ANALYSE

De la lamentable histoire du satellite de Vénus

Dans ce dossier du satellite de Vénus, nous avons vu un magnifique inventaire de faussetés sous la forme d'observations ratées, de fausses théories, d'observation inventées, de tricheries, de sophismes, et même de fausses observations ratées. C'est le lot habituel des pseudo-sciences. Pourtant, ici nous étions censés être dans le domaine de l'astronomie, que certains appelaient "la science parfaite". Il nous faut bien constater qu'il n'en est rien. Les détritus pseudo-scientifiques se retrouvent aussi dans les sciences, du moins en astronomie.

Petit historique de la croyance au satellite.

La croyance à une possible lune de Vénus a du apparaitre après la découverte des satellites de Jupiter, en 1610. En effet, jusqu'à l'adoption du système de Copernic, la lune n'était pas vraiment considérée comme le satellite d'une planète, c'était l'un des deux luminaires. Avec l'adoption progressive du système de Copernic, la Terre est de plus en plus considérée comme une planète, et donc la lune, comme un satellite. Mais avec les satellites de Jupiter, il est prouvé que les autres planètes peuvent aussi avoir des satellites, et avec l'observation au télescope, il apparait que Vénus a la même taille que la Terre. Dès lors le raisonnement par analogies montre immédiatement la possibilité pour Vénus d'avoir une lune comme la Terre. Mieux, le raisonnement par finalité en fait voir la nécessité: comme la Terre, Vénus doit pouvoir être éclairée la nuit.

Mais pour ce qui est de l'observation, il est faux que Francesco Fontana ait vu un satellite à Vénus, en 1645. Il n'a vu que des globules noirâtres qu'il ne prétendait pas être des satellites. Le père Riccioli, en les citant, n'est pas trop convaincu. Gassendi et Kircher non plus.
En 1656, Monsieur de Montmor fait demander à Chritian Huygens, dont il connaissait la puissance de sa lunette, si Vénus n'aurait pas une lune. Mais Huygens n'en a rien vu, et sait que Fontana prend des vessies pour des lanternes. Il n'y a guère que le père Tacquet pour croire aux tartarinades de Fontana.

Il faudra attendre 1695 pour que Cassini révèle qu'il a fait l'observation curieuse d'un objet qui ressemblait à un satellite de Vénus, en 1672 puis en 1686.
Et déjà, le problème apparait: pourquoi ne voit on pas le satellite en permanence? Gregory tente une explication en 1702. Chambers, en 1728, se contente de mentionner les observations et l'explication de Gregory. Une meilleure confirmation apparait en 1740 avec l'observation de Short. Entretemps, il ne semble pas que les observations de Cassini ait empéché les astronomes de dormir.

1761. On croit au satellite et on se prépare à l'observer.

L'agitation va venir en 1761, avec les préparatifs d'observation du transit de Vénus sur le disque solaire. Baudouin de Guémadeuc, qui avait eu connaissance du problème du satellite dans les mémoires de l'académie, se fit installer une lunette de 25 pieds (avec laquelle il ne découvrit rien du tout), et chercha l'aide de la société d'agriculture de Limoges, qui commit Montaigne sur ce problème. Montaigne se dépécha de trouver de petits astres qui correspondait à l'idée qu'il se faisait du satellite, communiqua ses observation à Baudouin, qui en fit aussitôt un mémoire pour l'académie. Cette fois, c'était du sérieux: il y avait quatre observations en 9 jours qui permettaient de reconstituer une orbite. Ces données furent pieusement conservées jusqu'en 1887, où elles furent réfutées par W.T. Lynn.

Parallèlement d'autres observations avaient eu lieu. En 1759, celles de Mayer, en 1761, celles du père Lagrange, d'Abraham Scheuten, et de Roedkier, mais on n'en eut connaissance que quelques années plus tard. En attendant, les 4 observations de Montaigne confirmaient celles de Cassini et de Short, et il fallait expliquer pourquoi on n'avait vu que 3 fois le satellite en 88 ans, et qu'on ne l'avait pas vu passer devant le soleil en 1761. L'académicien Dortous de Mairan sortit alors une théorie (totalement absurde) qui expliquait cette invisibilité.

En 1765, la polémique bat son plein. Un article de l'Encyclopédie, fait l'apologie du satellite, pendant qu'une dissertation du père Hell le réfute.
En 1769, confirmant le scepticisme des observateurs du transit de 1761, le satellite ne se montre toujours pas lors du transit de cette année.
Cependant, la croyance au satellite va encore monter d'un cran en 1773. Toutes les observations ne sont pas encore connues que le mathématicien Lambert entreprend de calculer l'orbite du satellite, en se basant, comme Baudouin, sur les observations de Montaigne. Comme Baudouin, il trouve une orbite parcourue en environ 11 jours, mais il explique aussi que cette orbite, très inclinée sur l'écliptique, explique l'invisibilité du satellite lors de ses précédents passages: il se projetait en dehors du disque solaire. Inversement, il explique qu'en 1777, le satellite seul se montrera sur le disque. Malheureusement, en 1777, on ne vit pas plus de satellite sur le disque solaire que de pot plein de pièces d'or.

