2° Les instruments, ustensiles et costumes servant, ou destinés, à l'exercice du métier de devin, de pronostiqueur - ou d'interprète de songes.
ART. 482 (ordonnance du 4 octobre 1945). - Une peine d'emprisonnement pendant huit jours pourra être prononcée en cas de récidive contre toutes les personnes mentionnées en l'article 479.
Ainsi les clients de l'astrologue sont bien prévenus qu'en lui apportant leur argent ils se font les complices d'un délit. Il y a tolérance (selon la Préfecture de Police) pour les baraques astrologiques des kermesses et fêtes foraines. Les « centres d'études d'influences astrales» qui n'ont aucun but de lucre ni intention vénale ne sont pas visés par la loi.
L'opinion des astronomes
Il n'existe pas, de nos jours, sur toute la Terre, un seul astronome, grand ou petit, qui croie à l'astrologie. Je n'ai pas l'intention d'abriter mes propos derrière le principe d'autorité: mais l'unanimité des gens qui connaissent le ciel est tout de même un fait qui a sa valeur. Au nombre de quelques milliers, munis de puissants moyens d'investigation, avides de trouver du nouveau, et qui en trouvent chaque jour (qui ne connaît l'essor de l'Astronomie contemporaine ?) les astronomes, en pleine connaissance de cause, opposent à l'astrologie une incrédulité complète et, aux charlatans qui s'en servent, une hostilité déclarée. L'importance du fait est si grande que les astrologues cherchent à le minimiser: hostilité de principe, disent-ils; querelle de boutique; esprit de chapelle; « science officielle » jalouse de son monopole. Allons donc ! Qui peut le croire? Qui empêcherait un astronome de publier son accord sur une loi astrologique, s'il la reconnaissait juste et bien fondée, et de s'illustrer d'autant mieux, par cette preuve, qu'elle serait plus inattendue?
Et d'ailleurs, jusqu'au Moyen Age, n'y eut-il pas des astronomes, et non des moindres, à pratiquer l'astrologie? Pourquoi leurs successeurs en ont-ils abandonné le commerce? La réponse est évidente; les progrès de la science les ont convaincus de la fausseté de la doctrine astrologique.
L'une des plus vastes et des plus célèbres sociétés astronomiques du monde, l'A. G. (Astronomische Gesellschaft), de caractère international, a tenu à élever sa voix contre les prétentions de l'astrologie en son congrès de Bonn (1949). Voici quelques passages de sa déclaration:
« De nos jours, ce qui s'intitule Astrologie, Cosmobiologie, etc., n'est qu'un mélange de superstition, de charlatanisme et de commerce.
« Certes, tous les astrologues ne se bornent pas à fournir des imprimés-types, où l'on trouve des analyses de caractère ou des conseils relatifs à toutes les situations de la vie. Il existe des « cercles astrologiques » qui opposent à ces sottises leur propre astrologie, prétendue sérieuse. Mais cette astrologie-là n'a pas pu, non plus, fournir la preuve qu'elle soit une science ni que ses méthodes soient scientifiques. A cela, les prédictions qui, par hasard, se seraient réalisées ne peuvent rien changer.
« L'astrologie n'est qu'un système de règles admises arbitrairement. » (Traduction S. AREND.)
Nous aurons l'occasion de développer la plupart de ces jugements.
Si l'astrologie est fausse, depuis tant de siècles qu'elle exerce ses pouvoirs, comment se fait-il qu'il y ait encore des gens pour croire en elle?
La vérité ou la fausseté de certains phénomènes n'est pas forcément du domaine de l'évidence et un grand nombre de nos contemporains ne sont pas préparés à trancher par eux-mêmes un débat dont, au surplus, ils sont souvent mal informés. Ils s'en rapportent au jugement d'autrui. Si, par malchance, ils ont été élevés dans un milieu irrationaliste, ou s'ils sont tombés sous l'emprise d'un zélateur de l'astrologie, ils pourront demeurer dans l'erreur toute leur vie.
