1999 Edouard Brasey croit au Comte de Gabalis

Croirait on qu'à l'orée du XXIe siècle, il y ait eu des gens pour croire que le comte de Gabalis avait vraiment existé?
Hé bien si, il y en a eu! C'est incroyable, mais c'est vrai, et Edouard Brasey va nous le prouver.


Charlemagne condamne les elfes à de lourdes peines

    Les apparitions célestes d’elfes et de sylphes au Moyen Âge prirent de telles proportions que le bon roi Charlemagne fut obligé de légiférer contre ces êtres surnaturels.
Note: Charlemagne fit des édits contre les pratiques païennes et pas contre les êtres surnaturels.
Collin de Plancy nous explique : « Les cabalistes ont aussi adopté l'existence des fées : mais ils prétendent qu'elles sont des sylphides. ou esprits de l'air. On vit, sous Charlemagne et Louis le Débonnaire, une multitude de ces esprits, que les théologiens appelèrent des démons, les cabalistes des sylphes, et nos bons chroniqueurs des fées. »
Note: En réalité, les recueils de prodiges ne contiennent rien de tel pour cette époque.
    À l'appui de cela. le comte de Gabalis rapporte une étrange anecdote, située au temps des Carolingiens : « Le fameux cabaliste Zédéchias se mit dans l'esprit, sous le règne de Pépin le Bref, de convaincre le monde que les éléments sont habités par des peuples d’une nature différente de la nôtre. L'expédient dont il s’avisa fut de conseiller aux sylphes de sc montrer en l'air à tout le monde : ils le firent avec magnificence. On voyait dans les airs ces créatures admirables, en forme humaine, tantôt rangées en bataille, marchant en bon ordre, ou se tenant sous les armes, ou campées sous des pavillons superbes : tantôt sur des navires aériens, d’une structure merveilleuse, dont la flotte volante voguait au gré des zéphyrs.
    « Qu'arriva-t-il ? Le peuple crut d'abord que c'étaient des sorciers qui s'étaient emparés de l’air pour y exciter des orages. et pour faire grêler sur les moissons. Les savants. les théologiens et les jurisconsultes furent bientôt de l'avis du peuple. Les empereurs le crurent aussi : et cette ridicule chimère alla si avant, que le sage Charlemagne. et après lui Louis le Débonnaire, imposèrent de graves peines à tous ces prétendus tyrans de l'air. On trouve cela dans le premier chapitre des capitulaires de ces deux empereurs. »
Note: Le fameux cabaliste Zédéchias est un personnage imaginaire, inventé par Montfaucon de Villars, bien qu'on discute pour savoir de qui il s'était inspiré. Si on ajoute que le comte de Gabalis est lui même un personnage imaginaire, comme sont imaginaires ces merveilleuses visions, on ne s'étonnera pas que les capitulaires en question ne contiennent rien contre ces prétendus tyrans de l'air.
    Collin de Plancy fait également allusion à ces « graves peines » imposées aux sylphes et aux elfes par les empereurs carolingiens. À l’article « Cabale », il écrit que. après cette peine « imposée à des nuages par deux de nos rois. et qu'on peut voir dans les capitulaires de Charlemagne et de Louis le Débonnairc, [...] nous n'avons plus le droit de reprocher à Xerxès l’ordre qu'il donna d’enchaîner la mer » !
Note: Collin de Plancy avait gobé l'histoire du comte de Gabalis, sans comprendre qu'il s'agissait d'une fable. Voulant jouer à l'esprit rationnel, à qui on ne la fait pas, il avait cru reconnaitre une aurore boréale dans la description des visions célestes.

