La fausse rougeur de Sirius Sirius est l'étoile la plus brillante du ciel. Aujourd'hui elle apparait blanche, et est en pratique la seule à scintiller en couleur, ce qui surprend parfois les témoins non prévenus. (Note: Comme cette page nécessitait 76 pages d'écran successives, sur un écran full HD, nous l'avons raccourci, en déplacant de nombreux paragraphes dans des sous-dossiers, accessibles par une icone. Vous aurez donc à cliquer ces icones, pour lire le dossier complet.) Le silence des égyptiens Les égyptiens accordaient une grande importance à Sirius, qu'ils appelaient Sothis. En effet l'économie de l'Égypte était basée sur l'agriculture, qui étaient régulée par la crue du Nil. C'est pourquoi les égyptiens utilisaient le calendrier "nilotique", dont l'année commençait avec la crue du Nil, qui était annoncée par le "lever héliaque" de Sirius. Ce "lever héliaque" n'était pas, comme on le voit souvent écrit, le lever de Sirius en même temps que le soleil ( aucune étoile n'est plus visible quand le soleil se lève ), mais la réapparition pendant quelques minutes de l'étoile Sirius dans le crépuscule du matin, avant qu'elle ne se perde dans la lumière du jour. Les vieilles tablettes babyloniennes
Il ne faut pas s'étonner que les constellations soient découpées différemment que celles que nous connaissons. En particulier, Sirius n'appartient pas à la constellation du Grand Chien, mais à celle de l'arc, dont il est la pointe de la flèche. Homère et Sirius On a prétendu voir Sirius briller comme le cuivre dans l'Iliade, d'Homère: Homer's epic The Iliad compares Achilles' copper shield to the star L'épique Iliade d'Homère compare le bouclier de cuivre d'Achille à l'étoile (Gary A. David,The Orion zone, 2006 ) In The Iliad, Homer referres to Sirius gleaming like Achilles' copper shield. Dans l'Iliade, Homère fait référence à Sirius brillant comme le bouclier de cuivre d'Achille. ( the-secret-is-sirius-black-sun-part-II ) Mais Homère ne fait référence à Sirius que dans deux passages, et encore indirectement. D'abord dans le chant V: δαῖ οἱ ἐκ κόρυθός τε καὶ ἀσπίδος ἀκάματον πῦρ ἀστέρ᾽ ὀπωρινῷ ἐναλίγκιον, ὅς τε μάλιστα λαμπρὸν παμφαίνῃσι λελουμένος ὠκεανοῖο· Elle fait briller son casque et son bouclier d'une flamme incessante, semblable à l'astre d'automne, le plus brillant de tous, après s'être baigné dans l'océan ensuite dans le chant XXII, où Homère décrit la mort d'Hector: τὸν δ᾽ ὁ γέρων Πρίαμος πρῶτος ἴδεν ὀφθαλμοῖσι παμφαίνονθ᾽ ὥς τ᾽ ἀστέρ᾽ ἐπεσσύμενον πεδίοιο, ὅς ῥά τ᾽ ὀπώρης εἶσιν, ἀρίζηλοι δέ οἱ αὐγαὶ φαίνονται πολλοῖσι μετ᾽ ἀστράσι νυκτὸς ἀμολγῶι, ὅν τε κύν᾽ Ὠρίωνος ἐπίκλησιν καλέουσι. λαμπρότατος μὲν ὅ γ᾽ ἐστί, κακὸν δέ τε σῆμα τέτυκται, καί τε φέρει πολλὸν πυρετὸν δειλοῖσι βροτοῖσιν· ὣς τοῦ χαλκὸς ἔλαμπε περὶ στήθεσσι θέοντος. Le vieux Priam l'aperçoit le premier, lancé dans la plaine, et brillant comme l'astre, qui, se levant en automne, étincelle entre tous les autres dans l'ombre de la nuit, et que les hommes appellent le Chien d'Orion; le plus éclatant et le plus malfaisant des astres, qui annonce une chaleur brûlante aux misérables mortels: ainsi brillait l'airain sur sa poitrine au milieu de sa course. On comprend bien que l'astre d'automne, c'est Sirius, et qu'Homère le prend comme étalon de comparaison pour quelle chose qui brille vivement, mais on ne peut vraiment pas en déduire que Sirius a la couleur du cuivre. vers 440 AC. Euripide parle de Sirius. Euripide aussi parle de Sirius, dans sa tragédie, Hécube, quand Polymestor se lamente après s'être fait crever les yeux. Ἀμπτάμενος οὐράνιον ὑψιπετὲς ἐς μέλαθρον, Ὠαρίων ἢ Σείριος ἔνθα πυρὸς φλογέας ἀφίησιν ὄσσων αὐγάς, Polymestor: M'élancerai-je au haut des cieux, où Orion ou Sirius lancent de leurs yeux des rayons enflammés? Note: On reconnait ici une métaphore poétique, d'où on serait bien en peine de tirer un renseignement d'ordre astronomique. (Euripide, Hécube ) vers 275 AC. Aratos décrit la constellation du grand chien. Aratos de Soles, poête grec du troisième siècle avant notre ère, est surtout connu pour son poême "les phénomènes", où, bien que n'étant pas versé en astronomie, il décrit les constellations du ciel nocturne. Son poême eut le plus grand succès après ceux d'Homère, et fut traduit plusieurs fois en latin. Voici le passage ou apparait l'étoile Sirius. Τοιος οι και φρουρος αειρομενω υπο νωτω Φαινεται αμφοτερισι κυων υπο ποσσι βεϐηκως , Ποικιλος , αλλ ου παντα πεφασμενος , αλλα κατ αυτην Γαςερα κυανεος περιτελλεται , η δε οι ακρη Αςερι βεϐληται δεινη γενυς , ος ρα μαλιςα Οξεα σειριαει και μιν καλεουσ ανθρωποι Σείριος Tel paraît aussi le Chien qui le garde, placé derrière son dos plus élevé. Il est fort varié, n'étant pas également éclatant sur tout son corps, car son ventre est sombre, mais l'extrémité de sa mâchoire remarquable à une étoile ardente que les hommes appellent Sirius. (Aratos de Soles, Les Phénomènes, traduction de l'abbé Halma ) Note: C'est la constellation du chien qui est variée, et non Sirius, et pourtant, on prétendra se baser sur Aratos pour lui faire dire que Sirius étéit rouge! vers 100 AC. Sima Qian décrit Sirius blanche, mais changeant de couleur
Dans un chapitre intitulé "les gouverneurs du ciel", il décrit, non seulement les constellations, mais aussi l'aspect des astres, et les pronostics annoncés par leur variation apparente de couleur. L'abondance des descriptions de la couleur de "la grande blanche" (Vénus) et des pronostics associés, nous fait bien comprendre que, dans le cas de Sirius, il ne s'agit pas non plus de changements réels de la couleur de l'étoile, qui autrement est décrite parfaitement blanche. Quoiqu'aient pu en dire les poètes européens de la même époque, en Chine, Sirius était vue bel et bien blanche. vers 60 AC. Cicéron traduit Aratos
