1840 Ampère cite Agobard de mémoire


DE LA LITTERATURE POLITIQUE AU IXe SIECLE - AGOBARD

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  Dans plusieurs autres écrits, Agobard se recommande à notre attention et à notre intérêt par une supériorité de jugement qui lui fait attaquer les superstitions et les préjugés de son temps. Agobard a consacré un traité spécial à combattre une croyance bizarre, qui paraît avoir eu une grande vogue dans le pays qu'il habitait. On prétendait que certains hommes, appelés tempestarii, soulevaient des tempêtes pour pouvoir vendre ensuite les fruits que la grêle avait frappés, les animaux qui avaient péri par suite des inondations et des orages, à des acheteurs mystérieux qui arrivaient à travers les airs (3). Un jour furent amenées devant Agobard trois personnes que l'on voulait tuer, parce qu'on les avait vues tomber du ciel. Peut-être ne faut-il pas chercher d'autre origine à notre expression tomber des nues. II y a quelques rapports entre les folles croyances condamnées par Agobard et les voyages aériens des sorciers lapons.

  Une autre erreur populaire, également combattue par Agobard, rappelle un préjugé bien funeste qui, sous différentes formes, a reparu plusieurs fois dans l'histoire, et que nous avons vu de nos jours aussi puissant et aussi atroce que jamais. On disait que des hommes envoyés par Grimald , duc de Bénévent, apportaient des poudres qu'ils répandaient sur les champs et jetaient dans les fontaines. On tuait les malheureux soupçonnés de ce crime imaginaire. Chacun se rappelle en frémissant les untori de Milan (4) et les prétendus empoisonneurs du choléra. Notre siècle n'a pas le droit d'être surpris d'une si aveugle et si féroce crédulité. Nous devons bien plutôt nous étonner qu'au IXe siècle il se soit trouvé un homme d'un esprit assez ferme pour rejeter de telles absurdités, malgré le témoignage de ceux mêmes qu'on accusait. Car Agobard aime mieux attribuer leurs aveux à une illusion infernale que de les croire coupables. N'est-ce pas chez lui la marque d'un grand sens ; n'est-ce pas aussi une preuve que la raison , et, comme on dirait aujourd'hui, les lumières avaient fait de grands progrès depuis le temps du crédule Grégoire de Tours?


(3) Id.,t. 1, p. 147. Note: Id. c'est à dire, Agobardi opera.

(4) Voy. l'admirable récit de la peste dans les Promessi sposi de Manzoni.

SOURCE: Jean-Jacques Ampère, Histoire littéraire de la France avant le douzième siècle, Paris, 1840, tome III, p. 178.

Remarques:

  L'auteur prétend citer l'édition d'Agobard par Etienne Baluze, mais il le cite comme s'il ne l'avait pas lu. Il se trompe en disant que les tempestaires revendaient les animaux qui avaient péri. Il est exact que les grêles violentes, comme celle de 1788, tuaient à l'occasion des animaux, mais Agobard dit seulement qu'on croyait qu'ils vendaient les blés et autres récoltes. Il parle à peu près correctement de l'incident des prétendus navigateurs aériens, sauf qu'ils était quatre et non trois, et que personne ne les avait vu tomber du ciel.
  Quant à l'expression tomber des nues, qui signifiait à l'origine, tomber du ciel, surgir inopinément, puis à l'époque de l'auteur, être extremement surpris, il est douteux qu'elle puisse avoir son origine dans un incident du 9e siècle, avéré faux, et connu seulement au 17e
Antoine Péricaud fait remarquer dans ses notes qu'on trouve déja ce type d'expression dans Plaute, Tibulle, et Minucius Felix
En particulier, Plaute, dans Le Perse, Acte II, scène 3, écrit:
Quod ego non magi somniabam, neque opinabar, neque censebam, eam fore mihi obcasionem, ea nunc quasi decidit de coelo
Une occasion que je n'imaginais que comme un rève, que je ne croyais pas possible, que je ne concevais pas, vient de me tomber du ciel

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Dernière mise à jour: 22/04/2019