Un étrange dialecte Imaginons que nous recevions un message ainsi conçu:
Ce vocabulaire émaille les lettres "ummites" comme des "lettrines" décorant un vieux parchemin. Ce qui donne ceci: Bien sûr, les "ummites" n'utilisant pas chez eux notre alphabet latin, ces mots bizarres ne sont qu'une transcription phonétique. Sur leur planète, ils auraient leur propre écriture. Pour rendre leur lettres plus "vraies" (enfin, plus exotiques), ils se laissent aller à écrire quelques mots dans la graphie de leur planète, graphie qui évoque plutôt une écriture orientale millénaire, que celle d'une civilisation très en avance sur la notre (un peu comme la pierre d'Alberto Sanmartin avait l'air de sortir d'un tombeau égyptien plutôt que d'une soucoupe)
Les ummologues s'employèrent à recenser ces mots "ummites". Antonio Moya Cerpa, compila un dictionnaire de 403 mots en 1978, dans l'espoir qu'ils puissent servir à une analyse linguistique. Tentatives de décryptement Cependant, en examinant bien la morphologie du vocabulaire "ummite", il semble que, sous réserve des erreurs de transcription, il se construise tout bêtement par assemblage d'éléments simples. Ainsi: D'où en sens inverse nous déduisons: Euréka! Nous commençons à déchiffrer la langue "ummite".
Peut on aller plus loin? Bien sûr, on peut se demander comment Jean-Pollion - qui n'est pas linguiste - sait que ce système est inconnu sur Terre. Il est simplement inconnu de lui Bien sûr, les mauvaises langues feront remarquer que Jean-Pollion vient de réinventer l'eau chaude en retrouvant le principe de la kabbale hébraïque Bien sûr, on peut remarquer, avec Jean-Michel Abrassart, que si on suit l'auteur dans son raisonnement, et sachant que W = information, O = être, et A = réel, on retrouve bien WOA (Dieu) = "information qui fait exister le réel ", mais aussi bien d'autres traductions.
Mais il y a pire. La sémantique lettre à lettre est bel et bien une création humaine. Elle ne date d'ailleurs pas d'hier, puisqu'elle est apparu au XVIIème siècle dans le cadre de la recherche d'une langue universelle, ce Saint Graal que les hommes cherchent depuis la tour de Babel. Mais pour le savoir il faut être linguiste, et de préférence spécialiste des langues synthétiques, type solrésol, volapük ou espéranto. (on a recensé plus d'un milliers de langues synthétiques. En voulant unifier la langue, les humains n'ont fait que "babéliser" davantage)
Mais URCHARD n'avait donné ni dictionnaire, ni grammaire. Il revenait à un autre écossais, George Dalgarno, de combler cette lacune pour créer une langue philosophique opératoire Dalgarno utilisait un système de classification des idées (un peu comme Dewey plus tard, pour les bibliothèques) qu'il rangeait en 17 classes suprêmes qui se divisaient en sous-classes, par la variation de la seconde lettre. Quatre lettres dites "serviles" concouraient à la formation des mots sans avoir de sens déterminé La langue de Dalgarno ne fut pas utilisée, car pour retrouver sans erreur le sens d'un mot, il fallait connaître par coeur toute la classification logique, c'est à dire en pratique tout le dictionnaire (3) Il n'empêche que le principe de la signification lettre à lettre, était connu sur Terre depuis longtemps. Exit la preuve de "l'exogéisme" des "ummites" Pardon, comment s'écrit "planète"? Les analyses qui précèdent, supposaient qu'il n'y avait pas d'erreur de transcription. Bien sûr, nous contrôlons ce fait pour un mot souvent cité dans les lettres "ummites", le mot "planète", pour lequel on trouve aussi "astre froid", ou astre "solidifié" et même "planète froide"Patatras, tout s'écroule, dans les seules lettres disponibles sur le Web, nous avons trouvé: OIAA, OIIAA, OOIAA, OOYA, OOYAA, OYA, OYAA, OYIA, OYIAA... ...c'est à dire presque toutes les combinaisons possibles. OYAYA! C'est la catastrophe. Vérifions pour le mot "étoile": OOYA, OOYIA Mais c'est pas vrai! Non seulement on ne sait pas comment s'écrit vraiment "planète" (on dira que c'est la faute du dactylographe qui tapait les lettres "ummites") mais les "ummites" ne semblent pas distinguer une étoile d'une planète... Mais d'où sortent ces extraterrestres de carnaval?
