1195 avant JC
monde grec, Comète de la guerre de Troie.
En réalité: Invention poétique

Aucun auteur de l'antiquité ne mentionne explicitement, qu'une comète apparut au moment du siège de Troie. Cependant, par la magie des pareidolies cognitives, nous allons voir cette comète apparaitre au 18ème siècle, après une première tentative en 1579, par invention pure et simple

L"auteur de référence, pour la guerre de Troie, est évidemment Homère, avec son Iliade. Un savant comme Lalande a prétendu qu'un passage pouvait peut-être assimilé à une comète. Voici ce passage.
Elle dit. Le père des dieux et des hommes l'écoute favorablement; aussitôt il adresse à Minerve ces rapides paroles :
« Vole promptement vers les deux armées achéenne et troyenne, et engage les Troyens à violer les serments en attaquant, les premiers, les Achéens si fiers de leur gloire. »
En parlant ainsi, Jupiter excite encore l'ardeur de Minerve. La déesse s'envole en s'élançant des sommets de l'Olympe : elle est semblable à un astre brillant qui, envoyé comme présage par le fils de l'artificieux Saturne aux nautoniers ou à une immense assemblée de peuples, fait jaillir autour de lui mille étincelles. Minerve, d'un vol rapide, descend sur la terre et se présente au milieu des deux armées. A l'aspect de la déesse, les Troyens dompteurs de coursiers et les Achéens aux belles cnémides sont frappés d'étonnement. .

(Homère, L'iliade, Livre IV, 68)
Note: Il faut avoir fumé la moquette pour voir ici une apparition de comète.

Le premier auteur à nous donner une description poétique qui puisse évoquer vaguement une telle comète est Caius Julius Hyginus, à l'époque d'Auguste (donc douze siècles après tout de même), dans de astronomia, au paragraphe Taurus.
Alii dicunt Electram non apparere ideo quod Pleiades existimentur choream ducere stellis, sed, postquam Troja sit capta et progenies ejus, quae a Dardano fuerit, sit eversa, dolore permotam ab his se removisse et in circulo qui arcticus dicitur constitisse et quodam longo tempore lamentantem, capillo passo, videri. Itaque e facto Cometem esse appellatam.
D'autres disent qu'Electra n'apparaît pas parce que que les Pléiades sont censés mener la danse des étoiles, mais, après que Troie soit prise, et que sa descendance, qui était celle de Dardanus, soit renversée, elle s'en éloigna bouleversée par la douleur et se placa dans le cercle qu'on appelle arctique, et on l'y voit depuis longtemps à se lamenter, les cheveux défaits.
Note: Il faut les yeux du poête, et non ceux de l'astronome pour voir une comète dans ces cheveux défaits, alors qu'ils sont censés être visibles depuis longtemps, ce qui évoquerait plutôt une nébuleuse ou un amas d'étoiles. Mais même en tenant compte de la précession des équinoxes, qui plaçait la grande ourse dans le cercle arctique à cette époque, on ne voit pas d'objet nébuleux, visible à l'oeil nu, qui puisse convenir

Et dans ses fabulae, il ajoute:
Ex quibus Electram negant apparere propter Dardanum amissum Trojamque sibi ereptam. alii existimant Meropen conspici erubescere, quia mortalem virum acceperit, cum ceterae deos haberent: ob eamque rem de choro sororum expulsa moerens crinem solutum gerit. quae cometes appellatur; sive longodes, quia in longitudinem producitur; sive xiphias, quia gladii mucronis effigiem producit: ea autem stella luctum portendit.
De celles ci on affirme qu'Electre n'apparait pas à cause de la mort de Dardanus et de la perte de Troie. D'autres prétendent que la Pléïade fugitive est Mérope, qui n'osa plus se montrer parce qu'elle avait épousé un mortel, alors que les autres avaient des dieux : chassée en conséquence de la compagnie de ses soeurs, elle laisse flotter ses cheveux en signe de tristesse ; on lui a donné le nom de comète, ou de longode parce qu'elle se présente en longueur, ou de xiphie parce qu'elle présente la forme de la pointe d'un glaive. Cependant cette étoile présage le deuil.
(Hyginus, fable CXCII Hyas)
Note: Cette fois, l'appellation de comète est explicite, et la description l'est également. Mais s'il s'agit de Mérope, il n'y a plus aucun rapport avec la guerre de Troie.