Namque pedes subter rutilo cum lumine claret fervidus ille Canis, stellarum luce refulgens. Hunc tegit obscurus subter praecordia venter. En effet, sous ses pieds ce fameux chien flamboyant brille d'une lumière ardente, resplendissant de la lumière de ses étoiles. Sous sa poitrine son ventre obscur le couvre. (Ciceron, Ex Arato Phenomena ) Note: Ciceron ne parle pas de Sirius mais seulement du grand chien. "rutilo" peut aussi bien signifier "éclatant" que "rouge vif" et c'est pourquoi divers auteurs ont prétendu trouver Sirius rouge chez Cicéron. vers 40 AC. Cicéron décrit les présages qu'annoncent la canicule vers 30 AC. Géminos de Rhodes explique que Sirius annonce la canicule mais ne la provoque pas ire domum atque pelliculam curare iube; fi cognitor ipse, persta atque obdura: seu rubra Canicula findet infantis statuas, seu pingui tentus omaso Furius hibernas cana niue conspuet Alpis. En même temps, renvoie le chez lui, bien se soigner, et te voilà son mandataire, ni relache ni repos: que la rouge canicule fende les muettes statues, ou que la panse gonflée, Furius couvre les Alpes de la blanche neige de l'hiver. ( Horace, Satires, livre 2, satire 5: l'art de s'enrichir ) Note: C'est Tirésias qui explique à Ulysse, un moyen de s'enrichir. L'expression "infantis statuas" signifierait: "les statues de l'enfant", car statuas est un accusatif pluriel, et infantis un génitif singulier. Il faut donc plutôt lire "infantes statuas". Horace emploie ici une expression tombée dans l'oubli. Aujourd'hui nous dirions plutôt "été comme hiver", ou en exagérant comme Horace, "qu'il fasse une chaleur à crever, ou qu'il gèle à pierre fendre". En tous cas, "rubra" parait n'être qu'un épithète convenu pour "canicula", qui d'ailleurs, chez Horace, peut aussi bien signifier la constellation du grand chien que l'étoile Sirius. Et nous venons de voir avec Géminos que le lever héliaque de Sirius était suffisamment associé à la canicule pour en paraître la cause. Comme il s'agit d'une satire l'exagération poêtique est de mise, et il n'est pas étonnant qu'Horace dise "rouge" au lieu de "rougeatre". Furius est inconnu des dictionnaires, et même de la liste des vents donnée par Pline l'ancien. Il pourrait être un autre nom pour l'un des vents de secteur nord. Il est donc bien difficile de lire une description de la couleur de Sirius dans cette plaisante métaphore. 29 AC. Virgile fait briller Sirius pour rien.
Iam rapidus torrens sitientes Sirius Indos ardebat, caelo et medium sol igneus orbem hauserat; ... Déjà, brulant impétueusement les indiens assoiffés, Sirius étincelait au ciel et le soleil enflammé avait achevé la moitié de sa course,... ( Virgile, Georgiques, livre 4, 424-426, Aristée se saisit de Protée ) Note: L'allusion au soleil est là pour donner l'heure, mais celle à Sirius n'est ni utile, ni logique. Comment l'étoile Sirius peut elle briller au ciel s'il est environ midi? Mais là encore, on tentera d'utiliser Virgile pour lui faire dire que Sirius était rouge. vers 10 AC, Hyginus parle de blancheur éclatante Grammairien de l'époque d'Auguste, et chargé par lui de la bibliothèque Palatine, Caius Julius Hyginus est l'auteur d'une oeuvre assez disparate, qui le fait paraitre comme un simple compilateur, et non un véritable auteur. Son De astronomia, qui se voudrait une initiation à l'astronomie, est une compilation de sources grecques et latines, mélangeant les légendes aux connaissances de son temps. Voici ce qu'il dit de Sirius. Sed canis habet in lingua stellam unam, quae ipsa Canis appellatur, in capite autem alteram, quam Isis suo nomine statuisse existimatur et Sirion appellasse propter flammae candorem, quod eiusmodi sit, ut prae ceteris lucere videatur. Itaque quo magis eam cognoscerent, Sirion appellasse. Mais le Chien a sur la langue une étoile, qui s'appelle elle-même Chien, et sur sa tête un autre qu'Isis est censée avoir mis sous son propre nom, et l'avoir appelé Sirius à cause de la blancheur éclatante de sa flamme, en sorte qu'elle semble briller plus que le reste. Et ainsi, pour qu'on la reconnaissent mieux, elle l'appela Sirius. (Caius Julius Hyginus, de astronomia, II, 35 ) Note: Il y a ici une certaine confusion, car, sachant que Sirius est aussi appelée le chien, et qu'elle se trouve dans la gueule du grand chien, il nous faudrait ici admettre qu'il y a deux étoiles brillantes dans la tête du grand chien, dont l'une est appelée le chien, et l'autre Sirius. Ceci nous montre bien qu'Hyginus n'est pas un astronome, et qu'il n'a fait que recopier d'autres textes, sans bien les comprendre. Néanmoins, pour Hyginus, Sirius brille plus que les autres étoiles, d'une blancheur éclatante. vers 15, Marcus Manilius décrit Sirius bleu sombre. Marcus Manilius, poète latin et astrologue, écrivit un poème didactique ,dans les dernières années du règne d'Auguste. Ce fut "les astronomiques". Subsequitur rapido contenta canicula cursu, qua nullum terris violentius advenit astrum. Hanc qui surgentem, primo cum redditur ortu, montis ab excelso speculantur vertice Tauri, proventus frugum varios, et tempora discunt; quæque valetudo veniat, concordia quanta. Bella facit, pacemque refert, varieque revertens sic movet, ut vidit mundum, vultuque gubernat. Magna fides hoc posse, color cursusque micantis In radios : vix sole minor; nisi quod procul haerens Frigida caeruleo contorquet lumina vultu. Cetera vincuntur specie, nec clarius astrum Tinguitur oceano, coelumve revisit ab undis. Voici la traduction d'Alexandre Guy Pingré: La canicule (2) le suit, fournissant sa carrière avec une promptitude extrême: il n’est point de constellation dont la terre doive plus redouter la première apparition. Ceux qui observent son lever de la cime élevée du mont Taurus, en augurent l’abondance ou la disette des fruits de la terre, la température des saisons, les maladies qui régneront, les alliances qui devront se conclure. Elle est l’arbitre de la guerre et de la paix: variant les circonstances de sa première apparition, elle produit des effets relatifs aux aspects qu’elle prend alors, et nous gouverne par son seul regard. Qu'elle ait ce pouvoir , nous en avons pour garant sa couleur, sa vivacité , l’éclat de ses feux : presque égale au soleil, elle n’en diffère qu‘en ce qu'étant beaucoup plus éloignée , elle ne nous lance que des rayons azurés , dont la chaleur est fort affaiblie. Tous les autres astres pâlissent devant elle; de tous ceux qui se plongent dans l’océan et qui en ressortent pour éclairer le monde il n’en est aucun dont l'éclat soit comparable au sien. (2) Le grand chien, ou plutôt l'étoile de sa gueule, dite Sirius (Marcus Manilius, astronomica, livre I) Note: La traduction de Pingré est assez libre, car caeruleus signifie bleu sombre. Manilius nous dit donc que du fait de l'éloignement, la lumière de Sirius est froide et bleu sombre, ce qui parait encore une exagération poêtique. vers 15, Germanicus Caesar traduit assez librement Aratos Germanicus Caesar, fils de Drusus, le vainqueur des germains, et frère ainé de l'empereur Claude fut un général romain très populaire. Sa popularité lui fut d'ailleurs fatale, car elle faisait de l'ombre à l'empereur Tibère. Ami du poête Ovide, il traduisit le poême d'Aratos plus librement que Cicéron.
