1987. Paul Baize fait le point sur la couleur de Sirius. Paul Baize, qui avait déjà fait un article sur Sirius en 1931 dans les colonnes de "L'Astronomie", récidive 56 ans après. C'est donc un vétéran qui sait de quoi il parle, qui va faire le point sur le système de Sirius. Accessoirement il mentionne le problème de la rougeur de Sirius.
La couleur de Sirius a-t-elle changé depuis l'Antiquité? Cette irritante question pose aux astronomes et aux historiens un problème difficile à résoudre. Actuellement, si l'on fait abstraction des rapides éclats verts et rouges qui accompagnent sa scintillation, Sirius est indiscutablement blanc, d’un blanc un peu bleuté, comme il convient à une étoile de la classe spectrale A. Cependant, dans les textes anciens, grecs, latins et arabes, il est qualifié de « rouge » ou de « rougeâtre », au même titre que Bételgeuse, Antarès et Aldébaran. Cette contradiction a conduit plusieurs auteurs à penser que Sirius avait réellement changé de couleur depuis l’Antiquité. Dans « Les Etoiles et les Curiosités du ciel » Flammarion a magistralement exposé les données du problème, et je ne puis qu'y renvoyer le lecteur, non toutefois sans avoir versé une nouvelle pièce au dossier. On a en effet récemment mis au jour un manuscrit où Grégoire de Tours, qui vivait au VIe siècle de notre ère, prescrit à ses religieux de régler l‘horaire des offices nocturnes sur les levers de certaines étoiles, dont Sirius, qualifiée par lui de « Stella splendida » et, sans équivoque, de « rubeola ». Note: Nous avons vu que la "rubeola" de Grégoire de Tours n'est pas Sirius, mais Arcturus? Alors, de deux choses l'une : ou bien les Anciens se sont tous trompés, ou bien un changement réel est survenu dans l'émission lumineuse de Sirius. Flammarion penchait pour la première explication et voyait dans l'épithète de « rouge » attribuée à l'étoile de la Canicule une image poétique évoquant les ardeurs de l'été. Note: En fait, c'est surtout les auteurs modernes qui se sont trompés en interprétant mal ce qu'avaient dit les anciens. On ne peut toutefois pas rejeter la seconde hypothèse à laquelle les idées modernes sur l'évolution stellaire donnent curieusement quelque consistance. Peut-être est-il utile de retracer brièvement les grandes lignes de cette évolution. On sait que tant qu'une étoile est sur la Série Principale, elle tire son énergie de la transformation de l'hydrogène en hélium, soit par le cycle de Bethe, soit par le mécanisme de la fusion (réaction proton-proton). Quand la réserve d'hydrogène est épuisée, l'étoile se contracte, ce qui a pour effet d'élever sa température centrale en libérant des quantités énormes d'énergie. Elle se dilate alors et devient une géante rouge, très lumineuse en raison de l'augmentation de son diamètre, mais peu dense et relativement froide en surface, bien que sa température centrale puisse atteindre 100 millions de degrés. Ceci permet à de nouvelles réactions nucléaires de démarrer et de produire notamment du carbone, de l'oxygène et de l'azote par fusion des atomes d'hélium. Ces réactions n'ont pas la régularité de celles de l'hydrogène, elles s'emballent par instants et procèdent par saccades ou flashes qui «soufflent» périodiquement les couches superficielles : l'étoile est instable, elle est devenue une variable du type Mira. Un ultime flash achève de disperser la matière périphérique et laisse à nu le cœur de l'astre sous la forme d‘une petite étoile bleue, très chaude, entourée d‘une nébulosité en expansion, ce qu'on appelle, improprement, une « nébuleuse planétaire ». Nous ne savons pas exactement en combien de temps ce processus se déroule. mais, et c'est là le point essentiel, sa durée paraît très courte et n'excède pas quelques années, voire quelques semaines. La nébuleuse planétaire vit plus longtemps quelques dizaines de milliers d'années - mais elle finit par se diluer complètement dans l'espace, ne laissant sur place que l'étoile centrale, destinée tôt ou tard à devenir une naine blanche. Note: Puisque le compagnon, Sirius B, est effectivement une naine blanche, ce scénario implique que dans l'Antiquité, c'est surtout la géante rouge Sirius B, qui aurait été visible. Mais alors, elle aurait eu une magnitude de -4 à -8, donc elle aurait été plus brillante que Vénus, et visible en plein jour ce qu'aucun auteur n'a jamais signalé. (Paul Baize, Nouvelles de Sirius, L'Astronomie, avril 1987, p. 182 ) |
Dernière mise à jour: 04/10/2018
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