La polémique à propos de la Croix de Migné Sitôt observé, le phénomène fut publié le 22 décembre 1826, sur ordre de l'évêché de Poitiers, par les ecclésiastiques qui l'avaient observé, et bien que qualifié simplement de prodige et d'apparition extraordinaire, on sentait bien que le miracle était sous entendu. Un second rapport, issu d'une commission d'enquète nommée par l'évêque fut publié le 9 février 1827. Dès lors il ne pouvait que s'engendrer une polémique entre ceux qui croyaient aux miracles et ceux qui n'y croyaient pas. Mais cette polémique allait être particulièrement intense, du fait que parmi ceux qui n'y croyaient pas, il y avait aussi des ecclésiastiques. Selon l'abbé Vrindts, le journal Le Médiateur du 16 janvier 1827, aurait décrit l'apparition de la croix de Migné dans les mêmes termes que l'abbé Marsault, alors que l'article aurait été écrit par un diacre marié. Selon l'abbé de La Neufville, le mensuel Les Tabletttes du clergé aurait mentionné les évènements de Migné dans son numéro du 30 janvier 1827. Le 24 février 1827, L'ami de la religion et du roi, fondé par Michel Picot, ainsi que le journal l'Étoile, rendirent compte de ces deux rapports en en donnant un extrait. On n'y affirme pas encore qu'il s'agit d'un miracle. Mais dès le lendemain le journal Le Constitutionnel fustigeait ce "Système d'abrutissement superstitieux". Déjà le mot "miracles de Migné" y est imprimé. Malheureusement, on y lisait "il parait qu'on a fondé de grandes espérances sur cette apparition lumineuse, assez commune après le coucher du soleil" Et le 26 c'est le journal Le Courrier français qui titre "Progrès de la superstition". Il reprend les informations de l'Étoile, et s'interroge: "Pourquoi faut-il que ce miracle se soit accompli dans une petite paroisse, tandis qu'à Paris où nous avons eu de si belles processions, il eut produit un si grand effet ?" Le 7 avril 1826, le journal catholique La Quotidienne publie la lettre d'un lecteur, qui dénonce une erreur du Journal du commerce, citant l'explication par un journaliste allemand de la Croix de Migné un invoquant un phénomène de réfraction. Le 18 April 1827, le pape Leon XII, publie un bref (un acte pontifical court, sans préambule), Allata jam..., Istis profecto consideratis quae simul concurrunt, res est hujus modi ut causis naturalibus tribui non posse videatur (En effet, compte tenu de ces choses qui se produisent ensemble, il semble qu'une affaire de ce genre ne puisse être attribuée à des causes naturelles.) Puis un opuscule intitulé Croix miraculeuse apparue à Migné, prés Poitiers, le 17 décembre 1826, vint donner un résumé de l'évènement, en le présentant comme un avertissement de Dieu, un miracle incitant les français à suivre les enseignements de l'Église. Le 18 Aout 1827, le pape Leon XII, publie un autre bref, Etsi maximi..., Nobisque ipsis, privato judicio nostro, ita sit persuasum... conspectum in coelo super parochiae Migneensis ecclesia signum redemptionis nostrae causis naturalibus tribui non posse (Et nous-mêmes, par notre jugement privé, pouvons être convaincus que... la vue du ciel au-dessus de l'église de la paroisse de Migne est un signe de notre rédemption qui ne peut être attribué à des causes naturelles.) Mais pour la "Petite Église", celle qui avait refusé le concordat, il ne saurait être question d'un miracle, puisque la vraie Église, c'est la leur, et que Dieu ne pouvait avoir fait un miracle pour l'Église concordataire. C'est pourquoi L'abbé Charles-Jacques Le Quien de la Neufville, son polémiste attitré, va aussitôt lancer contre lui un brulot. En septembre 1827, il publie un opuscule de 16 pages, intitulé Le faux miracle de Migné. Et de prouver que le prétendu miracle n'était qu'un artifice, et de trouver des preuves de sa fausseté, et d'imaginer que cette croix n'était qu'un cerf-volant, lancé pour tromper les fidèles. A la lecture du brulot de l'abbé de La Neufville, L'ami de la religion et du roi, du 10 octobre 1827, riposte et trouve invraisemblable et ridicule l'hypothèse du cerf-volant, tout en demandant où sont les "renseignements positifs" sur lequels l'abbé prétend se baser (ces "renseignements positifs" étaient, en fait, issus d'un canular publié par un journal