enfonce en un point, il se regonfle ailleurs. Ils nous ont chicanés sur les définitions, nous n'avons pas pu aller plus loin. »
Discuter avec les prophètes est stérile et vain, surtout en présence du public: le prestige de la science n'a rien à gagner dans une bagarre confuse, où, même en apparence, elle serait mise, au départ, sur un pied d'égalité avec la superstition.

Les ripostes à prévoir. - La question se présente sous un aspect plus agréable lorsqu'il s'agit de dénoncer les charlatans et les escrocs. Mais les ennuis seront d'autre nature: la corporation est puissante et défend âprement son bifteck. Ordinairement en proie aux luttes intestines, à la concurrence, elle saura faire taire ses discordes contre l'assaillant. Tout propagandiste doit s'attendre à des réactions fort vives, à des projections de venin. On lui fera parfois l'honneur de lui consacrer une brochure. Je l'ai déjà mérité, pour ma part; le délégué à la contre-attaque porte un nom de cerise, Bigarreau, si vous voulez bien. Son fascicule est d'une pauvreté insigne, mais on y trouve l'indication des méthodes générales de ces Messieurs.
Il s'agit avant tout, de déconsidérer le contradicteur: il n'est pas sérieux; ses arguments sont des plaisanteries de mauvais goût, vieilles comme le monde; il les a prises dans Cicéron; ses raisons ne prouvent rien, il nie l'évidence; c'est un spécialiste étroit, un scientiste, un triste représentant de la science officielle (le mot officiel est péjoratif, parait-il), un esprit et un cœur sec, un négateur systématique, un rationaliste (la raison, ici, devient une tare, naturellement). Vous vous êtes imposé de ne citer aucun astrologue moderne? Alors, vous ignorez tout des merveilles du jour, vous condamnez sans savoir; vous jugez de la locomotion moderne d'après les fresques antiques! Hélas, j'ai une valise pleine des œuvres que Bigarreau jette à ma tête: les Robur, les Chinard, les Achernar, les Directeurs, les Présidents, tous les Mages en un mot, plus lui-même. Puissé-je vous en avoir épargné la lecture
(Les noms cités Ici sont altérés à dessein. pour garder aux arguments leur portée générale. Mals les fervents de l'astrologie identifieront sans peine leurs Idoles.)
Après avoir démoli, Bigarreau construit: alors, et l'influence du Soleil? et celle de la Lune? Et les marées plus fortes en syzygie qu'en quadrature? Le voilà, le rôle des aspects! Les planètes, les étoiles sans influence ? Pourquoi impressionnent-elles, alors, notre rétine, et la plaque photographique, et le spectrographe? Comme il est borné, cet astronome qui oublie tout, même les saisons !
N'insistons pas: après un premier assaut, on se sent plus ardent à la bonne parole. Mais nous devons devenir nombreux à entrer dans l'action.
Le pire qui puisse arriver, d'ailleurs, c'est de se trouver couvert d'éloges par des astrologues, qui, avec compliments et pommade, se déclarent en plein accord avcc vous: vos « savants » travaux confirment pleinement leur « loi évolutive » et vous voilà mêlé à un festival d'astrologie. J'ai connu plusieurs fois cette mésaventure: un astrologue, dans la Vigie Marocaine, n'a-t-il pas consacré six colonnes à célébrer nos parallèles conclusions ? Lui et moi, comprenons vraiment l'Univers de la même façon...
Je préfère les injures.

Une enquête encourageante. - Les démonstrateurs d'un grand planétarium des Etats-Unis se sont livrés à une enquête auprès de leurs visiteurs, dont les âges allaient de dix à cinquante ans, mais plus nombreux de vingt à quarante ans.
Avant la séance, 12 % des visiteurs croient que l'astrologie est un fait, 21 % hésitent, 67 % pensent que c'est une bêtise.
Autrement dit, un visiteur sur trois est une proie possible pour les aigrefins.
La visite du planetarium semble avoir un heureux résultat; interrogés à la sortie, les visiteurs redonnent leur opinion: un quart (24 %) du lot des croyants ou hésitants déclare avoir changé d'avis et, fermement, ne pas croire (ou ne plus croire) ; par surcroît, 10 %, en plus, ne savent pas bien s'ils ont changé d'avis.
En résumé, dans cette région des Etats-Unis et parmi ceux qu'attire un planetarium, un tiers des esprits sont aptes à la maladie; mais un tiers d'entre eux, environ, après une seule démonstration bien conduite sur la nature du Zodiaque et des planètes, semblent devenir résistants au virus.

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