Lorsqu'on met les astrologues en présence de la résistance unanime des savants, ils ont coutume de développer une attaque de diversion. Ils énumèrent les cas où des savants, d'abord hostiles à quelque nouveauté, ont dû plus tard faire amende honorable. Mais l'astrologie est le contraire d'une nouveauté : les hommes de science ont eu tout le temps voulu pour se faire une opinion, ils sont même las de s'y être attardés; ses vains mirages, sa perpétuelle stagnation, ses échecs, n'ont plus rien qui les surprenne. Leur résistance va croissant.
Mais après avoir jeté le doute sur le jugement des aréopages, les astrologues font état des découvertes contemporaines (qui ne doivent rien à leurs rêveries) pour invoquer des découvertes futures qui justifieraient enfin leur art. Radio-activité, rayons X, .. rayons cosmiques, T. S. F., vitamines, tout leur est bon. Ils sont aux aguets de l'actualité scientifique pour en étayer leur doctrine: à les en croire, il n'est neutron ou positon, méson ou écho radar, qui ne parle en leur faveur.
« Puisqu'il est avéré, Messieurs les savants officiels, que vous ignoriez, jusqu'au xxe siècle, tant de choses, aurez-vous l'outrecuidance de prétendre désormais tout savoir du Ciel et de la Terre? Ne découvrira-t-on rien demain qui justifie l'astrologie?
Cette riposte se retourne aisément contre ses auteurs.
Ce ne sont pas les astronomes qui se targuent de tout savoir, ce sont les astrologues. Ce sont eux qui attribuent aux astres mille propriétés stupéfiantes sans avoir jamais, au cours des siècles, apporté la moindre preuve d'un seul de leurs principes.
De nos jours, la science accueille avec faveur les faits nouveaux, pourvu qu'on les lui présente avec netteté et qu'ils soient reproductibles. Il est juste qu'elle ait de la méfiance à l'égard des affirmations sans preuves: trop de charlatans ont essayé de capter ses suffrages - même dans un passé récent.
Au contraire, l'illuminé admet le merveilleux avant toute preuve; il suffit qu'un émotif ignore la Physique pour qu'il introduise partout des radiations aux vertus incomparables et se proclame un martyr si l'Académie ne forme pas le cercle autour de lui.
La hâte à tirer parti des découvertes de l'astronomie sans les avoir comprises conduit souvent les astro]ogues à de risibles bévues. L'un d'eux vient d'apprendre que le mouvement radial (en profondeur) modifie la lumière de l'astre (effet Doppler-Fizeau) mais il comprend mal et croit qu'il s'agit d'une propriété du déplacement transversal.
« L'Astronomie finit par nous donner raison, écrit-il: nous avons toujours affirmé qu'une planète en progression directe n'a pas la même influence que lorsqu'elle est rétrograde. Or les astronomes découvrent maintenant qu'en effet, elle n'a pas le même spectre dans les deux cas ! »
Le coeur du problème. - La tare essentielle de l'astrologie réside dans une extrapolation abusive des relations entre le Soleil et la Terre, dans une application fallacieuse d'incontestables lois à des thèmes particuliers. Il y a abus de déterminisme. Pour défendre l'astrologie, on vous dira: « Puisque le Soleil engendre les saisons et intéresse ainsi l'humanité entière, comment nier qu'il intéresse M. Durand en particulier? Puisque la Lune entre en jeu dans le phénomène des marées, pourquoi sa présence, ou son absence, dans tel ciel de nativité, n'imprimerait-elle pas à l'âme telle tournure décisive? Si les astres déterminent en quelque manière nos climats, pourquoi Mars ou Saturne ne contrôleraient-ils pas les guerres et les révolutions? Si le cours des planètes est prévisible, pourquoi leurs influences sur l'avenir ne le seraient-elles pas? »
Oui, en effet, pourquoi?
Le tour de passe-passe est grossier: il s'opère dans le glissement du général au particulier, dans l'abandon des relations propres à la physique du Globe (globales comme leur nom le rappelle) pour des spécifications qui n'en découlent nullement, d'une particularité souvent ahurissante et qui n'ont, à aucune époque, été établies.
