L'arénaire d'Archimède a été plusieurs fois traduit en français, la traduction la plus récente étant celle de Charles Mugler, paru aux éditions des Belles lettres entre 1970 et 1972. Pour des raisons d'accessibilité et de copyright, le texte qui suit est la traduction de F. Peyrard, professeur de mathématiques et d'astronomie au Lycée Bonaparte, publiée en 1807, avec ses commentaires (appelés par des notes numérotées)
Il n'est pas impossible que ce texte contienne des erreurs ou des coquilles. Nous avons utilisé un français plus moderne, remplacé les lettres grecques des figures, par les capitales latines de même rang, et découpé le texte en chapitres, à l'instar de la traduction anglaise.
Nos propres notes sont entre crochets, en rouge sombre


L'ARÉNAIRE

chapitre 1

Il est des personnes, ô roi Gélon, qui pensent que le nombre des grains de sable est infini. Je ne parle pas du sable qui est autour de Syracuse et qui est répandu dans le reste de la Sicile, mais bien de celui qui se trouve non-seulement dans les régions habitées, mais encore dans les régions inhabitées. Quelques-uns croient que le nombre de grains de sable n'est pas infini, mais qu'il est impossible d'assigner un nombre plus grand. Si ceux qui pensent ainsi se représentaient un volume de sable qui fût égal à celui de la terre, qui remplit toutes ses cavités, et la abîmes dela mer, et qui s'élevât jusqu'aux sommets des plus hautes montagnes, il est évident qu'ils seraient bien moins persuadés qu'il pût exister un nombre qui surpassât celui des grains de sable.

Quant à moi, je vals faire voir par des démonstrations géométriques auxquelles tu ne pourras refuser ton assentiment, que parmi les nombres dénommés par nous dans les livres adressés à Zeuxippe, il en est qui excèdent le nombre des grains d'un volume de sable égal non-seulement à la grandeur de la terre, mais encore à celui de l'univers entier.

Tu sais que le monde est appelé par la plupart des astronomes une sphère dont le centre est le même que celui de la terre et dont le rayon est égal à la droite placée entre le centre de la terre et celui du soleil. Aristarque de Samos rapporte ces choses en les réfutant, dans les propositions qu'il a publiées contre les astronomes. D'après ce qui est dit par Aristarque de Samos, le monde serait beaucoup plus grand que nous venons de le dire; car il suppose que les étoiles et le soleil sont immobiles; que la terre tourne autour du soleil comme centre; et que la grandeur de la sphère des étoiles fixes dont le centre est celui du soleil, est telle que la circonférence du cercle qu'il suppose décrite par la terre est à la distance des étoiles fixes comme le centre de la sphére est à la surface. Mais il est évident que cela ne saurait être, parce que le centre de la sphère n'ayant aucune grandeur, il s'ensuit qu'il ne peut avoir aucun rapport avec la surface de la sphère. Mais à cause que l'on conçoit la terre comme étant le centre du monde, il faut penser qu'Aristarque a voulu dire que la terre est à la sphère que nous appelons le monde, comme la sphère dans laquelle est le cercle qu'il suppose décrit par la terre est à la sphère des étoiles fixes; car il établit ses démonstrations, en supposant que les phénomènes se passent ainsi; et il paraît qu'il supposee que la grandeur de la sphère dans laquelle il veut que la terre se meuve est égale à la sphère que nous appelons le monde ( 1 )

Nous disons donc que si l'on avait une sphère de sable aussi grande que la sphère des étoiles fixe supposée par Aristarque, on pourrait démontrer que parmi les nombres dénommés dans le Livre de Principes, il y en aurait qui surpasseraient le nombre des grains de sable contenus dans cette sphère.

Cela posé, que le contour de la terre soit à - peu - près de trois cent myriades de stades ( 2 ) , mais non plus grand. Car tu n'ignores pas que d'autres ont voulu démontrer que le contour de la terre est à-peu-près de trente myriades de stades. Pour moi, allant beaucoup plus loin, je le suppose dix fois aussi grand, c'est-à-dire que je le suppose à-peu-près de trois cent myriade de stades, mais non plus grand. Je suppose ensuite, d'après la plupart des astronomes dont nous venons de parler que le diamètre de la terre est plus grand que celui de la lune, et que celui du soleil est plus grand que celui de la terre; je suppose enfin que le diamètre du soleil est environ trente fois aussi grand que le diamètre de 1a lune, mais non plus grand. Car parmi les astronomes dont nous venons de parler, Eudoxe a affirmé que le diamètre du soleil était environ neuf fois aussi grand que celui de la lune; Phidias, fils d'Acupatre, a dit qu'il était environ douze fois aussi grand; et enfin Aristarque s'est efforcé de démontrer que le diamètre du soleil était plus grand que dix-huit fois Ie diamètre de la lune et plus petit que vingt fois. Pour moi, allant encore plus loin, afin de démontrer sans réplique ce que Je me suis proposé, je suppose que le diamètre du soleil est à-peu-prés égal à trente fois le diamètre de la lune, mais non plus grand. Je suppose, outre cela, que le diamétre du soleil est plus grand que 1e côté d'un polygone de mille côtés inscrit dans un grand cercle de la sphére dans laquelle it se meut: Je fais cette supposition, parce qu'Aristarque affirme que le soleil parait étre la sept cent vingtiéme partie du cercle qu'on appelle le Zodiaque.
[ Aristarque à bien raison de dire que le diamètre du soleil correspond à un demi degré d'arc. Archimède qui veut le vérifier, va devoir se lancer dans des mesures et des calculs compliqués, alors qu'il aurait pu faire la mesure très simplement s'il avait disposé d'un sténopé (qu'il aurait pu inventer) ]

