CONTRA INSULSAM VULGI OPINIONEM DE GRANDINE ET TONITRUIS
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CONTRE LA SOTTE CROYANCE DE LA FOULE SUR LA GRÈLE ET LES TONNERRES
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Ex his item tam profunda stultitia excaecatis, ut haec posse fieri credant, vidimus plures in quodam conventu hominum exhibere vinctos quatuor homines, tres viros, et unam feminam, quasi qui de ipsis navibus ceciderint: quos scilicet per aliquot dies in vinculis detentos, tandem collecto conventu hominum exhibuerunt, ut dixi, in nostra praesentia, tanquam lapidandos. Sed tamen vincente veritate, post multam ratiocinationem, ipsi qui eos exhibuerant, secundum propheticum illud confusi sunt, sicut confunditur fur quando deprehenditur. |
Et parmi ceux ci (1), aveuglés d'une sottise tellement profonde, qu'ils croyaient que ces choses puissent se faire, nous en vimes plusieurs dans une certaine assemblée (2), montrer ligotés quatre personnes, trois hommes et une femme, comme s'ils étaient tombés de ces mêmes navires: qui étaient apparemment retenus dans les liens depuis quelques jours, et qu'à la fin ils montrèrent à cette assemblée, afin, comme j'ai dit, qu'ils soient comme lapidés en notre présence. Mais cependant la vérité ayant vaincu, après beaucoup d'argumentation, ceux qui les avaient montré, furent confus, selon le prophéte, comme le voleur est confus quand il est pris(3)
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(3) Agobard veut probablement parler de Jérémie, 2:26 :
Comme, lorqu'il est pris, un voleur est confus...
SOURCE: Antoine Péricaud, DE LA GRELE ET DU TONNERRE PAR Saint Agobard, Lyon, 1841, p. 10-11
Remarques:
Etant donné que c'est sur une mauvaise interprétation que s'est construite la légende du vaisseau aérien d'Agobard, nous avons choisi d'abandonner la traduction plus élégante (pour l'époque) d'Antoine Péricaud, pour une traduction qui soit le plus près possible du sens du texte latin.
C'est sur ces deux phrases que s'est construite toute la légende. Agobard ne dit nulle part qu'un vaisseau aérien descendit du ciel, ni même que des témoins l'aient vu descendre, ni qu'ils aient vu quatre personnes en descendre. Il dit qu'on lui montra ces quatre personnes ligotées, après avoir été capturées par des gens qui prétendaient qu'ils étaient tombés de ces prétendus navires, et qui souhaitaient les lyncher.
Mais Agobard savait déja à quoi s'en tenir. Dans un autre passage, il dit qu'il n'avait pu trouver aucun témoin d'un "tempestaire" en action, et que quand on lui signala un, ce dernier lui assura qu'il disait vrai, désignant la personne, le temps et le lieu; mais avoua, qu'il n'avait pas été présent. Donc, si tout le monde parlait des tempestaires, personne n'en avait jamais vu un à l'oeuvre. Ainsi cette histoire de personnes tombés d'un navire aérien n'avait probablement pas plus de réalité.
Le récit d'Agobard est assez elliptique, et il faut avoir lu d'autres passage de son livre pour bien le comprendre.
Quand Agobard dit: "vincente veritate", "la vérite ayant vaincu", on peut comprendre "quand il fut avéré que cette histoire n'était qu'une invention".
Quand il dit: "post multam ratiocinationem...", "après beaucoup d'argumentation", on peut comprendre: "Après un interrogatoire serré".
Quand il dit "confusi sunt, sicut confunditur fur quando deprehenditur", "furent confus... comme le voleur est confus quand il est surpris", on peut comprendre: "les prétendus témoins, penauds et génés, durent avouer qu'en fait, ils n'avaient rien vu du tout".
Ainsi, des Lyonnais avaient capturés quatre étrangers, parce qu'ils avaient une tête à tomber d'un navire aérien (c'est à dire pour "délit de sale gueule"), les avaient gardé prisonniers plusieurs jours, et les avaient amenés à l'évèque, pour lui faire cautionner leurs exécution. Voila la sordide réalité que raconte Agobard
Malheureusement, quatre ans seulement après avoir fait l'objet d'une bonne édition, ce passage d'Agobard fut réutilisé par l'abbé Montfaucon de Villars, dans Le comte de Gabalis, une simple fiction, que des auteurs trop naïfs prirent pour argent comptant. Chez eux, les quatre personnes étaient bien tombés d'un navire, on les avait vus, et Agobard, qui n'avait rien vu refusait d'y croire. Ensuite les versions divergent: Agobard persuade les témoins qu'ils ont eu la berlue, ou fait évader secrètement les malheureux, voire les fait lapider lui même. Ainsi un exemple de bétise populaire, dénoncée par l'évèque le plus éclairé de son temps, se trouve transformé, dans un véritable bétisier ufologique, en un exemple de bétise épiscopale, par des auteurs qui n'ont pas lu le livre d'Agobard, mais qui, parfois, le prétendent.
Retenons une chose: En ufologie, le statut de "témoin", même faux, est équivalent à celui de "bienheureux" en religion, et supérieur à celui d'évèque ou de théologien. Que Montfaucon de Villars ait conféré le statut de témoin aux imposteurs qui voulait lyncher quatre innocents a suffi pour qu'une génération d'ufologue croient à la réalité de l'enlèvement en navire aérien, contre Agobard lui même, qui était pourtant le témoin princeps de l'affaire. Or si l'on ne peut plus croire le témoignage de l'archevèque le plus éclairé de son temps, il n'y a tout simplement plus d'ufologie possible: aucun autre témoignage ne vaut plus rien.
Il y a donc une autre règle à retenir: le témoignage de quelqu'un qui déclare avoir "vu" est toujours supérieur à celui de quelqu'un qui n'a rien vu. Ainsi le témoignage de celui qui a vu une soucoupe atterrir est retenu contre celui de quelqu'un qui n'a vu que la lune se coucher, et le témoignage de celui qui a vu le soleil danser est retenu contre celui qui n'a vu qu'un banal phénomène rétinien