Oui, le Soleil chauffe la Terre et y entretient la vie : mais il ne s'ensuit pas qu'il s'intéresse à vos affaires de coeur; oui, la Lune participe aux marées, mais elle ne vous conseille pas dans le choix d'un billet gagnant; oui, la planète Mars est rougeâtre, mais ce rouge n'est ni celui du fer rouillé, ni celui du sang: elle porte le nom du Dieu de la guerre, mais ce nom que nous lui avons donné n'implique en rien qu'elle intéresse les vertus guerrières ni qu'elle engendre les conflits; oui, Jupiter est une belle planète, mais sa présence au milieu de votre ciel de nativité ne garantit en rien votre succès au Baccalauréat (il vaut mieux avoir étudié le programme).
Ces phrases, qui vont du coq à l'âne, me semblent caractériser le genre d'erreur propre à l'astrologie dès son origine: d'une influence vraie, elle a passé à d'autres relations imaginaires; elle a érigé en lois des coincidences fortuites, aux âges lointains où l'humanité, livrée à sa soif de merveilleux, à son désir de connaitre l'avenir, n'avait encore aucune règle de contrôle scientifique. Nous verrons l'astrologie associée aux balbutiements de la pensée humaine dans le chapitre consacré à son histoire.
Les liens que Ptolémée, au second siècle de notre ère, établissait entre les planètes et nous, ces qualités de chaud, de froid, de sec, d'humide, ces pseudo-éléments (terre, feu, etc.), ces humeurs, cette métallurgie alchimique, tout cela serait touchant si les conclusions qu'il en a déduites n'étaient encore parole d'Evangile pour les astrologues contemporains.
Impossibles à démontrer, les propriétés astrologiques possèdent, nous dit-on, une base traditionnelle ; elles seraient fondées sur l'observation, pendant des miIlénaires (voire des centaines de millénaires) de corrélations, de coincidences, dont la répétition aurait montré la valeur; l'astrologie serait, en somme, un code empirique des correspondances efficaces. Et, en effet, pour fonder un empirisme vrai, établir des principes universels, il eût fallu passer au crible d'une impitoyable critique d'innombrables registres de corrélations concernant différentes races, différentes nations, différents climats, il eût fallu confronter avec minutie des millions d'horoscopes avec le destin ultérieur des individus.
L'histoire ne nous révèle rien de tel. Les origines chaldéennes de l'astrologie sont bien établies; dans les deux ou trois millénaires qui ont précédé notre ère, nous y voyons fleurir une astrologie, mais elle ne concerne en rien les individus: elle traite uniquement du roi et des affaires de l'Etat. Aucune tradition, aucune allusion même, ne concerne l'essence de l'astrologie grecque ou contemporaine, à savoir: les liens de l'individu quelconque avec le ciel. Cette astrologie généthliaque et horaire est née peu de temps avant notre ère, au milieu des mythes et des superstitions du bassin méditerranéen, à côté des premiers élans de la science rationnelle: elle n'a point de source dans un passé plus lointain, elle porte la marque des illusions et des concepts propres à cette époque.
Un astrologue helvétique contemporain invoque des documents écrits vieux de six cent mille ans. Tout préhistorien peut vous dire que l'homme de Néanderthal, il y a cent mille ans, ne disposait encore que de silex grossièrement taillés et d'un langage articulé rudimentaire.
L'homme néolithique, il y a dix mille ans, s'il pratiquait la culture, l'élevage, le tissage, la poterie, la navigation, ignorait encore les métaux. Invoquer des protocoles d'observation vieux de six cent mille ans est absurde. N'insistons pas. Mais à la grande époque des Grecs, les documents abondent: nous n'avons aucune mention, ni aucune trace, même alors, d'éventuelles statistiques ni d'une étude de corrélations. Il est évident qu'on ne s'en est pas soucié. Les systèmes de vaticination n'ont jamais prétendu déduire le futur d'un inventaire approfondi du présent et de la connaissance des lois naturelles.
En interprétant le vol des oiseaux ou les entrailles des victimes, l'augure ou l'aruspice se donnait pour un simple porte-voix des Dieux. De même, le mage antique se flattait de révéler une correspondance préétablie entre les phénomènes célestes et le cours des affaires humaines.
