L'opinion des astronomes
Il n'existe pas, de nos jours, sur toute la Terre, un seul astronome, grand ou petit, qui croie à l'astrologie. Je n'ai pas l'intention d'abriter mes propos derrière le principe d'autorité: mais l'unanimité des gens qui connaissent le ciel est tout de même un fait qui a sa valeur. Au nombre de quelques milliers, munis de puissants moyens d'investigation, avides de trouver du nouveau, et qui en trouvent chaque jour (qui ne connaît l'essor de l'Astronomie contemporaine ?) les astronomes, en pleine connaissance de cause, opposent à l'astrologie une incrédulité complète et, aux charlatans qui s'en servent, une hostilité déclarée. L'importance du fait est si grande que les astrologues cherchent à le minimiser: hostilité de principe, disent-ils; querelle de boutique; esprit de chapelle; « science officielle » jalouse de son monopole. Allons donc ! Qui peut le croire? Qui empêcherait un astronome de publier son accord sur une loi astrologique, s'il la reconnaissait juste et bien fondée, et de s'illustrer d'autant mieux, par cette preuve, qu'elle serait plus inattendue?
Et d'ailleurs, jusqu'au Moyen Age, n'y eut-il pas des astronomes, et non des moindres, à pratiquer l'astrologie? Pourquoi leurs successeurs en ont-ils abandonné le commerce? La réponse est évidente; les progrès de la science les ont convaincus de la fausseté de la doctrine astrologique.
L'une des plus vastes et des plus célèbres sociétés astronomiques du monde, l'A. G. (Astronomische Gesellschaft), de caractère international, a tenu à élever sa voix contre les prétentions de l'astrologie en son congrès de Bonn (1949). Voici quelques passages de sa déclaration:
« De nos jours, ce qui s'intitule Astrologie, Cosmobiologie, etc., n'est qu'un mélange de superstition, de charlatanisme et de commerce.
« Certes, tous les astrologues ne se bornent pas à fournir des imprimés-types, où l'on trouve des analyses de caractère ou des conseils relatifs à toutes les situations de la vie. Il existe des « cercles astrologiques » qui opposent à ces sottises leur propre astrologie, prétendue sérieuse. Mais cette astrologie-là n'a pas pu, non plus, fournir la preuve qu'elle soit une science ni que ses méthodes soient scientifiques. A cela, les prédictions qui, par hasard, se seraient réalisées ne peuvent rien changer.
« L'astrologie n'est qu'un système de règles admises arbitrairement. » (Traduction S. AREND.)
Vraie nature du rayonnement des planètes, son influence. - Les planètes sont des corps petits et froids. Leur lumière est surtout de la lumière solaire, qu'elles nous renvoient comme des miroirs; et non seulement cette lumière n'a pas de qualités propres puisqu'elle vient indirectement du Soleil - mais sa quantité est négligeable en regard des variation. incessantes de l'activité solaire. Car le Soleil a des taches, des facules, des protubérances qui modifient d'un instant à l'autre son rayonnement. Ces variations rapides du flux solaire, dont aucun astrologue ne tient compte, sont cependant des millions de fois plus intenses, pour la Terre, que la somme des rayonnements planétaires!
Comme tout corps qui n'est pas à la température du zéro absolu, les planètes ont une émission propre; mais en raison de leur basse température, cette émission est infrarouge. En outre, elle est mille fois moins abondante encore que la lumière visible réfléchie par la planète. C'est merveille d'avoir pu la déceler, récemment, avec les puissants moyens de l'astrophysique.
De cet infrarouge planétaire si infime, l'astrologie peut-elle tirer avantage? Il est arrêté par le moindre obstacle (murs des maisons, vêtements, rideaux) et l'on n'expose nullement le nouveau-nê tout nu à la lumière des planètes. D'ailleurs, les murs de la pièce, les meubles, la lampe, le bec de gaz sous la fenêtre, l'accoucheur même, dêbitent beaucoup plus d'infrarouge et irradient beaucoup mieux l'enfant que ne peut le faire la planète.
Dans une large mesure, les planètes ont des constitutions analogues (roches et gaz). Il est extrêmement improbable (même si nous admettions un mystêrieux mêcanisme de transfert des influences) que des corps semblables aient sur les affaires humaines des actions si différentes, et même contradictoires.
Nous sommes obligés d'admettre que des blocs rocheux entourés d'une atmosphère agissent diffêremment parce qu'ils portent des noms de personnages de conte! de fées.
Au surplus, l'astrologie ne tient aucun compte des magnitudes apparentes; Mars et Vênus ont des distances à la Terre qui varient de 1 à 7 selon l'époque: nul horoscope ne fait intervenir ce facteur distance. (En astronomie, les effets sont généralement à l'inverse du carré des distances: l'action devrait varier de 50 à 1 pour l'horoscope, au cours de la révolution.)
