La nébuleuse d'Andromède cataloguée

On croit souvent que le premier catalogue d'objets "du ciel profond" a été celui de Charles Messier. En réalité, le catalogue de Messier doit surtout sa célébrité à ce que tous ses objets sont accessibles à des instruments d'amateur.

Giovanni Battista Hodierna
Hodierna
Le premier catalogue d'objets du ciel profond fut publié par Hodierna en 1654, sous le titre De Admirandis coeli caracteribus.
Hodierna classe les objets nébuleux en visibles (luminosae), résolubles (nebulosae) et non résolubles (occultae).
Après avoir rappelé les cinq objets nébuleux cités par Ptolémée, et expliqué que le cinquième n'est pas une vraie nébuleuse, Il cite avec des dessins, dix objets "nebulosae", qui sont dans les constellations du Cancer (M 44), du Scorpion (M 7), de Persée (double amas connu de Ptolémée), du Scorpion (M 6), du Sagittaire (un astérisme), du Sagittaire (NGC 6530), du Cocher (le trio M 36, M 37 et M 38), de l'Aigle (un astérisme), d'Hercule (non pas M 13, mais un astérisme) et du Capricorne (encore un astérisme).
La nébuleuse d'Andromède n'est pas classée dans les "nebulosae", puisqu'elle n'est pas résoluble pour Hodierna. Il en parle en ces termes:

Hanc vere caecam stellam super coxam dexteram Andromedae, vel sub Lilium Cassiopeae, post duas lucidas in extremitate zonulae pendentis, e cingulo ipsius Andromedae deprehendo: quae quamvis Nebulosam ad immediatum intuitum representet: nebulosa tamen nequaquam existit, sed & caeca, quatenus per Tubospecillum visa, nulla in ejus amplitudine Stellarum coeuntium apparet multitudo, sed adhuc Stellae occultae Jubar, ad instar cometae, sicuti & duae praemeditatae jam Ptolemaicae Stellae juxta Tricam Berenicis.
Cette étoile vraiment aveugle sur la hanche droite d'Andromède, ou sous le lys de Cassiopée, après deux (étoiles) lumineuses sur la fin de la languette attachée à la ceinture de cette même Andromède; Bien qu'à première vue, elle montre une nébuleuse, la nébuleuse cependant n'existe nullement, mais est aveugle, pour autant que vu à la lunette, il n'apparaît dans son étendue aucune multitude d'étoiles, mais a toujours l'éclat des étoiles occultes, comme les comètes, comme on le pensait déjà des deux étoiles de Ptolémée à coté de la chevelure de Bérénice.
(Giovan Battista Hodierna, De Admirandis coeli caracteribus, Panormi, 1654, p. 10)

Le langage d'Hodierna n'est plus le notre. Il appelle étoile aveugle, ou occulte, une lumière floue où aucune étoile n'est distinctement visible, et n'appelle donc pas M 31 une nébuleuse, parce qu'elle n'est pas résoluble en étoiles, comme l'est un amas.

Messier
Charles Messier
En 1771, Charles Messier, surnommé le "furet des comètes" par Louis XV, publie dans un mémoire pour l'académie royale des sciences, un catalogue de 45 objets nébuleux ou amas d'étoile, qu'il a commencé d'établir en 1764. Il commence avec la nébuleuse de la corne méridionale du Taureau, qui s'était trouvée très proche de la comète de 1758 qu'il observait, et termine avec l'amas des Pléiades. La nébuleuse d'Andromède y est insérée en 31ème position. Voici ce qu'il en dit:
Le ciel ayant été très beau la nuit du 3 au 4. Août 1764; & la constellation d’Andromède étant près du Méridien, j'ai examiné attentivement la belle nébuleuse de la ceinture d’Andromède , qui fut découverte en 1612 par Simon Marius, & qui a été observée depuis avec grand soin par différens Astronomes, & en dernier lieu par M. le Gentil qui en a donné une description fort ample & détaillée dans le volume des Mémoires de l’Académie de 1759 , page 453, avec un dessin de ses apparences. Je ne rapporterai ici que ce que j'en ai écrit dans mon Journal: j’ai employé différens instrumens pour examiner cette nébuleuse,& sur-tout un excellent télescope Grégorien de 30 pouces de foyer, le grand miroir ayant 6 pouces de diamètre & grossissant cent quatre fois celui des objets: le milieu de cette nébuleuse paroissoit assez clair avec cet instrument, sans aucune apparence d'étoiles; la lumière alloit en diminuant jusqu'à s’éteindre; elle ressembloit à deux cônes ou pyramides de lumière opposés par leur base, dont l’axe étoit dans la direction du Nord-Ouest au Sud-Est; les deux pointes de lumière ou les deux sommets étoient à peu-près éloignés l'un de l'autre de 40 minutes de degré; je dis à peu-près, à cause de la difficulté de saisir ces deux extrémités. La base commune des deux pyramides étoit de 15 minutes: ces mesures ont été prises avec un télescope Newtonién de 4 pieds & demi de foyer, garni d’un micromètre à fil de soie. Avec le même instrument j'ai comparé le milieu ou le sommet des deux cônes de lumière à l'étoile ν d’Andromède de quatrième grandeur qui en étoit fort près, & à peu de distance de son parallèle. De ces observations, j’ai conclu l’ascenfion droite du milieu de cette nébuleuse de 7d 26’ 32”, & sa déclinaison de 39d 9’ 32". boréale. Depuis quinze ans que j’ai vu & observé cette nébuleuse,je n’ai remarqué aucun changement dans les apparences; l’ayant toujours aperçue sous la même forme.
(Charles Messier, Catalogue des nébuleuses et des amas n'étoiles, Mémoires de l'académie royale des sciences, 1771, p. 435)