D'ailleurs, la science des probabilités est récente, délicate à manier. Ceux de nos astrologues qui ont recours à elle ne savent pas s'en servir: ils érigent en loi astrologique tout écart par rapport à la moyenne, même si cet écart est normal, c'est-à-dire probable. Nous verrons cela. Au surplus, il est facile de voir, dans notre temps, comment s'établissent les corrélations de l'astrologie. Une planète n'est pas plus tôt découverte qu'aussitôt ces messieurs publient des listes de propriétés et les appliquent à leurs prédictions. Bien loin d'attendre des contrôles de longue durée, et l'enseignement d'observations assidues, avant même que la trajectoire soit établie, on se rue à l'actualité. A planètes modernes, applications modernes: Uranus, Neptune et Pluton auront en pâture les chemins de fer, les autos, les avions.
Par surenchère, chacun a voulu trouver quelque propriété à. ces nouvelles venues; si bien qu'à considérer l'ensemble, elles se trouvent parmi les planètes les plus importantes. Pauvres astrologues du temps passé, qui vaticinaient sans elles !
Précession des équinoxes. - La foi en l'astrologie a résisté à une bien rude épreuve. La précession des équinoxes a offert aux hommes une belle occasion de renoncer à leurs errements.
Quand les Anciens eurent convenu que les étoiles de la case n° 5 du Zodiaque dessinaient un Lion, cette case fut dotée des qualités (contestables, semble-t-il) que l'on attribuait à l'animal: détermination, courage, générosité, orgueil, esprit dominateur.
Lorsque le Lion domine l'horoscope, l'enfant, par un singulier transfert, hérite ces composantes favorables, dans son corps et dans son esprit.
Nous avons vu (chap. 1) que la ceinture des signes a glissé d'une case. Le signe du Lion recouvre maintenant la constellation du Cancer. Or, ce n'est pas à la constellation du Lion que l'astrologie ultérieure a conservé les attributs du courage, de la force. etc., c'est au signe, c'est à dire à une étendue vide d'étoiles, à un rectangle dépouillé de contenu
Un enfant, né sous le signe du Lion qui contenait la constellation du lion il y a deux mille ans, devait être courageux. Passons. Mais de nos jours, un enfant né sous le signe du Lion doit être courageux, bien qu'en réalité ce soit l'écrevisse qui se lève: on ne voit plus du tout le rapport. Les intentions des législateurs de l'astrologie sont assurément violées: la tradition de la forme, la lettre du système, l'ont emporté sur le fond. Il est vrai que cette bévue est sans importance, le résultat des opérations astrologiques n'est pas plus mauvais qu'autrefois, ni meilleur, naturellement!
Les astrologues ripostent que c'est bien au signe, et non à la constellation, que s'attachent les vertus: il est fâcheux que les vertus de chaque signe expriment très exactement les qualités supposées de l'animal mythique qui habite aujourd'hui la case précédente du Zodiaque.
Certains astrologues ont tenté d'expliquer que, par une sorte de rémanence, le signe restait imprégné de l'influence qui avait été si longtemps la sienne. Mais, au temps d'Hipparque, n'y avait-il pas rémanence des constellations antérieures? Si vingt-six mille ans nous semblent une longue durée, pour la Terre c'est bien peu: la ceinture des signes, dans le passé, a glissé bien des fois, sur les effigies des animaux; quel mélange d'influences! Cette pauvre riposte montre simplement qu'un astrologue n'est jamais pris de court: il ne s'incline jamais devant l'évidence, il a toujours une excuse. Nous en verrons maints exemples.
Vraie nature du rayonnement des planètes, son influence. - Les planètes sont des corps petits et froids. Leur lumière est surtout de la lumière solaire, qu'elles nous renvoient comme des miroirs; et non seulement cette lumière n'a pas de qualités propres puisqu'elle vient indirectement du Soleil - mais sa quantité est négligeable en regard des variation. incessantes de l'activité solaire. Car le Soleil a des taches, des facules, des protubérances qui modifient d'un instant à l'autre son rayonnement. Ces variations rapides du flux solaire, dont aucun astrologue ne tient compte, sont cependant des millions de fois plus intenses, pour la Terre, que la somme des rayonnements planétaires!