J'ai fait tous mes efforts pour prendre, avec des instruments, l'angle qui comprend le soleil et qui a son sommet à l'oeil de l'observateur. Cet angle n'est pas facile à prendre, parce qu'avec l'oeil, les mains et les instrumens dont on se sert pour cela, on ne peut pas le mesurer d'une manière bien exacte. Mais il est inutile de parler davantage de I'imperfection de ces instruments parce que cela a déja été fait plusienrs fois.
[ les instruments de l'époque n'étaient guère que des lattes de bois graduées, qui mesuraient les angles grace à leur tangente. Leur incertitude était souvent de 10 minutes d'arc ]
Au reste, il me suffit, pour démontrer ce que je me suis proposé, de prendre un angle qui ne soit pas plus grand que celui qui comprend le soleil et qui a son sommet à l'oeil de l'observateur; et ensuite un autre angle qui ne soit pas pIus petit que ceIui qui comprend le soleil et qui a aussi son sommet à l'oeil de l'observateur.

C'est pourquoi ayant placé une longue règle sur une surface plane élevée dans un endroit d'où l'on pût voir le soleil levant; aussitôt après le lever du soleil, je posai perpendiculairernent sur cette régle un petit cylindre. Le soleil étant sur l'horison et pouvant ètre regardé en face ( 3 ) , je dirigeai la règle vers le soleil, l'oeil étant à une de ses extrémités, et le cylindre étant placé entre le soleil et l'oeil de manière qu'il cachait entièrement le soleil. J'éloignai le cylindre de l'oeil jusqu'à ce que le soleil commençât â ètre aperçu le moins possible de part et d'autre du cylindre, et alors j'aurrétai le cylindre. Si l'oeil apercevait le soleil d'un seul point, et si l'on conduisait de l'extrémité de la règle où l'oeil est placé des droites qui fussent tangentes au cylindre, il est évident que l'angle compris par ces droites serait plus petit que l'angle qui aurait son sommet à l'oeil et qui embrasserait le soleil; parce qu'on appercevrait quelque chose du soleil de part et d'autre du cylindre. Mais à cause que l'oeil n'aperçoit pas les objets par un seul point; et que la partie de l'oeil qui voit a une certaine grandeur ( 4 ) , je pris un cylindre dont le diamètre ne fût pas plus petit que la largeur de la partie de l'oeil qui voit; je posai ce cylindre à l'extrémité de la règle où l'oeil était placé, et je conduisis ensuite deux droites tangentes aux deux cylindres. Il est évident que l'angle compris par ces tangentes dut se trouver plus petit que l'angle qui embrassait le soleil et qui avait son sommet à l'oeil.

On trouve un cylindre dont le diamètre ne soit pas plus petit que la largeur de la partie de l'oeil qui voit de la manière suivante : on prend deux cylindres d'un petit diamètre, mais d'un diamètre égal, dont l'un soit blanc et dont l'autre ne le soit pas; on les place devant l'oeil, de manière que le cylindre blanc soit le plus éloigné et que l'autre soit le plus près possible et touche le visage, Si les diamètres des cylindres sont plus petits que la largeur de la partie de l'oeil qui voit, il est évident que cette partie de l'oeil aperçoit, en embrassant le cylindre qui est prés du visage, l'autre cylindre qui est blanc; elle le découvre tout entier, si les diamètre des cylindres sont beaucoup plus petits que la largeur de la partie de l'oeil qui voit; sinon, elle n'en découvre que quelques parties placées de part et d'autre de celui qui est près de l'oeil. Je disposai donc de cette manière deux cylindre dont l'épaisseur était telle que l'un cachait l'autre par son épaisseur sans cacher un endroit plus grand. Il est évident qu'une grandeur égale à l'épaisseur de ces cylindres n'est pas, en quelque façon, plus petit que la largeur de la partie de l'oeil qui voit

Pour prendre un angle que ne fût pas plus petit que l'angle qui embrasse le soleil et qui a son sommet à l'oeil, je me conduisis de la manière suivante : Après avoir éloigné de l'oeil le cylindre jusqu'à ce qu'il cachât le soleil tout entier, je menai de l'extrémité de la règle où l'oeil était placé des droites tangentes au cylindre. Il est évident que l'angle compris par ces droites dut se trouver plus grand que celui qui embrasse le soleil et qui a son sommet à l'oeil.

Figure 1
Ces angles ayant été pris de cette manière, et les ayant comparés avec un angle droit, le plus grand de ces angles, qui avait son sommet au point marqué sur la régle, se trouva plus petit que la cent soixante-quatrième partie d'un angle droit et le plus petit se trouva plus grand que la deux centième partie de ce même angle. Il s'en suit que l'angle qui embrasse le soleil et qui a son sommet à l'oeil est plus petit que la cent soixante-quatrième partie d'un angle droit et plus grand que la deux centième partie de ce même angle.

Cela étant ainsi, on démontre que le diamètre du soleil est plus grand que le côté d'un polygone de mille côtés inscrit dans un grand cercle de la sphére du monde. En effet, supposons un plan conduit par le centre de la terre, par le centre du soleil et par l'oeil de l'observateur, le soleil étant peu elevé au-dessus de l'horizon. Ce plan coupera la sphère du monde suivant le cercle ABC, la terre suivant le cercle AEF, et le soleil suivant le cercle RG. Que le point H soit Ie centre de la terre, Ie point J Ie centre du soleil, et le point D l'oeil de l'observateur.

