1896. Shiaparelli réfute la rougeur de Sirius.


Giovanni Shiaparelli
Si le nom de Giovanni Shiaparelli évoque surtout l'initiateur de la polémique sur les illusoires "canali" ( canaux ou plutôt "chenaux" ) de Mars, cet initiateur (qui ne croyait pas à l'artificialité de ses "canali") fut aussi un historien de l'astronomie, et même un homme politique.

En 1896, ignorant la publication de T.J.J. See, il rédige sur la couleur de Sirius un mémoire intitulé "Rubra Canicula" (par allusion à la citation d'Horace), qui fut publié dans Les Actes de l'Académie des Sciences, des Lettres et des Arts de Rovereto.
Il commence par citer un certain nombre d'opinions jusqu'à celle d'Arago, puis attaque franchement le sujet.

Il commence par Ptolémée, auquel il consacre 9 pages.
Citant les six étoiles qualifiées ὐπόκιῥῤος par Ptolémée, il constate que cette couleur convient toujours, sauf pour Sirius:
La contraddizione e palese soltanto nel caso di Sirio.
La contradiction n'est manifeste que dans le cas de Sirius.
Comment l'expliquer? Schiaparelli étudie les différentes éditions, traduction et commentaires, constate que les Egyptiens appelaient Sirius du nom de Sothis, et que Hésiode l'appelait σείριος.
Il constate aussi la divergence entre l'Almageste et le Tetrabiblos du même Ptolémée.
Sono Aldebarano Antares e Arturo, tutte e tre designate qui coll’epiteto ὐπόκιῥῤος adoperato nell’Almagesto. Le altre tre stelle delle sei più sopra enumerate sono nel Tetrabiblo semplicemente nominate senza indicazione di colore. L’omissione di tal accenno per Polluce non è difficile a spiegare, meno facilmente si spiega quella di Beteigeuze; ma la più degna d’attenzione è quella di Sirio, che allora come adesso era la stella più brillante del cielo, e nel quale il color rosso avrebbe meritato di esser distinto più che in qualunque altra stella.
Aldebaran, Antares et Arcturus, sont toutes les trois désignées ici avec l'épithète ὐπόκιῥῤος utilisé dans l'Almageste. Les trois autres étoiles des six énumérées ci-dessus sont dans le Tetrabiblos simplement nommées sans indication de couleur. L'omission d'une telle indication pour Pollux n'est pas difficile à expliquer, est moins facile à expliquer pour Bételgeuse; mais le plus digne d'attention est celle de Sirius, qui aujourd'hui comme hier était l' étoile la plus brillante du ciel, et où la couleur rouge aurait mérité d'être distinguée plus que pour toute autre étoile.
Finalement Schiaparelli se rallie à l'opinion de Schjellerup:
Questa ed altre riflessioni hanno condotto Schjellerup, l’editore e traduttore d’Alsùfi. a supporre che originariamente nel manoscritto di Tolomeo, invece del contrastato vocabolo ὐπόκιῥῤος, fosse scritto καὶ σείριος e che la trasformazione sia stata opera di qualche copiatore. Simili correzioni ipotetiche sono sempre pericolose: nel presente caso tuttavia, dopo vedute le ragioni qui sopra addotte, la proposta dello Schiellerup potrà sembrare non solo ingegnosa ma anche abbastanza probabile.
Ceci et d'autres considérations ont conduit Schjellerup, l'éditeur et traducteur d'Alsùfi, à supposer que le manuscrit original de Ptolémée, au lieu du mot contesté ὐπόκιῥῤος, a été écrit καὶ σείριος et que la transformation était l'œuvre de quelque copieur. De telles corrections hypothétiques sont toujours dangereuses: dans ce cas, cependant, après avoir vu les raisons citées ci-dessus, la proposition de Schjellerup peut sembler non seulement intelligente, mais aussi tout à fait probable.