Tel aussi son gardien fidèle, le Chien vomit le feu par sa gueule redoutable, mais il est moins remarquable par le reste de son corps. Les Grecs le nomment Sirius. Aussitôt qu'il a touché les rayons du soleil, l'été s'allume, son lever opère deux effets différents dans les productions de la terre ; il fortifie celles qui sont vigoureuses, mais il tue les faibles rameaux greffés ou entés, et les plantes qui penchent languissamment la tête. Aucun astre ne réjouit ou n'attriste davantage, aucun n'est observé plus que lui, dès qu'il commence à paraître. (Les Phénomènes d'Aratus par Germanicus Caesar, traduction de l'abbé Halma ) Note: L'étoile Sirius étant situé dans la gueule du chien, il est clair que c'est elle qui vomit le feu. Mais derrière cette image poétique, on peut bien comprendre qu'elle est très brillante, étincelante, éclatante, mais pas forcément rouge. Et de toutes façons, il ne s'agit que de la traduction d'un poème. 62. Sénèque trouve la couleur de la canicule plus vive que celle de Mars.
Nec mirum est si terræ omnis generis et varia evaporatio est, cum in cælo quoque non unus appareat color rerum, sed acrior sit Caniculæ rubor , Martis remissior, Jovis nullus in lucem puram nitore perducto. Rien d'étonnant que l'évaporation de la terre est de de toutes sortes et variée, alors que dans le ciel aussi la couleur des choses n'apparait pas unique, mais que le rouge de la Canicule soit plus vif, celui de Mars plus pale, celui de Jupiter nul, amenant une pure lumière. ( Sénèque, Questions naturelles, livre 1, ch. 1 ) Note: la Canicule, c'est bien sûr Sirius, mais ce que nous allons lire chez Pline l'ancien montre que c'est en fait Sirius observé lors de son "lever héliaque" (c'est à dire la réapparition dans le crépuscule du matin), donc très bas sur l'horizon, et donc rougi comme l'est le soleil à son lever. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de penser que Sénèque affirme que Sirius est rouge: il ne l'est que dans son role de "canicule", annonciateur des chaleurs de l'été. vers 73. Pline l'ancien mentionne les effets de la Canicule mais pas sa couleur. Pline l'ancien, ou le naturaliste, est l'auteur de la plus monumentale encyclopédie de l'Antiquité classique, qui fut pendant des siècles une référence incontournable. Ce qu'on ne trouve pas chez lui a peu de chances de figurer dans une oeuvre antérieure.
XVI ... Chaque planète a pourtant sa couleur, blanche pour Saturne, claire pour Jupiter, ignée pour Mars, blanchissante pour l'étoile du matin, flamboyante pour l'étoile du soir, radieuse pour Mercure, XL. Nam caniculae exortu acendi solis uapores quis ignorat? cuius sideris effectus amplissimi in terra sentiuntur: feruent maria exoriente eo, fluctuant in cellis uina, mouentur stagna. XL. Quant à la Canicule, qui ignore que, se levant, elle allume l'ardeur du soleil? Les effets de cet astre sont les plus puissants sur la terre: les mers bouillonnent à son lever, les vins fermentent dans les celliers, les eaux stagnantes s'agitent. XLVII. ... ardentissimo autem aestatis tempore exoritur caniculae sidus sole primam partem leonis ingrediente, qui dies XV ante Augustas kalendas est. huius exortum diebus VIII ferme aquilones antecedunt, quos prodromos appellant. post biduum autem exortus iidem aquilones constantius perflant diebus XL quos etesias appellant. XLVII. ... C'est dans les plus grandes chaleurs de l'été que se lève la Canicule, au moment où le soleil entre dans le premier degré du lion : ce jour est le quinzième avant les calendes d'août (le 18 juillet). Le lever de cet astre est précédé, pendant environ huit jours, par des Aquilons (nord-est) qu'on appelle précurseurs. Deux jours après ce lever les mêmes vents, soufflant avec plus de constance, reçoivent le nom de vents Étésiens pendant les jours caniculaires; Note: le lever de la Canicule, c'est manifestement le "lever héliaque" de Sirius. Comme Pline l'explique, il a lieu à la fin du mois de Juillet, c'est à dire au début des chaleurs de l'été. Mais Pline ne dit rien de sa couleur. On peut penser que venant de parler de la couleur des Planètes, il eut mentionné que la couleur de la canicule est encore plus ignée que celle de Mars, si Sirius avait réellement été rouge. ( Caius Plinius Secundus, Historia Naturalis, Livre II ) Pline l'ancien mentionne l'influence de Procyon à propos de l'agriculture. LXVIII... XVI kal. Aug. Assyriae procyon exoritur, dein post triduum fere ubique confessum inter omnes sidus ingens, quod canis ortum uocamus, sole partem primam leonis ingresso. hoc fit post sox XXIII die. 270 sentiunt id maria et terrae, multae uero et ferae, ut suis locis diximus. neque est minor ei ueneratio quam discriptis in deos stellis, accenditque solem et magnam aestus obtinet causam. LXVIII... le 16 des calendes d'août (le 17 juillet), Procyon se lève pour l'Assyrie; et le lendemain presque pour tous les lieux, époque d'une signification reconnue de tous, à laquelle nous donnons le nom de lever du Chien, et qui coïncide avec l'entrée du soleil dans le premier degré du Lion. Ce lever a lieu vingt-trois jours après le solstice d'été; l'influence en est ressentie par les mers, par les terres, et même par beaucoup d'animaux, comme nous l'avons dit en son lieu. Cet astre n'est pas moins révéré que les étoiles comptées au rang des dieux ; il rend le soleil plus ardent, et il entre pour beaucoup dans les chaleurs de l'été. ( Caius Plinius Secundus, Historia Naturalis, Livre XVIII ) vers 150, Claudius Ptolemaeus dans la Μαθηματικη συταξις (l'Almageste) n'a jamais dit: rougeâtre.
