1819 Gabrielle de Paban copie Montfaucon de Villars

La parution, en 1818, du Dictionnaire infernal, suivie de l'Histoire de la magie en France, va susciter un petit engouement pour le sujet, à commencer, l'année suivante, par une réfutation en règle (mais scientifiquement sans valeur) par l'abbé Simonnet, qui d'ailleurs, préfère rester anonyme dans son livre
Elle va donner des idées à Gabrielle de Paban, qui va reprendre ces histoires dans son propre livre.


ARMÉES AÉRIENNES

  On trouve le conte suivant dans les entretiens sur la cabale, publiés sous le nom du Comte de Gabalis.

  Le fameux Cabaliste Zédéchias se mit dans l'esprit, sous le règne de Pépin-le-Bref, de convaincre le monden que les élémens sont habités par des peuples d'une nature différente de la notre (1). L'expedient dont il s'avisa fut de conseiller aux Sylphes de se montrer en l'air à tout le monde ; ils le firent avec magnificence ; On voyoit dans les airs ces créatures admirables, en forme humaine, tantôt rangées en bataille, marchant en bon ordre, ou se tenant sous les armes, ou campées sous des pavillons superbes ; tantôt sur des navires aériens, d'une structure merveilleuse dont la flotte volante voguait au gré des zéphirs.
  Qu'arriva-t-il ? Le peuple crût d'abord que c'etait des sorciers qui s'étaient emparés de l'air pour y exciter des orages, et pour faire grêler sur les moissons. Les savans, les théologiens et les jurisconsultes furent bientôt de l'avis du peuple. les empereurs le crurent aussi; et cette ridicule chimère alla si avant, que le sage Charlemagne, et aprés lui, Louis-le-Débonnaire, imposèrent de griéves peines à tous ces prétendus tyrans de l'air.
  Les sylphes voyant le peuple, les pédans et les têstes couronnées même, se gendarmer ainsi contr'eux, résolurent, pour faire perdre cette mauvaise opinion qu'on avait de leur flotte innocente, d'enlever des hommes de toutes parts, de leur faire voir leurs belles femmes, leur république et leur gouvernement, et puis de les remettre à terre en divers endroits du monde. Ils le firent, comme ils l'avaient projeté. Le peuple qui voyait descendre ces hommes, y accourait de toutes parts, prévenu que c'était des Sorciers qui se détachaient de leurs compagnons pour venir jeter des venins sur les fruits et dans les fontaines; suivant la fureur qu'inspirent de telles imaginations, il entraînait ces innocens au supplice. Il est incroyable quel grand nombre il en fit périr par l'eau et par le feu dans tout le Royaume
  Il arriva qu'un jour entr'autres, on vit à Lyon descendre de ces Navires aériens trois hommes et une femme; toute la ville s'assemble alentour, crie qu'ils sont magiciens, et que Grimoald, Duc de Bénévent, ennemi de Charlemagne, les envoie pour perdre les moissons des Français.
Les quatre innocens ont beau dire, pour leur justification, qu'ils sont du pays mesme; qu'ils ont êté enlevés depuis peu par des hommes miraculeux, qui leur ont fait voir des merveilles inouies, et les ont priés d'en faire le récit. Le peuple entêté n'écoute point leur défense; et il allait les jeter dans le feu, quand le bon homme Agobard, évêque de Lyon, qui avait acquis beaucoup d'autorité, étant moine dans cette ville, accourut au bruit.
  Ayant ouï l'accusation du peuple et la défense des accusés, Agobard prononça gravement que l'une et l'autre étaient fausses. Qu'il n'était pas vrai que ces hommes fussent descendus de l'air, et que ce qu'ils disaient y avoir vu était impossible.
  Le peuple crût plus à ce que disait son bon père Agobard qu'à ses propres yeux, s'apaisa, donna la liberté aux quatre ambassadeurs des Sylphes, et reçut avec admiration le Livre qu'Agobard écrivit pour confirmer la sentence qu'il avoit donnée: ainsi le témoignage de ces quatre témoins fut rendu vain.
  Cependant, comme ils échappaient au supplice, ils furent libres de raconter ce qu’ils avaient vu, ce qui ne fut pas tout à fait sans fruit: car les sylphes et les sylphides étant mieux connues, contractèrent des alliances amoureuses avec les hommes et les dames de ce temps - là. Ce commerce produisit des héros et des femmes héroïques; de là sont venues toutes ces histoires de fées qu'on trouve dans les légendes amoureuses du siècle de Charlemagne. Toutes ces fées pretendues n'étoient que des Sylphides et des Nymphes.


(1) Selon la doctrine des cabalistes, les élémens sont peuplés d'esprits, invisibles au commun des hommes. Le feu est rempli de salamandres; l'air, habité par les sylphes; la terre, par les gnomes; les ondins ou nymphes sont les hôtes de la mer, des rivières et des fleuves.

SOURCE: Gabrielle de P*****. Histoire des fantômes et des démons, Paris, 1819, p 112-117

Remarques:

L'auteur ne s'est pas donné trop de mal pour ses sources, puisqu'elle a largement puisé dans Garinet. Mais l'intéressant est que ces histoires ne sont pas systématiquement présentées comme des faits réels. La suite du titre nous éclaire:
Choix d'anecdotes et de contes, de faits merveilleux, de traits bizarres, d'aventures extraordinaires sur les Revenans, les Fantômes, les Lutins, les Démons, les spectres, les Vampires et les apparitions diverses, etc.
Ici, en particulier, l'histoire rapportée par Montfaucon de Villars est présentée pour ce qu'elle est: un conte.
Il est assez rare dans ce dossier de tomber sur quelqu'un qui ne prétend pas faire de l'Histoire, mais simplement raconter de belles histoires.
De plus, au lieu de ses contenter de recopier Garinet, l'auteur est allée chercher la source initiale, Le comte de Gabalis, bien qu'elle en ait rafraichi le texte. On est loin du comportement des ufologues.

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