Conduisons des droites tangentes au cercle RG; savoir, du point D les droites DA, DN tangentes aux points M et S, et du point H les droites HL, HO tangentes aux points Q et V. Que ces droites HL, HO coupent la circonférence du cercle ABC aux points A, B. La droite HJ sera plus grande que la droite DJ, parce que l'on suppose le soleil au-dessus de l'horizon ( 5 ) .
Donc l'angle compris par les droites DK, DN est plus grand que l'angle compris par les droites HL, HO ( 6 ) .
Mais l'angle compris par les droites DK, DN est plus grand que la 200e partie d'un angle droit et plus petit que la 164e partie de ce même angle; parce que cet angle est égal à l'angle qui embrasse le soleil et qui a son sommet à l'oeil. Donc l'angle compris par les droites HL, HO est plus petit que la 164e partie d'un angle droit. Donc la droite AB est plus petite que la corde de la 656e partie de la circonférence du cercle ABC.

Mais le rapport du contour du polygone dont nous venons de parler au rayon da cercle ABC est moindre que le rapport de 44 à 7; parce que le rapport du contour d'un polygone quelconque inscrit dans un cercle au rayon de ce cercle est plus petit que le rapport de 44 à 7. Car tu n'ignores pas que nous avons démontré que le contour d'un cercle quelconque est plus grand que le triple du diamètre, augmenté d'une certaine partie qui est plus petite que le 7e de son diamètre, et plus grande que les 10/71 ( de la Mesure du Cercle, prop. 3 ). Donc le rapport de BA à HJ est moindre que le rapport de 11 à 1148 ( 7 ) . Donc la droite BA est plus petite que la 100e partie de HJ ( 8 ) . Mais le diamètre du cercle RG est égal à BA; parce que la droite UA moitié de BA est égale à JQ, à cause que les droites HJ, HA étant égales, on a abaissé de leurs extrémités des perpendiculaires opposées au même angle. Il s'en suit que le diamètre du cercle RG est plus petit que la 100e partie de HJ. Mais le diamètre EHT est plus petit que le diamètre du cercle RG, parce que le cercle DEF est plus petit que le cercle RG; donc la somme des droites HT, JR est plus petite que la 100e partie de HJ. Donc le rapport de HJ à TR est moindre que le rapport de 100 à 99 ( 9 ) . Mais HJ n'est pas plus petit que HQ, et RT est pIus petit que DS; donc le rapport de HQ à DS est moindre que le rapport de 100 à 99. De plus, puisque les côtés JQ, JS des triangles rectangles HJQ, DJS sont égaux, que les côtés HQ, DS sont inégaux et que le côté HQ, est le plus grand, le rapport de l'angle compris par les côtés DS, DJ à l'angle compris par les côtés HQ, HJ sera plus grand que le rapport de la droite HJ à la droite DJ, et moindre que le rapport de HQ à DS; car si parmi les côtés de deux triangles rectangles qui comprennent l'angle droit, les uns sont égaux et les autres inégaux, le rapport du plus grand des angles inégaux compris par les côtés inégaux au plus petit de ces angles, est plus grand que le rapport du plus grand des côtés opposés à l'angle droit au plus petit de ces çôtés, et moindre que le rapport du plus grand des côtés qui comprennent l'angle droit au plus petit ( 10 ) . Donc le rapport de l'angle compris entre les côtés DK, DN à l'angle compris entre les côtés HO, HL est moindre que le rapport de HQ à DT, lequel est certainement moindre que le rapport de 100 à 99. Donc le rapport de l'angle compris par les côtés DK, DN à l'angle compris entre HO, HL est moindre que le rapport de 100 à 99. Mais l'angle compris par les côtés DK, DN est plus grand que la 200e partie d'un angle droit; donc l'angle compris par les côtés HL, HO sera plus grand que les 99/2000 d'un angle droit. Donc cet angle sera plus grand que le 203e d'un angle droit. Donc la droite BA est plus grande que la corde d'un arc de la circonférence du cercle ABC divisée en 812 parties. Mais le diamètre du soleil est égal à la droite AB; il s'en suit que le diarnétre du soleil est plus grand que le côté d'un polygone de mille côtés.

chapitre 2

Cela étant posé, on démontre aussi que le diamètre du monde est plus petit qu'une myriacle de fois le diamètre de la terre, et que le diamétre du monde est plus petit que cent myriades de myriades de stades. Car puisqu'on a supposé que Ie dianètre du soleil n'est pas plus grand que trente fois le diamètre de la lune, et que le diamétre de la terre est plus grand que le diamètre de la lune, il est évident que le diamètre du soleil est plus petit que trente fois le diamètre de la terre. De plus, puisqu'on a démontré que le diamètre du soleil est plus grand que le côté d'un polygone de mille côtés inscrit dans un grand cercle de Ia sphère du monde, il est évident que le contour du polygone de mille côtés dont nous venons de parler est plus petit que mille fois le diamètre du soleil. Mais le diamètre du soleil est plus petit que trente fois le diamètre de la terre; donc le contour de ce polygone est plus petit que trois nyriades de fois le diamètre de la terre. Mais le contour de ce polygone est plus petit que trois myriades de fois le diamètre de la terre ot plus grand que le triple du diamètre du monde, parce qu'il est démontré que le dianètre d'un cercIe quelconque est plus petit que la troisième partie du contour d'un polygone quelconque qni est inscrit dans ce cercle, et qui a plus de six côtés égaux. Donc le diamètre du monde est plus petit qu'une nyriade de fois le diamètre de la terre. Il s'en suit que le diamètre du monde qui est plus petit qu'une myriade de fois le diamètre de la terre sera plus petit que cent myriades de myriades de stades. Mais nous avons supposé que le contour de la terre ne surpasse pas trois cents myriades de stades, et le contour de la terre est plus grand que le triple de son diamètre, parce que le contour d'un cercle quelconque est plus grand que le triple de son diamètre; il s'en suit que le diamètre de la terre est plus petit que cent myriades de stades. Mais le diamètre du monde est plus petit qu'une myriade de fois le diamètre de la terre; il s'en suit que le diamètre du monde est plus petit que cent myriades de myriades de stades.