Mais ceux qui répètent cette légende n'ont jamais lu l'Almageste dans le texte grec, et ne sont pas tombés dans le Bailly étant petit. Ptolémée attribue effectivement une couleur à Sirius, mais pas celle attendue: il qualifie Sirius de jaunatre (ὐπόκιῥῤος) Ce n'est pas tout, dans le Tetrabiblos, Ptolémée ne cite plus que trois étoiles colorées: Antarès, Arcturus, et Aldébaran, et n'attribue plus de couleur à Sirius. Pire, dans le livre I de ce même Tetrabiblos, la planète Mars est qualifiée de πυρὠδης, donc couleur de feu, mais dans le livre II, elle est aussi qualifiée d'ὐπόκιῥῤος, donc jaunâtre. Si on ajoute que, dans ses étoiles colorées, Ptolémée ne mentionne pas α Hydrae, de la même couleur qu'Arcturus, ni l'aspect bleuâtre de Rigel, on comprend qu'on peut oublier les couleurs citées par Ptolémée. Ainsi, Ptolémée n'a jamais parlé de la rougeur de Sirius, il l'aurait qualifié arbitrairement de jaunâtre, et même sous-jaunâtre ( ὐπό-κιῥῤος ), sans même qu'il s'agisse d'une couleur observée. Autant dire que l'histoire de Ptolémée qualifiant Sirus de rougeâtre n'est qu'une légende. vers 360, Avienus en rajoute dans ses Aratea phaenomena
Voici sa "traduction" des Phénomènes d'Aratos, ou plutôt sa paraphrase, assez "audacieuse" pour ne pas dire fantaisiste. Tremblez, bonne gens! vers 580. Grégoire de Tours mentionne le lever d'Arcturus.
On a du mal à identifier les étoiles mentionnées, mais l'une d'entre elles, qualifiée de rubeola est assez facilement identifiable, par ses heures de lever et de coucher. Cependant, ce n'est pas Sirius, mais Atcturus. vers 964, Al Sufi explique les différents noms de Sirius. Abd-al-Rahman Al-Sûfi, astronome et horloger persan, vécut à Ispahan à la cour de l'émir Adud ad-Daula, et traduisit des ouvrages grecs d'astronomie, dont l'Almageste de Ptolémée. Il fut le premier à tenter de faire correspondre les noms grecs et arabes traditionnels des étoiles et des constellations qui ne se superposaient pas. Voici ce qu'il dit de Sirius:Constellation al-kalb al-âkbar, le Grand Chien. La 1re de ses étoiles est la brillante et grande qui se trouve sur la bouche, que l'on marque sur l'astrolabe et que l'on nomme al-jamânija, du Yémen; elle est de la première grandeur.... Les Arabes nomment la brillante et grande qui se trouve sur la bouche, ab-schira al-abûr, Sirius qui a passé à travers, aussi al-schira al-jamânija, Sirius du Yémen. Elle s'appelle al-abûr, parce qu’elle a passé à travers la Voie lactée dans la région méridionale. Or, on dit que les deux Sirius al-schira-jan étaient soeurs de suhaïl et que suhaïl épousa al-djauzâ: mais lorsqu'il tomba sur elle, il lui brisa les vertèbres et le dos, c’est pourquoi, craignant d’être obligé de rendre compte de la vie d’al-djauzâ, il s'enfuit vers le sud, ne voulant pas se faire voir un milieu du ciel. C’est pourquoi al-abûr passa à travers la Voie lactée vers suhaïl. Elle est nommée al-jamânija, du Yémen, parce qu’elle se couche dans la direction du Yémen. On nomme al-abûr seule kalb al-djabbâr le Chien du Géant, parce qu'elle suit toujours al-djauzâ. Ils nomment la 9e qui précède al-jamânija mirzam al-abûr, ou al-schira. On dit que cette étoile s’appelle al-kalb, le Chien. Note: On serait bien en peine de trouver ici une allusion à la couleur de Sirius. On y voit plutôt des incursions de la mythologie arabe, qui n'a rien à envier ici à la mythologie grecque. (Abd-al-Rahman Al-Sûfi, Description des étoiles fixes, traduction H.C.F.C. Schjellerup, St.-Petersbourg, 1874 ) Arrivé ici, nous venons de voir tous les auteurs dont on a prétendu qu'ils avaient décrit Sirius rouge. Plusieurs textes la décrivent rouge ou rougeâtre, mais, soit il s'agit de poêmes, soit il s'agit d'observations de Sirius à son lever, quand sa lumière est effectivement rougi. Aucun astronome ne décrit Sirius rouge, ou rougeâtre quand elle est en plein ciel. Au contraire, certains la décrivent blanche. Le temps de la confiance aux anciens 1632 Libert Froidmont ne s'en laisse pas compter.
Il fut ainsi le premier à remarquer l'anomalie de la couleur rougeatre de Sirius, chez Sénèque: « As-tu jamais regardé Sirius, Sénèque? Je l’ai fait, et sa flamme est plus proche de l’argent ou de l’acier que du bronze». ( Commentarii in libros Quaestionum naturalium Senecae ) Note: Froidmont s'étonne de l'erreur de Sénèque, mais n'a manifestement pas compris que la canicule, ce n'est pas Sirius en tant qu'étoile, mais Sirius à son "lever héliaque", annonçant la période des chaleurs 1759 Thomas Barker lance la légende, en utilisant le sens figuré quand ça l'arrange
Et Barker de citer les poètes antiques que nous avons vu plus haut, et d'essayer de nous convaincre que le "rutilo" de Ciceron était bien à prendre au sens de rouge. Puis il passe à des auteurs savants, cite Sénèque, et nous assène Ptolémée. Mais comme Hyginus dit que Sirius est d'une blancheur éclatante, Barker, essaye de le contredire, en citant quatre auteurs qui disent le contraire, puis en faisant valoir que candor signifie brillant, et non blanc. Ainsi Thomas Barker accumule les sophismes: Il prend pour argent comptant des textes poétiques, utilise l'argument d'autorité, et prend au sens propre les mots évoquant le rouge et au sens figuré les mots évoquant le blanc. 1764. Lalande demande de meilleures preuves.
535. Le changement de couleur qu'on prétend être arrivé dans Syrius, paroît encore une chose bien singulière: Barker a remarqué ( Trans. Phil. 1760, p. 498. ) d'après les témoignages d'Aratus, de Sénéque, d'Horace, de Ptolémée, que cette étoile était autrefois très-rouge, quoiqu'elle soit aujourd'hui d'une blancheur décidée sans aucune teinte de rouge; cependant je n'oserois croire que les preuves soient suffisantes pour admettre un fait aussi extraordinaire. Note: Lalande semble ici d'accord qu'un fait extraordinaire demande des preuves extraordinaires. ( Lalande, Astronomie, 1764, tome I, p. 212 ) 1792. Lalande s'accomode d'une explication. 1804. Friedrich Theodor Schubert imagine des étoiles à deux faces
1839, John Herschel imagine un nuage cosmique absorbant
1842, Arago admet la rougeur mentionnée par Sénèque et Ptolémée
Dans celle consacrée à William Herschel, il nous parle du supposé changement de couleur de Sirius. 1843. Francis Baily justifie l'examen des textes anciens par la rougeur de Sirius Francis Baily, venu à l'astronomie en 1825, fut l'un des fondateurs de la Royal Astronomical Society et premier observateur des grains de Baily. Il fut plusieurs fois recompensé pour ses travaux touchant à l'aplatissement et à la masse de la Terre et s'intéressa aussi à la correction des éphémérides et des anciens catalogues.