Ensuite Shiaparelli passe à Aratos.
Nel suo poema astronomico che ha per titolo Fenomeni e Pronostici, Arato descrivendo la costellazione del Cane le applica la denominazione di ποικιλος, varius, versicolor. Della gran stella collocata nel mento della figura dice che è chiamata Sirio a cagione della sua vivace scintillazione. Dans son poème astronomique qui a pour titre Phénomènes et prédictions, Aratos décrivant la constellation du Chien lui donne le nom de ποικιλος, variée, multicolore. De la grande étoile située dans le menton de la figure, il dit qu'elle est appelée Sirius à cause de sa vive scintillation .
Note: ποικιλος s'applique effectivement au grand chien et non à Sirius, mais Aratos dit seulement que les hommes l'appellent Σείριος parce qu'elle est ardente.

il mentionne la traduction de Cicéron:
L’epiteto rutilus nel primo verso e stato interpretato come equivalente di rosso o rosseggiante.
...
Quanto alla parola rutilus notiamo subito che spessissimo è impiegata dai poeti latini per indicare semplicemente l’idea di luce viva o di splendore, senza designazione di colore speciale.

L'épithète rutilus dans le premier verset a été interprété comme l'équivalent de rouge ou rougeâtre.
...
En ce qui concerne le mot rutilus on remarque immédiatement qu'il est souvent utilisé par les poètes latins pour désigner simplement l'idée de lumière vive ou qu'il fasse beau, sans désignation de couleur spéciale.


Passant à la traduction de Germanicus, qui contient aussi rutilus, il remarque:
Rutilus pertanto significa qui null’altro che splendido, brillante, e non si potrebbe tradurre per rosso.
Rutilus ne signifie donc ici rien d'autre que belle, brillante, et vous ne pouvez pas traduire par rouge.

Puis il fait passer Avienus à la casserole:
Qui il plurimus ardor del verso 726 e il gravis ardor del verso 732 sono riferiti al mento del Cane, cioè a Sirio senza menzione di color rosso, multus rubor induit ora pare accenni al capo della figura in generale. Nullameno quand’anche si volesse riferire il multus rubor a Sirio, non per questo si avrebbe una prova del color rosso di questa stella. Infatti il poeta usa spesso le parole rubor, rubens per esprimere l’idea di luce intensa o di splendore.
Ici, le plurimus ardor du verset 726 et le gravis ardor du verset 732 se rapportent au menton du chien, c'est à dire Sirius sans mention de couleur rouge, multus rubor induit ora semble une allusion à la tête de la figure en général. Néanmoins, même si vous voulez rapporter le multus rubor Sirius, Il n'y aurait pas par ceci une preuve de la couleur rouge de cette étoile. En fait, le poète utilise souvent les mots rubor, rubens pour exprimer l'idée de lumière intense ou qu'il fasse beau.

Et de conclure:
È manifesto che in tale stato di cose nessuno dei traduttori di Arato, e Avieno meno di tutti, può esser invocato come autorità per determinare qual fosse al loro tempo il colore di Sirio.
Il est évident qu'en l'état des choses, aucun des traducteurs d'Aratos, et Aviénus moins que les autres, ne peut être invoqué comme autorité pour déterminer ce qu'était en leur temps la couleur de Sirius.

La rubra Canicula d'Horace, donne du fil à retordre à Schiaparelli, qui lui consacre pas moins de 11 pages. D'abord, quelle est cette étoile de la canicule? Il lui faut brasser les écrits de plusieurs auteurs, avant de conclure:
Tuttavia è indubitabile, che presso molti scrittori latini la parola Canicula rappresenta il Gran Cane, o la sua maggior stella, Sirio.
Cependant, il ne fait aucun doute que, chez de nombreux écrivains latins, le mot Canicula représente le Grand Chien, ou sa plus grande étoile, Sirius.
Il explique alors que le genre féminin de "canicula", (petite chienne) indique que le mot a été utilisé à Rome quand est apparu la légende d'Icarios, d'Erigone et de leur chienne Mera, et n'a rien à voir avec le nom de la constellation. Lors de la "Robigalia", le 25 avril, on sacrifiait, entre autres, une chienne rousse pour sauver les cultures de la rouille. C'est plutôt cette "Robigalia" qu'il faut associer à Procyon. La similitude avec les deux constellations, et leur influence prétendue aurait créé la confusion.

