2006. Ciel & Espace ressucite la rougeur de Sirius.

L'AFFAIRE SIRIUS
Les anciens la voyaient rouge.
Aujourd'hui, elle est blanche. En 2000 ans. la couleur de l'étoile la plus brillante du ciel a changé.
Pour tenter de résoudre cette énigme tenace. les astrophysiciens continuent d'observer Sirius. Les dernières images de l'astre, obtenues au Chili et avec Hubble, indiquent que la solution sera sans doute plus exotique que prévu.

Philippe Hénarejos


Ciel et Espace n° 430
LA cause est désormais presque entendue: Sirius, l'étoile la plus brillante du ciel nocturne, n’a pas de deuxiéme compagnon stellaire. Dans un article à paraitre dans Astronomy & Astrophysics, Jean-Marc Bonnet-Bidaud, astrophysicien au CEA (et conseiller scientifique de Ciel & Espace), fait état des recherches qu'il a menées autour de l'astre phare des nuits d'hiver, notamment grâce au telescope de 3,6 m de l'ESO (au Chili). Les clichés à haute résolution, pris dans l'infrarouge au moyen d‘une optique adaptative, sont sans appel : il n‘y a pas de naine rouge, de naine brune ou de planète géante dans le voisinage de Sirius. L'une des images, obtenue en 2001. montre bel et bien Sirius B, une naine blanche de la masse du Soleil, découverte en 1862, mais rien d'autre. ”Nous n'avons pas vu d'astre assez massif pour justifier un changement de couleur de Sirius voici 2000 ans”, conclut Jean-Marc Bonnet-Bidaud.
Là se situe le noeud du problème. Depuis plus de deux siècles, des astronomes aussi éminents que John Herschel, Francois Arago ou Alexander von Humboldt tentent de comprendre ce qui a pu se produire sur Sirius aux temps anciens.
Note: En fait, seul Herschel a tenté une explication, les deux autres n'ont fait que constater.
En effet, les rapports de plusieurs observateurs ou poètes grecs et romains de l'Antiquité comme Ptolémée, Sénéque, Pline, Aratus, Cicéron ou encore Homère concordent tous sur un point : à leur époque, Sirius brillait d’un bel éclat rouge. Exactement comme Bételgeuse ou Antarès.
Note: Nous avons vu que c'est totalement faux.
Or, aujourd'hui, cette étoile de 2,14 masses solaires, située à seulement 8.61 années-lumiére dans la constellation du Grand Chien, scintille d'un blanc légérement teinté de bleu. Que s'est-il passé entre-temps?
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Entre 1985 et 1995, Jean-Marc Bonnet-Bidaud a donc exploré les environs de l’astre, notamment au moyen du télescope de 2 m du Pic du Midi. ”Nous avions calculé que le possible compagnon, quelle que soit l'orientation de son orbite, ne devait pas se trouver a plus de 1 minute d'arc de Sirius, rappelle l'astrophysicien. Grace à nos images, nous avons pour la première fois découvert les étoiles situées trés loin en arrière-plan. En particulier, l'une d'elles semble correspondre à l'astre remarqué par quelques observateurs vers 1925, qui avait été pris pour un deuxiéme compagnon de Sirius. Mais nous n’avons identifié aucun astre autour de Sirius.
Toutefois, sur les images de l'époque. le halo lumineux de l'étoile principale du Grand Chien s'étalait terriblement. Et les chances que C soit proche de la ligne de visée, autrement dit noyé dans ce halo, restaient importantes. Il fallait en avoir le coeur net. D'où la nouvelle campagne d'observations menée en 2000 et 2001 avec le télescope de 3,6 m de l'ESO. Et aujourd'hui, le verdict tombe : "Avec nos observations dons l'infrarouge, la piste du deuxiéme compagnon, jusqu'ici la plus sérieuse, subit un revers, admet Jean-Marc Bonnet-Bidaud. En effet, grâce à la résolution des nouvelles images, les chances pour que cet astre hypothétique se trouve pile dons la ligne de visée, masqué dans l'éclat de Sirius, sont infimes.” Au point que continuer à y croire ressemblerait à de l'acharnement. Bref, le mystére du rougissement de Sirius s'épaissit.
Note: Jean-Marc Bonnet-Bidaud a magistralement achevé l'hypothèse de Sirius C, évoquée par Flammarion, puis mise en doute. Mais nous avons vu qu'il n'y a aucun mystère au rougissement de Sirius.
Défendue en 1760 par Thomas Baker, un scientifique anglais méconnu, la fiabilité des écrits antiques sera admise pendant plus d'un siècle. John Herschel, convaincu que Sirius était bien rouge 1600 ans plus tôt, s'aventure même à une première tentative d'explication en invoquant le passage d‘un nuage interstellaire devant l'étoile.
Thomas Barker était plus un érudit qu'un scientifique. Et nous avons vu qu'avant Herschel, Bailly et Schubert avaient déjà donné des explications.
De -150 à 980, tous les témoignages concordent: Sirius était rouge
affirmation tellement fausse qu'elle ressemble à un mensonge de propagande.
En 1874, l'astronome danois Schjellerup affirme que les écrits d'Aratus, ainsi que ceux de Ptolémée dans l'Almageste, ont été mal traduits et qu'aucun d'eux n'indique clairement la couleur rouge de Sirius. Dans le même état d'esprit. W.T. Lynn. en 1882, révèle que Sénèque ne fait référence à l'éclat rouge de Sirius que lorsqu'elle est basse sur l'horizon, dans une zone du ciel où l'absorption de lumière due à l‘atmosphère induit effectivement un rougissement.
L'affaire aurait pu être réglée simplement de cette manière : les Anciens, imprécis ou mal interprétés. n'ont pas pu voir Sirius rouge. Mais c'était sans compter sur le travail d’un astronome américain mal aimé de ses pairs en raison de son caractère impossible, Thomas See. Dans un article publié en 1926, See analyse méticuleusement les textes antiques et démontre qu'en dépit de quelques incertitudes sur les termes employés dans les différentes copies de manuscrits anciens, la majorité des auteurs associent Sirius au feu, ce qui n’aurait aucun sens si celle-ci apparaissait blanche. Malgré de sérieuses oppositions. la plupart des conclusions de See s'imposent comme valables.
Note: les arguments contre la rougeur permanente de Sirius étant exacts, ceux de See ne sont que ceux d'un trublion qui veut avoir raison contre tout le monde. See veut ignorer que le feu était le seul moyen connu des anciens de produire de la lumière, et tout ce qu'il a prouvé, c'est que les anciens trouvaient Sirius flamboyant.
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Pour couronner le tout, entre 1987 et 1991, un certain nombre de chercheurs ont épluché les écrits des astronomes chinois antiques. ”Les Chinois, capables de prédire les éclipses et de noter la position des comètes avec une précision de moins de 1° dans leurs traités d'astronomie, indiquent aussi, vers -150. que Sirius a changé de couleur”, confirme Jean-Marc Bonnet-Bidaud

Note: Nous avons vu, avec JIANG Xiao-yuan, que c'est une incompréhension totale du sens réel du texte. Cela couronne le tout, en effet.
Si Philippe Hénarejos échappe au bonnet d'âne, c'est qu'il ne prétend pas être astronome.


Dernière mise à jour: 02/10/2018

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