Si, entrant dans le jeu, nous tenons compte des photons planétaires venus jusqu'à la Terre, resterait à dêmontrer leur ahurissante sélectivitê sur le nouveau-né, cependant que, dans les berceaux voisins, les enfants venus au monde trois ou six heures auparavant n'en seraient plus affectés. Pourquoi les astres agiraient-ils à l'instant de la naissance et non pas à d'autres? L'objection a paru si valable que certains astrologues ont remplacé l'instant de la naissance par celui de la conception. A mon avis, ce n'est pas plus mal - ni mieux. Resterait ensuite à prouver l'influence élective de tel astre sur telle faculté mentale; en ce domaine, les biologistes préfèrent vraiment incriminer l'hérédité et le milieu. Resterait encore à prouver le déterminisme à long terme, l'arrivée future des amis, des ennemis, des microbes, répondant à l'appel primitif de ces faibles lueurs céleste!!, éparses parmi les lumières et parmi les calories de la ville ! Je m'arrête; nous n'en finîrions pas.
Vous commencez à voir, j'espère, pourquoi nous sommes rétifs à ces charmes.
Il est d'ailleurs notoire qu'on ne convainct jamais un astrologue. Si vous lui montrez que l'action des planètes ne peut être que dérisoire, il vous répondra qu'une petite cause peut avoir de grands effets, que vous l'oubliez fâcheusement - et il vous fera une conférence sur les vitamines!
Le déterminisme. - En leur principe, les prédictions astrologiques impliquent l'existence d'un déterminisme à longue échéance qui apparait d'emblée comme une singulière outrance, comme une caricature du déterminisme scientifique. Un vieillard de soixante-quinze ans glisse sur une pelure d'orange: il se tue. L'événement et sa cause ont assurément obéi aux lois de la Mécanique. Mais le déterministe le plus convaincu ne prétend pas que la semelle du vieillard et la pelure d'orange avaient déjà leur superposition mortelle inscrite dans les faits soixante-quinze ans d'avance. Nous disons que le malheur est dû au hasard parce qu'une infinité d'événements indépendants ont contribué à en réaliser les conditions. Tant de circonstances fortuites dévient à chaque seconde nos gestes que la prédiction de l'accident, même une minute d'avance, est impossible.
Il est encore plus remarquable, comme le fait l'astrologue, d'associer à la gestation de cette glissade certains corps célestes, par la position où ils se trouvaient soixante-quinze ans auparavant, à l'heure de la naissance du pauvre homme. Un déterminisme à long terme est ainsi attribué à un aspect fugitif et même instantané de la voûte céleste.
Si l'on y réfléchit, quel furieux orgueil, chez tout client de l'astrologie: on fait intervenir dans le détail quotidien de sa petite existence quelques pIanètes, beaucoup d'étoiles, et il ne sourcille point. Les particularités de sa santé et de son caractère, on ne les attribue pas à son hérédité, aux chromosomes ou aux tares de son père ou de son grand-père, ni à l'éducation qu'il a reçue, ni au milieu social où il a vécu: non, ce sont les signes du Zodiaque et les planètes qui, comme des fées, se sont penchés sur son berceau pour en décider.
Un cas dramatique. - Le pôle nord de l'écliptique se trouve à 23°,5 du Pôle nord céleste. Les points de la Terre qui sont situés sur le cercle polaire ont leur zénith à 23°,5 du Pôle céleste. Donc, au cours du mouvement diurne, le pôle de l'écliptique passe chaque jour au zénith de tous ces lieux terrestres. Alors, l'écliptique coincide avec l'horizon et ne traverse plus aucune maison. Il n'y a plus d'horoscope pour les malheureux qui naissent à ce moment-là. Pour ces Alaskiens, Canadiens, Groenlandais, Norvégiens, Suédois, Finlandais, Russes et Sibériens, quel peut être l'avenir, sous d'aussi affreux auspices? Le ciel leur manque, à l'origine.
de leur action sur le fœtus pendant les mois de la gestation.
Ce non-sens est flagrant. Dire que le ciel d'un instant
les ciels des neuf mois antérieurs, est dénué de signification astronomique: il résume aussi bien l'éternité du passé et du futur, ou plutôt, il ne résume rien du tout. Astrologiquement, c'est pire: car l'état du ciel, six heures avant ou sept heures après la naissance, résumerait aussi bien les neuf mois approximatifs de la gestation. Or, le thème astrologique et l'horoscope changent radicalement d'heure en heure. C'est avouer, implicitement, que l'horoscope n'a aucune valeur.