Shiaparelli passe à Sénèque.
Il commence par expliquer que le lever héliaque de la canicule, qui annonce la crue du Nil, correspond bien à Sirius, et non à Procyon, puis il cite le passage de Sénèque, vu plus haut, et conclut:
Dato che esso rappresenti il risultato di una propria e vera osservazione, non ne verrebbe però ancora la conseguenza, che fosse realmente Sirio più rosso di Marte ai tempi di Seneca.
cette donnée représente le résultat d'une observation correcte et vrai, cependant ce ne serait pas encore la preuve que Sirius était réellement plus rouge que Mars à l'époque de Sénèque.
Et il trouve une explication:
Supponiamo infatti, che una persona pratica del cielo abbia fatto vedere gli astri a Seneca in un momento, in cui Marte e Giove essendo alti nell’emisfero, Sirio fosse basso ed immerso nei vapori dell’orizzonte. In conseguenza del noto fatto dell’assorbimento atmosferico, in virtù del quale il Sole e la Luna e le maggiori stelle appaiono rosse al levare ed al tramonto, Sirio poteva benissimo in quell’istante apparire più rosso di Marte e di Giove; ed indurre così Seneca ad una conclusione, alla quale non sarebbe mai giunto un osservatore avvezzo a considerare Sirio in tutte le posizioni che può prendere, e quindi anche presso la culminazione
Supposons en effet qu'une personne connaissant le ciel ait fait les étoiles à Sénèque, à un moment, où Mars et Jupiter étaient hautes sur la voûte céleste, Sirius était faible et plongé dans les vapeurs de l'horizon. En conséquence du fait connu de l'absorption atmosphérique, par laquelle le Soleil et la Lune et les étoiles semblent plus rouges au lever et au coucher du soleil, Sirius pourrait très bien à ce moment-là apparaitre plus rouge que Mars et Jupiter; et ainsi induire Sénèque à une conclusion qu'il ne serait jamais venu d'envisager à un observateur habitué à voir Sirius dans toutes les positions qu'elle peut prendre, et donc aussi au point culminant.
Note: C'est prendre Sénèque pour un novice qui n'aurait vu Sirius qu'une fois dans sa vie. Remarquons plutôt que Sénèque ne parle pas de Sirius, mais de la canicula, donc de Sirius à son lever héliaque, et pas à un autre moment.

Puis il évoque les autres auteurs.
Il cite donc Hyginus, et son "flammae candorem", le scholiaste anonyme de Germanicus avec la même expression, Manilius et son exagération poétique, Héphestion de Thèbes qui nous apprend que Sirius n'a pas pu être d'un rouge vif, et Avienus et son "coeruleo" tiré des Pronostics d'Aratos, qu'il ne traduit pas, mais qui est tout le contraire de rouge.

Il remarque ensuite que pour les anciens, la rougeur de Mars est bien plus évidente que celle de Sirius.
La verità è che per Sirio non abbiamo indizi degni di qualche considerazione fuorchè presso Tolomeo, Orazio e Seneca, dei quali il valore è stato discusso; mentre per Marte tali indicazioni sono assai più numerose, e sopratutto più evidenti.
La vérité est que pour Sirius nous n'avons pas d'indices dignes d'une certaine considération, sauf par Ptolémée, Horace et Sénèque, dont la valeur a été discutée; tandis que pour Mars ces indications sont beaucoup plus nombreuses, et surtout plus apparentes.

Et enfin, Shiaparelli conclut:
La qualificazione ὐπόκιῥῤος applicata a Sirio negli Almagesti Greci non è confermata dagli Almagesti di tradizione arabica finora esaminati, ed è indirettamente smentita da quanto Tolomeo stesso scrive sui colori di alcune stelle nel Tetrabiblo. L’ipotesi di Schjellerup, secondo cui quel vocabolo in uno degli originari manoscritti sarebbe stato arbitrariamente surrogato alla vera dizione καὶ σείριος, acquista una certa probabilità.
La qualification de ὐπόκιῥῤος appliquée à Sirius dans Almageste grec n'est pas confirmée par l'Almageste de la tradition arabe examiné jusqu'à présent, et est indirectement réfutée par ce que Ptolémée lui-même écrit sur les couleurs de quelques étoiles dans le Tetrabiblos. L'hypothèse de Schjellerup, selon laquelle le mot dans l'un des manuscrits originaux a arbitrairement remplacé la véritable expression καὶ σείριος, acquiert une certaine probabilité.
et récapitulant les autres arguments, il conclut:
L’affermazione che verso i primi tempi dell’èra cristiana Sirio fosse colorato in rosso non è appoggiata a testimonianze sufficienti; la probabilità maggiore sembra anzi pendere verso l’affermazione contraria.
L'affirmation selon laquelle aux premiers jours de l'ère chrétienne Sirius était colorée en rouge ne repose pas sur des preuves suffisantes; La plus grande probabilité semble tendre vers l'affirmation contraire.
(Atti della accademia di Scienze, Lettere ed Arti degli Agiati di Rovereto, Serie III. Vol. II, Fascicolo II. - anno 1896. )