Du coup, puisque l'on ne sait plus comment s'écrivent vraiment les mots "ummites", il devient totalement illusoire de tenter une analyse sémantique lettre à lettre. Exit la géniale théorie du champollion du langage "ummite". On sèche sur l'«ummite» Mais on ne sait toujours pas s'il existe vraiment une langue "ummite". On peut déjà douter des prétendues phrases "ummites". Passe encore pour: De plus, nous avons vu qu'en "ummite", le sens s'obtient à partir de syllabes très signifiantes (à ce détail près que nous n'en connaissons pas l'orthographe exacte). C'est tout à fait contradictoire avec ce procédé de répétition, tout juste bon (s'il était possible) à faire des jeux de mots. Allez messieurs les "ummites", faisons comme les chinois: DO DO DO DO DO DO DO DO , ça signifie quoi pour vous? Donc, on est vraiment pas sur que les "ummites" puissent faire des vraies phrases avec leur supposé vocabulaire. On n'est pas rigoureusement certain (pour cause d'orthographe imprécise) que ce vocabulaire obéit à des règles morphologiques précises. On se demande d'où sort sa consonance étrange, qui certes, serait bien normale de la part d'extraterrestres. Les nouvelles pistes On peut remarquer avec Jacques Scornaux que les lettres les moins fréquentes en espagnol sont justement très fréquentes en "ummite". Avec l'exception du O, fréquent en "ummite" comme en espagnol (mais en finale seulement). C'est comme si on avait voulu fabriquer un vocabulaire qui présente l'exotisme maximum pour un lecteur espagnol, ou encore comme si le scripteur était un Espagnol qui ne veut pas en avoir l'air. Un autre élément va dans ce sens: les lettres "ummites" en français contiennent des hispanismes. Ainsi, au lieu d'écrire " l'importance ", les "ummites" écrivent " la transcendance ", parce qu'en espagnol "importance" se dit "trascendencia ". De même, ils écrivent "le brillant " au lieu de "l'éclat " ( "brillo" en espagnol) et écrivent "sistème" pour "système" ("sistema" en espagnol) . Pour Bertrand Meheust , la linguistique d'Ummo semble inspirée du roman de SF de Ian Watson "l'enchâssement"
Les "ummites" ont ils lu "l'enchâssement"? En tous cas le vocabulaire "ummite" paraît avoir une double fonction: d'abord désorienter cognitivement la victime (procédé employé par toutes les sectes qui connaissent leur métier). Ensuite relever d'un goût très exotique une littérature trop médiocre. Exactement comme pour les romans d'anticipation à la petite semaine. Prenez un banal roman d'espionnage. remplacez le Nicaragua par la planète Zarkon, les fonctionnaires corrompus par les prêtres d'Usschar et les agents du KGB, par des androïdes contrôlés par les gardiens de l'ordre de Xilith, vous obtenez un roman de space opéra.
Et nous ne savons toujours pas ou les "ummites" on trouvé leur inspiration pour fabriquer ces syllabes survoyellées si caractéristiques. Certains ont pensé à des consonances africaines. C'est vrai que "UMMOAELEWE" ça fait africain. Mais XANMOO XOGUU, c'est moins évident.
Pourtant, si on peut contester l'hypothèse de l'inspiration chinoise, c'est surtout parce qu'il en existe une autre, tout aussi terrestre, mais qui semble meilleure: Vincent Morel, qui se pique de s'y connaitre en linguistique, a trouvé qu'il existe une parenté plus étroite avec la branche orientale des langues austronésiennes. Ainsi, "UAEXOOE IANNO IAUAMII IE OEMII" s'inspirerait de "waeshoe yanno yawami ye oemi" (il faut tenir compte des nombreuses erreurs de transcription, comme nous l'avons vu plus haut). Dès lors, ce n'est pas d'un dictionnaire de chinois mandarin dont se serait servi l'auteur des lettres ummites, mais plutôt d'un dictionnaire de tahitien ou d’hawaiien.
Notes et références (1) Antonio Ribera, UMMO le langage extraterrestre, Editions du Rocher, Monaco, 1984, page 221 (2) Jean-Pollion, UMMO - de vrais extraterrestres, Editions Aldane, Cointrin, 2002 (3) L.Couturat et L.Leau, Histoire de la langue universelle, Hachette 1903. |
Dernière mise à jour: 18/06/2020
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