1985: J.C. De Fontbrune et les prédictions de la comète

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des prédictions?
Fontbrune
l'auteur jouant avec une lunette de supermarché
Fils du docteur Max Pigeard de Gurbert, médecin à Sarlat, et par ailleurs auteur en 1938 des Propheties De Maistre Michel Nostradamus, sous le pseudonyme de Docteur de Fontbrune, Jean Charles de Fontbrune fut révélé au public en 1981 par le succès de son livre Nostradamus, historien et prophète, qui, grace à un savant battage médiatique fut vendu à des centaines de milliers d'exemplaires.

Devenu un auteur vedette, il ne pouvait faire moins que de profiter lui aussi de passage de la comète de Halley pour écrire: La comète de Halley. Que nous prédit elle?.
Avec un pareil titre, on pourrait s'attendre à des vaticinations dignes d'Elisabeth Tessier. D'autant que l'auteur commence par nous expliquer que son intérèt pour la comète de Halley vient de Nostradamus:
Voici comment il s'en explique:

Lorsque j'entrepris l'étude des centuries de Nostradamus en 1963, lors de mon retour d'Algérie, je savais que plusieurs quatrains parlaient «d'étoile chevelue », de «comète », «d'astre crinite », de «longue étincelle» «d'épée, de lance ou de glaive », selon les mots mêmes qui servaient à désigner les comètes au XVIe siècle.
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Quand on sait que Nostradamus donne des précisions astronomiques sur la comète dont il parle, qu'il ajoute qu'elle sera visible de jour et qu'enfin les événements qui doivent avoir lieu pendant le passage de cette comète, ont quelques rapports" avec ce que nous vivons actuellement, il n'était pas possible de ne pas penser au retour de la comète de Halley, la plus célèbre de toute.
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La plus célèbre des comètes n'était retrouvée, grâce au télescope équipé d'un miroir de 5 mètres de diamètre du Mont Palomar (Californie), qu'au mois d'octobre 1982, et, dès lors, les astronomes pouvaient calculer sa trajectoire.
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Les coordonnées astronomiques indiquées par Nostradamus correspondaient aux calculs des astronomes; d'autre part les événements du Moyen-Orient et la dégradation du pouvoir de Gauche en France, dont le point de départ se situait le 20 juillet 1984, date du départ des ministres communistes du gouvernement et de la rupture de l'union de la Gauche, permettait d'envisager l'hypothèse selon laquelle la comète de Nostradamus pouvait être la comète de Halley, lorsqu'elle sera le plus spectaculaire, c'est-à-dire en mars-avril 1986.
Aïe, aïe, aïe! Voila qui est prometteur. Hé bien non! Car si l'auteur semble croire dur comme fer à Nostradamus, il est beaucoup plus dubitatif sur le pouvoir des comètes:
L'important est de savoir que, si les événements prévus par Nostradamus se produisent pendant que la comète de Halley illuminera les nuits de l'hémisphère Sud, en aucune façon la comète ne sera responsable de ces événements, pas plus qu'on ne peut lui imputer les inondations dans la région parisienne lors de son dernier passage en 1910. Concomitance n'est pas causalité !
Nous n'avons aucune raison logique d'avoir peur de la comète de Halley ou de n'importe quelle autre comète.
Mieux, l'auteur entreprend de démonter complètement l'association des passages de comètes aux grands évènements, et calamités terrestres.
Afin de savoir si, statistiquement, on peut attribuer aux comètes, à travers l'histoire, tel ou tel événement heureux ou malheureux, j'ai dressé un inventaire des comètes connues depuis vingt-trois siècles avant Jésus-Christ jusqu'à 1900.
On peut faire remarquer qu'Arago s'y était déja employé, mais il faut bien voir que l'auteur s'adresse ici au lectorat des horoscopes, et son travail de démystification n'est pas inutile du tout
Il suit ainsi le cours de l'histoire depuis l'antiquité, s'attardant surtout, contrairement aux cométomanes du 16ème siècle, sur les grands évènements non corréles avec une comète. Le résumé qu'il en donne est éloquent