Voila ce que nous avons supposé relativement aux grandeurs et aux distances, et voici ce que nous supposons relativement aux grains de sable. Soit un volume de sable qui ne soit pas plus grand qu'une graine de pavot; que le nombre des grains de sable qu'il renferme ne surpasse pas une myriade, et que le diamètre de cette graine de pavot ne soit pas plus petite que la qnarantième partie d'un doigt.
Voila ce que je suppose, et voici ce que je fis à ce sujet. Je plaçai des graines de pavot en droite ligne sur une petite règle, de manière qu'elles se touchassent mutuellement; vingt-cinq de ces graines occupèrent une longueur plus grande que la largeur d'un doigt. Je supposai que le diamètre d'une graine de pavot était encore plus petit, et qu'il n'était que le quarantième de la largeur d'un doigt, afin de ne pas éprouver de contradiction dans ce que je m'étais proposé.
[ dans tous son exposé, Archimède ne cherche qu'à majorer le nombre des grains de sable, que ses contemporains estiment innombrable. Il fait donc des majorations à chaque étape de son calcul ]

chapitre 3

[ c'est ici qu'Archimède expose son sytème de numération octadique. On peut l'examiner synoptiquement sur ce tableau ]

Telles sont les suppositions que nous faisons. Mais je pense qu'il est nécessaire à présent d'exposer les dénominations de nombres; si je n'en disais rien dans ce livre, je craindrais que ceux qui n'auraient pas lu celui que j'ai adressé à Zeuxippe ne tombassent dans l'erreur.
On a donné des noms aux nombres jusqu'à une myriade et au-delà d'une myriade, les noms qu'on a donné aux nombres sont assez connus, puisqu'on ne fait que répéter une myriade jusqu'à dix mille myriades.

Que les nombres dont nous venons de parler et qui vont jusqu'à une myriade de myriades soient appelés nombres premiers, et qu'une myriade do myriades des nombres premiers soit appelée l'unité des nombres seconds; comptons par ces unités, et par les dixaines, les centaines, lrs milles, les myriades de ces mêmes unités, jusqu'à une myriade de myriades. Qu'une myriade de myriades des nombres seconds soit appelée l'unité des nombres troisièmes; comptons par ces unités, et par les dizaines, les centaines, les milles, les myriades de ces mêmes unités, jusqu'à une myriade de myriades; qu'une myriade de myriades des nombres troisièmes soit appelée l'unité des nombres quatrièmes; qu'une myriade de myriades de nombres quatrièmes soit appelée l'unité des nombres cinquièmes, et continuons de donner de noms aux nombres suivans jusqu'aux myriades de myriades de nombres composés de myriades de myriades des nombres troisièmes.

Quoique cette grande quantité de nombres connus soit certainement plus que suffisante, on peut pendant aller plus loin. En effet, que les nombres dont nous venons de parler soient appelés les nombres de la premiers période, et que le dernier nombre de la première période soit appelé l'unité des nombres premiers de la seconde période. De plus qu'une myriade de myriade des nombres premiers de la monde période soit appelée l'unité des nombres seconds de la seconde période; qu'une myriade de myriades des nombres seconds de la seconde période soit appelée l'unité des nombres troisièmes de la seconde période, et continuons de donner des noms aux nombres suivans jusqu'à un nombre de la seconde période qui soit égal aux myriades de myriades de nombres composés de myriades de myriades. De plus, que le dernier nombre de la seconde période soit appelé l'unité des nombres premiers de la troisième période, et continuons de donner des noms aux nombres suivans jusqu'aux myriades de myriades de la période formée d'une myriade de myriades de nombres de myriades de myriades ( 11 ) .

Les nombres étant ainsi nommés, si des nombres continuellement proportionnels, à partir de l'unité, sont placés les uns à la suite des autres, et si le nombre qui est le plus près de l'unité est une dixaine, les huit premiers nombres, y compris l'unité, seront ceux qu'on appelle nombres premiers; les huit suivants seront ceux qu'on appelle seconds et les autres nombres seront dénommés de la même manière d'après la distance de leur octade à l'octade des nombres premiers. C'est pourquoi le huitième nombre de la première octade sera de mille myriades; le premier nombre de la seconde octade, qui est l'unité des nombres seconds, sera une myriade de myriades, parce qu'il est décuple de. celui qui le précède; le huitième nombre de la seconde octade sera de mille myriades des nombres seconds, et enfin le premier nombre de la troisième octade qui est l'unité des nombres troisièmes sera une myriade de myriades des nombres seconds, parce qu'il est décuple de celui qui le précède. Il s'en suit qu'on aura plusieurs octades ainsi qu'on l'a dit.

Il est encore utile de connaître ce qui suit. Si des nombres sont continuellement proportionnels à partir de l'unité, et si deux termes de cette progression sont multipliés l'un par l'autre, le produit sera un terme de cette progression éloignée d'autant de termes du plus grand facteur que le plus petit facteur l'est de l'unité. Ce même produit sera éloigné de l'unité d'autant de termes moins un que les deux facteurs le sont ensemble de l'nnité ( 12 ) .