Comme tout corps qui n'est pas à la température du zéro absolu, les planètes ont une émission propre; mais en raison de leur basse température, cette émission est infrarouge. En outre, elle est mille fois moins abondante encore que la lumière visible réfléchie par la planète. C'est merveille d'avoir pu la déceler, récemment, avec les puissants moyens de l'astrophysique.
De cet infrarouge planétaire si infime, l'astrologie peut-elle tirer avantage? Il est arrêté par le moindre obstacle (murs des maisons, vêtements, rideaux) et l'on n'expose nullement le nouveau-nê tout nu à la lumière des planètes. D'ailleurs, les murs de la pièce, les meubles, la lampe, le bec de gaz sous la fenêtre, l'accoucheur même, dêbitent beaucoup plus d'infrarouge et irradient beaucoup mieux l'enfant que ne peut le faire la planète.
Dans une large mesure, les planètes ont des constitutions analogues (roches et gaz). Il est extrêmement improbable (même si nous admettions un mystêrieux mêcanisme de transfert des influences) que des corps semblables aient sur les affaires humaines des actions si différentes, et même contradictoires.
Nous sommes obligés d'admettre que des blocs rocheux entourés d'une atmosphère agissent diffêremment parce qu'ils portent des noms de personnages de conte! de fées.
Au surplus, l'astrologie ne tient aucun compte des magnitudes apparentes; Mars et Vênus ont des distances à la Terre qui varient de 1 à 7 selon l'époque: nul horoscope ne fait intervenir ce facteur distance. (En astronomie, les effets sont généralement à l'inverse du carré des distances: l'action devrait varier de 50 à 1 pour l'horoscope, au cours de la révolution.)
Si, entrant dans le jeu, nous tenons compte des photons planétaires venus jusqu'à la Terre, resterait à dêmontrer leur ahurissante sélectivitê sur le nouveau-né, cependant que, dans les berceaux voisins, les enfants venus au monde trois ou six heures auparavant n'en seraient plus affectés. Pourquoi les astres agiraient-ils à l'instant de la naissance et non pas à d'autres? L'objection a paru si valable que certains astrologues ont remplacé l'instant de la naissance par celui de la conception. A mon avis, ce n'est pas plus mal - ni mieux. Resterait ensuite à prouver l'influence élective de tel astre sur telle faculté mentale; en ce domaine, les biologistes préfèrent vraiment incriminer l'hérédité et le milieu. Resterait encore à prouver le déterminisme à long terme, l'arrivée future des amis, des ennemis, des microbes, répondant à l'appel primitif de ces faibles lueurs céleste!!, éparses parmi les lumières et parmi les calories de la ville ! Je m'arrête; nous n'en finîrions pas.
Vous commencez à voir, j'espère, pourquoi nous sommes rétifs à ces charmes.
Il est d'ailleurs notoire qu'on ne convainct jamais un astrologue. Si vous lui montrez que l'action des planètes ne peut être que dérisoire, il vous répondra qu'une petite cause peut avoir de grands effets, que vous l'oubliez fâcheusement - et il vous fera une conférence sur les vitamines!
Le déterminisme. - En leur principe, les prédictions astrologiques impliquent l'existence d'un déterminisme à longue échéance qui apparait d'emblée comme une singulière outrance, comme une caricature du déterminisme scientifique. Un vieillard de soixante-quinze ans glisse sur une pelure d'orange: il se tue. L'événement et sa cause ont assurément obéi aux lois de la Mécanique. Mais le déterministe le plus convaincu ne prétend pas que la semelle du vieillard et la pelure d'orange avaient déjà leur superposition mortelle inscrite dans les faits soixante-quinze ans d'avance. Nous disons que le malheur est dû au hasard parce qu'une infinité d'événements indépendants ont contribué à en réaliser les conditions. Tant de circonstances fortuites dévient à chaque seconde nos gestes que la prédiction de l'accident, même une minute d'avance, est impossible.
