2009: Jacques Vallée et Chris Aubeck s'embrouillent

Vallée-Aubeck
Jacques Vallée et Chris Aubeck
wonders
et leur, heu..., livre

On ne présente plus Jacques Vallée à ceux qui connaissent un tant soit peu le dossier des OVNI

Pour le non initié, rappelons que, né en 1939 à Pontoise, Jacques Vallée fut intrigué par les "soucoupes volantes", lors de la grande vague de l'automne 1954.
En 1958, il écrit à Aimé Michel qui vient de publier Mystérieux objets célestes. Leur collaboration continuera jusqu'à la mort d'Aimé Michel.
En 1959, il part à Lille étudier l'astronomie sous la férule du professeur Kourganoff. C'est à Lille qu'il épouse Janine qui l'aidera plus tard dans ses travaux d'ufologie.
En 1961, il part à Meudon, traquer les satellites sous les ordres de Paul Muller, une expérience décevante. Il rencontre Pierre Guérin et entreprend de vérifier sur ordinateur la théorie des alignements d'Aimé Michel.
En 1963, il travaille à l'observatoire Mc Donald, et rencontre Allen Hynek. Il commence à écrire des articles pour la flying saucer review, la revue ufologique la plus sérieuse de l'époque (ou la moins farfelue). Pour aider Hynek, qui est le consultant de l'USAF pour les OVNI, il crée un petit comité de chercheurs, qui s'appellera plus tard "le collège invisible".
En 1965, il publie Anatomy of a phenomenon et rencontre le jeune Don Hanlon, dont les idées métaphysiques auront beaucoup d'influence sur lui. Et c'est à ce moment que Jacques Vallée va se bloquer sur une théorie dont il ne bougera plus: Les OVNI sont la manifestation d'un système de controle incluant une manipulation de l'espace et du temps. C'est l'HET au second degré. C'est pourquoi les travaux ultérieurs de Jacques Vallée ne viseront plus qu'à conforter cette théorie, sans chercher à prendre de recul. La machine à représenter le réel de Vallée, s'est bloqué en 1965, comme celle de Pierre Guérin s'était bloqué en 1954. Son dernier livre ne fera donc rien que nous le confirmer.
Voici ce que Vallée et Aubeck écrivent de la "comète" d'Ambroise Paré.

173.

9 October 1528. Westrie, N. Germany: Horrible object

A bizarre sighting was chronicled by Pierre Boaistuau in his Histoires Prodigieuses. Ambroise Pare describes a blood-red 'comet ' that appeared over Westrie. It so terrified the populace that some reportedly died of panic and others became ill. The 'comet ' emerged from the east and was seen for an hour and a quarter, disappearing finally towards midday - which implies, by the way, that it could not have been a comet unless by "midday" was meant "the southern direction."
  At the top of the object people described an arm that held a great sword, the blade pointing downwards. There were three stars towards the tip of the sword, the one right on the end being the brightest. On both sides of the 'comet ' were a great number of axes, blades and bloody swords and repulsive, bearded human faces.

Source: Ambroise Pare and all subsequent authors drew from a booklet by Peter Creutzer:
Auslegung Peter Creutzers, etwan des weytberhiimbten Astrologi M. Jo. Liechtenbegers (sic) discipels iiber den erschrecklichen Cometen.. .erschynen am xi. Tag Weynmonats des MCCCCxxvii. Jars... (1527).

Fig. 13: "Horrible object" seen in Westrie

Une observation bizarre fut relatée par Pierre Boaistuau dans ses Histoires Prodigieuses. Ambroise Paré décrit une comète Rouge sang qui apparut au dessus de la Westrie. Elle terrifia tellement la population que certains moururent de panique, et d'autres tombèrent malades. La "comète" emergea à l'est et fut vue pendant une heure un quart, disparaissant finalement vers le midi. Ce qui implique, par ailleurs, que ce ne pouvait pas avoir été une comète, à moins que "midi" ne signifiait "la direction du sud".
  Au sommet de l'objet, le peuple décrit un bras qui tenait une grande épée, la lame vers le bas. Il y avait trois étoiles vers la pointe de l'épée, celle qui était juste à la fin étant la plus brillante. Des deux côtés de la «comète», il y avait un grand nombre de haches, de lames et d'épées sanglantes et de répoussants visages humains barbus.
Source: Ambroise Paré ettous les auteurs ultérieurs, tirée d'un opuscule de Peter Creutzer:
Auslegung Peter Creutzers, etwan des weytberhiimbten Astrologi M. Jo. Liechtenbegers (sic) discipels iiber den erschrecklichen Cometen.. .erschynen am xi. Tag Weynmonats des MCCCCxxvii. Jars... (1527).