1897 Shiaparelli complète sa démonstration.
Il commence par étudier les passages de l'Iliade d'Homère, vus plus haut, et conclut:
Concludiamo dunque, che in questi passi dell’Iliade tutto si può ragionevolmente spiegare senza ammettere che Sirio ai tempi d’omero avesse un colore diverso dal presente.
Nous concluons donc que dans ces passages de l'Iliade tout peut s'expliquer raisonnablement sans admettre que Sirius au temps d'Homère avait une couleur autre qu'à présent.
Puis il nous explique que le mot "ardens", appliqué à Sirius évoque la chaleur plutôt que la couleur, les anciens sachant que le métal chauffé à blanc est plus chaud qu'au rouge.
Il passe à Géminos de Rhodes pour conclure:
Nulla dunque il Capitolo XIV di Gemine ci può insegnare rispetto al colore di Sirio.
Rien, donc, du chapitre XIV de Geminos ne peut nous enseigner sur la couleur de Sirius.
Puis il consacre plusieurs pages à Sothis, la divine initiatrice de la crue du Nil.
Etudiant les inscriptions relevées sur le zodiaque de Dendérah, il constate que, parmi les inscriptions mélant Isis, Nubit, l'éclat et l'or, il n'y a rien qui permette de qualifier l'éclat de Sothis:
Non ho trovato, né nel Thesaurus di Brugsch, né nella pubblicazione di Mariette, la espressione Sothis riluce come oro in qualità di Nubit. Oserei dire che non esiste. Una perfetta equazione di Sothis con Nubit io non l’ho trovata,
Je ne trouve pas, que ce soit dans le Thésaurus de Brugsch, ni la publication de Mariette, l'expression Sothis brille comme l'or avec l'éclat de Nubit. J'ose dire qu'elle n'existe pas. Je n'ai pas trouvé une identité parfaite de Sothis avec Nubit,
Et de conclure:
Gli Egiziani dunque già assai per tempo avevano notato il color rosso di questo pianeta e fattone uso per distinguerlo dagli altri. Se Sirio fosse stato anche più rosso, difficile sarebbe immaginare come per un astro tanto più importante, e celebrato in iscrizioni tanto più numerose, manchi ogni più lieve allusione ad un fatto cosi notevole e così raro fra i corpi celesti.
Mais les Égyptiens avaient déjà très tôt remarqué la couleur rouge de cette planète (Mars) et en faisaient usage pour la distinguer des autres. Si Sirius était encore plus rouge, il est difficile d'imaginer comment une telle étoile de premier plan, et célébré dans nombreuses inscriptions , peut manquer de la moindre allusion à un fait si remarquable et si rare parmi les corps célestes.
Finalement il étudie la supposée relation entre le cycle du calendrier vague, et celui des apparitions du phénix d'Héliopolis;
Tutto porta a credere che prima di quel tempo il loro anno, contato sempre (come attestano numerosi monumenti) dal levare eliaco di Sirio, e tuttavia costretto alla durata di 365 giorni interi, ricadesse in disordine manifesto entro pochi decenni; e di quando in quando fosse empiricamente ricondotto a posto coll’osservazione diretta della stella. Queste induzioni, che risultano dall’esame imparziale dei monumenti, tolgono ogni base alle infinite speculazioni degli eruditi sui periodi della Fenice e di Sothis.
Tout porte à croire qu'avant cette époque leur année, a toujours compté (comme en témoignent de nombreux monuments) à partir du lever héliaque de Sirius, et pourtant forcée à la durée de 365 jours complets pour tomber dans un désordre manifeste après quelques décennies; et de temps en temps, fut empiriquement réajustée par l'observation directe de l'étoile. Ces inductions, qui résultent de l'examen impartial des monuments, suppriment toute base des spéculations sans fin des savants sur les périodes du Phoenix et Sothis.
(Atti della accademia di Scienze, Lettere ed Arti degli Agiati di Rovereto, Serie III. Vol. III, Fascicolo I e II. - anno 1897. )

Dernière mise à jour: 02/10/2018

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