1732, Nicolas Fréret transforme les poêmes en observations astronomiques.
Ainsi, au défaut des monuments historiques, il faut avoir recours aux ouvrages des Poëtes, dont les fictions les-plus absurdes peuvent avoir eu pour fondement quelques anciens événements, que ces Poëtes n'ont pas toujours défigurez au point de les rendre méconnoissables.
Les anciens ont débité, par exemple, au sujet des Pléiades, une fiction, dans laquelle il m'a semblé reconnoître des traces assez sensibles de l'apparition d'une comète vers l'an 1193. avant J. C. On compte, dit Ovide dans ses Fastes, sept étoiles dans Ia constellation des Pléiades, quoyqu'il n'y en ait plus que six ;
Quae feptem dici, fex tamen esse solent.
parcequ'Electra, femme de Dardanus, l'une de ces sept Nymphes filles d'Atlas, s'est cachée, pour fuir le spectacle des malheurs de Troye;
—— — —Trojae spectare ruinas
Non tulit ante oculos, opposuitque manum.

Hygin, contemporain d'Ovide, rapporte cette même fable, mais avec des circonstances propres à fàire imaginer le fait historique qui peut y avoir donné lieu. Electra, dit-il, ne pouvant plus soutenir la vue des danses de ses soeurs, abandonna le Zodiaque au temps des malheurs de Troye, & se retira vers le Pole Arctique, marchant dans le désordre d'une personne accablée de la plus vive douleur. Ses cheveux épars & négligez luy firent donner le nom de Comète; dicunt Electram non apparere ideo quod Pleiades existimentur choream ducere stellis, sed, postquam Troja sit capta et progenies ejus, quae a Dardano fuerit, sit eversa, dolore permotam ab his se removisse et in circulo qui arcticus dicitur constitisse et quodam longo tempore lamentantem, capillo passo, videri. Itaque e facto Cometem esse appellatam.
Ailleurs, en parlant de cette même Pleïade, il dit; de choro sororum expulsa moerens crinem solutum gerit. quae cometes appellatur; sive longodes, quia in longitudinem producitur; sive xiphias, quia gladii mucronis effigiem producit: ea autem stella luctum portendit.
Le scholiaste latin d'Aratus dit la même chose : Electram dissolutis crìnibus propter luctum ire afferunt, & propter comas, quidam Cometem vocant.
Avienus, dans sà paraphrase d'Aratus en vers latins, rapporte la même chose au sujet d'Electra, mais il cite pour garant le Poëte Mynthès ou Smynthès, que l'auteur du Commentaire Grec sur Aratus, publié par le P. Petau, met au rang de ceux qui ont travaillé sor les phénomènes de ce Poëte. Aux circonstances rapportées dans le passage d'Hygin, Smynthès adjoûtoit qu'Electra se remontroit de temps en temps aux mortels, mais toujours avec l'appareil d'une comète.
Non nunquam Oceani tamen istam surgere ab undis
In convexa Poli, sed sede carere sororum,
Diffusamque comas cerni, crìnisque foluti
Monstrare effigiem, diros hos fama Cometas
Commemorat tristi procul istâ surgere formâ,
Vultum ardere, diam perfundere crinibus aethram,
Sanguine sub pingui, rutiloque rubere cruore.

Les différentes circonstances de cette fable, dans laquelle on supposoit qu'une des Pleïades, avec la figure & le nom d'une Comète abandonnant le Zodiaque, avoit esté se cacher vers le Pole au temps de la guerre de Troye, & qu'elle se remontroit encore de temps en temps sous la même forme pour effrayer les mortels; ces circonstances sont, ce me semble, une allusion manifeste à l'apparition d'une comète, qui s'estant montrée d'abord entre les constellations du Bélier & du Taureau aux environs des Pléiades, traversa la partie septentrionale du ciel, & alla disparoître vers le cercle arctique.
Le temps de l'apparition de cette comète est déterminé par la date de la prise de Troye, & de la consommation des malheurs de la famille d'Electra. Par conséquent, l'année dans laquelle cette comète estoit rapportée par les anciennes traditions que Smynthès avoit suivies, estoit celle-là meme à laquelle les Chronologistes de son temps plaçoient la prise de Troye ; & ce fut en réunissant ces deux événements, qu'il bâtit la fable que l'on vient de voir.

(Nicolas Fréret, Réflexions sur un ancien phénomène céleste observé au temps d'Ogygès, Mémoires de Littérature tirez des registres de l'académie royale des inscriptions et belles lettres, tome 10, 1736, p 364)
Note: C’est le même Nicolas Fréret qui était un adversaire résolu de la théorie évhémériste attribuant des référents historiques aux mythes. Il est vrai qu'il ne s'agit pas ici d'un mythe concernant des hommes, mais un astre. L'hypothèse de Fréret, d'une inspiration de la fable par une comète, est défendable, mais comme il l'explique lui même, c'est artificiellement qu'on a placé l'apparition de cette comète au moment de la guerre de Troie.

