A Annoeullin, la lune a-t-elle atterri dans un jardin?

Ce soir du dimanche 3 octobre 1954, à Annoeullin comme ailleurs, on a beaucoup entendu parler des soucoupes volantes, mais on n'en a pas encore vu. Consolez vous, bonnes gens, ce soir, c'est votre tour...

Lisons donc La Voix du Nord du 5 octobre

Week-end chargé pour les soucoupes
volantes qui perdent toute discrétion


Cent témoignages en leur faveur dans la région
d’Annœullin, où elles évoluent 25 minutes durant
L’une se pose dans un jardin
  Décidément les « soucoupes » envahissent nos cieux. Plus de cent personnes de Bauvin, Annoeullin, Provin et environs, à 20 kilomètres de Lille, ont vu un ou plusieurs objets lumineux se déplaçant lentement dimanche, entre 20 h. 45 et 21 h. 10. L’une d'elles a vu l‘objet se poser lentement dans un jardin et s‘est approchée à quelques mètres de l‘engin. Mais examinons les faits.

Une « soucoupe » descendue du ciel

  M. Gaston Lecoeuvre, un mineur domicilié rue Georges-Mortelecq à Annoeullin, fume une cigarette sur le seuil de sa porte. Une tache lumineuse
apparaît sur l'écran sombre du ciel et tombe lentement : une étoile filante. pense notre homme. Mais voici que la chute de l’étoile se poursuit. Celle-ci se mue en un objet qui tourne, semble-t-il et, sans bruit, se pose dans un jardin, à quelques mètres de là.

  « Si mon chien pouvait parler ! » a dit M. Gaston Lecoeuvre, (Photo «La Voix du Nord» )

  M. Lecœuvre se précipite : un dôme de trois mètres de hauteur environ et qui brille comme une pièce de nickel. L’engin ne repose pas sur le sol - on n’a pas découvert de traces. Sur la partie supérieure se trouve une petite coupole, mais on ne distingue pas d'ouverture.
  Le mineur s'est arrêté, comme pétrifié, à quelques mètres de la « chose », son petit chien aboie avec rage. Et voici qu'une peur panique s‘empare de l’homme qui s’enfuit en criant jusqu’au café Parsy. à
cent mètres de là, où une dizaine de personnes consomment ou jouent au billard.
  « Venez, une soucoupe !… » crie le mineur. Les joueurs se précipitent dans la rue.
  M. Gaston Lecoeuvre est considéré par ses connaissances comme un homme sérieux.

La sarabande des « soucoupes »

  Une quarantaine d’hommes, de femmes et d’enfants sont dehors. L'objet s’en est allé au bout de 15 ou 20 secondes estime M. Lecœuvre, car il déclare avoir perçu un sifflement pendant sa fuite éperdu.
  Mais voici que les Annœullinois distinguent en direction de Provin, non pas un, mais trois objets brillants. L’un d’eux était presque immobile, deux autres tournaient lentement autour du premier : c'est la version que nous donnent spontanément plusieurs personnes.
  Nous interrogeons M. Bourbotte, un jeune employé de bureau qui, malgré la fièvre générale, conserve son calme. Quand il rejoint ses voisins qui, depuis un quart d’heure observent le « phénomène » il distingue, non plus trois, mais deux objets. M. Bourbotte consulte sa montre-bracelet : il est exactement 21 heures. Les « soucoupes », semblant présenter un angle de 45 degrés environ par rapport à l’horizontale, décrivaient lentement des cercles, précise-t-il. Elles tournaient en sens inverse et, par moment, elles ne se présentaient que sous la forme d‘un point rouge. Puis elles se rapprochaient et l'on distinguait mieux leur forme renflée et leur couleur rouge-orange.
  Cette sarabande silencieuse s‘est poursuivie jusqu’à 21 h. 10, heure à laquelle les spectateurs, qui se passaient des jumelles de main en main, virent disparaître les objets derrière un rideau d’arbres, en direction de Provin.