belge, et repris par le journal La France Chrétienne. Une histoite belge une fois) Le memorial catholique de novembre 1827 va plus loin, et affirme que c'est en fait dans la chronique des théatres d'un journal plein de libertinages, que l'abbé de La Neufville a trouvé son hypothèse (nous venons de voir la vraie origine). Une autre réponse au brulot paru sous forme d'un pamphet de 12 pages: M. de la neufville, prètre de la petite église, convaincu de mensonge et de mauvaise foi. L'auteur y accuse l'abbé d'être téméraire, calomniateur et menteur: il tire ses arguments de L'ami de la religion et du roi. En Octobre 1828, L'abbé de la Neufville publie en 272 pages Nouvelles preuves contre le faux miracles de Migné. Il y présente les documents déjà connus, discute en chipotant les estimations des témoins, et déploie une belle érudition à s'étendre largement sur les faux miracles. Bien sûr, Il y réfute les arguments de L'ami de la religion et du roi. Le 29 octobre 1828, L'ami de la religion et du roi, rejette en la raillant la réfutation de L'abbé de la Neufville. Ces deux auteurs se sont ainsi chamaillés pendant plusieurs années. L'abbé de la Neufville compte 12 articles de Michel Picot pour l'authenticité du miracle de Migné. Le 28 novembre 1828, Mgr de Bouillé, évêque de Poitiers, publie un mandement où il reconnait comme miraculeuse l'apparition de la croix de Migné. Le 29 novembre 1828, Jean Baptiste Emmanuel Amable de Curzon, maire de Migné, pas convaincu du tout par L'hypothèse du cerf-volant de l'abbé de La Neufville, le met au défi, dans L'ami de la religion et du roi de reproduire l'apparition de la croix avec un cerf-volant. Le 17 décembre 1828, Alors qu'à Migné, une cérémonie venait de commémorer le supposé miracle devant 700 ou 800 personnes (mais sans apparition, cette fois), Le Constitutionnel expliquait que le pape, informé par des physiciens de la facilité de reproduire le prestige, avait refusé de promulguer la bulle qu'on lui demandait, qui aurait consacré le miracle. En 1829, l'abbé Vrindts publie en 532 pages La croix de Migné vengée de l'incrédulité et de l'apathie du siècle. Il y ferraille avec l'abbé de la Neufville pour défendre l'authenticité du miracle, "continuation des plus éclatantes preuves de la divinité de l'église romaine". Il y donne quelques documents utiles, comme le plan des lieux, ou les 23 témoignages enregistrés, mais fait preuve d'un sectarisme affligeant quand il écrit: "le crime national de la France, qui provoque le plus la vengeance céleste, c'est celui de la presse, surtout de la presse périodique,..." car pour lui les journalistes sont d'infames impies. Néanmoins, tous leurs écrits, mêmes leurs dénégations prouvent la réalité du miracle de Migné, y compris celles de l'abbé de la Neufville. D'ailleurs le témoignage oral qui atteste l'évènement de Migné suffit seul. On serait tenté de prendre ses affirmations pour des mensonges effrontés, si on ne comprenait qu'il s'agit seulement de la plus navrante naïveté. La naïveté/effronterie de l'abbé Vrinds lui valut, en 1830, un nouvel ouvrage, de 356 pages, de l'abbé de la Neufville, Vains efforts de plusieurs évêques, et de MM. Vrindts, Picot, Lambert, Curzon, A. G, etc. en faveur de la jonglerie de Migné.. Il y rappelle ses arguments doutant des affirmations des témoins et critiquant les tenants du miracle, liste les écrits de l'église contre les faux miracles, liste les journaux qui ont parlé du miracle, règle ses comptes avec l'abbé Vrindts et maintient son hypothèse du cerf-volant. Mais il y ajoute l'hypothèse de la lanterne magique et de la baudruche. Arrivé là, la révolution de 1830 était arrivée, le roi Charles X disparut, la presse royaliste s'en ressentit, au profit de la presse libérale, et la polémique sur le miracle de Migné tomba dans les oubliettes. Périodiquement, quelques livres, pour ou contre en parlèrent encore dans un de leurs chapitres. Mais finalement, à l'analyse, tous ces gens, aussi distingués fussent ils, n'avaient pas plus raison les uns que les autres, puisqu'il ne s'agissait, ni d'un miracle ni d'une jonglerie, mais d'une erreur d'interprétation. |
Dernière mise à jour: 15/10/2023
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