Les naissances provoquées. - Il est de plus en plus fréquent que le médecin opère l'accouchement à une date souvent très différente du terme naturel. Ainsi serait changé, avec le thème astral, le destin de l'individu, dont la vie entière deviendrait artificielle. Les fanatiques de l'astrologie n'iraient-ils pas jusqu'à demander un accouchement médical à un instant astral propice?
Il est amusant de voir patauger les astrologues pour répondre à ces difficultés.
Un ciel « harmonique », dit l'un, n'est réellement « favorable » que si la naissance a été normale. II y a danger à perturber les influences astrales, dit l'autre. L'enfant attend pour naître un ciel conforme à sa nature, ou conforme au ciel de naissance de ses parents, dit un troisième: à ce compte, l'enfant aurait ses qualités propres et le ciel, au lieu d'être la cause, serait simple témoin, simple indicateur? Ptolémée a dit au IIIe Livre du Tétrabiblos :
« Lorsque le fruit est parfait, la nature le meut en sorte qu'il naisse sous telle figure du ciel qui réponde à cette constitution première où il était au temps de la conception.»
Les systèmes d'interprétation. - Un caractère distinctif de la science c'est d'être universelle: ses conclusions sont acceptées par tout être capable de comprendre ses raisonnements, et elle ne donne pour réels que des phénomènes que chacun peut à volonté reproduire ou observer.
Au contraire, l'astrologie, dans l'essentiel, c'est-à-dire dans ses conclusions, est parfaitement floue et indéterminée.
Après le travail astronomique (plus ou moins rigoureux) de mise en place, on se trouve en présence d'une infinité de systèmes de vaticination. Chaque astrologue a le sien et les règles d'interprétation sont si vagues, les combinaisons et dosages d'influences si nombreux et mal définis, qu'au total, c'est un plongeon dans l'aléatoire et dans le facultatif.
L'expérience a été faite et peut aisément être répétée: si l'on présente un ciel de nativité successivement à plusieurs astrologues, les commentaires diffèrent du tout au tout et peuvent n'avoir rien de commun. La part laissée aux constructions mentales, à l'imagination du prophète est si grande, que l'arbitraire est total. La prédiction peut osciller de la banalité peu compromettante à l'ambigulté propice. Si le devin connaît le consultant et les circonstances de sa vie, il essaiera de pronostiquer le probable, de tomber d'accord avec la solution que le sens commun proposerait.
Ses échecs ne dénoncent-ils pas l'astrologie? - L'astrologie est un exemple des erreurs initiales où l'esprit humain est tombé. Mais l'humanité va de l'erreur vers la vérité: ce qui surprend, c'est que l'erreur subsiste une fois la vérité perçue et à côté d'elle. Il est remarquable que l'astrologie ait maintenu à travers les siècles son existence malgré l'habituelle fausseté de ses prédictions. Pourquoi des échecs éclatants n'ont-ils pas fait la preuve de la vanité de ses prétentions?
Hélas, l'astrologie trouve en nous-mêmes d'incorrigibles complices. Dans leur soif ardente de connaître l'avenir, les hommes reçoivent avec intérêt quiconque prétend le découvrir. « Si une vieille femme disait la bonne aventure dans la pièce à côté, vous ne seriez pas à à m'écouter », disait un astronome désabusé au cours d'une conférence.
L'astrologue n'a pas à faire l'éducation du public pour l'amener à accepter ses chimères; la clientèle préexiste, on brûle d'entendre le magicien et, ce qui est plus favorable encore, on est avide de le croire.
Dans cette ambiance, une seule prédiction réussie fait plus de bien que mille erreurs ne font de tort : on oublie les échecs, le succès unique frappe.
Car, si peu fondées qu'elles soient, il arrive que des prédictions se réalisent - surtout si leur expression est suffisamment vague. C'est une question de probabilité. Voltaire a dit magnifiquement: « Un astrologue ne saurait avoir le privilège de se tromper toujours! »
Devant un échec avéré, les explications ne manquent pas: « Comme toute science, l'astrologie est encore imparfaite et pour une fois, il y a eu erreur.» Cette feinte humilité laisse entendre que la plupart du temps les prédictions tombent juste.
Quand il s'agit d'un collègue pris en défaut, l'astrologue entre volontiers dans le concert des plaintes: « Oui, écrit l'un d'eux, notre science est discréditée par des charlatans, qui vaticinent à tort et à travers, et pillent le public. Nous sommes les premiers, nous, les vrais astrologues, à protester, avec les vrais savants, contre les aigrefins de l'astrologie, qui sont notre honte ». Malheureusement, on ne nous propose aucun critère pour discerner les vrais astrologues des faux et dans les œuvres de celui qui s'indigne si fort, on ne trouve rien qui le distingue vraiment des autres faiseurs d'horoscope.