En effet, soient a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k certains nombres proportionnels à partir de l'unité; que a soit l'unité. Que le produit de d par h soit v. Prenons un terme k de la progression éloignée de h d'autant de termes que d l'est de l'unité. Il faut démontrer que v est égal à k. Puisque les nombres a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k sont proportionnels, et que d est autant éloigné de a que k l'est de h, le nombre d sera au nombre a comme le nombre k est au nombre h; mais d est égal au produüt de a par d; donc k est égal au produit de h par d ( 13 ) ; donc, k est égal à v. Il s'en suit que le produit de d par h est un terme de la progression, et qu'il est éloigné du plus grand facteur d'autant de termes que le plus petit l'est de l'unité. De plus il est évident que ce même produit sera éloigné de l'unité d'autant de termes moins un que les facteurs le sont ensemble de l'unité. En effet, le nombre des termes a, b, c, d, e, f, g, h est égal au nombre des termes dont h est éloigné de l'unité; et le nombre des termes i, j, k est plus petit d'une unité que le nombre des termes dont h est éloigné de l'unité, puisque le nombre de ces termes avec h est égal au nombre des termes dont h est éloigné de l'unité.

chapitre 4

Ces choses étant en partie supposées et en partie démontrées, nous allons faire voir ce que nous nous sommes proposés. En effet, puisque l'on a supposé que le diamètre d'nne graine de pavot n'est pas plus petit que la quarantième partie de la largeur d'un doigt, il est évidemt qu'une sphère qui a un diamètre de la largeur d'un doigt n'est pas plus grande qu'il ne le faut pour contenir six myriades et quatre mille graines de pavots. Car cette sphère est égale à soixante-quatre fois une sphére qui a un diamètre d'un quarantiéme de doigt; parce qu'il est démontré que les sphères sont entre elles en rapport du cube de leurs diamètres. Mais on a supposé que le nombre des grains de sable contenus dans une graine de pavot n'était pas de plus d'une myriade; il s'en suit que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère ayant un diamétre de la largeur d'un doigt ne surpassera pas une myriade de fois six myriades et qùatre mille. Mais ce nombre renferme six unités des nombres seconds et quatre mille myriades des nombres premiers; ce nombre est donc plus petit que dix unités des nombres seconds.

Une sphère qui a un diamètre de cent doigts est égal à cent myriades de fois une sphère qui a un diamètre d'un doigt, parce que les sphères sont en rapport du cube de leurs diamètres. Donc si l'on avait une sphére de sable dont le diamètre fût de cent doigts, il est évident que le nombre des grains de sable serait plus petit que celui qui résulte du produit de dix unités des nombres seconds par cent myriades. Mais dix unités des nombres seconds sont, à partir de l'unité, le dixième terme d'une progression dont les termes sont décuples les uns des autres, et cent myriades en sont le septième terme, à partir aussi de l'unité. Il s'en suit que le nombre qui résulte du produit de ces deux nombres est le sixième terme de la progression à partir de l'unité. Car on a démontré que le produit de deux termes d'une progression qui commence par un, est distant de l'unité d'autant de termes moins un que les-facteurs ensemble le sont de l'unité. Mais parmi ces seize termes, les huit premiers conjointement avec l'unité, appartiennent aux nombres premiers, et les huit autres appartiennent aux nombres seconds, et le dernier terme est de mille myriades des nombres seconds. Il s'en suit que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère de cent doigts de diatnètre, est plus petit que mille myriades des nombres seconds.

Une sphère d'un diamètre d'une myriade de doigts est égal à cent myriades de fois une sphère d'un diamètre de cent doigts. Donc, si l'on avait une sphère de sable d'un diamètre d'une myriade de doigts, il est évident que le nombre des grains de sable contenus dans cette sphère serait plus petit que celui qui résulte du produit de mille myriades de nombres seconds par cent myriades. Mais mille myriades de nombres seconds sont le seizième terme de la progression, àpartir de l'unité et cent myriades en sont le septième terme, à partir aussi de l'unité; il s'en suit que le nombre qui résulte du produit de ces deux nombres sera le vingt-deuxieme terme de la progression, à partir de l'unité. Mais parmi ces vingt-deux termes; les huit premiers y compris l'unité appartiennent aux nombres qu'on appelle premiers, les huit suivants aux nombres qu'on appelle seconds, les six restants à ceux qu'on appelle troisièmes, et enfin le dernier terme est de dix myriades des nombres troisièmes. Il s'en suit que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère qui aurait un diamètre de dix mille doigts, ne serait pas moindre que dix myriades des nombres troisièmes. Mais une sphère qui a un diamétre d'une stade est plus petite qu'une sphère qui a un diamètre d'une myriade de doigts. Il s'en suit que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère qui aurait un diamètre d'une stade, serait plus petit que dix myriades des nombres troisièmes.

Une sphère qui a un diamètre de cent stades ést égal à cent myriades de fois une sphère qui a un diamètre d'une stade. Donc si l'on avait une sphére de sable aussi grande que celle qui a un diamètre de cent stades, il est évident que le nombre des grains de sable serait plus petit que le nombre qui résulte du produit d'une myriade de myriades des nombres troisièmes par cent myriades. Mais dix myriades des nombres troisiémes sont le vingt-deuxième terme de la progression à partir de l'unité, et cent myriades en sont le septième terme, à partir aussi de l'unité. Il s'en suit que le produit de ces deux nombres est le vingt-huitième terme de cette même progression, à partir de l'unité. Mais parmi ces vingt-huit termes, les huit premiers, y compris l'unité, appartiennent aux nombres qu'on appelle premiers; les huit suivants, à ceux qu'on appelle seconds; les huit suivants, à ceux qu'on appelle troisièmes les quatre restants, à ceux qu'on appelle quatrièmes, et le dernier de ceux-ci est de mille unités des nombres quatrièmes. Il s'en suit que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère d'un diamétre de cent stades, serait plus petit que mille unités des nombres quatrièmes.