Il est donc évident que nous avons même dans ce pays plusieurs sources d'informations originales, dont nous pourrions nous servir, pour rendre le catalogue de Ptolémée plus parfait qu'il ne l'est: et je regrette beaucoup que je n'ai pas le temps ou l'opportunité pour un examen personnel de ces documents, d'une manière que leur importance exige. Mais, de peur qu'il ne soit supposé que ce serait un travail inutile à l'heure actuelle, lorsque l'état des cieux est tellement mieux connu, je remarquerais que c'est sur ce compte rendu que des informations plus précises sont nécessaires; Puisque nous savons maintenant que de nombreux changements minutieux et progressifs se déroulent, qui n'ont pas été soupçonnés ou pensés autrefois, et qui ne sont perceptibles qu'après un certain nombre de siècles. Ainsi, Sirius est décrit dans tous les documents imprimés que j'ai vus, comme υποκιρρος, subruffa, rougeâtre, Alors qu'à l'heure actuelle, il est remarquable pour son absence de toute couleur. ( Francis Baily ,The catalogues of Ptolemy,..., Memoirs of the Royal Astronomical Society, vol.13, 1843, p. 8 ) 1844. William Henry Smyth expose la théorie de Barker Marin de formation, William Henry Smyth s'intéressa à l'astronomie après avoir rencontré l'astronome Piazzi à Palerme en 1817. Il fonda son propre observatoire en 1825, et se retira de la Royal-Navy en 1846, avec le grade de contre-amiral. Parmi ses publications, une des plus connues est A Cycle of Celestial Objects, de 1844.
M. Barker, de Lyndon, dans le cinquante et unième volume des Philosophical Transactions, a estimé que Sirius a changé de couleur, de rouge à blanc, au cours des temps; et cite Aratus, Ciceron, Virgile, Ovide, Sénèque, Horace et Ptolémée, comme preuve. Les anciens, cependant, utilisaient le nom des couleurs avec la plus grande latitude. Splendescere, purpurascere, signifiait briller vivement; ποικιλος d'Aratus exprime un objet scintillant; et le rubra Canicula d'Horace peut faire allusion à la chaleur. Les preuves de M. Barker pour le changement sont plus anecdotiques que factuelles; mais Sénèque admet que la rougeur de Sirius était si forte qu'elle dépassait celle de Mars; et Ptolémée dit qu'il était de la même couleur que Cor Scorpii (Antarès). Ces témoins, hommes de caractère et de confiance, sont directement opposés à Hyginus, qui affirme que l'étoile était blanche, flammoe candorum. Barker franchit ceci, en considérant que candor peut être utilisée pour la luminosité, sans égard à la couleur; et il aurait pu en appeler à Eratosthène, un témoin de haute crédibilité, pour prouver que Sirius a d'abord signifié brillant, scintillant, étincelant, et fut ensuite donné exclusivement comme le nom de la plus brillante des étoiles fixes. En tout cas, une telle variation serait plus remarquable, puisque les autres étoiles principales n'ont pas changé de couleur. Ptolémée appelle Arcturus, Aldebaran, Pollux, Betelgeuse et Antares, υποκιρρος , ou rougeâtres, comme elles le sont actuellement. Note: Smyth, qui écrit ici en vulgarisateur, ne vérifie pas le sens de υποκιρρος. ( William Henry Smyth ,Cycle of Celestial Objects, London, 1844, vol. 2, p. 160 ) 1850. Alexander von Humboldt admet la rougeur sans vérifier. Naturaliste, géographe et explorateur allemand, Alexandre de Humbold avait d'abord commencé comme ingénieur des mines, avant de s'orienter vers les sciences naturelles, et la géographie qu'il érigera en science moderne. Combinant les lumières du siècle précédent à la rigueur scientifique du 19e siècle, Humboldt correspondra avec beaucoup de savants et fera la synthèse de ses conférences dans son oeuvre majeure Kosmos – Entwurf einer physischen Weltbeschreibung ( le Cosmos - Essai d'une description physique du Monde ) où il parle aussi d'astronomie.
Von des 6 oben aufgezählten Sternen haben 5 noch zu unserer Zeit ein rothes oder röthliches Licht. Pollur wird noch als rötlich, aber Castor als grünlich aufgeführt. Sirius gewährt demnach das einzige Beispiel einer historisch erwiesenen Veränderung der Farbe, denn er hat gegenwärtig ein vollkommen weißes Licht. Ptolémée cite, dans son catalogue, 6 étoiles υποκιρρος , rouge-feu, à savoir: Arcturus, Aldébaran, Pollux, Antarès, α d’Orion (l'épaule droite), et Sirius. Cléomède compare même la couleur rouge d’Antarès à celle de Mars, auquel on donnait tantôt l’épithète de πυρρος , tantôt celle de πυροειδης . Des 6 étoiles que nous venons de citer, 5 ont encore aujourd'hui une lumière rouge ou du moins rougeâtre. On range encore Pollux au nombre des étoiles rougeâtres, mais Castor est vert-pâle. Sirius offre donc l’unique exemple d'un changement de couleur constaté historiquement, car la lumière de Sirius est aujourd'hui d’une blancheur parfaite. Note: Pas plus que les autres, Humboldt n'a pensé à vérifier le sens de υποκιρρος , qui se traduirait en allemand par untergelblich. ( A.v.Humboldt, kosmos, 1851, tome III, p. 169 ) 1854, Hervé Faye mentionne Sirius comme la seule étoile ayant changé de couleur.