1777. On ne croit plus au satellite, mais on croit encore à ses observations.

Il ne restait plus aux savants qu'à argumenter pour ou contre. En 1782, Charles Bonnet est pour, en se retranchant derrière l'autorité de Lambert et de De Mairan. En 1789, De Lalande estime que les astronomes n'y croient plus et penche pour l'illusion d'optique. En 1802, Johann Bernoulli mentionne une lettre d'Euler évoquant une confusion avec la planète Uranus. En 1811, le baron Von Ende y ajoute l'hypothèse d'une confusion avec les petites planètes. En 1821 Delambre penche pour l'illusion d'optique. En 1832, Brewster soupçonne de fausses images par double rélexion vitreuse. Von Littrow fait de même en 1835. Mais en 1838, Thomas Dick croit quand même au satellite. En 1840 Von Littrow récidive contre le satellite.

Les opinions deviennent ensuite moins tranchées. En 1844 Smyth fait tout ce qu'il peut pour ne pas rejeter le satellite. En 1854, l'édition posthume de l'Astronomie populaire d'Arago, ne prend pas partie. En 1858, Lecouturier est sceptique, mais n'affirme rien. En 1865, Flammarion ne se mouille pas. La même année, Amédée Guillemin se contente de résumer l'embarras des astronomes. En 1873 Webb expose l'énigme mais ne prend pas partie.

La polémique reprend en 1875, quand le Dr. F. Schorr publie un livre favorable à l'existence du satellite, et aux observations de Fontana. Sa théorie est expliquée la même année par Joseph Bertrand qui y est plutôt favorable. En 1876, T.W. Webb, explique le problème des reflets, rappelle les observations d'astronomes, et mentionne une sienne observation faite en 1823. En 1878, Proctor remarque que le satellite disparut avec le progrès des instruments et penche pour l'illusion d'origine optique. En 1880, Flammarion reprend l'hypothèse d'observation de petites planètes. En 1881, Dennig révèle un autre type d'illusion instrumentale. En 1882, Joseph Bertrand continue de faire malencontreusement confiance à Schorr, et relance la légende de Fontana. Il sera copié en 1884 par Flammarion. En 1884, Houzeau remplace le satellite par une planète quasi-satellite baptisée Neith, mais la même année The Observatory la réfute. En 1885 le père Thirion invoque des réfractions exceptionnelles, qui ne conviennent pas non plus. En 1887 W.T. Lynn réfute les observations de Montaigne. La même année Young réfute Neith qui serait visible à l'oeil nu. Enfin, en 1887 encore, Paul Stroobant, met un point final à la polémique, met à la poubelle les obserbations de Fontana, révèle que les observations de Copenhague ne valent rien, et montre que nombre d'observations, dont celles De Montaigne, ne concernent que de simples étoiles.

1887. On ne croit plus au satellite, ni à ses observations.

Après la magistrale étude de Stroobant (qui n'avait pourtant que 19 ans), silence radio chez les astronomes. En 1892, Barnard, observant une petite étoile près de Vénus, se garde bien d'y voir son satellite. Il n'y aura plus que les vulgarisateurs, les auteurs de science-fiction, et les pseudoscientifiques pour en parler.

En 1889, De Graffigny évoque le Satellite dans les Aventures extraordinaires d'un savant russe. En 1891 J. Rambosson enterre le satellite, sur la foi de Stroobant. En 1909, Max Heindel imagine pour le satellite, une théorie aussi ébouriffante que celle du fondateur du Manichéisme. En 1912, Martha E. Martin en voulant discréditer le satellite, montre qu'elle ignore le dossier. En 1930, Pierre Humbert ressort l'explication par Uranus sans savoir qu'elle est déja réfutée. En 1948 Roger Rigollet croit découvrir le satellite sur ses plaques photos. En 1956, H.P.Wilkins admet les observations de Montaigne, mais pas le satellite. En 1960 Patrick Moore nie le satellite, mais a mal lu Stroobant. En 1963 Meeus réfute L'Uranus de Pierre Humbert. En 1976, Corliss reprend l'article d'Ashbrook basé sur l'étude de Stroobant. En 1990 Lecomte n'a rien compris aux observations de Fontana.

Parallèlement, dans le petit monde des ufologues, et autres chercheurs parallèles et perpendiculaires, on va récupérer le satellite, tout en admettant qu'il n'existe plus. En 1919, Charles Fort, parodie la théorie de Houzeau pour railler l'astronomie "officielle". En 1960 Aimé Michel évoque les observations, pour faire douter de la même science. En 1965 Germaine Dieterlen veut nous faire croire que la cosmogonie Dogon connaissait le satellite de Vénus. Les ufologues "tole et boulons", voient dans le satellite une station spatiale, qu'en 1977, Jacques Bergier imagine lancé et désorbité par les Vénusiens. En 1978, Marc Hallet descend cette croyance en flammes. En 1984, Christiane Piens dézingue les observations sur la base de Stroobant. Enfin en 2009, Vallée récupère mercantilement ces mêmes observations pour remplir son catalogue.

On aura donc vu une croyance à la possibilité du satellite, puis une croyance à la nécessité du satellite, puis une croyance à l'existence effective du satellite. Ensuite le phénomène s'inverse, on ne croit plus à l'existence effective du satellite, mais encore à ses observations, puis on ne croit même plus à ses observations, et enfin on croit que le satellite relève de la mythologie.

Les explications du satellite.