Une sphère qui a un diamètre de dix mille stades est égale à cent myriades de fois une sphère qui a un diamètre de cent stades. Donc si l'on avait une sphère de sable qui a un diamètre de dix mille stades, il est évident que le nombre des grains de sable serait plus petit que celui qui résulte du produit de mille unités des nombres quatrièmes par cent myriades. Mais mille unités des nombres quatrièmes sont le vingt-huitième terme de la progression, à partir de l'unité, et cent myriades en sont le septième, à partir. aussi de l'unité. Il s'en suit .que le produit sera le trente-quatriéme terme, à partir de l'unité. Mais parmi ces termes, les huit premiers, y compris l'unité, appartiennent aux nombres qu'on appelle premiers; les huit suivants, à ceux qu'on appelle seconds; les huit suivants, à ceux qu'on appelle troisièmes; les huit suivants, à ceux qu'on appelle quatrièmes; les deux restants, à ceux qu'on appelle cinquièmes; et le dernier de ceux-ci est de dix unités de nombres cinquièmes. Il s'en suit que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère ayant un diamètre d'une myriade de stades, serait plus petit que dix unités des nombres cinquièmes.

Une sphère qui a un diamètre de cent myriades de stades est égale à cent myriades de fois une sphère ayant un diamètre d'une myriade de stades. Donc si l'on'avait une sphère de sable ayant un diamètre de cent myriades de stades, il est évident que le nombre des grains de sable serait plus petit que le produit de dix unités des nomhres cinquièmes par cent myriades. Mais dix unités des nombres cinquièmes sont le trente-quatrième terme de la progression, à partir de I'unité, et cent myriades sont le septième terme, à partir aussi de l'unité. Il s'en suit que le produit de ces deux nombres sera le quarantième terme de la progression, à partir de l'unité. Mais parmi ces quarante termes, les huit premiers, y compris l'unité, appartiennent aux nombres qu'on appelle premiers; les huit suivants, à ceux qu'on appelle seconds; les huit suivants, à ceux qu'on appelle troisièmes; les huit qui suivent les nombres troisièmes, à ceux qu'on appelle quatrièmes; les huit qui suivent les nombres quatrièmes, à ceux qu'on appelle cinquièmes, et le dernier de ceux-ci est de mille myriades de nombres cinquièmes. Il s'en suit que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère ayant un diamètre de cent myriades de stades serait plus petit que mille myriades des nombres cinquièmes.

Une sphère qui a un diamètre d'une myriade de myriades de stades est égale à cent myriades de fois une sphère ayant un diamètre de cent myriades de stades. Si donc l'on avait une sphére de sable dont le diamètre fût d'une myriade de myriades de stades, il est évident que le mombre des grains de sable serait plus petit que le produit de mille myriades de nombres cinquièmes par cent myriades. Mais mille myriades des nombres cinquièmes sont le quarantième terme de la progression, à partir de l'unité, et cent myriades sont le septième, à partir aussi de l'unité. Il s'en suit que le produit de ces deux nombres est le quarante-sixième de la progression, à partir de l'unité. Mais parmi ces quarante-six terrnes, les huit premiers, y compris l'unité, appartiennent aux nombres qu'on appelle premiers; les huit suivants, à ceux qu'on appelle seconds; les huit suivants à ceux qu'on appelle troisièmes; les huit qui suivent les nombres troisièmes, à ceux qu'on appelle quatrièmes; les huit qui viennent aprés les nombres quatrièmes, à ceux qu'on appelle cinquièmes; les six restants à ceux qu'on appelle sixièmes, et le dernier de ceux-ci est de dix myriades des nombres sixièmes. Il s'en suit que le nombre des grains de sable contenus dans une sphére qui aurait un diamètre de dix mille myriades de stades, serait plus petit que dix myriades des nombres sixièmes.

Une sphère qui a un diamètre de cent myriades de myriades de stades est égal à cent myriades de fois une sphère qui a un diamètre d'une myriade de myriades de stades. Si donc l'on avait une sphère de sable dont le diamètre fût de cent myriades de myriades; il est évident que le nombre des grains de sable serait plus petit que le produit de dix myriades des nombres sixiémes par cent myriades. Mais dix myriades des nombres sixièmes sont le quarante-sixième terme de la progression, à partir de l'unité, et cent myriades en sont le septième, à partir aussi de l'anité; il s'en suit que le produit de ces deux nombres sera le cinquante-deuxième terme de la progression, à partir de l'unité. Mais parmi ces cinquante-deux termes, Ies quarante-huit premiers, y compris l'unité appartiemnent aux nombres qu'on appelle premiers, seconds, troisièmes, quatrièmes, cinquièmes et sixièmes, les quatre restans appartiennent aux nombres septièmes, et le dernier de ceux-ci est de mille unités des nombres septièmes. Il est done évi.dent que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère ayant un diamétre de cent myriades de myriades de stades, sera plus petit que mille unités des nombres septièmes.

Puisque l'on a démontré que le diamètre du monde n'est pas de cent myriades de myriades, il est évident que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère égale à celle du monde, est plus petit que mille unités de nombres septièmes. On a donc démontré que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère égale en grandeur à celle que la plupart des astronomes appellent monde, serait plus petit que mille unités des nombres septièmes.