Entre la mort de Pépin le Bref en 758 et celle de Louis-Philippe en 1850, 48 rois sont montés sur le trône de France. Trois seulement sont morts une année à comète: Charlemagne en 814, Henri 1er en 1060 et François II en 1560, soit 6,25 %. Il faut reconnaître qu'avec un pourcentage si petit, Juan-Carlos 1er, roi d'Espagne, Baudoin, roi de Belgique, Béatrix, reine de Hollande, etc. pourront dormir tranquilles en 1986, quand brillera de nouveau notre célèbre comète. Il faudrait une incroyable malchance pour qu'un ou plusieurs rois ou reines meurent la même année, quand il n'en est pas mort que trois-avec comète en onze siècles.
Dans ce même laps de temps 159 papes occupèrent le trône de Saint-Pierre; 3 seulement moururent une année à comète, soit. 1,88 %. Si donc, un roi ou Jean-Paul II mourrait en 1986, cela ne pourrait tenir que de la coïncidence et on ne pourrait en aucun cas attribuer ces décès éventuels à la comète de Halley,
Ce bel accès de scepticisme, cache aussi une croyance en la crédulité de nos ancètres. Et ça ne rate pas, il nous ressort la légende de Callixte et de la comète de Halley:
L'historien byzantin Georges Phranza, qui avait été chambellan de l'empereur de Byzance Manuel Il Paléogue, fut fait prisonnier en 1453, lors de la prise de Constantinople par les Turcs. Dans sa « Chronique de Constantinople» il décrit une comète qui paraissait tous les soirs, après le coucher du soleil en 1454. On pourrait croire que c'est à cette comète que serait attribuée l'incommensurable catastrophe que fut pour le monde chrétien la chute de Constantinople et la fin de l'Empire byzantin; et bien non! C'est la comète de 1456 qui fut considérée comme un mauvais présage et un avertissement pour les chrétiens. Le pape Callixte III (8.4:1455 au 6.8.1458), atteint lui aussi par la terreur collective provoquée par cette comète (Halley), dont la lueur était rouge, demande aux fidèles d'implorer, chaque jour à midi, au son de la cloche, Dieu pour qu'il protège la chrétienneté des Turcs, avec cette prière: «Dieu nous garde des Turcs et de la comète. »
Et comme tous ceux qui se veulent sceptiques et sérieux, il ressort en prime la légende de la comète d'Ambroise Paré:

La comète de 1528 fut décrite et dessinée par Ambroise Paré. Voici ce qu'en dit le célèbre médecin:
«Cette comète était si horrible et si épouvantable et elle engendrait si grande terreur au vulgaire, qu'il en mourut aucuns de peur; les autres tombèrent malades. Elle apparaissait être de longueur excessive et si était de couleur de sang; à la sommité d'icelle, on voyait la figure d'un bras courbé, tenant une grande épée à la main, comme s'il eut voulu frapper. Au bout de la pointe il y avait trois étoiles. Aux deux côtés des rayons de cette comète, il se voyait grand nombre de haches, couteaux, épées colorées de sang parmi lesquels il y avait grand nombre de faces humaines hideuses avec les barbes et les cheveux hérissés.» On voit en cette description combien le langage de l'époque était subjectif et peu scientifique, même chez un homme de science.

Le dessin est bien celui de Paré, probablement repris de l'Astronomie populaire de 1955, et le texte est exact, mais tronqué. Comme à Asimov, il faut répéter que:
- Le phénomène a eu lieu en 1527, et non 1528.
- Ce n'était pas une comète, mais une aurore boréale.
- Ambroise Paré (qui n'est cité que dans la source) n'était pas médecin, mais chirurgien.
- Il n'a rien décrit du tout, mais seulement copié le texte de Pierre Boaistuau.

Finalement, comme nombre d'auteurs "sérieux", de Fontbrune nous ressort les mêmes vieilles légendes. Cependant, il consacre beaucoup de pages à démystifier le pouvoir maléfique des comètes, en sorte que son ouvrage en paraît "globalement positif"
Faire mieux qu'Isaac Asimov! Pour un thuriféraire de Nostradamus, ce n'est pas mal! ...


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Dernière mise à jour: 15/08/2018