Qu'ils y croient ou qu'ils n'y croient pas, les savants ont du expliquer les observations du satellite, car s'il existait, il fallait expliquer pourquoi on ne le voyait habituellement pas. Certains n'ont vu qu'une explication, d'autres en ont vu plusieurs, mais rares sont ceux qui ont compris que plusieurs explications pouvaient être simultanément valables. Car, comme pour les OVNI, rien ne prouvait que les différentes observations concernaient bien un même phénomène.

Explications impliquant l'observateur
1 Un canular. Applicable à l'observation de St Neots.
2 Un observateur incompétent.
  2.1 Un observateur incompétent pour observer. Applicable aux observations de Fontana.
  2.2 Un observateur incompétent pour rendre compte. Applicable à l'observation de Scheuten.

Explications impliquant un véritable astre
3 Un vrai satellite.
  3.1 Un satellite de la taille de la lune. (serait visible à l'oeil nu)
    3.1.1 Un satellite presqu'entièrement sombre. Évoqué par Gregory. (insuffisant)
    3.1.2 Un satellite caché par la lumière zodiacale. Évoqué par Dortous de Mairan.(absurde)
  3.2 Un satellite minuscule. (incompatible pour Cassini)
4 Une planète. Évoqué par Short des années après son observation.
  4.1 La planète Uranus. Évoqué par Euler dès 1781. (vérifié faux)
  4.2 Un astéroïde. Évoqué par Von Ende, puis par Flammarion. (éclat trop faible)
  4.3 Une planète intramercurielle. Évoqué par Houzeau. (élongation insuffisante)
  4.4 Un pseudo-satellite. Évoqué par Houzeau. (serait visible à l'oeil nu)
  4.5 Une planète inconnue. Évoqué par Haase. (serait visible à l'oeil nu)
5 Des étoiles. Évoqué par Stroobant

Explications impliquant un phénomène illusoire.
6 Un reflet dans l'optique de l'instrument
  6.1 Un reflet sur la cornée puis sur l'oculaire. Évoqué par Hell. (détectable immédiatement)
  6.2 Un reflet entre différentes lentilles de l'instrument. Évoqué par plusieurs astronomes.
  6.3 Un reflet impliquant la lumière solaire. Évoqué par Denning. (seulement de jour)
7 une réfraction modifiant l'image de Vénus. Évoqué par Thirion. (seulement à raz de l'horizon)

On voit qu'une seule de ces explications ne peut absolument pas s'appliquer à toutes les observations. On ne peut que tenter d'expliquer au cas par cas, après avoir éliminé les explications impossibles. Et pourtant, divers savants ont voulu que leur explication rende compte de toutes les observations du satellite.

L'incompétence des savants.

Si l'incompétence des chercheurs parallèles, ou perpendiculaires, n'est ni étonnante, ni difficile à démontrer, l'incompétence des savants peut en étonner plus d'un. Plaçons nous dans l'optique du XVIIe siècle. Un satellite de Vénus de la taille de la lune, parait possible et logique, et un astronome l'aurait observé. D'ailleurs, tout ceux qui ont attribué une taille au satellite lui ont donné la taille de la lune.

Les savants ne comprennent pas qu'on devrait voir le satellite à l'oeil nu.

à l'oeil nu
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Acceptons l'hypothèse et demandons nous ce qu'on devrait observer. La réponse ne lasse pas d'ètre étonnante: on verrait ce satellite à l'oeil nu!
En effet, si nous supposons un satellite de même albedo que la lune, de même diamètre et d'orbite similaire, tournant autour de Vénus, nous trouvons que son éclat serait de première magnitude. Donc, lors des élongations, le satellite devrait être périodiquement visible à l'oeil nu! Comme on n'en a jamais vu à l'oeil nu, l'hypothèse s'écroule, mais aucun savant ne semble l'avoir remarqué...

L'incompétence des observateurs.

L'incompétence de Fontana n'a d'égal que ses tartarinades, et ne fait aucun doute.
A ce stade, il aurait mérité plusieurs bonnets d'âne à lui tout seul. .

Cependant, la compétence de beaucoup d'observateurs du satellite de Vénus donne à réfléchir.

Le premier véritable observateur est Cassini. Ce qu'il a vu était suffisamment grand et brillant pour être périodiquement revu. Donc s'il ne l'a jamais revu, il aurait du comprendre que ce satellite était illusoire. Il aurait donc du chercher à comprendre la raison de cette illusion, comme le fit plus tard le père Hell. En fait, il n'a même pas cherché à braquer un autre instrument, mais il a l'excuse de n'avoir guère eu le temps, car la clarté du jour augmentait.

Short, lui, a disposé de davantage de temps, et en a profité pour changer de télescope, et d'oculaires. Mais il ne semble pas avoir compris que l'objet ne pouvait être qu'illusoire, puisque, planète ou satellite, il aurait du le revoir. Il aurait du, comme le père Hell, faire diverses expériences pour comprendre comment ses télescopes avaient pu lui montrer un astre qui n'existait pas.

Mayer a donné si peu de renseignements, que, si son objet quasi ponctuel est resté non identifié, c'est faute de renseignements suffisants.

Le père Lagrange, quant à lui, est allé encore plus loin dans l'avarice: on sait seulement que l'objet suivait une route perpendiculaire à l'écliptique.