Nous allons démontrer à présent que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère aussi grande que la sphère des étoiles fixes, supposée par Aristarque, est plus petit que mille myriades des nombres huitièmes. En effet, puisque l'on suppose que la terre est à la sphère que nous appelons le monde comme la sphère que nous appelons le monde est à la sphère des étoiles fixes supposée par Aristarque; que les diamètres des sphéres somt proportionnels entre eux et que l'on a démontré que le diamètre du monde est plus petit qu'une myriade de fois le diamétre de la terre, il est évident que le diamètre de la sphère des étoiles fixes est plus petit que dix mille fois le diamètre du monde. Mais les sphères sont entre elles en rapport du cube de leurs diamètres; il s'en suit que le nombre des grains de sable, contenus dans une sphère aussi grande que la sphére des étoiles fixes, supposée par Aristarque, serait plus petit qu'une myriade de myriades de myriades de fois la sphère du monde; car il a été démontré que le nombre des grains de sable qui feraient un volume égal au monde est plus petit que mille unités de nombres septièmles. Il s'en suit .que si l'on formait de sable une sphère égale à celle qu'Aristarque suppose ètre celle des étoiles fixes, le nombre des grains de sable serait plus petit que le produit de mille unités des nombres septièmes par une myriade de myriades de myriades. Mais mille unités des nombres septièmes est le cinquante deuxième terme de la progression à partir de l'unité, et une myriade de myriades de myriades en est le treizième, à partir aussi de l'unité; il s'en suit que le produit sera le soixante-quatrième terme de la progression. Mais ce nombre est le huitième des nombres huitièmes, c'est-à-dire qu'il est de mille myriades des nombres huitièmes; il s'en suit que le nombre des grains de sable contenus dans une sphère aussi grande que celle des étoiles fixes supposée par Aristarque, est plus petit que mille myriades des nombres huitiémes ( 14 ) .

Je pense, ô roi Gélon, que ces choses ne paraîtront pas très croyables à beaucoup de personnes qui ne sont pas versées dans les sciences mathématiques; mais elles seront démontrées pour ceux qui ont cultivé ces sciences et qui se sont appliqués à connaître les distances et les grandeurs de la terre, dn soleil, de la lune et du monde entier. C'est pourquoi j'ai pensé qu'il ne serait pas inconvenant que d'autres les considérassent de nouveau.
[ C'est d'autant moins inconvenant que le texte des livres adressés à Zeuxippe est perdu et l'existence des grands nombres dont il devait traiter ne nous est connue que par l'arénaire. Il s'agissait probablement de nombres purement mathématiques, alors que le problème posé dans l'arénaire est l'estimation d'une grandeur physique. De nos jours, on manipule, en théorie des nombres, des nombres de plus en plus colossaux, dont il n'est mème plus possible d'écrire facilement l'exposant (il faut utiliser de nouvelles notations comme celle de Knuth), alors que les valeurs utilisés en physique ne dépasse guère la valeur trouvée par Archimède. C'est pourquoi, on pourrait parler de "limite d'Archimède", séparant les nombres en "cisarchimédiens", en dessous de cette limite, et "transarchimédiens" au delà, et seulement mathématiques. Reste un problème: Quelle serait cette "limite d'Archimède"? Une convention facile pourrait la placer à 2^256 = 10^77, plus grande valeur qu'on pouvait traiter avec la "simple précision" des ordinateurs (qui savent maintenant faire beaucoup mieux)]


Notes de F. Peyrard

(1) Il est évident qu'Aristarque considère le centre d'une sphère comme étant une surface infiniment petite; et qu'en employant cette analogie, il ne se propose de faire entendre autre chose, sinon qne l'orbite de la terre est infiniment petite, par rapport à la distance des étoiles au soleil. On aurait tort d'être surpris qu'Aristarque ait connu cette immense distance des étoiles: de cela seul que la hauteur méridienne des étoiles est toujours la même pendant une révolution de la terre autour du soleil, il lui était facile de conclure que, dans la supposition de l'immobilité des étoiles et du soleil, l'orbite de la terre devait ètre infiniment petite par rapport à la distance des étoiles.

(2) Une myriade veut dire dix mille; un stade était d'environ cent vingt-cinq pas géométriques.

(3) Archimède prend le soleil à l'horizon pour que l'oeil puisse en soutenir l'éclat sans en être trop incommodé; car il n'avait pas de moyen pour le dépouiller d'une grande partie de sa lumière. ( DELAMBRE)

(4) La partie de l'oeil qui aperçoit les objets n'est autre chose que la prunelle dont le diamètre varie à chaque instant, selon que la lumière est plus ou moins vive. De cette manière il pourrait arriver que le cylindre trouvé par la methode cl'Archimède fût, au moment de l'observation, d'un diamètre plus petit ou plus grand que celui de la prunelle, et alors l'observation, manquerait d'exactitude.

(5) Car si le centre du soleil était à l'horison, la droite DJ serait tangente à la terre, et par conséquent perpendiculaire sur le rayon qui joint les points D, H ; et alors la droite HJ serait plus grande que la droite DJ. Mais à mesure que le soleil s'élève au-dessus de l'horison, l'angle HDJ augmente et l'angle DHJ diminue; donc la droite HJ sera encore plus grande que la droite DJ, lorsque le soleil est au-dessus de l'horison.

(6) En effet, les deux triangles DMJ, HQJ ayant chacun un angle droit en M et en Q le côté JM étant égal au côté JQ, et l'hypoténuse DJ étant plus petite que l'hypoténuse HJ, l'angle MDJ sera plus grand que.l'angle QHJ. Donc le double du premier sera plus grand que le double du second, ç'est-à-dire que l'angle KDN, sera plus brand que l'angle LHO

(7) Le rapport du contour du polygone de 656 côtés inscrit dans le cercle ABC à JH étant moindre que le rapport de 44 à 7, le rapport d'un des côtés de ce polygone à JH sera moindre que le rapport de 44/656 à 7, c'est-à-dire moindre que le rapport de 44 à 4592, ou bien de 11 à 1148. Mais la droite AB esl plus petite que,le côté d'un polygone de 656 côtés; donc le rapport de AB à JH est moindre que le rapport de 11 à 1148.

