Les fondamentalistes et le "jour manquant"..


James Ussher
On sait que, dans la droite lignée des réfutateurs de Voltaire, les fondamentalistes américains croient à la création du monde en six jours.
Ce qu'on sait moins, c'est que les chronologistes ne sont pas tous d'accord sur la date précise de cette création. La chronologie de James Ussher, généralement adoptée par ces mêmes fondamentalistes américains, fixait le premier jour de la création au dimanche 23 octobre 4004 avant J.C.
Mais en fait, Il existe des dizaines de datations de la création du monde, basées sur la Bible.
Le pire est que la datation d'Ussher est la plus absurde de toutes. Au lieu d'essayer d'accrocher la chronologie donnée par la Genèse, à un phénomène historique, il utilise une cascade d'arguments ineptes: Un jour de Dieu vaut mille ans des hommes, donc la création en 6 jours représente 6000 ans, donc le monde doit durer six millénaires.
Déja, le premier venu peut se rendre compte de l'absurdité du raisonnement: Il n'y aurait rien d'étonnant à ce que Dieu ait mis 6000 ans à créer le monde. Mais cela n'a rien à voir avec ce que doit durer ce monde.
Ensuite, Jésus est né l'année de la mort d'Hérode, et Hérode est mort peu après une éclipse que Petavius date de l'an 4 avant notre ère, donc Jésus est né en 4 avant notre ère. Mais pour Ussher, Jésus n'a pu naitre que lors d'un changement de millénaire, et comme si le monde avait déjà 5000 ans à cette date, la fin du monde serait déjà survenue du temps d'Ussher, la seule date qui convienne pour la création est 4004 avant notre ère. Le "hic", c'est que si James Ussher avait eu raison, la fin du monde aurait eu lieu en 1996
Mais une autre datation de la création, qui implique l'existence d'un "jour manquant" nous a été offerte par Charles A.L. Totten, en étudiant l'arrêt du soleil par Josué.

1890, Charles A.L. Totten utilise le miracle de Josué pour expliquer le "jour manquant".


Charles A.L. Totten
Après avoir été officier de l'armée américaine, Charles A.L. Totten se mit à écrire des livres sur les prophéties bibliques, la chronologie de la Bible, et même la pyramidologie. En 1890, dans Joshua's long day and the dial of Ahaz, a scientific vindication and "A midnight cry, il étudie les implications du miracle de Josué, complété par celui du cadran solaire d'Ezéchias. Cela lui permet de calculer une autre chronologie, et de résoudre le problème du "missing day". En effet certaines chronologies butent sur un problème: Le premier jour de la création devrait être un Dimanche, alors qu'en remontant semaine après semaine, jusqu'à la date trouvée, c'est un lundi.
Le "livre du juste" dit en substance: "Soleil, arrète toi sur Gabaon, et toi, lune, sur le val d'Ajalon. Cela signifie clairement que, vu depuis la position de Josué, le soleil paraissait à l'aplomb de Gabaon, et la lune à l'aplomb du val d'Ajalon. Mais le même livre dit aussi que le soleil s'arréta au milieu du ciel. Si donc le soleil s'arréta en plein midi, il était au sud, et Josué devait se trouver au nord de Gabaon, ce qui correspond mal au texte biblique. Qu'à cela ne tienne, Totten réinterprète le texte biblique. Le soleil se trouvait sur le méridien de Gabaon, et la lune sur le méridien du val d'Ajalon, ce qui lui permet de calculer que la lune était à 8 minutes d'arc à l'ouest du soleil, et qu'elle aurait du entrer en conjonction avec lui 13 minutes plus tard.
Ce que Totten oublie, ou veut oublier, c'est que dans cette hypothèse, c'était la nouvelle lune, que la lune était donc parfaitement invisible pour Josué, qui ne ne risquait donc pas de lui demander de rester à l'aplomb du val d'Ajalon. Son raisonnement est donc absurde
Mais un enchainement de raisonnements du même genre va lui permettre de dater le phénomène au mardi 21 décembre de l'an 2555 de la création du monde, et de calculer que le jour fut retardé de 23 heures 20 minutes. Mieux, plus tard, le miracle d'Isaïe, faisant rétrograder le cadran solaire d'Ezéchias, introduit un retard supplémentaire de 40 mn, ce qui amène le retard total à 24 heures pile.
Or, un enchainement de calculs difficiles à suivre, à base d'éclipses, le conduit à affirmer qu'il est nécessaire d'intercaler un jour supplémentaire. Et voila, ce jour manquant est retrouvé: il vient des miracles de Josué et d'Isaïe
Finalement Totten invente une nouvelle chronologie, où le Christ naquit en l'an 3996 de la création, et non en 4000 comme le prétendait Dimbleby, ni en 4004, comme l'avait calculé James Usher.
Très fort! Dommage que cette histoire de jour manquant ne tienne pas debout puisque, même en admettant la création en six jours, il est impossible d'en trouver le jour exact, et donc d'en déduire le jour de la semaine. De plus, le fait que le premier jour de la création soit un Lundi place le septième jour, où Dieu se reposa, le Dimanche, ce qui s'accorde avec le jour de repos des Chrétiens. Il n'y a désaccord que pour les juifs, chez qui le jour de repos est le Samedi, ce qui ramène le premier jour de la création le dimanche précédent.