Il est encore plus remarquable, comme le fait l'astrologue, d'associer à la gestation de cette glissade certains corps célestes, par la position où ils se trouvaient soixante-quinze ans auparavant, à l'heure de la naissance du pauvre homme. Un déterminisme à long terme est ainsi attribué à un aspect fugitif et même instantané de la voûte céleste.
Si l'on y réfléchit, quel furieux orgueil, chez tout client de l'astrologie: on fait intervenir dans le détail quotidien de sa petite existence quelques pIanètes, beaucoup d'étoiles, et il ne sourcille point. Les particularités de sa santé et de son caractère, on ne les attribue pas à son hérédité, aux chromosomes ou aux tares de son père ou de son grand-père, ni à l'éducation qu'il a reçue, ni au milieu social où il a vécu: non, ce sont les signes du Zodiaque et les planètes qui, comme des fées, se sont penchés sur son berceau pour en décider.
L 'horoscope de naissance. - Deux heures plus tôt ou deux heures plus tard, tous les signes et toutes les planètes auraient changé de maison: le pronostic serait totalement différent. Si le principe même d'une prédétermination de l'avenir ne vous semble pas absurde, que pensez-vous de la détermination totale donnée en apanage à un unique instant, précis? Les astres sont souverains sur l'enfant à 8 heures et seraient sans effet aucun à 10 heures, ni plus tard? Que valent les horoscopes fondés sur des heures fausses? Et tous ceux du passé, où l'heure était vague?
De nos jours, d'ailleurs, malgré nos annuaires précis, lorsque des astrologues réputés prennent la peine de publier leurs calculs de base, nous n'en trouvons pas beaucoup d'exacts. Ne voyons-nous pas un pontife (directeur de l'Ecole centrale d'Astrologie !) se tromper de dix heures, et insister sur sa bévue?
Je cite :
« Domifier la carte du ciel pour une nativité du 10 mai à 6 heures du soir, à Ottawa (heure locale).
« Nous savons en regardant la mappemonde qu'Ottawa est voisin du méridien situé à cinq heures EST (sic) de Greenwich. Ainsi quand il est 18 heures à Ottawa, il n'est encore que 13 heures à Greenwich, puisque Ottawa est situé à l'EST (!) et que le Soleil marche apparemment de l'Est à l'Ouest. »
(Collection des Cahiers de Destins, fasc. no 4, avril 1947, p. 125.)
Horreur! Quand il est 18 heures à Ottawa, il est déjà 23 heures à Greenwich, Monsieur le Directeur; votre domification sera belle!
Un cas dramatique. - Le pôle nord de l'écliptique se trouve à 23°,5 du Pôle nord céleste. Les points de la Terre qui sont situés sur le cercle polaire ont leur zénith à 23°,5 du Pôle céleste. Donc, au cours du mouvement diurne, le pôle de l'écliptique passe chaque jour au zénith de tous ces lieux terrestres. Alors, l'écliptique coincide avec l'horizon et ne traverse plus aucune maison. Il n'y a plus d'horoscope pour les malheureux qui naissent à ce moment-là. Pour ces Alaskiens, Canadiens, Groenlandais, Norvégiens, Suédois, Finlandais, Russes et Sibériens, quel peut être l'avenir, sous d'aussi affreux auspices? Le ciel leur manque, à l'origine.
Biologie et horoscope de naissance
Si nous appelons les biologistes à la rescousse, à propos de l'horoscope de naissance, ils vous diront qu'à l'instant où l'enfant voit le jour, l'œuf et le fœtus ont déjà trois cents jours d'existence, portant en eux la double hérédité, avec ses tares, ses qualités et ses défauts, et amorçant déjà le développement propre de l'individu au sein d'un milieu plus ou moins propice.
D'ailleurs, pourquoi ne pas mettre en concurrence par exemple, l'instant où l'enfant sort pour la première fois à l'air libre, ou celui de son baptême, ou de sa première communion?