1° L'astrologie infaillible et omnipotente. Déterminisme absolu de notre destin sous l'influence exclusive des astres. - Voici des extraits d'un magazine astrologique actuel:
Année, mois, jour et heure de votre naissance décident absolument de l'avenir de vos projets, de vos efforts, de vos espoirs: tous les experts en la matière sont d'accord là-dessus. Des siècles d'études prouvent que les prédictions faites sur ces bases exactes sont d'une exactitude étonnante.
Ainsi, pas de doute: la prédestination est absolue, l'homme n'a aucun libre arbitre. Celui qui croit être maitre de son âme, avoir sa chance en ce bas monde est dans l'erreur; inutile de chercher à s'élever, à conquérir par le travail une situation meileure : les astres, une fois pour toutes, ont décidé. Mais poursuivons la citation du même magazine:
Quels que soient vos problèmes - amour, argent, mariage, métier, santé, vocation, éducation des enfants, logement, placements, embauchage, recherche d'emploi, débuts dans le commerce, opérations de bourse - en bref, tout problème de votre vie quotidienne, quel qu'il soit, l'astrologie scientifique peut le résoudre et vous conduire à son heureuse solution.
D'ailleurs, la couverture colorée des périodiques astrologiques offre à tous, en surimpression au Zodiaque, d'alléchantes perspectives.
Comment gagner de l'argent.
Comment attirer l'amour.
Comment trouver un bon métier.
Comment faire un beau mariage.
Le célèbre Lilly écrivait déjà (en 1651) :
Si une question vous préoccupe sérieusement, notez l'heure et la minute où la question, pour la première fois, s'est posée à vous; faites l'horoscope et les doutes seront instantanément levés. En cinq minutes, on saura ainsi, infailliblement, si l'affaire réussira ou non; s'il est prudent, ou non, d'accepter l'offre faite.
Voilà qui donne à l'astrologue professionnel ses meilleures chances de recolter une clientèle permanente; car des problèmes se posent à chacun sans cesse et il faudra souvent revenir à la consultation.
Mais qui ne voit, ici, une flagrante contradiction, dont ces astrologues commerçants se soucient fort peu: si le destin est vraiment déterminé, en quoi le fait de le connaitre peut-il être utile? Les astres fourniraient-ils le moyen à la fois de connaitre leurs propres décisions et de les rendre fausses? S'il suffit d'aller chez le magicien pour déformer l'avenir, et transformer le malheur en bonheur, pour 500 fr., c'est que l'avenir n'est pas si bien déterminé ni le pouvoir des astres bien certain ?
Le Comité Belge. - Un Comité Belge pour l'investigation des phénomènes réputés paranormaux groupant trente savants de toutes disciplines s'est fondé en 1948. Il a proposé à toute personne de bonne foi, se croyant douée de pouvoir « paranormal » (les astrologues sont visés, en première ligne) de présenter Il un programme précis d'expériences simples et contrôlables» de nature à mettre en évidence ce pouvoir. Le Comité a reçu un premier lot de trente-quatre dossiers. J'extrais du rapport du secrétaire, le Dr Hougardy, les conclusions suivantes:
1° Pas un seul dossier ne propose une expérience digne du nom de scientifique: on ignore ce qu'est une expérience scientifique, ou bien on la redoute et on s'y dérobe;
2° Les auteurs révèlent une mentalité prélogique : ils affirment sans preuves, prennent des coincidences pour des relations de cause à effet, extrapolent de façon injustifiée. Leurs propos relèvent parfois de la psychiatrie...
Je me tiens à la disposition des astrologues pour transmettre au comité américain ou au comité belge aux fins d'examen tout énoncé précis de loi astrologique qu'ils voudraient bien signer et faire suivre de leurs nom et adresse véritables.
Il serait bon d'ailleurs que la proposition de loi fut authentifiée par un groupe d'astrologues ou par des autorités astrologiques reconnues. Car nous connaissons la méthode: l'astro logue isolé qui aura été assez maladroit pour se laisser prendre en flagrant délit d'erreur ne doit pas compter sur la solidarité des confrères, qui feront chorus avec les savants et le renieront sans hésiter.« Mais oui : la règle est idiote, celui qui l'a proposée est un sot, indigne du nom d'astrologue, ou un fou, etc.»
Avant de fournir quelques exemples, rappelons le mécanisme des preuves expérimentales, les seules auxquelles puissent faire appel les propositions qui ne sont pas susceptibles d'une démonstration logique.