La liste de 45 objets qu'il donne ensuite, n'est pas numérotée, mais la nébuleuse d'Andromède est à la trente et unième ligne, et gardera cette place dans les éditions enrichies ultérieures. Aujourd'hui, tous les astronomes amateurs la connaisse sous l'appellation M 31.

William Herschel, observa la nébuleuse en 1780, et la décrivit ainsi:
Connoiss. 31 is " A large nucleus with very extensive nebulous branches, but the nucleus is very gradually joined to them. The stars which are scattered over it appear to be behind it, and seem to lose part of their lustre in the passage of their light through the nebulosity; there are not more of them scattered over the nebula than there are over the immediate neighbourhood. I examined it in the meridian with a mirror 24 inches in diameter, and saw it in high perfection; but its nature remains mysterious. Its light, instead of appearing resolvable with aperture, seemed to be more milky."
Un grand noyau avec des branches nébuleuses très étendues, mais le noyau leur est attaché très graduellement. Les étoiles qui en sont éparpillées semblent être derrière, et semblent perdre une partie de leur éclat dans le passage de leur lumière à travers la nébulosité; il n'y en a pas plus dispersés sur la nébuleuse que sur le voisinage immédiat. Je l'ai examiné au méridien avec un miroir de 24 pouces de diamètre et je l'ai vu très perfectionné; mais sa nature reste mystérieuse. Sa lumière, au lieu d'apparaître résolument par l'ouverture, semblait plus laiteuse.
(William Herschel, Astronomical observations relating to the sidereal part of the heavens, Philosophical Transactions 104, 1814, p. 260)
Découvrant le catalogue de Messier l'année suivante, il entreprit d'en observer tous les objets. Il conjectura vite que d'autres nébuleuses restait à découvrir et commença de balayer le ciel à leur recherche. Il finit par dresser un catalogue de 2500 "nouvelles" nébuleuses, ou la nébuleuse d'Andromède ne figure donc pas.

Son fils, John Herschel, compléta ce catalogue en 1833, en publiant un catalogue de 2306 objets, classés par ascension droite croissante, contenant environ 500 objets non observés par son père, illustré de 67 dessins, dont 16 objets de Messier. La nébuleuse d'Andromède y porte le n° 50, mais n'est pas dessinée, et la nébuleuse est maintenant suffisamment bien connue pour qu'il n'en donne pas de description.
No.Synonym.AR 1830.0N.P.D. 1830.0Description and remarks.Sweep.
50M. 310 33 26.349 39 40The great nebula in Andromeda........................................180
(Sir John Frederick William Herschel, Observations of nebulæ and clusters of stars, made at Slough, with a twenty-feet reflector, between the years 1825 and 1833, Philosophical Transactions 123, 1833, p. 367)

En 1888, John Dreyer, dans son New General Catalog, contenant 7840 objets du ciel profond, lui attribue le numéro 224. Cette appellation NGC 224 lui est restée, concurremment avec M 31.

Dernière mise à jour: 19/09/2018

Accueil Sciences Astronomie Curiosités Andromède