1783 Alexandre Guy Pingré, tente de justifier l'existence de la comète.
  vers 1194 *
...
En effet, selon Hygin, contemporain d'Ovide, « les Pléïades animent les étoiles à la danse (b): mais lorsque Troie fut prise, & la postérité de Dardanus éteinte, Electre, dit-on, accablée de douleur, abandonna la compagnie de ses soeurs & se retira vers le cercle du pole arctique, où elle parut long-temps en pleurs & les cheveux épars, ce qui lui fit donner le nom de Comète.
...
Aviénus, dans sa paraphrase d'Aratus en vers latins, sur l'autorité de Mynthès ou Smynthès, autre poëte commentateur d'Aratus, & probablement plus ancien qu'Hygin, rapporte la fuite d'Electra, et témoigne qu'elle s'élève quelquefois au dessus des eaux de l'océan, non pour rejoindre la compagnie de ses soeurs, mais pour montrer ses cheveux épars, & donner aux hommes le spectacle d'une chevelure flottante : c'est, ajoute-t-il, sous cette triste forme que l'on voit s'élever les Comètes pernicieuses. Je ne viens d'exposer que des fables; j'en conviens: mais qui ignore que les fables avoient leur fondement dans l'Histoire? Tout ce récit ne peut être appuyé que sur la persuasion ou l'on étoit alors, qu'en l'année de la prise de Troie il avoit paru une Comète, dont le mouvement apparent avoit été depuis les Pléïades jusqu'au cercle polaire arctique.
Note: Tout ce récit pourrait être appuyé sur cette persuasion, mais ce n'est qu'une hypothèse.
C'est peut-être à cette même Comète que Virgile fait allusion, lorsqu'après avoir décrit la prise & l'incendie de Troie, il fait descendre du ciel une étoile, qui, par une longue trace de lumière, marque le chemin qu'elle a parcouru.
Note: Le texte de Virgile, comme l'a compris Guillemin, décrit un bolide, et non une comète.
Troie fut prise, comme je l'ai dit, en 1210, ou peut-être même avant 1280. Je crois pourtant qu'on peut différer l'apparition de la comète jusque vers 1194: voici mes raisons. Timée, le plus ancien des Historiens qui ait entrepris de déterminer la chronologie de l'histoire générale de la Grèce, avoit fixé la prise de Troie à l'an 417 avant la 1re Olympiade, & par conséquent à l'an 1193 avant Jésus-Christ. L'astronome Thrasylle, Velléius Paterculus, l'Historien Ephore, le chronologiste Castor de Rhodes, & plusieurs autres, suivirent la chronologie de Timée, ou du moins ils s'en écartèrent très peu. les Anciens, qui nous ont laissé quelques détails sur la guerre de Troie, ne font aucune mention de l'apparition d'une comète à cette époque: ceux auxquels nous sommes redevables de cette anecdote, sont postérieurs à Timée. Il est possible, ou plutôt, il est très-problable qu'il n'avoit point paru de Comète au temps de la prise de Troie; & voila la cause du silence des Anciens sur l'apparition de ce phénomène.
Note: Donc, pas de comète lors de la prise de Troie. Un poëte comme Homère n'aurait pas manqué de l'utiliser.
Mais il existoit apparemment des Mémoires, selon lesquels une Comète avoit été vue vers l'an 417 avant la 1re Olympiade:
Note: Ceci n'est rien qu'une hypothèse.
d'un autre côté, selon la chronologie de Timée, adoptée alors, cette année étoit précisément celle de la ruine de Troie: une rencontre aussi heureuse fut saisie par les Poëtes; ils batirent sur ce fondement la fable du désespoir d'Electre.
Note: Pingré justifie donc l'hypothèse précedente par l'existence de la fable. Mais on peut se demander si d'autres causes n'auraient pas produit le même résultat.
Ce qui fait préférer la chronologie de Timée à toute autre, sur le temps de l'apparition de cette Comète, c'est que le mouvement de cet astre, des Pléïades au cercle polaire arctique, lui donne quelques traits de ressemblance avec la Comète de l'an 1680 de notre ère: or, vu la révolution périodique de cinq cents soixante-quinze ans, qu'on attribue à cette dernière, elle a du paroitre vers l'an 1194 avant Jésus-Christ.