Avec Montaigne, on plonge dans l'amateurisme éhonté. Il ne se préoccupe pas de l'éclat que devrait avoir le satellite. Suppose arbitrairement que le satellite est à la même distance de Vénus, que la lune l'est de la Terre, n'imagine même pas que la perspective peut le rapprocher de la planète, croit voir le satellite tourner dans un plan de front, et relève consciencieusement ce qu'il trouve à une vingtaine de minutes d'arc de Vénus. Il relève ainsi les positions de BD +27 802, le 3 mai, de HIP 26291, le 4 mai, de HD 246366, le 7 mai, et de BD +27 866, le 11 mai. Il ne se préoccupe pas des étoiles devant lesquelles devait passer Vénus, et ne se rend même pas compte qu'il avait déjà vu HIP 26291 le 3 mai, sans la prendre pour le satellite, ni que sa luminosité avait augmenté d'un facteur 10 depuis la veille. Pire, il prétend trouver une phase à toutes ces étoiles.
C'est trop! Un bonnet d'âne pour Montaigne.

L'observateur de St Neots, nous fait une description assez précise d'un satellite qui accompagnait Vénus dans son transit. Malheureusement, il est le seul à prétendre l'avoir vu, et son récit sent le canular.

L'observation d'Abraham Scheuten n'est pas mal non plus: il prétend l'avoir retrouvé dans son journal, et aurait commencé à observer le transit de Vénus 3 heures après sa fin.

Peder Roedkiaer est un recordman. A lui tout seul il a fait le tiers des observations du satellite de Vénus. Quel dommage qu'il était souvent le seul à le voir, quand les autres ne voyaient rien. Quel dommage qu'il voyait une phase que son instrument ne pouvait pas montrer.
Et un bonnet d'âne pour Peder Roedkiaer.

Montbarron, à Auxerre, n'est pas très futé non plus: il donne les directions du satellite par rapport à Vénus, mais pas les distances. Et il semble ignorer que les étoiles ne scintillent pas forcément dans un télescope.

Horrebow, pourtant directeur de l'observatoire de Copenhague, n'a pas été fichu de reconnaitre l'étoile θ Librae, qui figurait pourtant sur l'atlas céleste de Bayer depuis 1603.

Thomas William Webb fit, en 1823, une observation du supposé satellite de Vénus à l'age de 15 ans. 53 ans plus tard le souvenir lui en semblait vivace, mais les notes qu'il en avait gardé n'avait été prises que 9 ans plus tard. Il se trouve que l'étoile Mebsuta était à proximité de Vénus, mais pas dans le position dont il se souvenait. Seulement, si satellite de Vénus il y avait eu, il eut du voir deux astres: le satellite et Mebsuta. Comme il n'en vit qu'un seul, c'est donc Mebsuta qu'il vit, et son souvenir de sa position était faux.

Enfin, l'astronome Barnard a raté une occasion de découvrir une nouvelle explication du satellite de Vénus. Ayant observé à 1' de Vénus une étoile de 7e magnitude inconnue des catalogues, il ne put reprendre son observation le lendemain car il était tributaire du plan de travail de son observatoire. Au lieu de signaler tout de suite cette étoile, qui aurait pu être une nova, il attendit 14 ans pour révéler son observation. Un siècle plus tôt, un tel phénomène eut été pris pour une réapparition du satellite de Vénus. S'il avait fait part de son observation, d'autres astronomes auraient pu tirer son observation au clair, et en auraient peut être déduit une nouvelle hypothèse pour le satellite de Vénus.

L'incompétence des mathématiciens.

L'incompétence des spécialites des sciences exactes, en pratique des mathématiciens, à interpréter les sciences d'observation, où l'erreur est fréquente, est ici flagrante.

Ici nous avons le père Tacquet, qui ne comprend pas que si Francesco Fontana décrivait des choses que les autres astronomes ne voyait pas, c'est que son instrument était plus mauvais. Bien au contraire, il en déduit que son instrument était plus puissant, alors qu'il n'a même pas lu le livre de Fontana.
Et un bonnet d'âne pour le père Tacquet.

David Gregory présente une explication physique: le satellite est aussi sombre que les mers lunaires. Cette explication est absurde, car le satellite serait encore de seconde magnitude, et surtout, puisque Cassini l'avait observé une fois, c'est que sa lunette pouvait le montrer, sombre ou pas. Il aurait donc du le revoir de nombreuses fois.
Et un bonnet d'âne pour David Gregory.

Ensuite nous voyons Jean Henri Lambert, ce grand spécialiste des projections cartographiques, se fourvoyer lamentablement, en faisant confiance aux observations d'un amateur, qui n'était même pas sur de n'avoir pas vu des étoiles, était le seul à avoir vu, et décrivait un astre minuscule, 100 à 1000 fois moins lumineux que l'astre attendu. Il dresse une orbite en oubliant que par 4 points, on peut toujours faire passer une ellipse. Bien sûr, il essaye de respecter les lois de Képler, mais il ignore que Montaigne avait choisi des étoiles à des positions vraisemblables, pour un corps en orbite, et attribue le désaccord à l'imprécision des mesures. Pour faire bonne mesure, il se donne le droit de modifier la perspective en faisant varier l'inclinaison pour améliorer l'accord. Dans ces conditions, ce qui eut été étonnant, c'est qu'il ne réussisse pas à trouver une orbite convenable. On ne s'étonnera pas après que ses tables et ses prédictions ne valaient rien.
Et un bonnet d'âne pour Jean Henri Lambert.