D’autres témoignages

  A l‘autre extrémité de la rue Georges-Mortelecq M. Louis Deleflie entend un ruit semblable à celui que ferait « un moteur d’avion » et aperçoit un objet lumineux s’élever au-dessus d’une meule, à trois cents mètres de là. Il va chercher sa femme. L’objet est toujours là, mais on n’entend plus de bruit. Leur cousine les rejoindra bientôt, puis un voisin, M. Clotaire Loyez, retraité des mines. 45 à 50 personnes enfin contemplent l’objet silencieux. « rouge comme le feu mais n'éclairant pas » qui oscille parfois et s'éloigne lentement; puis disparaît derrière des arbres. toujours en direction de Provin.
(La Voix du Nord, 5 octobre 1954, page 3)

L'édition locale de La Voix du Nord montre les témoins, mais pas le phénomène.

Dans la série "l'homme qui a vu l'homme qui a vu la soucoupe", La Voix du Nord photographie les gendarmes qui, "opérant en uniforme et conformément aux ordres de leurs chefs", se font décrire la scène par les témoins dans l'attitude rituelle.


Les autres journaux du nord ne nous apprennent rien de plus. Le Nouveau Nord Maritime du 6 octobre résume l'affaire en quelques lignes, et La Bailleuloise du 10 octobre, en quelques mots.

Radar photographie d'autres témoins.

 A N N Œ U L L I N 
Plus de 100 personnes de Bauvin, Annœullin, Provin, localités sises à 20 km. de Lille « les » ont vu. M. Gaston Lecœuvre, un mineur d'Annœullin, raconte: « Prenant le frais sur le pas de ma porte, je vois une tache lumineuse. Soudain elle tourne puis, sans bruit, brillante comme une pièce de nickel semble se poser, puis repart au bout de 20 secondes ». Mme Parzy, qui tient le café de l'endroit, voit trois objets lumineux. M. Bourbote, employé, affirme: « Ils évoluèrent pendant 25' »
Note: Selon La Voix du Nord l'observation a duré 25 mn, mais M. Bourbotte n'en a chronométré que 10.
(Radar, 17 octobre 1954, page 4)

Jimmy Guieu voit des astronefs partout.

Contrairement à Aimé Michel, Jimmy Guieu respectait le texte de sa source, ici La Voix du Nord, à un détail prés: les objets célestes mystérieux étaient systématiquement appelés "astronefs".

     Le Nord de la France semble avoir particulièrement attiré les soucoupes volantes ce 3 octobre 1954. En effet, à la même heure, un autre astronef se posait à Annoeullin.
  Un mineur, M. Gaston Lecœuvre, fumait ce soir-là sur le pas de sa porte lorsqu’il vit apparaître dans le ciel une sorte d’étoile « qui tombait lentement »: une étoile filante, songea le mineur. Mais, intrigué, il constata que « l’étoile », au lieu de disparaître fugitivement, poursuivait sa chute. « L’étoile » se présenta peu à peu sous l’aspect d’un disque tournoyant qui, sans bruit, alla se poser dans un jardin voisin. Sidéré, M. Lecœuvre se précipita et vit un dôme métallique de 3 mètres de hauteur environ, brillant comme du nickel! L’engin ne reposait pas sur le sol, se maintenant immobile à dix ou quinze centimètres de la terre. Une petite coupole occupait sa partie supérieure mais l’on n’y distinguait aucune ouverture.
  Le mineur s’arrêta, médusé, à quelques mètres de « l’objet » contre lequel son petit chien aboyait avec rage ! Effrayé, M. Lecœuvre s’enfuit en criant jusqu’au café Parsy, à 100 mètres de là, où une dizaine de personnes consommaient ou jouaient au billard. A ses appels, les consommateurs se précipitèrent à sa suite, entraînant en cours de route d’autres personnes, formant en tout un groupe d’une quarantaine d’hommes, femmes et enfants. Entretemps, l’astronef avait décollé. M. Lecœuvre avait d’ailleurs, en fuyant, perçu derrière lui un curieux sifflement. L’engin n’était donc plus au sol mais en l’air. Et les Annœullinois distinguèrent parfaitement, en direction de Provin, l’astronef immobile dans le ciel! Deux autres disques brillants tournoyaient lentement autour du premier. Il était alors 21 heures exactement.
Note: Jimmy Guieu pratique ici un joli syncrétisme en raccordant toutes ces observations.
  Les disques, semblant présenter un angle de 45° environ par rapport au plan horizontal, décrivaient lentement des cercles. Ils tournoyaient en sens inverse l’un de l’autre et, par moment, ne se présentaient que sous l’aspect d’un point rouge. Puis, ils se rapprochaient et l’on distinguait mieux leur forme renflée et leur couleur rouge-orangé. Ces évolutions se poursuivirent jusqu’à 21 h. 10, heure à laquelle les spectateurs - qui se passaient des jumelles de main en main - virent disparaître les objets derrière un rideau d’arbres, en direction de Provin. Dans de nombreuses localités de la région, durant vingt-cinq minutes, des centaines de personnes suivirent également le « phénomène ».
  Notons qu’une fois de plus, à l’instar de l’atterrissage de Quarouble (témoin M. Marius Dewilde) et de Chabeuil (témoin: Mme Lehœuf), là aussi un chien fut « halluciné »!
Note: Jimmy Guieu veut ignorer que le chien ne faisait que réagir à la peur de son maitre.
( Jimmy Guieu, Black Out sur les Soucoupes Volantes, Fleuve Noir 1956, page 161)