Alors là, c'est la confusion totale! On croit comprendre que Pierre Boaistuau a copié dans Ambroise Paré alors que c'est l'inverse. Et en plus, Vallée nous donne le titre de l'opuscule de Creutzer (le témoin initial) comme s'il l'avait lu.
Hé non! Jacques Vallée ne l'a pas lu. Car sinon, il ne recopierait pas les conneries (appelons un chat, un chat) de Pierre Boaistuau, en disant que des témoins moururent et que d'autres tombèrent malades. Et s'il savait seulement lire les chiffres romains, après avoir vérifié, il n'aurait pas écrit MCCCCxxvii, mais MCCCCCxxvii (d'autres éditions portent MDXXVII), et aurait compris que l'apparition eut lieu le 11 octobre 1527, et non le 9 octobre 1528, comme le dit Paré. Et d'ailleurs, la date est écrit en chifres arabes, à la fin du titre. Alors?
Il aurait aussi su que la "comète" n'a pas disparu vers le sud, mais en s'évanouissant en plein ciel, après avoir été surtout visible vers le nord.
Il n'aurait pas inventé cette lame pointé vers le bas (que Creutzer doit avoir vu vers le haut), qui n'apparait dans aucun texte, et seulement dans les illustrations (pas toutes), faites d'après les textes.
Et puis, que signifie ce: "et tous les auteurs ultérieurs"? Depuis quand une rumeur est elle une source crédible? En réalité la source de Vallée est, pour l'illustration, Pierre Boaistuau. Mais a-t-il vu l'original? Le texte sous l'image est curieusement tronqué dans le bas. Pour le texte, c'est Paré, ou plus probablement, un ouvrage moderne, qui citait Paré, qui citait (mal) Boaistuau, qui citait (mal) une feuille de chou, qui traduisait (mal) la relation de Creutzer. Vallée ne sait mainfestement pas de quoi il parle, et nous ne savons pas dans quel ouvrage il a puisé

En fait les choses se passent comme si Vallée savait mieux que Creutzer ce que Creutzer avait vu. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'il nous fait le coup. Il l'avait déja fait à propos du prétendu atterrissage lyonnais relaté par l'archevèque Agobard. S'il y a un ouvrage de Vallée qui a mis l'ufologie en émoi, c'est bien Passport to Magonia. La Magonie, c'est une contrée fabuleuse, citée pour la première fois, par l'archevèque Agobard dans liber contra insulsam vulgi opinionem de grandine et tonitruis. Pour Agobard, c'est une croyance stupide qu'avait les Lyonnais de son temps (l'époque de Louis le débonnaire). Mais pour Vallée c'est une contrée d'outre espace, et même d'outre dimension.

Agobard explique:
Plerosque autem vidimus et audivimus tanta dementia obrutos, tanta stultitia alienatos, ut credant et dicant quamdam esse regionem, quae dicatur Magonia, ex qua naves veniant in nubibus, in quibus fruges, quae grandinibus decidunt, et tempestatibus pereunt, vehantur in eamdem regionem, ipsis videlicet nautis aereis dantibus pretia Tempestariis, et accipientibus frumenta vel caeteras fruges. Ex his item tam profunda stultitia excaecatis, ut haec posse fieri credant, vidimus plures in quodam conventu hominum exhibere vinctos quatuor homines, tres viros, et unam feminam, quasi qui de ipsis navibus ceciderint: quos scilicet per aliquot dies in vinculis detentos, tandem collecto conventu hominum exhibuerunt, ut dixi, in nostra praesentia, tanquam lapidandos. Sed tamen vincente veritate, post multam ratiocinationem, ipsi qui eos exhibuerant, secundum propheticum illud confusi sunt, sicut confunditur fur quando deprehenditur.
Et nous en avons aussi vu et entendu beaucoup, enfoncés dans tant de folie, aliénés de tant de sottise, qu'ils croient et disent qu'il existe une certaine contrée, qui s'appelle la Magonie, d'où, à travers les nuages, viennent des navires, dans lesquels les fruits, que les grèles ont abattu, et que les tempètes ont fait périr, sont transportés dans cette même contrée, par ces prétendus navigateurs aériens en ayant donné le prix aux tempestaires, et en ayant reçu les blés et autres fruits.
Et parmi ceux ci, aveuglés d'une sottise tellement profonde, qu'ils croyaient ces choses possibles, nous en vimes plusieurs dans une certaine assemblée d'hommes, montrer ligotés quatre personnes, trois hommes et une femme, comme s'ils étaient tombés de ces fameux navires, qui étaient apparemment retenus dans les liens depuis quelques jours, et qu'à la fin ils montrèrent à cette petite assemblée d'hommes, afin, je le disais, qu'ils soient comme lapidés en notre présence. Mais cependant la vérité ayant vaincu, après beaucoup d'argumentation, ceux qui les avaient montré, furent confus, selon ce prophéte, comme le voleur est confus quand il est surpris.