Pour répondre à cette objection, un porte-parole de la corporation, Bigarreau (Ch.5, Les ripostes à prévoir), allègue que la position des astres lors de la naissance est représentative de leur action sur le fœtus pendant les mois de la gestation.
Ce non-sens est flagrant. Dire que le ciel d'un instant résume les ciels des neuf mois antérieurs, est dénué de signification astronomique: il résume aussi bien l'éternité du passé et du futur, ou plutôt, il ne résume rien du tout. Astrologiquement, c'est pire: car l'état du ciel, six heures avant ou sept heures après la naissance, résumerait aussi bien les neuf mois approximatifs de la gestation. Or, le thème astrologique et l'horoscope changent radicalement d'heure en heure. C'est avouer, implicitement, que l'horoscope n'a aucune valeur.
Les naissances provoquées. - Il est de plus en plus fréquent que le médecin opère l'accouchement à une date souvent très différente du terme naturel. Ainsi serait changé, avec le thème astral, le destin de l'individu, dont la vie entière deviendrait artificielle. Les fanatiques de l'astrologie n'iraient-ils pas jusqu'à demander un accouchement médical à un instant astral propice?
Il est amusant de voir patauger les astrologues pour répondre à ces difficultés.
Un ciel « harmonique », dit l'un, n'est réellement « favorable » que si la naissance a été normale. II y a danger à perturber les influences astrales, dit l'autre. L'enfant attend pour naître un ciel conforme à sa nature, ou conforme au ciel de naissance de ses parents, dit un troisième: à ce compte, l'enfant aurait ses qualités propres et le ciel, au lieu d'être la cause, serait simple témoin, simple indicateur? Ptolémée a dit au IIIe Livre du Tétrabiblos :
« Lorsque le fruit est parfait, la nature le meut en sorte qu'il naisse sous telle figure du ciel qui réponde à cette constitution première où il était au temps de la conception.»
Les systèmes d'interprétation. - Un caractère distinctif de la science c'est d'être universelle: ses conclusions sont acceptées par tout être capable de comprendre ses raisonnements, et elle ne donne pour réels que des phénomènes que chacun peut à volonté reproduire ou observer.
Au contraire, l'astrologie, dans l'essentiel, c'est-à-dire dans ses conclusions, est parfaitement floue et indéterminée.
Après le travail astronomique (plus ou moins rigoureux) de mise en place, on se trouve en présence d'une infinité de systèmes de vaticination. Chaque astrologue a le sien et les règles d'interprétation sont si vagues, les combinaisons et dosages d'influences si nombreux et mal définis, qu'au total, c'est un plongeon dans l'aléatoire et dans le facultatif.
L'expérience a été faite et peut aisément être répétée: si l'on présente un ciel de nativité successivement à plusieurs astrologues, les commentaires diffèrent du tout au tout et peuvent n'avoir rien de commun. La part laissée aux constructions mentales, à l'imagination du prophète est si grande, que l'arbitraire est total. La prédiction peut osciller de la banalité peu compromettante à l'ambigulté propice. Si le devin connaît le consultant et les circonstances de sa vie, il essaiera de pronostiquer le probable, de tomber d'accord avec la solution que le sens commun proposerait.
Ses échecs ne dénoncent-ils pas l'astrologie? - L'astrologie est un exemple des erreurs initiales où l'esprit humain est tombé. Mais l'humanité va de l'erreur vers la vérité: ce qui surprend, c'est que l'erreur subsiste une fois la vérité perçue et à côté d'elle. Il est remarquable que l'astrologie ait maintenu à travers les siècles son existence malgré l'habituelle fausseté de ses prédictions. Pourquoi des échecs éclatants n'ont-ils pas fait la preuve de la vanité de ses prétentions?
Hélas, l'astrologie trouve en nous-mêmes d'incorrigibles complices. Dans leur soif ardente de connaître l'avenir, les hommes reçoivent avec intérêt quiconque prétend le découvrir. « Si une vieille femme disait la bonne aventure dans la pièce à côté, vous ne seriez pas à à m'écouter », disait un astronome désabusé au cours d'une conférence.
