1892 Charles Godfrey Leland amène la grêle par bateaux

Charles Godfrey Leland (1824 – 1903), né à Philadelphie, étudia à l'université de Princeton, travailla dans le journalisme, et voyagea beaucoup ce qui le fit s'intéresser au folklore et à la linguistique folklorique. Mais il fut aussi un humoriste, et nous allons voir qu'il faut s'en souvenir avant de lire ce qui suit.


HAIL AND CLOUD MEN

  And this recalls one of the strangest and most daintily beautiful conceptions of the olden time — that there is afar in Cloudland a mysterious city called Magonia, where the hail is manufactured, and whence it is carried in ships which look to us like " clouds sailing along in golden sunset green."

Les hommes de grêle et de nuage

Et cela rappelle une des conceptions les plus étranges et les plus délicatement belles de l'ancien temps: il y a au loin, au pays des nuages, une ville mystérieuse appelée Magonia, où la grêle est fabriquée et d'où elle est transportée dans des vaisseaux qui nous semblent comme "des nuages naviguant le long du lieu du coucher de soleil doré."
Note: Quel poête, ce Leland: Il n'est pas facile de traduire "golden sunset green", ou "green" n'est manifestement pas la couleur mais un substantif indiquant un lieu. Mais voici une des interprétations "les plus étranges et les plus délicatement belles" du texte d'Agobard. On la croirait sorti d'un conte de fée. Transposons: il y a au loin, au pole nord, une ville mystérieuse, nommée "Hohoho", où des jouets sont fabriqués par des elfes, et d'où ils sont transportés dans un traineau tiré par des rennes courant dans les nuages...
Vous voyez bien que ça ressemble à un conte.
  The monks who bedevilled, belittled, and dirtied everything, added to this fancy that these ships were loaded and manned by witches and devils in order to destroy crops, and that for return cargo they were freighted with the fruit thus injured or destroyed. On which subject the tenth-century Archbishop AGOBARD of Lyons delivered himself as follows 1 :   Les moines qui se moquaient, rabaissaient et salissaient tout, ajoutaient à cette fantaisie que ces vaisseaux étaient chargés et tenus par des sorcières et des démons pour détruire les récoltes, et qu'en retour, ils étaient chargés des fruits ainsi abimés ou détruits. Sur quel sujet l'archevêque AGOBARD de Lyon, au dixième siècle, s'est épanché comme suit:
Note: On aimerait savoir de quelle propagande anticléricale sortent ces vilains moines, puisqu'Agobard, notre seule source, ne dit évidemment rien de tel.
Ajoutons qu'Agobard fut évêque au IXe siècle et non au Xe
  "Most people are so stupid and unintelligent that they believe and declare that there is a land called Magonia, from which come ships sailing through the air, which receive on board all the fruit which is destroyed by hail and storms. And that the sorcerers who cause the storms are in connection with the ship-people, and are paid by them."   "La plupart des gens sont si stupides et inintelligents qu'ils croient et déclarent qu'il y a un pays appelé Magonia, d'où viennent des bateaux naviguant dans les airs, qui reçoivent à bord tous les fruits qui sont détruits par la grêle et les orages. Et que les sorciers qui causent les orages sont de mèche avec les gens des navires, et sont payés par eux."
Note: Cette fois, c'est à peu près ce que dit Agobard mais il s'agit de la traduction du texte de Von Dobeneck, qui, lui, parlait d'Agobard sans dire de bétises.
  The same bishop relates that he himself once saved the lives of four human beings, three men and a woman, whom the populace wished to stone to death because they believed that they were people from Magonia, who had fallen from a cloud-vessel, having been " shipwrecked " during a thunder-storm. It is to be deeply regretted that the bishop did not give us some account of this quartette — how they looked, and what language they spoke. I fancy myself that they would have proved to be gypsies !   Le même évêque raconte qu'il a lui-même autrefois sauvé la vie de quatre êtres humains, trois hommes et une femme, que la population voulait lapider parce qu'ils les croyaient être des gens de Magonia, tombés d'un vaisseau-nuage, ayant été "naufragé" lors d'un orage. Il est profondément regrettable que l'évêque ne nous ait pas rendu compte de ce quatuor - de leur apparence et de la langue qu'ils parlaient. Je me figure qu'ils se seraient révélés être des gitans.
Note: Les lyonnais avaient effectivement cru que les quatre malheureux étaient tombés d'un vaisseau aérien, mais il n'est dit nulle part que c'est parce que ce vaisseau avait fait naufrage. Mais quand bien même L'évèque les aurait décrit en détail, ils ne risquaient pas d'être des gitans, qui ne sont apparus en Europe qu'au XIe siècle.
  1 Des Deutschen Mittelalters Volksglauben und Heroensagen, von F. L. F. von Dobeneck. Preface by Jean Paul Richter, Berlin, 1815. This Bishop Agobard was a noble-minded man, a miracle for his age, quite free from vulgar superstition, and determinedly opposed to that kind of Christianity which believes that there are a million of devils tempting man where one angel comes to his aid, and that the devil is far superior to God in power, since he gains more souls than are saved. For such views the bishop was greatly persecuted by the Orthodox believers, and died in misery (vide Horst, Daemonomagia).   1 Des Deutschen Mittelalters Volksglauben und Heroensagen, de F. L. F. von Dobeneck. Préface de Jean Paul Richter, Berlin, 1815. Cet évêque Agobard était un homme noble, un miracle pour son temps, tout à fait libre de superstition vulgaire, et résolument opposé à ce genre de christianisme qui croit qu'il y a un million de diables tentant l'homme où un ange vient à son secours, et que le diable est de loin supérieur à Dieu en puissance, puisqu'il gagne plus d'âmes qu'il n'en est sauvé. Pour de telles vues l'évêque fut gravement persécuté par les croyants orthodoxes, et mourut dans la détresse voyez Horst, Daemonomagia).
Note: Agobard est mort à Saintes, où il avait accompagné Louis le Pieux (qui mourut deux semaines plus tard). Il n'est donc pas mort dans la détresse, mais d'autres auteurs suivront cette voie pour écrire qu'il est mort dans la misère.
Quant à Georg Konrad Horst, il est l'auteur de Dämonologie, oder Geschichte des Glaubens an Zauberei und dämonische Wunder, Frankfurt am Main, 1818, alors que la Daemonomagia, Francfort, 1607, est l'oeuvre de Ludwig Elich. Ce dernier ouvrage ne semble rien contenir à propos d'Agobard.

SOURCE: Charles Godfrey Leland, Etruscan Roman remains in popular tradition., T. F. Unwin., 1892, p. 211-212

Remarques:

Il y a tellement d'inventions dans ce texte de Leland, qu'on a bien l'impression que c'est l'humoriste qui écrit, et non le folkloriste. D'ailleurs, certains soupconnent qu'il ait inventé lui même les contes sur lesquels il se base dans ses démonstrations de folkloriste. Dans ces conditions, ce n'est même plus un humoriste, c'est un imposteur.

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