Le mathématicien Joseph Bertrand ne s'en sort guère mieux. Peut être impressionné par l'érudition (ou le culot) du Dr. F. Schorr., il reprends ses arguments comme si c'était les siens, oubliant tout esprit critique. Résultat: il donne une autorité imméritée à Fontana, qui n'était qu'un hableur, mais dont l'observation fut "précise et certaine" (tu parles!), à Montaigne, qui n'avait encore rien découvert, à Horrebow, qui n'était pas capable de reconnaire une étoile figurant sur un atlas céleste, à Meier (Mayer) auteur de plusieurs bon travaux (non cités). Et bien sûr, la sincérité des observateurs ne saurait être mise en doute, ce qui nous ramène aux témoins de soucoupes volantes de 1954. Enfin, il fait d'imagination un dessin représentant l'observation de Cassini, sans avoir lu la description de l'observateur, et avec une phase complètement fausse.
Et un bonnet d'âne pour Joseph Bertrand.

Quant au mathématicien Pierre Humbert, nous ne lui attribuerons pas de bonnet d'âne pour avoir tenter d'expliquer une observation par la planète Uranus, car ce n'est tout de même pas une énormité. Simplement il aurait du mieux se renseigner.

L'incompétence des autres savants.

Les physiciens, astronomes et autres naturalistes, vont nous donner eux aussi, des preuves de leur ignorance (à moins que ce ne soit de leur bêtise), en tentant de sauver leur croyance au satellite: Ce satellite, on ne le voit pas. Il s'agit donc d'expliquer pourquoi, quitte à admettre que son invisibilité est un fait, mais est inexplicable.

Baudouin de Guémadeuc, ayant échoué à observer le satellite avec une lunette de 25 pieds, et constatant que Montaigne y est arrivé avec une lunette de 9 pieds seulement, en déduit "qu'il y a dans ce Satellite des accidens ou des périodes de lumière qui le rendent visible dans certains tems ; & invisible dans d'autres". Il ne lui vient pas à l'idée d'observer avec sa propre lunette ce satellite dont Montaigne vient de lui dire où le trouver. Encore moins de trouver curieux que les périodes d'invisibilié durent si longtemps. Il se dépèche d'en rendre compte à l'académie et de calculer une orbite. Aujourd'hui nous savons que ce n'était que des étoiles. Plus tard, pour avoir triché dans une succession, Baudouin de Guémadeuc finit ses jours en prison.
Mais ce n'est pas une raison pour l'exempter d'un bonnet d'âne.

Dortous de Mairan, lui va carrément expliquer l'invisibilité du satellite en ajoutant des incohérences à des impossibilités. Il commence par affirmer l'existence d'une atmosphère solaire, qui baigne presque toujours Vénus et son satellite. Cette atmosphère serait la lumière zodiacale découverte par Cassini. Elle aurait une certaine opacité et serait d'autant plus dense qu'elle subirait davantage l'attraction d'une planète, à cause de sa proximité, et cette attraction serait d'autant plus grande que l'astre serait plus petit. Cette densité en augmenterait l'opacité, et voila pourquoi nous ne voyons pas le satellite.
En réalité cette opacité obscurcirait tous les astres et Mercure serait toujours invisible. D'ailleurs Vénus devrait subir les mêmes effets que son satellite. Cassini lui même affirme que la lumière zodiacale laisse transparaitre les étoiles les plus faibles. Un milieu dense freinerait Vénus et Mercure dans leur mouvement et les ferait tomber sur le soleil. Enfin, il est absurde d'affirmer que la gravitation du satellite serait plus importante que celle de Vénus elle même, car alors ce serait Vénus qui tournerait autour de son satellite, et non l'inverse.
Dortous de Mairan put néanmoins faire imprimer ces âneries dans les mémoires de l'académie, dont il avait été secrétaire, et dans Le Journal des savants, dont il était rédacteur.
Et un bonnet d'âne bien mérité pour Dortous de Mairan.

Le rédacteur anonyme de l'encyclopédie fait grand cas de l'autorité des observateurs, en particulier de Cassini et de Short, mais même de celle de Montaigne, qu'il érige en philosophe ayant eu la chance d'observer le satellite dans une circonstance favorable. Il y ajoute l'autorité du père Lagrange, qu'il grandit au moyen de celle de son télescope, qui aurait grossi 800 fois, ajoute les observations d'Auxerre et de St Neost, et flétrit le scepticisme de ceux qui évoque des illusions d'optique. Leurs objections sont pour lui douteuses, car il lui parait impossible d'admettre que tant d'observateurs aient pu être victime de la même illusion (il n'imagine pas qu'il puisse y en avoir d'autres).
Puis il enchaine les sophismes: il est certain que le lumière du satellite de Vénus est plus faible que celle des satellites de Jupiter (en fait, si le satellite existait, ce serait l'inverse). Il ne peut se présenter à nous que quand sa phase est en croissant, et sa lumière est moindre que celle des satellites en phase ronde (mais son diamètre serait plus important). Vénus doit être dans sa plus grande digression et le satellite aussi pour que le satellite soit visible (faux, le satellite serait encore plus visible, car plus écarté, quand Vénus est en croissant). La masse de ce satellite est peut-être d’une densité peu propre à renvoyer les rayons de l’astre qui nous éclaire (sic !). L'orbite perpendiculaire à l'écliptique s'accorde bien à la rotation de Vénus (l'axe de rotation de Vénus était quasiment inconnu à l'époque).
Augmenter l'autorité des témoins, diminuer ou réfuter les objections. Enchainer les sophismes, voila bien un comportement de pseudo-scientifique.
Un bonnet d'âne pour le rédacteur anonyme.