1936, Harry Rimmer retourne la charge de la preuve comme une chaussette.


Harry Rimmer
En 1936, dans The Harmony of Science and Scripture, Harry Rimmer réinterprète à sa façon la bataille de Gabaon. Il commence par lui donner une signification historique où se mèlent la naissance du Christ, celle des Etats Unis d'Amérique, et même la bataille de Waterloo. Puis il attaque les critiques modernes contre l'authenticité du livre de Josué, en retournant la charge de la preuve: il n'est pas prouvé falsifié, donc il est authentique.
Pour analyser le miracle, il y va d'une interprètation très personnelle: Le soleil au milieu du ciel signifie que le soleil était au zénith de Gabaon ( ce qui est impossible, Gabaon n'étant pas sur le tropique ). Quant à la lune, elle ne paraissait pas à l'aplomb du val d'Ajalon. Elle était dans le val d'Ajalon! Il affirme alors que la bataille eut lieu au solstice d'été, alors que Totten la plaçait au solstice d'hiver, ce qui ne l'empèche pas de récupérer les calculs de Totten.
Ensuite il réfute l'argument de l'impossibilité du miracle dans le sytème héliocentrique, en retournant encore la charge de la preuve: il n'est pas prouvé que Josué ignorait le système héliocentrique ( il n'est pas prouvé non plus qu'il ignorait la relativité ).
Puis il trouve une nouvelle signification au miracle, en sa basant sur la traduction littérale du texte hébreu ( "soleil, tais toi" ). En effet il estime que la température devait être entre 105 et 120 °F, chaleur oppressante pour les soldats hébreux, déjà fatigués par leur marche nocturne. Aussi, à l'injonction de Josué, un épais nuage vint opportunément obscurcir le soleil, et ce nuage est aussi celui qui fit tomber la grèle sur les ennemis d'Israël. Mais alors, il reste à expliquer l'allongement du jour, et l'auteur est bien obligé d'accumuler les sophismes, n'hésitant pas à comparer les lois physiques avec les lois humaines, et à affirmer que, puisque nous ne sommes pas censés connaître toutes les lois, il n'est pas prouvé qu'il n'y en ait pas une qui explique le miracle.
Enfin, histoire de prouver sa mauvaise foi, Rimmer réécrit l'histoire du travail de Totten: Selon lui, Un astronome, collègue de Totten, lui révéla que la Terre avait un horaire décalé de 24 heures. Totten lui conseilla d'en chercher la cause dans la Bible, et l'astronome trouva que Josué avait retardé le soleil de 24 heures, alors que ses calculs indiquaient 23 heures 20 minutes, et donc que la Bible s'était trompé de 40 minutes. Mais Totten fit remarquer que la Bible parlait seulement d'un retard de près d'un jour. L'astronome continua ses recherches et trouva les 40 minutes manquantes dans le retardement du cadran solaire d'Ezéchias, au livre d'Isaïe.
En réalité, tout ceci n'est qu'une légende, dont on ne trouve aucune trace dans le livre de Totten. Malheureusement, plusieurs sites ne connaissent le travail de Totten qu'à travers cette légende.