Étoiles variables - En fait de couleur, il n'y a guère que Sirius qui paraisse avoir varié. Il est aujourd'hui et depuis bien des siècles d'une blancheur parfaite; autrefois il était rougeatre, car les anciens lui donnaient souvent l'épithète de rubra (rubra canicula), et Ptolémée le compte, dans son Catalogue, au nombre des étoiles qu'il nomme υποκιρρος . Note: Il n'y a guère qu'Horace pour employer le mot "rubra", et encore s'agit il d'une satire. Quant à la "canicula", c'est bien Sirius, mais seulement à son lever héliaque, quand elle elle est rougie par l'épaisseur de l'atmosphère. ( Hervé Faye, Leçons de cosmographie, 1854, p. 391 ) 1854, Arago admet le possible changement de couleur de Sirius. Les anciens n'ont parlé que d'étoiles blanches et rouges. Ils mettaient dans cette dernière classe Arcturus, Aldébaran, Pollux, Antarès et α d'Orion qui sont rougeâtres encore. A leur liste, et cette circonstance est digne de remarque, ils ajoutaient Sirius, dont la blancheur frappe tous les yeux. Il semblerait donc qu'avec le temps certaines étoiles changent de couleur. ( François Arago, Astronomie populaire, tome 1, 1854, p. 459 ) 1859, le révérend Thomas William Webb admet aussi le changement
CANIS MAJOR
α (Sirius) is the leader of the host of heaven: a glorious object, in all likelihood either far greater or more splendid than our Sun. Its colour has probably changed. Seneca called it redder than Mars; Ptolemy classed it with the ruddy Antares ( α ). I now see it of an intense white, with a sapphire tinge, and an occasional flash of red.α (Sirius) est le chef des hôtes du ciel: un objet glorieux, vraisemblablement bien plus grand ou plus splendide que notre Soleil. Sa couleur a probablement changé. Sénèque l'appela plus rouge que Mars; Ptolémée l'a classé avec la rougeâtre Antares ( α Scorpion ). Je le vois maintenant d'un blanc intense, avec une teinte de saphir, et un éclair occasionnel de rouge. Note: Mais Sénèque parlait de l'étoile de la canicule, et Ptolémée décrivait Antarès blanc-jaunatre. ( T.W.Webb, Celestial Objects for common telescopes, London 1859, p. 178 ) 1865. Amédée Guillemin confirme la rumeur de Sirius rouge
Il paraît certain qu'à la longue certaines étoiles changent de couleur. Sirius est le premier exemple constaté de cette modification. Les écrits des anciens le représentent comme une étoile rouge, tandis qu'aujourd'hui ce soleil se distingue par son éclatante blancheur. Note: Avec ce "les écrits des anciens" Guillemin fait l'étalage d'une rumeur plutôt que de la vulgarisation, et ces "anciens" qu'il ne cite pas ont tout au plus parlé d'une étoile rougeatre, et non vraiment rouge. ( Amédée Guillemin, Le Ciel, 1865, p. 438 ) Le temps du doute Arrivé ici nous venons de voir des vulgarisateurs, des savants, des astronomes, tant professionnels qu'amateurs, qui ont tous accepté que Sirius ait été jadis rouge, soit parce qu'ils y voyaient une explication, soit d'après l'autorité de Sénèque et de Ptolémée. 1874. Schjellerup réfute la légende dans sa traduction d'Al Sûfi.
1877. La Royal Astronomical Society discute d'un catalogue d'étoiles rouges et du cas de Sirius 1882. Camille Flammarion suppose une transposition de la métaphore d'Horace.
Cependant, dans Les étoiles et les curiosités du ciel, il réfute la rougeur de l'étoile Sirius, mais pour de mauvaises raisons. 1887, William Thynne Lynn confirme Schjellerup et passe à coté de la solution.
Bon vulgarisateur, il fit de nombreuses mises au point, concernant souvent l'histoire de l'astronomie. Ici, il se penche sur le problème de l'antique rougeur alléguée de Sirius. 1890, Chambers ne se mouille pas trop
Ptolemy and Seneca expressly declare that in their time Sirius was of a reddish hue, whereas now, as is well known, it is of a brillaint white. Ptolémée et Sénèque déclarent expressément que, de leur temps, Sirius était d'une teinte rougeâtre, alors que maintenant, comme on le sait, elle est d'un blanc brillant. Note: Ptolémée déclare que Sirius est un peu jaunâtre, et Sénèque que l'étoile de la canicule est plus rouge que Mars. ( Chambers, Astronomy, tome III, The starry heavens, 1890, p. 39 ) 1890. Agnes M. Clerke se méfie.
En 1890, elle publie "the system of the stars", ou elle ne peut manquer de parler de Sirius, et du problème de son antique rougeur. 1892. Thomas J. J. See veut prouver envers et contre tous l'antique rougeur de Sirius. 1896 Shiaparelli montre l'absence de preuves de la rougeur de Sirius.
En 1896, il rédige sur la couleur de Sirius un mémoire intitulé "Rubra Canicula". Il commence par citer l'opinion de plusieurs savants avant d'attaquer le sujet et de consacrer de nombreuses pages à démystifier l'interprétation des textes de Ptolémée, d'Horace, et de Sénèque, pui évoque d'autres auteurs qui évoquent la couleur blanche ou la couleur bleue. L'année suivante, Il montre que rien dans Homère ou Géminos de Rhodes ne permet de conclure à la rougeur de Sirius, et que les égyptiens ne disent rien de l'aspect de leur Sothis. 1897. M. Souleyre imagine le passage d'un compagnon rouge. Etoiles - M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL présente une intéressante discussion de M. Souleyre, Ingénieur des Ponts et Chaussées, à Constantine, sur la question de savoir si Sirius, a changé de couleur depuis Erastosthènes, Cicéron et Sénèque, qui le signalent comme rouge et si l'on peut voir des planètes autour de ce soleil. L'auteur pense que les changements de coloration qui ressortent des témoignages de l'Antiquité, peuvent s'expliquer par le passage d'un compagnon rouge, comme cela a été démontré pour Algol. (Bulletin de la Société Astronomique de France, novembre 1897, p. 428 ) 1900. Le Nouveau Larousse Illustré atteste la variation de couleur de Sirius. 1902 Polémique dans The Observatory
Il est dommage de constater qu'après avoir frolé la solution, en évoquant le rougissement atmosphérique, W. T.Lynn s'en éloigne, en déplaçant le problème vers une autre étoile, ce qui ne résout absolument rien, comme un contradicteur ne se génera pas pour lui faire remarquer. 1906. G-V. Callegari étudie la chute d'astres sur Sirius. 1911. L'Encyclopaedia Britannica a deux éditions de retard.
A possible change of colour in the case of Sirius is noteworthy. In modern times Sirius has always been a typical white or bluish-white star, but a number of classical writers refer to it as red or fiery. There is perhaps room for doubt as to the precise significance of the words used; but the fact that Ptolemy classes Sirius with Antares, Aldebaran. Arcturus, Betelgeux and Procyon as " fiery red " (ὐπόκιῥῤος) as compared with all the other bright stars which are " yellow " (ξανθός) seems almost conclusive that Sirius was then a redstar. Un possible changement de couleur dans le cas de Sirius est remarquable. Dans les temps modernes, Sirius a toujours été une typique étoile blanche ou bleuâtre, mais un certain nombre d'écrivains classiques le désignent comme rouge ou ardent. Il y a peut être de la place pour le doute quant à la signification précise des mots utilisés; Mais le fait que Ptolémée classe Sirius avec Antares, Aldebaran. Arcturus, Betelgeuse et Procyon comme " rouge feu " (hypokirros) par rapport à toutes les autres étoiles lumineuses qui sont " jaunes " (xanthos) semble presque concluant que Sirius était alors une étoile rouge. Note: Et un bonnet d'âne pour Sir Arthur Eddington, auteur de l'article. - Ce n'était pas Procyon, mais Pollux. - hypokirros ne signifie pas rouge feu, mais un peu jaunâtre. - Ptolémée ne qualifiait pas les autres étoiles de jaunes. Ce n'était qu'une couleur conventionnelle pour son globe céleste. Et dire que Sirius était autrefois rouge était encore admissible dans la 9e édition de 1875, mais plus dans la 11e de 1911. ( Encyclopaedia Britannica, tome XXV, 1911, p. 788, article "Star" ) 1925. Félix Boquet ne croit pas trop aux anciens. 1927. Le dernier combat de Thomas J. J. See.