Charles Bonnet se base à fond sur l'autorité de ses sources, des observateurs et des commentateurs: Le satellite existe puisque l'encyclopédie le dit (en citant Charles Bonnet), et que Dortous de Mairan y croit.
Bonnet d'âne? Rions plutôt de sa naïveté.

Thomas Dick, après avoir rappelé les observations de Cassini, de Short, et le travail de Lambert, s'attache à mettre en valeur les observations de Montaigne, qu'il décrit en long et en large. Aussi refait il, en blanc sur fond de ciel nocturne le dessin de Baudouin de Guémadeuc, avec les mêmes erreurs de proportion (ce dessin sera repris par Wilkins, qui sera repris par Michel). puis il évoque la difficulté de voir ce satellite et énumère les conditions nécessaires (en fait ces conditions sont les mêmes que pour Vénus, sauf que le satellite est 100 fois moins lumineux). A son tour il déprécie les objections à base d'illusions d'optique, en voulant oublier que ce n'est pas la seule cause d'erreur possible, et termine par l'argument d'analogie avec la Terre en faveur du satellite. Voila bien un raisonnement d'apologiste, voulant prouver la valeur d'une croyance.
Un bonnet d'âne pour Thomas Dick.

L'amiral Smyth (encore capitaine de vaisseau à l'époque) fait tous ses efforts pour ne pas envoyer le satellite à la poubelle. Celui-ci n'a pas été détecté de façon certaine, mais il ne peut être démontré qu'il n'existe pas, car il pourrait être très petit et mal réfléchir la lumière (mais alors Cassini ne l'aurait pas vu gros comme la lune). Lambert a donné une théorie très cohérente de son mouvement (faux, elle imposait à Vénus une masse 10 fois trop grande). On a dit dogmatiquement que les observateurs ont été trompés par de fausses images, mais il serait doutreux que tant d'observateurs de différent pays aient été trompés ainsi (mais il n'y a pas que les reflets qui puissent tromper).
Nous serions tenté d'octroyer un bonnet d'âne à l'amiral, qui n'a pas compris le problème.

Lecouturier admet la fausseté du satellite, mais après avoir relaté les observations de Cassini, Short, Montaigne, Lagrange, Montbaron, et celle de St Neots, déprécie les objections de Lalande, et finit par admettre que si le satellite existait, il serait difficile à voir, en reprenant les arguments de Thomas Dick. Il faut dire que Lecouturier n'était pas astronome.

Le Dr F. Schorr, lui, était astronome, mais astronome amateur. Il avait déjà écrit un livre à propos du passage de Vénus devant le soleil. Il en écrivit un autre (avec une table des matières erronée) à propos du satellite de Vénus. Comme beaucoup d'autres, il utilise à fond l'argument d'autorité et magnifie la compétence des observateurs du satellite, mais il y va trop fort, en ressortant Fontana de la naphtaline, et en le qualifiant de "l'un des plus excellents observateurs du ciel, qui observa les merveilles des planètes avec d'excellents télescopes;" (nous traduisons). Si on n'a plus vu le satellite depuis 1764, c'est simplement que les observateurs ne s'y intéressent plus (idiotie, on continue d'observer Vénus et ses transits). Son atmosphère le rend souvent invisible (autre idiotie). Les deux points que vit Fontana le 15 novembre 1645 étaient le satellite et son ombre (idiotie, car ils sont dessinés tous les deux sur le fond du ciel). Il donne une liste de 16 observations par 12 observateurs, en oubliant celles de Roedkiaer, Lagrange, Scheuten et celle de St Neots. Il affirme que toutes ces observations sont en accord (Faux, certains voyaient une phase, d'autres un astre ponctuel). Il mutiplie les arguties, part de l'axiome que le satellite existe et en déduit que la cause de son invisibilité reste à découvrir. Il mentionne en détail l'orbite de Lambert, sans relever son absurdité (elle suppose Vénus 10 fois plus massive). Enfin il termine en semblant croire que les corps lumineux projettent de l'obscurité sur leurs voisins (plus idiot que ça...).
Un bonnet d'âne "king size" pour F. Schorr.

Jean-Charles Houzeau après avoir pensé à une planète intra-mercurielle, se rend compte que les élongations nécessaires la rendrait extra-mercurielle, et change de théorie: il invoque un pseudo satellite, c'est à dire une planète qui revient périodiquement se placer dans l'alignement de Vénus. Mais déjà, il est absurde que cette planète ne soit visible que quand elle est à coté de Vénus. Et surtout, cette planète ne peut paraitre à coté de Vénus que pendant une courte période. Or certaine observations se sont échelonnées sur plusieurs semaines, ce qui invalide la théorie. Pire, Houzeau a du outrageusement sélectionner les observations qui l'arrangeait en ignorant les autres. C'est de la tricherie manifeste.
Un bonnet d'âne pour Jean-Charles Houzeau. . Et qu'il copie 100 fois "je ne dois pas tricher en choisissant les données qui m'arrange"