1969 L'ordinateur de la NASA aurait prouvé l'existence du "jour manquant".


En octobre 1969 (donc, juste après l'arrivée de l'homme sur la Lune), la légende lancée par Totten connut un nouvel avatar, dans un article de Evening World, un journal de Spencer, Indiana. Selon Harold Hill, de Baltimore, les calculs de la NASA avait prouvé qu'il existait bien un jour manquant. Cette nouvelle légende dit que, pour faut éviter que les satellites artificiels ne s'engagent sur des orbites où ils risqueraient de s'écraser sur le soleil, la lune et les planètes, il fallait déterminer avec exactitude les positions respectives que ces astres occuperaient durant les 100 ou les 1000 prochaines années. ( Cette affirmation absurde, montre une belle igorance de l'astronomie. La position future des astres est connue depuis qu'on connaît les lois de la mécanique céleste, et des tables des positions futures des planètes avaient déjà été établies dès l'antiquité ).
Les programmeurs de la NASA chargèrent alors l'ordinateur de calculer les coordonnées célestes en remontant le cours des siècles. ( seconde absurdité: on ne se proposait évidemment pas d'envoyer des sondes spatiales dans les siècles passés ).
Soudain, la machine se bloqua: elle avait reçu une information fausse, à moins qu'il ne s'agit d'un désaccord entre les résultats de ses calculs et l'observation astronomique des faits. Mais la machine fonctionnait parfaitement. Il manquait une journée sidérale dans le déroulement des temps passés. C'est alors qu'un membre de l'équipe se souvint de l'histoire de Josué. En reprogramment la machine, pour en tenir compte, le désaccord se trouva réduit à 40 minutes. Enfin l'explication de ces 40 minutes fut trouvée dans le miracle du cadran solaire d'Ezéchias. ( troisième absurdité: on ne risquait pas de trouver un désaccord entre les calculs, et des observations qui n'avaient jamais existé )
En fait, cette légende décalque tout simplement les affirmations de Totten, revues et corrigées par Rimmer.

1970 Les témoins de Jéhovah sont sceptiques

La légende précedente est tellement absurde que les témoins de Jéhovah eux mêmes, pourtant peu suspects de scepticisme, eurent des doutes:
“Missing Day” Verified?
An example of this is the case of the “Missing Day.” Some months ago a Mr. Harold Hill of Baltimore, Maryland, circulated copies of a story that was then widely reprinted in newspapers throughout the United States.
Mr. Hill stated that at the Greenbelt, Maryland, space center scientists were checking by computer the position of the sun, moon and planets to determine where these bodies would be in the future. Scanning centuries back and forth, computer calculations reportedly revealed that in the past there was a 24-hour day missing. One of the scientists was said to have remembered the Bible account of Joshua, chapter 10, which says that the ‘sun stood still’ for about a whole day. The computer was allegedly put back to work and found the missing time of Joshua’s account to be 23 hours and 20 minutes.
However, the story continued, what of the other 40 minutes? The same scientist reportedly then remembered the Bible account of Second Kings, chapter 20, which tells that King Hezekiah was given a sign as proof that he would recover from illness. The sign was that the shadow of a sundial would go backward “ten degrees” (Authorized Version), which is 40 minutes of time. Hence, put together, the two Bible accounts make up the 24 hours, the “Missing Day” that the computer is said to have found. Was this published report true? A letter of inquiry was sent to Mr. Hill asking for further details concerning his account. In his reply he stated: “I am sorry I have misplaced the documentation relative to the names and places connected with the ‘Missing Day’ account, but will be glad to forward it to you when I come across it.” That was many months ago. To this date no documentation has been forthcoming.
In addition, Awake! magazine sent a letter of inquiry to the National Aeronautics and Space Administration’s Goddard Space Flight Center at Greenbelt, Maryland. It asked officials there for verification of the story. Chief of the center’s Office of Public Affairs, Edward Mason, replied by letter: “We know nothing of Mr. Harold Hill and in no way can corroborate the ‘lost day’ reference in the article.”