Les ambassadeurs des sylphes

    Le comte de Gabalis poursuit son récit de capture d'êtres humains par les esprits de l'air, dans une évocation qui nous rappelle étrangement les témoignages modernes de personnes affirmant avoir été contactées par des extraterrestres, ce qui démontre que la croyance selon laquelle l'être humain n'est pas la seule créature pensante dans l'univers ne date pas d'aujourd'hui. La seule différence est qu'au temps de Charlemagne. on n'incriminait pas les Martiens, mais les sylphes. Mais tous les autres éléments concordent. Jugeons plutôt : « Les sylphes. voyant le peuple, les pédagogues et même les têtes couronnées se gendarmer ainsi contre eux, résolurent, pour faire perdre cette mauvaise opinion qu'on avait de leur flotte innocente, d'enlever des hommes de toutes parts, de leur faire voir leurs belles femmes, leur république et leur gouvernement, puis de les remettre à terre en divers endroits du monde. Ils lc firent comme ils l’avaicnt projeté. Le peuple, qui voyait descendre ces hommes, y accourait de toutes parts, prévenu que c'étaient des sorciers qui se détachaicnt de leurs compagnons pour venir jeter des venins sur les fruits et dans les fontaines. Suivant la fureur qu'inspirent de telles imaginations, dans un siècle grossier, ils entraînaient ces malheureux au supplice. On croirait à peine quel grand nombre ils en firent périr, par l’eau et par le feu, dans tout le royaume. »
    Le rapprochement est encore plus probant lorsque le comte de Gabalis évoque ces « navires aériens » qui rappellent étrangement, avec plus de mille ans d'avance, les soucoupes volantes évoquées par les « contactés » : « Il arriva qu'un jour, entre autres, on vit à Lyon descendre de ces navires aériens trois hommes et unc femme. Toute la ville s’assemble alentour, crie qu'ils sont magiciens, et que Grimoald, duc de Bénévent, ennemi de Charlemagne, les envoie pour perdre les moissons des Français. Les quatre innocents ont beau dire pour leur justification qu'ils sont du pays même, qu'ils ont été enlevés depuis peu par des hommes miraculeux qui leur ont fait voir des merveilles inouïes, et les ont priés d'en faire le récit. Le peuple entêté n’écoute point leur défense : il allait les jeter au feu. quand Agobard, évêque de Lyon, accourut au bruit. Il prouva au peuple qu'il se trompait, que des hommes ne pouvaient pas descendre de l'air, et que la prévention les avait abusés à l'égard des quatre inconnus : il fit si bien que le peuple le crut et rendit la liberté aux ambassadeurs des sylphes. »
Note: Le pseudo-comte de Gabalis, ou plutôt son inventeur, Montfaucon de Villars, avait récupéré ici deux récit différents d'Agobard. L'un parlait des malheureux suppliciés parce qu'on les avait cru envoyés par Grimoald, pour empoisonner les boeufs, l'autre de quatre prisonniers qu'on prétendait être tombés de navires aériens, et dont Agobard prouva l'innocence. L'enlèvement par les sylphes n'est qu'une invention.
    Ces « ambassadeurs des sylphes » avaient-ils été en rapport avec des extraterrestres ? À moins d'admettre l'hypothèse inverse : les prétendus « extraterrestres », dont les apparitions sont parées aujourd'hui de tout l'arsenal technologique propre à notre société. ne seraient point des êtres venus d’une autre planète mais, plus simplement, des élémentaux.
Note: Il y a une troisième hypothèse, bien plus probable: Ces sylphes n'avaient pas plus de réalité que les prétendus extraterrestres.
    Si tel est le cas. pourquoi faudrait-il s’en effrayer aujourd'hui plus qu'hier ? Les « ambassadeurs des sylphes » dont parle Gabalis semblaient en effet ravis de leur rencontre avec les créatures de l’air, et firent même du prosélytisme : « Cependant, comme ils échappèrent au supplice, ils furent libres de raconter ce qu ils avaient vu : ce qui ne fut pas tout à fait sans fruit : car, s’il vous en souvient bien, le siècle de Charlemagne fut fécond en hommes héroïques : ce qui marque que la femme, qui avait été chez les Sylphes, trouva créance parmi les Dames de ce temps-là, et que par la grâce de Dieu beaucoup de Sylphes s’immortalisèrent. Plusieurs Sylphides aussi devinrent immortelles par le récit que ces trois hommes firent de leur beauté : ce qui obligea les gens de ce temps-là de s'appliquer un peu à la philosophic : et de là sont venues toutes ces histoires de Fées, que vous trouvez dans les Légendes amoureuses du siècle de Charlemagne et des suivants. Toutes ces Fées prétendues n'étaient que Sylphides et Nymphes!»