Le père Thirion, après avoir exposé le dossier en 1884, en fait un plus complet l'année suivante, avec une théorie de son cru. Il rappelle les observations du satellite, dont la prétendue observation de Fontana, puis rappelle les tentatives d'explication, en particulier celle de Houzeau, dont il constate qu'elle s'écroule si on tient compte de toutes les observations. Il ne juge pas valable non plus l'hypothèses des images fantômes, car l'illusion est facile à déceler.
Mais il introduit sa propre explication en remarquant que Vénus n'est pas la seule à avoir montré des doubles images: On l'a observé aussi avec le soleil, et il en cite 5 exemples. Mais les fausses images du soleil ont la même taille apparente que lui: qu'à cela ne tienne, le père Thirion fait remarquer que les fausses images qu'il invoque sont bordées d'une frange irisée qui diminue la hauteur du disque de 5 ou 6" de part et d'autre. Appliquée à Vénus, cela fait 10 ou 12 " de moins, et cela expliquerait que la fausse image n'ait fait que le quart de celle de Vénus. En fait, dans une observation de Roedkiaer, l'image ne faisait précisément que 12", et dans la première de Cassini, l'image résultante aurait encore fait les 2/3 du disque de Vénus, au lieu du quart. Et la largeur reste identique, quand personne n'a signalé un aplatissement de l'image, mais au contraire une phase identique.
Le père Thirion continue en expliquant que cette double image s'explique par la présence de cristaux de glace, comme pour les halos, et prétend que sa théorie s'applique très bien aux diverses observations, en en déformant la description, et en récupérant celles de Fontana. Mais tout cela est faux! Les doubles images invoquées sont toujours à la verticale l'une de l'autre, ce qui n'a quasiment jamais été le cas, et ne se montrent qu'à ras de l'horizon, ce qui n'a jamais été la cas non plus. Dans sa démonstration le père Thirion se montre d'une mauvaise foi invraisemblable.
Un bonnet d'âne pour le père Thirion.

Stéphane Lecomte appartient à la commission d'astronomie de la Société Astronomique de France. On pouvait donc s'attendre a du sérieux. Pensez vous! Il en est encore à croire aux observations de Fontana qu'il a l'air de confondre avec celles de Cassini. Il ignore que la plupart des cas cités ont été expliqués, et cite les observations de manière déformée. Mais tout s'explique quand on lit la bibliographie: Stroobant n'est pas cité. Ne sont cités que Lecouturier, Bertrand, Houzeau et Corliss. Quand on sait comment Bertrand a assaisonné le problème en reprenant les théories de Schorr, on comprend mieux.
Un bonnet d'âne pour Stéphane Lecomte.

Les ufologues.

Paradoxalement les ufologues ne s'en sortent pas plus mal que les savants. Si certains veulent faire du satellite de Vénus une station spatiale, d'autres sont critiques.

Charles Fort est atypique. Son but n'est pas de théoriser les extraterrestres ou les fées, mais de railler la "science officielle" et ses certitudes. Ici, il est très mal renseigné, mais prend pour cible la planète de Houzeau qu'il compare à un improbable monde vagabond. On ne peut pas lui donner tort.

Aimé Michel prend pour exemple les observations de Montaigne, en présentant une illustration (fausse), reprise de Wilkins, qui la reprenait de Thomas Dick, qui la reprenait de Baudouin de Guémadeuc, en ayant mis l'image en "négatif". Il est le premier à avoir compris que s'il s'agissait d'un satellite de Vénus, il serait visible à l'oeil nu. Il conclut: quelque chose a été observé, non pas près de Vénus comme l'avait cru Montaigne, mais dans la direction de Vénus, à plusieurs reprises" (et c'est vrai), mais il termine "Quoi? Pour l'instant, nul ne le sait.". Mais là, c'est faux. On savait depuis 73 ans que Montaigne n'avait vu que des étoiles, mais Aimé Michel n'avait pas lu Stroobant.

L'improbable Jacques Bergier fait un article faux à lier. Mais dans NOSTRA, c'est le contraire qui eut été étonnant. Imaginant que les Vénusiens existent, bien qu'ils vivraient dans un enfer à 800°C, il leur fait construire un satellite artificiel (colossal!) qu'ils ramènent à l'occasion sur leur planète, pour leur permettre l'accès à l'espace et à l'astronomie. Jacques Bergier jouait sur du velours: aucun savant ne lisant NOSTRA, il ne risquait pas d'être contredit. Sa théorie n'est pas tellement plus stupide que celle de Dortous de Mairan, mais tout de même!
Un bonnet d'âne pour Jacques Bergier.

Marc Hallet fait preuve de plus d'érudition, malheureusement il commet quelques erreurs "conventionnelles", comme celle de croire aux observations de Fontana. La cause en est qu'il a fait confiance à Joseph Bertrand. Il a lu Stroobant mais ne semble pas avoir bien compris ses explications à propos de Montaigne, car il n'en a lu que le résumé que Stroobant a fait pour l'Astronomie, et pas l'article original paru dans Ciel et Terre. Néanmoins l'article de Marc Hallet, s'il est parsemé de petites erreurs, est meilleur que celui de nombreux auteurs se voulant scientifiques.

Christiane Piens, mécontente de constater qu'on puisse croire que les Dogons aient observé un satellite de Vénus à l'oeil nu, entreprend elle aussi de réfuter le satellite de Vénus. Elle aussi cite les observations de Fontana, car elle a lu Bertrand. Elle aussi commet de petites erreurs, et elle aussi a lu Stroobant, mais ne cherche pas à diminuer la valeur de son travail. Elle remarque qu'on n'a jamais vu le satellite à l'oeil nu, et qu'il faut au moins deux explications pour toutes les observations (mais pas celle d'un vrai satellite). Là aussi son article vaut mieux que ceux de prétendus écrivains scientifiques.