L'astrologue n'a pas à faire l'éducation du public pour l'amener à accepter ses chimères; la clientèle préexiste, on brûle d'entendre le magicien et, ce qui est plus favorable encore, on est avide de le croire.
Dans cette ambiance, une seule prédiction réussie fait plus de bien que mille erreurs ne font de tort : on oublie les échecs, le succès unique frappe.
Car, si peu fondées qu'elles soient, il arrive que des prédictions se réalisent - surtout si leur expression est suffisamment vague. C'est une question de probabilité. Voltaire a dit magnifiquement: « Un astrologue ne saurait avoir le privilège de se tromper toujours! »
Devant un échec avéré, les explications ne manquent pas: « Comme toute science, l'astrologie est encore imparfaite et pour une fois, il y a eu erreur.» Cette feinte humilité laisse entendre que la plupart du temps les prédictions tombent juste.
Quand il s'agit d'un collègue pris en défaut, l'astrologue entre volontiers dans le concert des plaintes: « Oui, écrit l'un d'eux, notre science est discréditée par des charlatans, qui vaticinent à tort et à travers, et pillent le public. Nous sommes les premiers, nous, les vrais astrologues, à protester, avec les vrais savants, contre les aigrefins de l'astrologie, qui sont notre honte ». Malheureusement, on ne nous propose aucun critère pour discerner les vrais astrologues des faux et dans les œuvres de celui qui s'indigne si fort, on ne trouve rien qui le distingue vraiment des autres faiseurs d'horoscope.
1° L'astrologie infaillible et omnipotente. Déterminisme absolu de notre destin sous l'influence exclusive des astres. - Voici des extraits d'un magazine astrologique actuel:
Année, mois, jour et heure de votre naissance décident absolument de l'avenir de vos projets, de vos efforts, de vos espoirs: tous les experts en la matière sont d'accord là-dessus. Des siècles d'études prouvent que les prédictions faites sur ces bases exactes sont d'une exactitude étonnante.
Ainsi, pas de doute: la prédestination est absolue, l'homme n'a aucun libre arbitre. Celui qui croit être maitre de son âme, avoir sa chance en ce bas monde est dans l'erreur; inutile de chercher à s'élever, à conquérir par le travail une situation meileure : les astres, une fois pour toutes, ont décidé. Mais poursuivons la citation du même magazine:
Quels que soient vos problèmes - amour, argent, mariage, métier, santé, vocation, éducation des enfants, logement, placements, embauchage, recherche d'emploi, débuts dans le commerce, opérations de bourse - en bref, tout problème de votre vie quotidienne, quel qu'il soit, l'astrologie scientifique peut le résoudre et vous conduire à son heureuse solution.
D'ailleurs, la couverture colorée des périodiques astrologiques offre à tous, en surimpression au Zodiaque, d'alléchantes perspectives.
Comment gagner de l'argent.
Comment attirer l'amour.
Comment trouver un bon métier.
Comment faire un beau mariage.
Le célèbre Lilly écrivait déjà (en 1651) :
Si une question vous préoccupe sérieusement, notez l'heure et la minute où la question, pour la première fois, s'est posée à vous; faites l'horoscope et les doutes seront instantanément levés. En cinq minutes, on saura ainsi, infailliblement, si l'affaire réussira ou non; s'il est prudent, ou non, d'accepter l'offre faite.
Voilà qui donne à l'astrologue professionnel ses meilleures chances de recolter une clientèle permanente; car des problèmes se posent à chacun sans cesse et il faudra souvent revenir à la consultation.
Mais qui ne voit, ici, une flagrante contradiction, dont ces astrologues commerçants se soucient fort peu: si le destin est vraiment déterminé, en quoi le fait de le connaitre peut-il être utile? Les astres fourniraient-ils le moyen à la fois de connaitre leurs propres décisions et de les rendre fausses? S'il suffit d'aller chez le magicien pour déformer l'avenir, et transformer le malheur en bonheur, pour 500 fr., c'est que l'avenir n'est pas si bien déterminé ni le pouvoir des astres bien certain ?
etc. (examiner le graphique)
jour sans musicien ou avec plus de 17.