Voici la situation de la rue Georges Mortelecq sur la carte IGN d'Annoeullin.


photo_aerienne
la rue en 1957

On peut se demander pourquoi c'est seulement rue Georges Mortelecq que des Annoeullinois ont vu des soucoupes volantes. Cela s'explique facilement si l'on admet que le phénomène était très bas sur l'horizon, et donc caché derrière les maisons, pour les autres rues d'Annoeullin.
De fait, la rue Georges Mortelecq (anciennement rue des près, car elle se termine dans les champs) était la seule rue d'Annoeullin où on avait - à l'époque - une vue bien dégagée vers le sud-ouest. Or le phénomène est signalé vers Provin, donc vers le sud-ouest, et nous allons voir qu'il était effectivement bas sur l'horizon.
On remarque sur la photo aérienne ci contre, prise en 1957, qu'il n'y a aucune maison du coté sud-ouest de la rue: ce sont tout de suite les champs.

En se plaçant à l'extrémité nord de la rue, où il n'y a plus de maisons, nous avons une idée de la visibilité en 1954: seuls quelques rideaux d'arbres au loin cachent l'horizon sud-ouest.


Donc, nos deux groupes de témoins ont vu au sud-ouest, bas sur l'horizon, deux ou trois objets, parfois réduit à un seul, rouge-orange, mais n'éclairant pas, faisant un angle de 45°, semblant tourner et qui ont disparu derrière un rideau d'arbre, donc très près de l'horizon, à 21 h 10.
Il est intéressant de rapprocher cette description de celles des autres témoins de la région: rouge-orange, scindé en deux, se rejoignant pour former un objet courbe, parfois décrit comme un croissant, que certains témoins ont comparé au croissant de lune.
Tiens tiens, où en était la phase de la lune ce 3 octobre? Elle était en croissant. Et à quelle heure se couchait elle? A 21 h 15 à l'horizon. Quelques minutes avant derrière un rideau d'arbre, et bien entendu, au sud-ouest.

Nous savons aussi par l'observation du professeur Antoine Bonte, que ce soir là, la lune paraissait rougeâtre.
Grace à Stellarium, à Google Street, et à quelques logiciels d'édition d'images, nous pouvons alors faire une reconstitution du ciel visible à 21 h depuis l'extrémité nord de la rue Georges Mortelecq.


(il faut regarder cette image depuis une distance valant 2.2 fois sa largeur sur l'écran)

Nous voyons que le phénomène était très bas sur l'horizon, ce qui explique qu'on ne la vu que depuis la rue Georges Mortelecq. Nous savons qu'à Annoeullin, personne n'a fait allusion à la lune, pourtant visible dans la direction où regardait les témoins. Nous savons qu'elle fut barrée par un stratus, ce qui la scindait en deux, et que son image était déformée en filtrant à travers les nuages.
Donc la lune avait ce soir là, à Annoeullin, une apparence voisine de ce qu'ont décrit les témoins. Seulement les dits témoins n'ont pas vu la lune, qui était devant leurs yeux, mais à sa place ils ont vu deux, voire trois objets mystérieux.
La conclusion s'impose d'elle même: ces objets mystérieux, c'était la lune.