Jacques Vallée, fut un temps considéré comme l'un des meilleurs ufologues mondiaux, au point de témoigner comme expert auprès de l'ONU. Cependant ses idées n'ont pas évolué depuis des dizaines d'années, et son ouvrage de 2009, Wonders in the sky, n'est qu'une simple compilation de phénomènes célestes prétendument inexpliqués. Ce catalogue rapporte 11 observations, passablement déformées du satellite de Vénus, sans tentative d'explication. C'est mieux que Bergier, certes, mais c'est indigne d'un chercheur de premier plan.
Un bonnet d'âne pour Jacques Vallée.

Conclusion.

Le cas du satellite de Vénus est un bel exemple de "déraillement de la science", comme les rayons N, ou les canaux de Mars. On peut dire que le satellite de Vénus, ostentatoire et élusif, est "l'OVNI des astronomes". Comme les OVNI, il ne fut vu que par quelques "privilégiés". Comme les OVNI il a suscité des théories farfelues. Comme les OVNI il a généré une polémique. Ce qui nous amène a comparer ces astronomes qui ont déraillé à des ufologues de bas étage, autrement dit des ufomanes, qui méritaient bien des bonnets d'âne.

En comptant tous ces bonnets d'âne, on voit bien que tous ces savants de sont conduits de manière pseudo-scientifique. Ils ont fait du problème du satellite une croyance, et ont appliqué les méthodes des croyants:

Valoriser les arguments pour et déprécier les arguments contre. Ici valoriser la compétence des témoins. dévaloriser le père Hell.

Trouver une solution aux anomalies qui invalident la théorie. Inventer un nouveau phénomène, si besoin est.
- Pour l'invisibilité chronique, on a invoqué une noirceur périodique (David Gregory), une absorption interplanétaire (Dortous de Mairan), ou une station spatiale désorbitable (Jacques Bergier).
- Pour l'invisibilité lors des passages, on a invoqué une orbite perpendiculaire à l'écliptique, faisant se projeter le satellite en dehors du disque solaire (Lambert).

Ignorer les arguments rédhibitoires. Ici la visibilité à l'oeil nu.

Ignorer le point de vue quantitatif. Ne pas faire d'expériences.

Et bien sûr, les arguments utilisés, aussi absurdes soient ils, sont considérés comme vrais, puisqu'ils démontrent un résultat lui aussi considéré comme vrai.

Il est remarquable qu'on retrouve ces méthodes, aussi bien chez ceux qui croient à l'existence du satellite, que chez ceux qui croient à son inexistence, comme Houzeau ou Thirion.
Les vrais savants, comme Arago se sont contentés de douter ou de réserver leur opinion.

On remarque aussi qu'en cas de "déraillement", se crée un clivage entre ceux qui ont déraillé, et ceux qui sont restés sur les rails (pas forcément pour de bonnes raisons, d'ailleurs). Pour le satellite de Vénus, le premier groupe parut l'emporter quelque temps, au point que Frédéric II proposa d'appeler le satellite "d'Alembert". Mais l'échec des observations lors du transit de 1769, suivi de l'échec des prédictions de Lambert amena sa disparition. Cela n'amena pas la fin de la polémique, car il restait à expliquer les observations, et les croyances se reportèrent sur les différentes explications. Le problème fut clos par Stroobant, qui, à l'age de 19 ans, commit l'exploit de renvoyer tout le monde dans son box. Pourtant tout n'était pas bien expliqué, mais il était maintenant sûr que le satellite de Vénus n'avait jamais existé.

Certains seront tentés d'énoncer une indiscernabilité entre la Science et les pseudo-sciences, à l'inverse des rationalistes, qui y voient au contraire un "grand partage". Et c'est vrai que les ufologues, tantôt pour, tantôt contre, ne se sont pas montré plus lamentables que les savants. Mais cette indiscernabilité est fausse.
Dans les sciences, l'erreur est accidentelle et/ou temporaire. Placés devant l'évidence, les "déraillés" n'ont plus qu'à remballer leurs arguments ou à quitter la communauté scientifique pour fonder une secte. Le "modèle" admis par la communauté esr révisable. Il constitue un paradigme.
Dans les pseudosciences, l'erreur est la règle et est permanente. La croyance n'est pas révisable, sauf à fonder une autre secte. Mais on ne connait pas de secte du satellite de Vénus. Le "déraillement" du satellite de Vénus est donc accidentel et non structurel. La ressemblance avec une pseudoscience s'arrète la.

Un exemple concret pour mesurer cette différence est l'oeuvre de Ptolémée. Elle a alimenté à la fois l'astronomie et l'astrologie. Mais il y a belle lurette que les astronomes ont abandonné le système de Ptolémée, alors que les astrologues utilisent toujours les règles énoncées par lui.

Cette histoire du satellite de Vénus nous a donc donné l'occasion de réfléchir à la différence structurelle entre Science et pseudo-science. Il faut bien avouer que parfois, des savants se conduisent de façon pseudo-scientifique. Dans le cas présent, comme des ufologues. C'est vrai, mais ce n'est qu'occasionnel. La Science n'est est pas plus affectée qu'un organisme vivant ne l'est par une maladie passagère.

Dernière mise à jour: 28/12/2021

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