Asie mineure, Prodige effrayant les Galates
En réalité: éclipse de lune mentionnée par Polybe
Vers 140 AC, Polybe raconte l'inquiétude des Galates devant une éclipse.
Οὗ γενομένης ἐπλείψεως σελήνης , πάλαι δυσχερῶς φέροντες οἱ Γαλάται τὰς ἐν ταῖς πορείαις παποπαθείας, ἅτε ποιούμενοι τὴν στρατείαν μετὰ γυναιπὥν καὶ τέκνων, ἑπομένων αὐτοῖς τούτων ἐν ταῖς ἁμάξαις, τότε σημειωσάμενοι τὸ γεγονὸς οὐκ ἂν ἔφασαν ἔτι προελὓεἴν εἰς τὸ πρόσὓεν.
Là survint une éclipse de lune, et les Galates, qui depuis longtemps supportaient avec peine les fatigues des marches, d'autant qu'ils faisaient la campagne avec leurs femmes et leurs enfants, qui les suivaient dans des chariots, virent dans ce phénomène un prodige et déclarèrent qu'ils n'iraient pas plus loin.
Note: Nous sommes au temps ou Hannibal envahit l'Iitalie. Tite Live ne s'occupe que d'Hannibal, mais Polybe raconte parallèlement les campagnes militaires menées en Asie mineure par Antiochos III, souverain de l'empire Séleucide, Ptolémée IV, roi d'Egypte, et Attale, roi de Pergame. Attale s'est attaché un corps de troupes Galates pour conquérir les villes d'Eolide.
(Polybe, liv. V ch. XVI)
Si Polybe nous parle d'une éclipse, c'est qu'il connait ce phénomène, alors que les Galates ne le connaissait pas. Pour eux, c'était bien un inquiétant prodige.
 zone de visibilité de l'éclipse |
En suivant le texte de Polybe, qui est heureusement complet pour ce livre, on constate que ce phénomène fut suivi, "au printemps suivant", de la campagne militaire qui mena à la bataille de Raphia. Or cette bataille eut lieu le 22 juin 217 avant notre ère, selon le calendrier Julien proleptique, ce qui implique que l'année de l'éclipse est l'année précédente, donc l'an 218 avant notre ère.
Dans les chapitres précédents, Polybe nous raconte les évènements du siège de Selge, qui eut lieu l'été. L'éclipse est donc postérieure à l'été 218.
Dans ces conditions, la seule éclipse qui convienne est donc l'éclipse totale de lune, du 1 septembre 218 avant notre ère, et visible en Asie mineure.
 la Lune à Izmir |
Nous avons tenté une reconstitution, grace au logiciel Stellarium, pour la ville d'Izmir, sur la cote Ouest.
La lune se lève éclipsée dans les dernières lueurs du jour.
Elle commence à sortir de l'ombre alors qu'elle se trouve à 5° au dessus de l'horizon, la nuit commençant à tomber, ce que montre l'image ci-contre.
Elle en est complètement sortie alors qu'elle se trouve à 15 ° au dessus de l'horizon, la nuit étant complètement tombée.
On a donc pu voir l'ombre couvrir la lune, et la quitter progressivement, ce qui pouvait bien inquiéter ceux qui n'y comprenaient rien.
Quant aux Galates, si inquiets de ce prodige, ils descendaient des gaulois, dont trois armées, l'une commandée par le célèbre Brennus, envahirent le monde hellénistique en l'an 279 avant notre ère. L'une de ces armées, opérant en Thrace, fut appelée par Nicomède I, roi de Bythinie, pour lutter contre ses rivaux. Il les installa ensuite au sud de son royaume, mais ils se mirent à attaquer les villes de la cote ouest de l'Asie mineure, avant d'ètre défaits en 269 avant notre ère, par le roi Séleucide Antiochos I, et de se fixer dans ce qui devint la Galatie, actuelle province au sud d'Ankara.
On peut donc penser que les Galates ne s'y connaissaient pas mieux en astronomie que leurs ancètres les gaulois, dont la crainte de la chute du ciel sur leur tête est devenue légendaire. Cette crainte est mentionnée par Arrien dans son Anabase (livre I, chapitre 1) où il décrit l'entrevue d'Alexandre avec des Celtes, de la cote Ionienne, qui lui déclarèrent qu'ils ne craignaient que la chute du ciel. Les interprétations fantaisistes mises à part, cela peut signifier qu'ils craignaient la foudre, ou l'effondrement de la voûte céleste lors de la fin du monde. En tous cas, ni les gaulois, ni les Galates ne devaient avoir la moindre idée du phénomène de l'éclipse, et leur inquiétude se comprend puisque les lois naturelles leur paraissent alors violées.