Mais il y aurait eu jusqu'à trois objets lumineux. Doit-on admettre que c'était plutôt des lanternes thaïlandaises, puisqu'on mentionne un angle de 45 degrès avec l'horizontale? Non, car, non seulement il n'y en avait pas à l'époque en France, mais le retraité portugais qui lançait des montgolfières lumineuses, ancètre de nos lanternes thaïlandaises, et dont l'une fut prise pour une soucoupe, n'en lançait jamais qu'une à la fois. De plus les 45 degrès ne sont pas la hauteur sur l'horizon, mais simplement l'angle que faisait avec l'horizontale le segment joignant les deux lumières.
On peut plutôt admettre qu'à un moment, la lune soit apparue coupée en trois, comme Lubienietski l'observa en 1665.

L'hypothèse de la lune s'accorde donc bien avec ce qu'ont décrit les deux groupes de témoins, mais pas avec ce qu'aurait vu tout d'abord M. Lecoeuvre:
  "Une tache lumineuse apparaît sur l'écran sombre du ciel et tombe lentement".
Ceci serait à la rigueur compatible avec la lune apparaissant à travers une trouée de nuages, mais le témoin ne l'aurait sans doute pas prise pour une étoile filante.
  "Celle-ci se mue en un objet qui tourne, semble-t-il et, sans bruit, se pose dans un jardin, à quelques mètres de là".
La lune qui semble se poser, c'est encore classique, mais ici, le témoin y irait vraiment fort avec son objet qui tourne et sa proximité de quelques mêtres.
  "un dôme de trois mètres de hauteur environ et qui brille comme une pièce de nickel".
Là, ça ne va plus. Bien sûr, c'est la nuit, et, dans une rue habitée d'un seul coté, et probablement mal éclairée, on peut se demander comment le témoin aurait il pu voir briller l'objet comme du nickel. Mais ça ne correspond vraiment pas avec la lune. Un dome métallique, avec une partie qui tourne, évoque plutôt un hélicoptère. M. Lecoeuvre est le seul à l'avoir vu, mais selon son témoignage, l'objet était déjà parti quand les autres témoins sont sortis.
photo_aerienne
Traduction:
Mon maitre avait peur, alors j'ai aboyé.
  "L’engin ne repose pas sur le sol - on n’a pas découvert de traces".
Ce serait normal pour la lune, mais aussi pour un hélicoptère qui n'aurait fait que s'approcher du sol.
  "Le mineur s'est arrêté, comme pétrifié, à quelques mètres de la « chose », son petit chien aboie avec rage. Et voici qu'une peur panique s'empare de l’homme qui s’enfuit en criant".
Nous voila donc devant le témoignage d'un homme paniqué, ce qui nous montre bien qu'il a vu quelque chose d'inquiétant pour lui, mais qui a peut-être un rapport avec la distance estimée à quelques mêtres seulement, distance qui était peut-être plus importante.
Par ailleurs, la peur ressentie par le témoin ne prouve rien puisque la peur qu'a éprouvée Mme Nelly Mansart n'a pas empéché qu'elle n'avait vu que la lune.
Pour ce qui est des aboiements du chien, non, il ne jappait pas à la lune, comme l'a écrit Michel Figuet, mais ces aboiements révèlent simplement que le chien avait senti la peur de son maitre.
"Si mon chien pouvait parler!" aurait dit M. Lecoeuvre. Hé bien, s'il pouvait parler, nous serions probablement déçus.

Alors, quel est cet objet que M. Lecoeuvre a cru voit atterrir? Si l'on peut être sûr que le phénomène vu au loin par les deux groupes de témoins était bien la lune, c'est beaucoup moins sûr pour l'objet vu par M. Lecoeuvre, qui semble n'avoir pas vu la même chose que les consommateurs du café Parsy, qui ont observé après lui.
Ce n'est tout de même pas une raison pour affirmer avec Jimmy Guieu qu'il a assisté à l'atterrissage d'un astronef! L'objet semblait proche, métallique, et le témoin entendit un sifflement qu'il supposait émis par l'objet, qui aurait alors disparu avant que les autres témoins n'arrivent. L'hypothèse de l'hélicoptère en rend assez bien compte, bien qu'on ne comprenne pas très bien ce qu'il aurait fait là, mais c'est encore l'hypothèse qui s'accorde le mieux - ou le moins mal - avec les dires du témoin.

Comme à Quarouble, le 10 septembre, il y eut donc, deux phénomènes distincts le 3 octobre, à Annoeuulin. D'abord, assez probablement, un hélicoptère, puis l'observation du coucher de la lune, par deux groupes de témoins, aux extrémité de la même rue.

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Dernière mise à jour: 11/10/2021