Note: Ou l'art d'expliquer une légende par une autre légende.
    Vers l'an 840, notamment, l'Europe fut l’objet d'une véritable invasion de sylphes, que nous nommerions donc aujourd’hui extraterrestres, mais qui à cette époque passaient pour des diables et des sorciers : « Mais les apparitions aériennes étaicnt devenues plus importantes que jamais, sous Louis le Débonnaire, comme nous l’avons remarqué en parlant de Zédéchias. On voyait clairement des sorciers à cheval sur des nuages, des bataillons de magiciens armés de lances, et des enchanteurs traînant à leur suite, au-dessus de la France, des magasins de poisons. Les théologiens discutaient gravement sur de pareils prodiges. Quelques calculateurs déclaraient qu'on voyait là le présage de la fin du monde. fixée irrévocablement à l’an 1000 de Jésus-Christ. »
Note: Le texte entre guillemets est de Jules Garinet, qui avait lui même brodé sur Collin de Plancy, mais il ne parle pas de l'année 840, qui ne vit comme prodige qu'une éclipse de soleil.
    Les années qui suivirent furent singulièrement riches en apparitions et en phénomènes météorologiques étranges, comme nous le rappelle Jules Garinet qui écrivait, rappelons-le, en 1820 : « En 842, le diable fit paraître. au mois de mars, dans les plaines du ciel, des armées de différentes couleurs. La lune, dans toute sa beauté, éclairait ce prodige.
Note: Les années qui suivirent ne furent pas plus riches que les autres, et Jules Garinet reprenait cette histoire de Fragmentum Chronici Fontanellensis, qui semble décrire une aurore boréale.
    « La même scène se renouvela plusieurs fois. En 848 particulièrement, des armées infernales défilèrent, au clair de lune, entre le ciel et la terre. Des apparitions semblables accompagnèrent le siège de Jérusalem : et les païens et les juifs. plus éclairés que nos bons aïeux. n‘imaginèrent point les bataillons de sorciers!. »
Note: Et c'est probablement encore une aurore boréale.
    Quant au comte de Gabalis. il demeure le plus ardent défenseur des « contacts », y compris charnels, avec ces autres formes de vie surnaturelles. À ses yeux. le fruit de ces alliances a donné les héros et les génies qui ont enrichi l'humanité au cours des siècles : « Ces hommes héroïques. ces amours des Nymphes, ces voyages au Paradis terrestre, ces palais et ces bois enchantés, et tout ce qu'on y voit de charmantes aventures : ce n'est qu'une petite idée de la vie que mènent les sages, et de ce que le monde fera quand ils y feront régner la sagesse. On n'y verra que des héros : le moindre de nos enfants sera de la force de Zoroastre, Apollonius ou Melchisédech : et la plupart seront aussi accomplis que les enfants qu'Adam eût eus d'Eve, s’il n’eût point péché avec elle. »
Note: Mais quel crédit peut on accorder aux affirmations d'un personnage imaginaire? Autant croire à un message envoyé par le père Noël.
    Utopie ? Fantasme ? Délire ? À moins que le philosophe kabbaliste — qui s’exprimait, rappelons-le, à la fin du XVIIe siècle — n’ait tout simplement prophétisé le regain sans précédent de manifestations surnaturelles dont nous sommes témoins aujourd'hui — des enlèvements d’extraterrestres aux apparitions mariales, en passant par les messages de paix et d'amour dictés par les anges, et les épreuves et les catastrophes envoyées par les démons.
Note: Et voila! Jusqu'au bout l'auteur croit que le comte de Gabalis était un philosophe kabbaliste du XVIIe siècle, alors que c'est un peronnage inventé dans une fiction parodique destinée à railler les ecclésiastiques qui croyaient à la kabbale.
Dans ce dossier, nous avons donné la palme du charlatanisme à Guy Breton. Il nous faut ici donner la palme de la naïveté à Edouard Brasey.


SOURCE: Edouard Brasey, L'univers féérique, tome 1, Fées et elfesPygmalion, 1999

Remarques:

Les commentateurs des livres de Brasey nous avaient prévenus: Il ne faut pas y chercher l'explication des origines de tous ces contes, ni leur signifaicationb ou leur symbolisme. C'est simplement une riche compilation qui nous montre que certains thèmes sont de tous les temps, et de toutes les époques. Le but de l'auteur serait alors plutôt de nous faire rêver que de nous faire comprendre.
Et il faut dire que pour ce qui est de la rêverie, il semble s'y connaitre.

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Dernière mise à jour: 03/04/2019