See commence par faire un historique de ses recherches, puis balance une savante salade, où il mêle astronomes, philosophes, poètes et même coutumes anciennes. Il donne une haute autorité aux sources qui lui donnent raison, minimise celles qui le gènent, cite des anciens textes sans en donner la traduction (et sans les avoir bien compris), et finalement prétend avoir trouvé vingt auteurs qualifiant Sirius de rouge (ce qui est faux), ce qui donne une "immense probabilité" au fait que Sirius ait été rouge. Mais tous ses sophismes sont réfutables, et See n'a rien prouvé (ni rien compris). Le retour de la rumeur 1959. Zdenek Kopal ressucite la discussion sur Sirius rouge.
Il étudie donc l'hypothèse du compagnon de Sirius en tant que géante rouge, mais reste prudent quant au temps du passage de géante rouge à naine blanche. 1961. Hugh M. Johnson n'a pas lu la source qu'il cite.
1968. Dietmar Lauterborn fait confiance à See mais abandonne. 1974. Des mesures photoélectriques ressucitent la rougeur.
Malheureusement, l'année suivante, son collègue Irving. W. Lindenblad montra l'incohérence de ses résultats, et remis l'hypothèse de la rougeur au placard. 1981. Science & Vie hors-série s'interroge. 1984. Sirius la rouge s'invite dans Nature. 1985. Schlosser et Bergmann invoquent Grégoire de Tours pour prouver l'ancienne rougeur de Sirius.
1986. Heck et Manfroid laissent planer le doute avant d'abattre la rumeur.
Dans un article paru dans Le Ciel, ils résument les anciens textes, et mentionne l'étude, alors récente, de Schlosser et Bergmann sur la "rubeola" de Grégoire de Tours, sans la réfuter et laissent donc planer le doute. Mais à la fin, ils abattent leur carte maitresse: une étude, non moins récente sur les vieux textes chinois de la dynastie Han, montre sans ambiguité que Sirius était bel et bien blanche dans l'antiquité. 1987. Ciel et Espace nous fait rêver.
( Ciel et Espace, n° 215, janvier 1987, p. 30 ) 1987. McCluskey et Van Gent montrent que Grégoire de Tours parlait d'Arcturus.
D'abord par Stephen C. McCluskey qui démontre, après examen des manuscrits et des éditions imprimées, et de l'étude de J. F. Galle, que l'étoile "rubeola", dont parle Grégoire de Tours, est en réalité, Arcturus, et non Sirius, qui elle, appartient au groupe d'étoiles nommé "Quinio". Puis R. H. Van Gent, démontre à l'aide de graphiques de visibilité de Sirius et Arcturus, que "Rubeola" est bien Arcturus, et que les heures utilisées par Grégoire de Tours sont bien des heures d'égale durée, et non des heures "saisonnières", de durée différentes le jour et la nuit. 1987. Schlosser et Bergmann persistent et signent.
Nous allons voir que c'est parfaitement faux, ce qui rend leur obstination suspecte de mauvaise foi. 1987. Paul Baize fait le point.
1990. Jean-Marc Bonnet-Bidaud et Cécile Gry découvrent la description de Sima Quian.
Leur premier article "Sirius and the colour enigma", parut dans la prestigieuse revue "Nature" du 18 octobre 1990. Cet article est introuvable en ligne, mais heureusement un article similaire et accessible, par les mêmes auteurs, est paru dans Astronomy & Astrophysics l'année suivante, et un troisième, en français, en 1992 Nous allons voir que nos auteurs n'ont rien compris au texte de Sima-Qian. 1993. JIANG Xiao-yuan remet les choses à leur place.
[6] Gry, C. et Bonnet-Bidaud, J.M., Nature, 347 (1990) 625, est un tel cas. Sur la base de la déclaration dans SJ que [si les] cornes [de l'étoile] loup [grandissent et] changent de couleur, [alors il y aura] beaucoup de banditisme [et de] voleurs, les auteurs ont soutenu que Sirius était à l'époque en cours de changement de couleur. C'est une incompréhension totale du sens réel du texte. Note: SJ = Shiji, c'est à dire le livre de Sima-Qian que nous avons vu plus haut, et dont nous avons vu qu'il n'avait jamais dit que Sirius avait changé de couleur. On peut penser qu'à voir sa photo, son nom, et la revue où il publie, JIANG Xiao-yuan connait sûrement mieux le chinois que nos auteurs (CHINESE ASTRONOMY AND ASTROPHYSICS, 1993, 17, 2, 223-228 ) 1995. Science Illustrée ressort le nuage d'Herschel. 1995. Roger Charles Ceragioli expose le dossier de A à Z.
Il descend ensuite en flammes T. J. J. See, ses pompes et ses oeuvres, présente le gros travail de Shiaparelli, en regrettant qu'il soit moins connu que celui de See, et constate qu'au siècle suivant, Shiaparelli va faire des émules, et l'explication atmosphérique de la rougeur faire son chemin. Il mentionne le réveil de T.J.J.See, suivie d'une génération de silence, puis la réapparition du problème, et l'occurence de nombreux articles basés sur See, bien que dans les années 80, l'étude de la littérature chinoise de l'antiquité ait montré que les chinois associaient bien Sirius au blanc. Ceragioli conclut que le débat est tombé dans le discrédit d'une vulgarisation négligente. Là, nous somme bien d'accord! 2006. Ciel & Espace ressucite la rougeur de Sirius.
Hé bien non! L'autorité de Jean-Marc Bonnet-Bidaud et Cécile Gry a suffi pour faire oublier, ou ne pas chercher, l'article de Ceragioli, qui a eu le tort d'écrire un article trop long et trop savant, dans une revue trop spécialisée. Que n'a-t-il écrit dans Nature! Philippe Hénarejos va donc ressuciter la rougeur de Sirius, et même faire sortir de leur tombe les arguments de T.J.J See, avec les honneurs de la couverture, en plus! Il semble avoir oublié que sa revue disait le contraire 19 ans plus tôt. 2008. Le Ciel raille la reprise de la rumeur. Sirius vaut la peine d’une anecdote impliquant la Société Astronomique de Liège. L’actuel Rédacteur de cette revue et un ancien Président de la SAL avaient publié en ces pages1 un article établissant, à partir de chroniques chinoises alors récemment exploitées, la stabilité de la couleur de Sirius à l’échelle historique (contrairement à de prétendues variations avancées par certains). Cet article fut jugé si intéressant qu’il fit reproduit un peu plus tard dans la revue française Ciel et Espace2 Bien des années plus tard cependant, des chercheurs parisiens - peu, disons, attentifs à ce qui était déjà paru sur la question redécouvrirent ces chroniques chinoises et en firent leurs choux gras personnels dans la très sérieuse revue anglaise Nature3 ! Une histoire fumeuse. 1 « L’énigme de Sirius », par Jean Manfroid & André Heck, Le Ciel 48 (1986), pp. 310-313. 2 Ciel et Espace, janvier-février 1987, pp. 30-33. 3 Nature 347 (1990), p. 625. (Le Ciel, janvier 2008, p. 25 ) 2011. Quatre savants grecs décortiquent les anciens textes.