(Awake!, 22 novembre 1970)
Un jour “perdu” ?
Prenons comme exemple le cas du “jour perdu”. Il y a quelque temps un certain Harold Hill de Baltimore fit publier une nouvelle qui, par la suite, fut reproduite dans de nombreux journaux américains.
Selon M. Hill, des savants de la station spatiale de Greenbelt, dans le Maryland, calculaient à l’aide d’un ordinateur quelle sera la position du soleil, de la lune et des planètes à certaines dates. En scrutant les siècles passés au moyen de l’ordinateur, ils auraient découvert qu’il manquait à un moment donné un jour de vingt-quatre heures. Toujours d’après M. Hill, l’un des savants se serait souvenu alors du récit biblique contenu dans le dixième chapitre du livre de Josué et qui déclare que le “soleil s’arrêta” pendant “presque tout un jour”. En recourant de nouveau à l’ordinateur, on aurait établi que la période de temps qui manquait était en réalité de 23 heures et 20 minutes.
Il restait donc 40 minutes à expliquer. D’après M. Hill, le même savant se serait rappelé que la Bible raconte également, dans le vingtième chapitre du deuxième livre des Rois, que Dieu donna un signe au roi Ézéchias comme preuve qu’il allait se remettre d’une maladie : l’ombre sur le cadran solaire reculerait de “dix degrés”, ce qui équivaut à 40 minutes. Par conséquent, les deux récits bibliques réunis expliquent les 24 heures ou “jour perdu” que l’ordinateur était censé avoir retrouvé.
Cette nouvelle est-elle digne de foi ? On a adressé une lettre à M. Hill lui demandant de plus amples détails à ce sujet. Dans sa réponse il déclara : “Je regrette de devoir vous dire que j’ai égaré la documentation contenant les noms et les lieux relatifs à l’article sur le ‘jour perdu’, mais je serai heureux de vous la faire parvenir dès que je la retrouverai.” Il y a de cela plusieurs mois, mais jusqu’à présent la documentation n’est toujours pas arrivée.
En outre, les éditeurs de Réveillez-vous ! ont écrit au Centre spatial de Greenbelt pour demander à la direction une confirmation des dires de M. Hill. Edward Mason, directeur du service des relations publiques de ce Centre, répondit par écrit en ces termes : “Nous ne connaissons pas M. Harold Hill et nous sommes dans l’impossibilité de confirmer les renseignements qu’il donne dans son article.”

(Réveillez-vous!, 8 mars 1971)
Les éditeurs ajoutent qu'ils ont retrouvé la même histoire (sans la NASA) dans l'ouvrage de Rimmer reprenant l'idée de Totten. Pour se faire démystifier par les témoins de Jéhovah, il fallait vraiment que Harold Hill y aille fort!

1974 Harold Hill prétend donner une leçon aux hommes de science au nom de Dieu.


Harold Hill
Malgré le scepticisme des Témoins de Jéhovah, Harold Hill, de la Curtis Engine Company, et prétendu consultant de la NASA, persista à colporter la légende de la NASA cautionnant le jour manquant, dans How To Live Like A King's Kid.
Il en concluait, lui qui ne connaissait manifestement rien à la Science, que Dieu donnait une leçon aux hommes de science.
Mais la NASA nia qu'Harold Hill ait jamais éré consultant chez elle. Elle nia aussi avoir jamais fait un tel calcul, ce qui bien logique, vu les absurdités énoncées plus haut.
Harold Hill était en fait un écrivain et orateur, genre télévangeliste, et n'a jamais été capable de citer sa source (ce sont les témoins de Jehovah qui l'ont retrouvé). Manifestement, la rumeur colportée par Harold Hill, n'était qu'une réactualisation, à la sauce spatiale, de la théorie de Totten-Rimmer.

Mais cette légende absurde continue son chemin puisqu'en cherchant sur Google bible+"jour manquant", on trouve 3120 résulats, et pour bible+"missing day", 15200 résultats, dont 2230 avec "Harold Hill".
Car, bien sûr, pour l'américain bien pensant, la NASA qui conforte la Bible, c'est forcément vrai, vous pensez!

Dernière mise à jour: 01/12/2019

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