Le bolide du 18 octobre 1954

Dans la soirée du 18 octobre 1954, un bolide est visible de la Belgique et de la région du Nord. Un bolide très brillant, illuminant le paysage. En pleine vague de soucoupes volantes, il était inéluctable qu'il génère des dizaines de témoignages d'engins mystérieux. Moins, tout de même que le bolide du 16 octobre, qui lui, était visible de presque tout le territoire français. Et contrairement au bolide du 16, il ne sera guère mentionné comme bolide par Aimé Michel, qui ne connait que les observations de Béthune, Douai, Hesdin et Huby-Saint-Leu, en y ajoutant les observations d'Audruicq qui est du 17, et de Pommier qui est du 16. Pire, l'observation dite d'Isbergues va être déplacée à la date du 15, pour jalonner un alignement d'observations de soucoupes volantes.

Les journaux mentionnent ce que les témoins leur disent

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Les journalistes ne sont pas des savants, encore moins des astronomes. Quelques uns seulement savent reconnaitre un bolide d'après sa description. En pleine vague de soucoupes volantes, ils sont souvent enclins à se méfier, et à privilégier les témoignages qui leur paraissent "dignes de foi". Il est donc normal qu'ils acceptent sans réticence les témoignages de gendarmes et de policiers, et qu'ils insistent lourdement pour souligner la bonne foi des témoins qu'ils ont interrogé. Mais quelque soit la confiance qu'ils ont dans le témoin, il s'avèrent, en général, bien incapables de traduire objectivement ses estimations, en particulier ses estimations de diamètre angulaire.
Et quand les journalistes se mèlent d'interpréter scientifiquement les informations qu'ils viennent de récolter, c'est parfois cocasse.

La répartition des observations

Le dépouillement d'environ 180 éditions de journaux régionaux nous a permis de trouver pour le bolide du 18 octobre une quarantaine d'observations. Classiquement, la valeur de ce genre de données se répartit dans une courbe de gauss, avec, à une extrémité un faible pourcentage de témoignages précis et utilisables, à l'autre un faible pourcentage de témoignages fantaisistes, voire délirants, et entre les deux, une masse de témoignages partiellement utilisables, et plus ou moins vagues.
Ici, il n'a pas été possible de trouver des témoignages assez précis pour reconstituer une trajectoire, mais il y a au moins un témoignage largement fantaisiste.

carteCarte des observations du bolide du 18 octobre

La carte ci-dessus montre bien que les observations récensées ne s'accordent ni au hasard, ni à la densité de population. On trouve 19 observations au voisinage d'une ligne Calais-Béthune, et aucune dans l'agglomération de Lille. C'est qu'il s'agit de témoignages publiés par la presse, et que le processus a subi un important filtrage.
- D'abord beaucoup de journalistes ne sont pas enclins à publier des observations qui ne leur paraissent pas sérieuses.
- Ensuite, il y a des témoins qui craignent de révéler leur observation, de peur qu'on se moque d'eux.
- Puis les témoins potentiels ont pu être empéchés d'observer quoique ce soit dans le ciel, à cause de la couverture nuageuse.
- Enfin, à certaines heures, il n'y a quasiment plus de témoin potentiel dehors.
- Mais il reste un filtrage objectif: plus on s'éloigne de la trajectoire du bolide, moins on trouve de témoins.

Le bolide ayant paru vers 20h 45, la quatrième condition s'appliquerait dans les Cévennes, mais pas dans la région du Nord. Les autres conditions demeurent pour expliquer cette répartition qui peut paraitre bizarre. En particulier le fait qu'il y nettement plus d'observations dans la moitié nord de la carte, ce qui implique une trajectoire se projetant sur la partie nord de la carte, et peut-être même plus au nord.

L'apparence de l'objet selon les témoins

Le témoin tout venant, et non préparé à un spectacle, pour lui extraordinaire, décrit ce qu'il a cru voir, avec les mots qu'il peut trouver, c'est à dire pas très bien.

Pour ce qui est de la forme de l'objet, divers témoins décrivent une boule ou un globe, mais il faut bien savoir qu'une planète est souvent décrite comme une boule, et que boule ou globe ne peuvent pas être pris comme des descriptions précises de la forme. Ici deux descriptions parlent vaguement d'objet, huit de boule, et deux de globe, et nous ne sommes pas plus avancés.
Plusieurs descriptions mentionnent un disque, une sans précision, une mentionne un disque aveuglant et huit mentionnent des couleurs, malheureusement peu compatibles, mais c'est une constante dans les observations de bolide. Deux mentionnent un disque de feu, une un disque orange, deux un disque rouge, une un disque bleu-rouge, et deux un disque indigo. Mais que faut il comprendre? Ce disque était il vu de front, donc limité par un cercle, ou vu de biais, et limité part une ellipse?
Le deuxième interprétation semble confortée par les témoignages qui décrivent un cigare: Trois décrivent un cigare lumineux et un, un cigare rouge.