Deux savants grecs, évidemment! Alors, avec quatre savants grecs, vous pensez bien que les vieux textes grecs à propos de Sirius ne devraient plus montrer aucun mystère. Nous promenant dans la mythologie grecque, à travers des auteurs classiques, et des auteurs bien moins connus, ils nous montrent Sirius associé à différents mythes. Passant aux auteurs latins, ils confirment que pour eux Sirius est l'étoile du chien, et que sa réapparition était associée à la période des chaleurs. Puis ils prétendent, que la plupart des auteurs anciens, dont Aratos, mentionnent la couleur de l'étoile comme rouge, ce qui est faux. Heureusement, nos auteurs se rachètent, en présentant les explications possibles: Une géante rouge, l'absorption par un nuage interstellaire, et le rougissement atmosphérique. Et c'est la troisième qu'ils jugent la plus probable. Ouf! Analyse: Aujourd'hui, du grand public (quand il veut bien y jeter un coup d'oeil), aux astronomes (qui la classe comme une étoile de Type A, donc blanche), tout le monde est bien d'accord que l'étoile Sirius n'est pas rouge. Tout au plus la voit on scintiller en couleurs quand elle n'est pas trop haute sur l'horizon. C'est qu'alors la turbulence de l'atmosphère selon le rayon visuel, et donc la scintillation, est plus importante.
En conséquence, observée au télescope, Vénus est affublée d'un liseré bleu vers le haut, et d'un liseré rouge vers le bas. C'est ce qu'on appelle le "chromatisme atmosphérique". Quant à Sirius, sa blancheur lui fait contenir toutes les couleurs du spectre, et la turbulence, en déplaçant aléatoirement les surfaces d'onde, fait apparaitre tantôt le rouge, tantôt le vert, tantôt le bleu, comme on peut le voir sur l'image ci-contre. Pour ce qui est des anciennes mentions de la couleur de Sirius, il faut distinguer les textes poêtiques, et les affirmations des savants. Si nous faisons confiance aux textes poêtiques (et à rien d'autre), nous pouvons bien croire avec Horace, que Sirius était rouge, ou à l'inverse, avec Manilius, qu'elle était bleue, mais nous devons aussi croire aux dieux de l'Olympe, au devin Tirésias, ou au fait qu'on entende les crissements stridents de Sirius à son lever. Les affirmations des savants, elles, sont censées basées sur des observations. Et nous en avons deux types:
De vieilles tablettes babyloniennes mentionne sa rougeur à son lever: [If Venus (at her appearance)] flickers with fire: weakness of cattle, fright of cattle. [Si Vénus (à son apparition)] scintille comme le feu : faiblesse du bétail, peur du bétail. ( Erica Reiner and David E. Pingree, Babylonian Planetary Omens, vol. III (Groningen: STYX Publications, 1998), page 41, traduction de la tablette VAT 10218) ) C'est le même type de pronostic que mentionnait Sima Qian. On comprend donc que le même phénomène intervient aussi pour Sirius à son retour crépusculaire, alias "lever héliaque", et que ce qui aurait été bizarre est que l'astre de la canicule soit décrit blanc et non rougeâtre. En outre, il y a les erreurs de traduction, et malheureusement beaucoup d'auteurs font confiance à des traductions du 19e siècle, qui ne valent souvent pas tripette. Qu'on y ajoute les mentions faites de mémoire, et on se retrouve avec un Aviénus qui dit que Sirius lance des rayons azurés, alors qu'il dit seulement que le ventre du chien est obscur. Finalement, en ne se fiant qu'aux traductions les plus exactes, des auteurs mentionnant des observations, et nons des légendes convenues, il est clair que Sirius a toujours été ce qu'elle parait aujourd'hui: blanche, rougeâtre à l'horizon, et scintillant en couleurs par forte turbulence. Tout ce qu'on a pu écrire depuis Thomas Barker pour prétendre que Sirius était autrefois rouge, n'est au mieux que rêveries d'auteurs insuffisamment documentés. D'abord les explications physiques de la rougeur de Sirius, qui ont pourtant emporté l'adhésion de certains savants ne tiennent pas debout: Ensuite il est curieux qu'on ait attendu la fin du 19e siècle pour découvrir que la réapparition de Sirius dans le crépuscule du matin, comme étoile de la canicule, se faisait au ras de l'horizon, Sirius étant alors rougie. Et enfin, il est lamentable de voir qu'il ait fallu attendre 1995, pour que quelqu'un se soucie enfin du sens exact du mot grec ὐπόκιῥῤος, et que jusque là, tout le monde ait fait confiance aux auteurs précédents pour dire que ce mot signifiait "rougeatre" ou "reddish", et même parfois "rouge" ou "red". Ainsi, le seul élément objectif de ce dossier est d'ordre socio-psychologique: C'est l'historique de la construction, de la disparition et de la réapparition de cette rêverie. Cet historique a d'ailleurs fait l'objet de plusieurs articles, comme celui de R. C. Ceragioli, qui semble malheureusement n'avoir eu que peu d'écho en France, où les revues de vulgarisation lui préfère l'interprétation de J.-M. Bonnet-Bidaud. Fais nous rêver, Sirius la rousse... D'abord Sirius a fait réver les poètes. On la voyait blanche, mais on la disait rouge ou on la disait bleue. L'important était de respecter la mythologie en cours et d'évoquer des images puissantes. Et puis, elle paraissait maléfique au bon peuple, provoquant les chaleurs de l'été, avec toutes leurs conséquences. Pourtant, elle aurait du bien plutôt provoquer les froidures, tronant majestueusement dans le ciel du soir au début de l'hiver. Mais ceci est un raisonnement, consécutif à une observation et n'a pas le même poids que la rumeur publique. Mais ensuite, et c'est plus étonnant, elle a fait réver les savants, ou ceux qui se croyaient tels. Il y a les génies méconnus, incompris, atteints du "syndrome de Galilée", sûrs d'avoir raison contre tous les autres. C'est le cas de T. J. J. See. Il y a les "cranks", en général. incapable de maitriser l'ensemble d'un dossier, ils "flashent" sur un élément spectaculaire, quelque soit sa probabilité, et refusent ensuite de changer d'avis, quelques preuves qu'on puisse leur apporter. vous pouvez vous amuser à chercher qui correspond à ce profil dans ce dossier. Elle a aussi fait réver les journalistes. Eux, ne pouvant juger sur pièces, doivent faire confiance à ceux qui sont censés savoir. Qui donc nous restituera le ciel d'antan? (G.M. Science & Vie 896, p. 83) |
Dernière mise à jour: 03/07/2022
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