Note: Mais nous savons de puis Halley, qu'il ne s'était pas livré aux mêmes calculs que pour la comète qui porte son nom, et s'était contenté de relever des coincidences de délais entre deux observations. Sa période de 575 ans aurait donc pu relever d'un simple hasard, et nous savons depuis Encke qu'elle est en réalité de plus de 8000 ans. L'hypothétique observation d'une comète ne peut donc plus valider la chronologie de Timée.
(Pingré, p 249)
Note: Le système de datation que Pingré emploie est celui des astronomes, avec année zéro. Il s'agit donc de l'an 1195 av. J.C. La façon dont il note la date indique qu'il considère l'apparition comme très probable. Mais nous en sommes au même point qu'avec Fréret: La fable d'Electre a pu être inspirée par une observatiuon de comète, mais dont nous ignorons la date d'apparition.

1788 La Lande n'a pas bien lu Homère.
Enfin la grande comète de 1680, suivant Halley, devroit reparoitre en 2254. Il croit que c'est celle qui parut du temps de César; dans ce cas, ce seroit aussi celle dont parle Homère (Iliad. IV,75) & elle auroit paru 619 ans avant J.C.
Note: Nous avons vu plus haut ce que dit réellement Homère. Apparemment, La Lande s'est fié à une information sans la vérifier, autrement dit, à une rumeur.
(La Lande, Encyclopédie méthodique, mathématiques, tome 1, 2e partie, 1788, article comète p 368)

1875 Amédée Guillemin prend du recul.
On croit qu'il apparut une comète l'année même de la prise de Troie. Pingré et Lalande s'accordent à la considérer comme une ancienne apparition de la fameuse comète de 1680, et tandis que l'un cite à l'appui un passage d'Homère, l'autre rappelle des vers de L'Enéide qui feraient allusion à cette comète(1). Voici le fragment du quatrième livre de L'Iliade auquel renvoie Lalande :
« Par ces paroles, Jupiter excite Minerve, déjà par elle-même brûlant d'ardeur. Elle se précipite aussitôt des cimes de l'Olympe, Telle une étoile, qu'envoie le fils de l'artificieux Saturne en présage aux matelots ou à une grande armée, resplendit, et fait jaillir de nombreuses étincelles.
Telle Minerve s'élance à terre et se précipite au milieu de l'arène. L'effroi saisit les Troyens et les Grecs qui l'aperçoivent : les guerriers se disent entre eux : « Sans doute le carnage et les combats terribles vont recommencer, ou Jupiter veut rétablir la paix entre les deux peuples, lui l'arbitre des guerres que se font les hommes. »
A notre avis, l'étoile à laquelle Homère compare Minerve n'était point une comète ; mais un bolide, que l'explosion fait le plus souvent jaillir en effet en étincelles et qui peut se voir d'ailleurs en plein jour.
Note: Guillemin est encore trop conciliant, en remplaçant la vivacité d'une déesse par un bolide. L'imagination poétique suffirait tout aussi bien ici.
Cette remarque s'applique de tout point aux vers de Virgile, qui, de plus, mentionne le hruit de la détonation, souvent pareille, dans les explosions de bolides, au grondement de la foudre. Anchise, à l'endroit que nous citons (Eneide, liv. II, 692), vient d'invoquer Jupiter :
« A peine le vieillard achevait-il sa prière, qu'un éclat soudain du tonnerre se fit entendre vers la gauche, et qu'une étoile, glissant des cieux an milieu des ténèbres, courut a travers l'espace avec une longue traînée de lumière ; nous vîmes l'astre, un moment suspendu sur le faîte de notre demeure, l'éclairer de ses feux, et se perdre, en traçant sa route brillante dans les forêts de l'Ida ; alors un long sillon de flamme nous illumina, et les lieux d'alentour fumèrent d'une odeur de soufre. Vaincu par ces signes éclatants, mon père se lève, invoque les dieux et adore l'étoile sacrée. »
Note: Cette fois la description d'un bolide est manifeste.
(1). A l'époque où écrivaient ces deux savants, la révolution de la comète de 1680 avait été calculée comme ayant une période de 575 ans. Encke lui a assigné depuis une durée bien différente, de 8814 ans.

Note: Pingré et Lalande se font piéger par Halley, et sa prétendue période de 575 ans, qui n'était absolument pas basée sur un calcul. Leurs hypothèses de descriptions de comètes dans l'Eneide ou l'Iliade s'apparentent à de la paréidolie cognitive.
(Guillemin, p 6)

Analyse:
Nous avons vu qu'il n'y a aucun texte contemporain des faits, et plus tard, seulement des textes poétiques, parfois de seconde main. C'est donc au 18ème siècle, le siècle des lumières pourtant, qu'apparait l'observation de cette comète, 30 siècles après. L'idée que la fable d'Electre ait pu être inspirée par une vraie comète, n'est pas absurde, mais c'est l'association avec la guerre de Troie qui est tout à fait arbitraire.

Dernière mise à jour: 13/05/2014

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