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En pleine vague de soucoupes volantes, huit témoins ont naturellement parlé d'engin. Quatre parlent d'un engin lumineux, un d'un engin allongé et un d'un engin mystérieux, ce qu'on pourrait considérer comme un pléonasme, puisque l'objet fut mystérieux pour tous les témoins. On peut d'ailleurs penser que s'ils ont parlé d'engin, c'est que l'objet leur paraissait allongé.
Le plus extraordinaire vient pour la fin: Un témoin décrit une soucoupe en forme de cloche avec un feu rouge au dessous. Mais en analysant son témoignage, on a l'impression qu'il a voulu "faire marcher" le journaliste, qui ne demandait qu'à y croire.

Parallèlement à la forme, sont décrits: une vive lumière et une trainée, caractéristiques d'un bolide.
Onze descriptions mentionnent une très vive lumière, dont deux mentionnent le ciel illuminé comme par un éclair, et deux mentionnent l'environnement immédiat illuminé comme de jour. Six description mentionnent une trainée, et quatre mentionnent des étincelles.
C'est à Douai, et au marais de Guines, près de Calais, qu'on a décrit la paysage illuminé, ce qui incline à penser que le bolide a survolé le Calaisis.

la couleur de l'objet.

Pour ce qui est de la couleur de l'objet, nous redécouvrons un phénomène qui apparait à chaque observation de bolide: les couleurs indiquées par les témoins ne sont guère compatibles. Dans le cas du bolide du 25 janvier 2008, les témoins avaient décrit toutes les couleurs possibles, et même impossibles, puisque trois témoins avaient décrit un bolide capable d'illuminer toute une contrée comme étant de couleur... noire!
Ici, près de Calais la grande luminosité du ciel a d'abord été décrit verte, puis rose. L'objet a été décrit deux fois indigo, une fois bleu-rouge, une fois vert pale, deux fois orange, une fois rougeatre, cing fois rouge, et sept fois couleur feu. Nous pouvons en conclure que la couleur de l'objet avait une dominante rouge-orange.
Nous avons moins d'information pour la trainée décrite, une fois bleue, deux fois verte, et une fois couleur feu. Il est tout a fait possible que la trainée ait été verte, car nous avons déja observé un bolide couleur feu, abandonnant des étincelles qui se transformèrent en trainée verte.
Les couleurs décrites sont donc compatibles avec celles d'un bolide, y compris dans leur manque de cohérence.

l'heure de l'observation.

L'éventail des heures indiquées fournit généralement aussi un histogramme en courbe de Gauss. Ici, beaucoup de journaux n'ont pas daigné indiquer l'heure, et nous de disposons que de 22 renseignements d'heure; qui s'échelonnent entre 20 h 30 et 21 h 15. Un maximum, soit 9, sont d'accord pour 21 h, mais c'est manifestement par arrondi, car 8 donnent "vers 21 h".
L'autre maximum, soit 5, donne 20 h 45. Il y a en particulier le témoignage d'un policier de Hesdin qui avait probablement noté l'heure, et un homme qui descendait de l'autorail de 20h 45 (à une époque où les trains étaient à l'heure). Nous considérons donc 20 h 45, comme l'heure la plus probable.

la durée de l'observation.

Les durées indiquées pour le phénomène présentent toujours un éventail assez large. Mais ici nous n'avons que neuf indications utilisables, la plupart très vagues, plus une durée fantaiste de trois quart d'heures, pour l'observation de Beauvoir-Rivière, qui semble bien n'être qu'un canular.
Sur ces neuf indications, une dit "très peu de temps", deux nous parlent de "quelques instants", trois disent "quelques secondes", une précise "quelques secondes, une dizaine au plus", et il ne nous en reste que deux pour donner une indication chiffrée: l'une dit "4 à 5 secondes", et l'autre dit "une demi-minute" ou "une vingtaine de secondes" selon la source.
Dans ces conditions, une durée d'une dizaine de secondes maximum parait vraisemblable, ce qui tout à fait compatible avec un bolide.

le mouvement de l'objet.