Agobard est bref dans sa dernière phrase, mais il est limpide: Après qu'il eut "cuisiné" les prétendus témoins, ils se trouvèrent tout penaud de devoir avouer qu'ils n'avaient rien vu du tout
Mais Jacques Vallée, après avoir cité une médiocre traduction de ce passage, assertie d'un titre faux, nous balance un autre texte, pour nous persuader qu'Agobard se trompait:
Il n'est pas surprenant alors de constater que les « philosophes » ne sont pas d'accord avec Agobard sur la nature des trois hommes et de la femme qui furent capturés par la foule à Lyon.
...
  Un jour - entre autres, par exemple - il arriva qu'à Lyon on vit descendre de ces nacelles aériennes trois hommes et une femme. La cité tout entière se rassembla autour d'eux, criant qu'ils étaient des magiciens envoyés par Grimaldus, duc de Berreventum, l'ennemi de Charlemagne, pour détruire les moissons françaises. En vain, les quatre innocents se défendirent en disant qu'ils étaient des leurs et avaient été emportés peu de temps auparavant par des hommes extraordinaires qui leur avaient montré des merveilles dont on n'a jamais entendu parler, et ils avaient désiré leur faire eux-mêmes le récit de ce qu'ils avaient vu.
  La populace déchaînée ne tint aucun compte de leur défense et était sur le point de les jeter dans le feu quand le valeureux Agobard, évêque de Lyon, qui ayant été moine dans cette ville, avait acquis une autorité considérable, alerté par le bruit, arriva en courant, et après avoir entendu les accusations des gens et la défense des accusés, déclara gravement que les uns et les autres étaient dans l'erreur, qu'il n'était pas vrai que ces hommes étaient tombés du ciel, et que ce qu'ils disaient avoir vu était impossible. Les gens crurent en la parole de leur bon père Agobard plus qu'en leurs propres yeux, ils s'apaisèrent, remirent en liberté les quatre ambassadeurs des Sylphes, et reçurent, émerveillés, le livre qu'Agobard écrivit pour confirmer le jugement qu'il avait prononcé. Ainsi le témoignage de ces quatre témoins fut-il rendu inutile.


En fait de philosophe, il s'agit d'un humoriste, l'abbé Montfaucon de Villars qui avait écrit cette fiction, le comte de Gabalis, d'où est tiré ce texte, pour se moquer des ecclésiastiques de son temps, qui croyaient aux secrets des kabbalistes. Mais Jacques Vallée ne semble s'être pas plus renseigné sur cet auteur, que sur Agobard. Son texte vient à point pour réfuter le scepticisme d'Agobard.

Tout ceci est publié en 1969. Mais en 1989, Vallée revient à la charge, en ayant eu l'occasion de consulter, enfin, le livre d'Agobard et sa traduction à la bibliothèque de Lyon. Et voila ce que ça donne.

SANCTUS AGOBARDUS, ORA PRO NOBIS!

N'ayant pas accès aux déclarations faites par les interlocuteurs de l'archevêque, nous ne saurons jamais à quoi ressemblaient les « vaisseaux des nuages » ni ce qui fit croire aux témoins que les trois hommes et la femme en venaient et devaient être lapidés. Bien entendu, le simple fait de descendre d'un « vaisseau des nuages» pouvait être une preuve de sorcellerie.
...
4. Un saint patron pour les témoins enlevés?
Je propose saint Agobard comme saint patron des témoins enlevés. Son récit nous apprend que l'interaction entre nous et les vaisseaux qui voguent dans les nuages n'est pas un phénomène nouveau.


Jacques Vallée, Autres dimensions, Robert Laffont 1989, p 319


Ce n'est hélas, que trop clair: Vallée n'a rien compris au texte d'Agobard, Il ne se rend pas compte que toute cette histoire de vaisseau aérien, dont les ufologues font leur choux gras depuis les années 1960, ne tient qu'à deux phrases d'Agobard. Deux phrases seulement, et qui disent clairement que cette histoire de vaisseau aérien n'était qu'une connerie. En fait, s'il y a un témoin "digne de foi" dans cette histoire, c'est bien Agobard lui même. C'est lui qui a vu ces quatre personnes trainées comme des malfaiteurs que des imbéciles prétendaient être descendus de vaisseaux aérien. C'est lui qui témoigne qu'il a fait avouer à ces imbéciles qu'ils n'avaient rien vu tu tout. C'est lui qui vivait à l'époque, et qui avait connu tout ces faits.
Hé bien, Jacques Vallée n'en a cure. Jacques Vallée sait mieux qu'Agobard ce qui s'est passé. Jacques Vallée sait qu'il existait réellement des vaisseaux aériens.
Mon bon Agobard, si on devait invoquer un saint patron pour les cons, qui proposerais tu?

Accueil Sciences Astronomie Erreurs prodige de 1527 organigramme

Dernière mise à jour: 5/06/2011