(8) Car le rapport de BA à HJ est moindre que le rapport de 11 à 1148, c'est-à-dire que BA/HJ 11/1148 ; ou bien en divisant la seconde fraction par 11, BA/HJ < 1/(104 + 4/11). Donc à plus forte raison BA/HJ < 1/100. Donc si BA est un, HJ sera plus grand que cent. Donc BA est plus petit que le centième de HJ.

(9) Car puisque le diamètre du cercle RG est plus petit que la centième partie de HJ, et que HT+RJ est plus petit que le diamètre du cercle RG, il est évident que HT+RJ sera plus petit que la centième partie de HJ. Donc la droite HJ étant partagée en cent parties égales, la droite TR sera plus grande que quatre-vingt-dix-neuf parties de HJ. Donc le rapport de HJ à TR est moindre que le rapport de cent à quatre-vingt-dix-neuf.

Figure 2
(10) Soient les deux triangles ABC, DEF, ayant des angles droits eri B et E, que BC Soit égal à EF et AB plus grand que DE: je dis que le rapport de l'angle D à l'angle A, qui est plus petit que l'angle D est plus grand que le rapport de AC à DF, et que le rapport de l'angle D à l'angle A est moindre que le rapport de AB à DB.
Faisons le triangle HJK égal et semblable au triangle ABC. Prenons LJ égal à DE, et menons la droite LK. Le triangle LJK sera égal et semblable au triangle DEF. Prolongeons LK vers N, jusqu'à ce çlue LN soit égal à HK. Prolongeons aussi LJ vers M, et du point N conduisons la droite NM perpendiculaire sur LM. Le triangle LMR sera semblable au triangle LJK. Du point O, milieu de HK, et avec le rayon OK, décrivons une circonférence cle cercle: cette circonférence passera par le point J. Du point P, milieu de LN, et avec le rayon PN, décrivons aussi une circonférence de cercle: cette circonférence passera par le point M; et ces deux circonférences seront égales, puisque leurs diamètres sont égaux
Puisque les angles NLM, KHJ ont leurs sommets à des circonférences égales, ces angles seront entre eux comme les arcs compris par leurs côtés, c'est-à-dire que l'angle NLM sera à l'angle KHJ comme l'arc NM est à l'arc KJ. Mais dans des cercles égaux, le rapport des arcs est plus grand que le rapport des cordes; donc le rapport de l'angle NLM à l'angle KHJ est plus grand que le rapport de NM à KJ. Mais NM est à KJ comme LN est à LK. Donc le rapport de l'angle NLM à l'angle KHJ est plus grand que le rapport de HK à LK, c'est-à-dire que le rapport de l'angle D à 1'angle A est plus grand que le rapport de AC à DF.
Faisons à présent AQ égal à KE. Du point Q élevons une perpendiculaire sur AB; faisons QR égal à EF, et joignons AR. Le triangle AQR sera égal et semblable au triangle DEF. Du point A et avec le rayon AT décrivons l'arc UTS. L'angle UAT sera à l'angle TAS comme le secteur UAT est au secteur TAS. Mais le rapport du secteur UAT au secteur TAS est moindre que le rapport du secteur UAT au triangle AQT; donc le rapport de l'angle UAT à l'angle TAS est moindre que le rapport du secteur UAT au triangle AQT, et moindre par conséquent que le rapport de RT à TQ. Donc par addition, le rapport de l'angle UAT à l'angle TAS est moindre que le rapport de RQ ou de CB à TQ. Mais CB est à TQ comme AB est à AQ; donc le rapport de, l'angle UAS à l'angle TAS est moindre que le rapport de AB à AQ, c'est-à-dire que le rapport de l'angle FDE à l'angle CAB est moindre que le rapport de AB à DE.

(11) Le système de numération imaginé par Archimède est fondé sar les mêmes principes que le notre. Au lieu de nos neuf chiffres significatifs, il se sert des lettres de l'alphabet. Sans doute Archimède avait un caractère qui lui tenait lieu de notre zéro. Dans son système, comme dans le notre, les unités des caractères dont il se sert forment une progression géométrique dont la raison est dix. La seule différence consiste en ce que les unités sont à gauche au lieu d'être à droite. Voyez le Tableau du système d'Archimède comparé avec le notre.

(12) C'est la propriété fondarnentale des logarithmes, et c'est par le moyen de cette propriété. qu'Archimède va exécuter tous ses calculs.

(13) Puisque D:A :: K:H, on aura AxK = HxD. Mais D = DxA; donc AxK = HxDxA; donc K= HxD.

(14) J'ai supposé, d'après Archimède, que le diamètre d'une graine de pavot était la quarantième partie de la largeur d'un doigt; qu'une graine de pavot contenait 10 000 grains de sable; qu'un stade valait 10 000 doigts, et que le diamètre de la sphère des étoiles fixes était de 10 000 000 000 stades. J'ai fait les calculs, et j'ai trouvé qüe le nombre des grains de sable contenus dans la sphère des étoiles fixes serait de 64 suivi de 61 zéros. Ainsi Archimède a raison de dire que ce nornbre est plus petit que 100 suivi de 61 zéros, c'est-à-dire plus petit que mille myriades des nombres huitièmes.

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