Il n'est pas possible de reconstituer une vraie trajectoire. Aucun témoignage de donne de hauteur angulaire sur l'horizon, aucun ne donne d'azimut précis. Nous disposons d'une douzaine de témoignages indiquent des directions, mais un seul donne la direction de l'apparition. Plusieurs donne la direction vers laquelle le témoin estimait que l'objet se dirigeait, en oubliant qu'il n'avait pas une trajectoire horizontale.
Pour le cas de Blendecques, le témoin dit que l'objet se dirigeait vers Heuringhem, c'est vers le sud depuis Blendecques, mais vers l'est depuis Bilques où habitait le témoin.
A Béthune c'est encore pire: L'objet aurait disparu au dessus des marais d'Annezin. Mais il y a deux témoins. L'un se trouvait à Beuvry, l'autre à Vendin. Lequel est celui qui a indiqué la direction? Cette direction est ouest-nord-ouest depuis Beuvry, mais sud depuis Vendin.
Nuus savons qu'au marais de Guines l'objet a illuminé le paysage, et qu'il a été estimé "à la hauteur des étoiles". A Hesdin l'objet a été vu au nord.
Dans l'ensemble, à part à Ligny où la direction est atypique et peut-être erronée, l'objet a été vu évoluer dans le secteur nord, et probablement assez haut sur l'horizon. Voici une carte montrant les données utilisables.

carteles directions indiquées par les témoins.

Trois directions sont inutilisables pour cause d'ambiguité: à Blendecques, Beuvry et Vendin. Une seule est celle de la découverte. Deux sont la direction estiméee du mouvement qui aurait été à peu près du nord-est au sud ouest, puisqu'il faut tenir compte que l'objet a été découvert au nord-est, et largement vu dans le secteur nord.
Vu l'intensité de la lumière au Marais de Guines, et le fait qu'à Ardres les camionneurs n'ont vu que la lumière qui a semble traverser la route (probablement de la droite vers la gauche), et pas le bolide qui était trop haut dans le ciel (et décrit à la hauteur des étoiles), il semble que le bolide ait survolé le Calaisis, et donc se soit probablement perdu au dessus de la Manche.

Les interprétations.

Les interprétations du phénomène concernent tant les témoins, que les journalistes. Elles se résument le plus souvent à une identification avec un théme supposé, ou réél.
Mais il faut distinguer le titre de l'article, toujours racoleur, avec le contenu de l'article, qui contient la vraie identification, parfois par le témoin, et le plus souvent par le journaliste. Ce ne sont pas moins de vingt-sept titres qui contiennent le mot "soucoupe", et trois seulement qui parlent d'engin.
Quant au corps de l'article, les témoins ne sont pas les plus nombreux à parler de soucoupe ou d'engin. Le mot soucoupe n'est employé qu'une fois par le témoin, et deux fois par le journaliste. C'est le mot engin qui se taille la part du lion avec treize mentions par le journaliste, et trois par le témoin.
Le mot "aérolithe", qui est la bonne identification, apparait une fois sous le clavier du journaliste, et une fois dans la bouche du témoin, qui, pour cette fois, est aussi journaliste.

Mais il reste les explications, que fournissent certains journalistes qui veulent jouer au savant, et certaines de nont pas piquées de hannetons.
Nous avons l'éclair de chaleur, qui certes, est un phénomène réel, présenté par Nord Littoral.
Nous avons l'évènemant atmosphérique, bien vague, mais pas faux, présenté par Liberté.
Plus tordue est l'explication fournie par Nord Matin:

nous avons connu, de samedi à lundi, une température exceptionelle. Or, lundi soir, le temps changea fortement, un vent violent souffla, et à notre humble avis, il s'agit d'un phénomène atmosphérique dû à un orage « froid ».
(Nord Matin, édition Avesnes; 20-10-1954, p 3)

Ben voyons! On croirait lire une explication d'Aristote, qui lui non plus, ne croyait pas à ce genre de phénomène.

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Mais le plus beau vient pour la fin. L'Abeille de la Ternoise avait la chance d'avoir parmi ses collaborateurs, un Monsieur Je-sais-tout qui s'intéressait au problème des soucoupes volantes, et qui s'était documenté en conséquence. Aussi se chargea-t-il d'étudier en détail le parcours de la soucoupe à travers le Ternois, et de donner une explication d'une haute scientificité à la prétendue observation de Beauvoir-Rivière, qui infirmait la théorie de Plantier pour confirmer celle du nuage d'électrons.
Doit on applaudir sa science ou railler sa naïveté?

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Dernière mise à jour: 25/08/2021