Le problème de la grèle meurtrière

Le onzième verset du chapitre décrivant la bataille de Gabaon est explicite: une grèle envoyée par Yahvé anéantit l'armée des Amorrhéens.
Nous pouvons en consulter diverses traductions:

D'abord les versions massorétiques:

La traduction juive du rabbinat (1902)
11 Tandis qu'ils fuyaient devant Israël, comme ils se trouvaient sur la pente de Béthorôn, l'Eternel fit tomber sur eux, jusqu'à Azêka, d'énormes grêlons qui les tuèrent; et il en périt un plus grand nombre par ces grêlons que par l'épée des enfants d'Israël.

la traduction protestante de Louis Segond (1910):
11. Comme ils fuyaient devant Israël, et qu'ils étaient à la descente de Beth Horon, l'Éternel fit tomber du ciel sur eux de grosses pierres jusqu'à Azéka, et ils périrent; ceux qui moururent par les pierres de grêle furent plus nombreux que ceux qui furent tués avec l'épée par les enfants d'Israël.

la traduction catholique de l'école de Jérusalem (1955):
11. Or, tandis qu'ils fuyaient devant Israël à la descente de Bet-Horôn, Yahvé lança du ciel sur eux, jusqu'à Azéqa, d'énormes grêlons, et ils moururent. Il en mourut plus sous les grêlons que sous le tranchant de l'épée des Israélites.

la traduction Dhorme (1971):
11 Or il advint, comme ils fuyaient devant Israel et et qu'ils étaient à la descente de Beth-Horon, que Yahvé lança des cieux contre eux de grandes pierres jusqu'à Azéquah et ils en moururent. Ceux qui moururent par les pierres de grêle furent plus nombreux que ceux que les fils d'Israel tuèrent par l'épée.

la traduction Osty (1973):
11 Or, tandis qu'ils fuyaient devant Israël, à la descente de Beth-Horôn, du ciel Yahvé lança sur eux de grosses pierres jusqu'à Azéqa, et ils moururent. Il en mourut plus par les pierres de grêle que les fils d'Israel n'en tuèrent par le glaive.

la traduction Chouraqui (1977):
11. Et c’est dans leur fuite en face des Benéi Israël,
eux-mêmes sur la côte de Béit Horôn, IHVH-Adonaï jette sur eux
de grandes pierres des ciels, jusqu’à Azéqa. Ils meurent.
Ceux qui meurent par les pierres de la grêle
sont plus nombreux que ceux que les Benéi Israël tuent par l’épée.

la traduction Bayard (2001):
11 Pendant qu'ils fuient devant Israël, dans la descente de Beth-Horôn jusqu'à Azéqa, Yhwh fait tomber du ciel de grosses pierres sur eux, qui meurent. Il en meurt plus sous ces pierres de grêle que par l'épée des israélites.

la traduction oecumenique de la Bible (2011):
11 Or, tandis qu’ils fuyaient devant Israël et qu’ils se trouvaient dans la descente de Beth-Horôn, le SEIGNEUR lança des cieux contre eux de grosses pierres jusqu’à Azéqa et ils moururent. Plus nombreux furent ceux qui moururent par les pierres de grêle que ceux que les fils d’Israël tuèrent par l’épée.

Maintenant, lisons la version "des septantes" (1865, traduction Giguet)
11 Pendant qu'ils fuyaient devant les fils d'Israël, sur les pentes du mont Oronin, le Seigneur jeta sur eux, du haut du ciel, des pierres de grêle jusqu'à Azéca, et ces pierres de grêle en tuèrent plus que les fils d'Israël n'en avaient fait périr par le glaive dans le combat.

A l'orthographe des noms de lieu près, toutes ces traductions sont d'accord sur ceci: Du ciel, Yahvé lance de grosses pierres ou grélons sur les Amorrhéens depuis la descente de Beth-Horôn, jusqu'à Azéqua, et ils en meurent.
Mais elles divergent sur la nature des projectiles. De vrais pierres ou des grêlons?
Nous avons en effet: d'énormes grêlons (2 fois), de grosses pierres (4 fois), de grandes pierres (2 fois), des pierres de grêle.

Dans les rares illustrations que nous avons pu trouver les deux interprétations cohabitent:



Ci-dessus, la grêle meurtrière imaginée dans une bande dessinée animée de 2018: manifestement, il s'agit de grêlons, mais trop énormes pour être naturels. Les soldats sont a pied, et s'ils semblent avoir des cuirasses, ils n'ont ni casques, ni boucliers.

A droite, le même évènement illustré par Gustave Doré: cette fois ce sont de véritables rochers qui tombent du ciel, et si les soldats ne semblent pas non plus avoir de casques ni de boucliers, ni même de cuirasses, ils sont à dos de dromadaire, alors que dans le livre de Josué, les montures sont des chevaux.

Alors, des grêlons ou des pierres? Dans nos exemples, les pierres sont cités six fois et les grêlons seulement trois.
Que pourrait être une chute de pierres? Plusieurs auteurs ont pensé à une averse de météorites. Mais ils n'ont tenu compte que du seul point de vue qualitatif: effectivement, une chute de météorites peut cribler toute une contrée de dizaine de milliers de pierres. On en a des exemples à Laigle et à Pultusk., mais ces chutes s'étalent sur une telle superficie qu'il ne tombe que quelques pierres à l'hectare, densité bien insuffisante pour exterminer une armée.
Une densité plus importante pourrait être atteinte dans la chute de bombes volcaniques, mais pour autant qu'on sache, la Bible ne mentionne pas de volcan en activité à Beth-Horôn.
Comme nous pouvons oublier l'hypothèse aristotélicienne de pierres soulevées par le vent, force est de constater qu'il n'y a pas de phénomènes naturels qui puisse expliquer une telle pluie de pierres.

Quid, alors, d'une chute d'énormes grêlons? Les vieilles chroniques et les annales météorologiques, nous renseignent sur d'épouvantables orages de grêle, ou une cataracte d'énormes grêlons fit d'effrayant dégats. Ainsi Eginhard décrit pour l'an 823, une grêle où certains grêlons sont comparés à des pierres:
Grando devastavit fruges et cum grandine cadebat veri lapides magni terreni.
la grêle devasta les recoltes et avec la grêle tombaient de vraies grandes pierres terrestres.
On peut douter qu'il soit tombé de vraies pierres, mais la taille, le poids et les dégats de ces grêlons pouvaient bien les faire comparer à des pierres.
Pour la densité nous ne manquons pas d'exemples au cours des derniers siècles: Le 3 aout 1813, près d'Angoulème, vers 18 H, une cataracte de grêle tomba qui s'amoncela dans les chemins sur plusieurs dizaines de cm. Le 9 mai 1865, à Le Catelet, dans l'Aisne, la chute de 600 000 m3 de grélons, forma un lit tellement épais qu'il subsista plusieurs jours.
Et pour la dangerosité, les morts et les blessés ne manquent pas. Le 13 juillet 1788, un orage mémorable fit des dégats épouvantables: Des arbres d'une grosseur énorme ont été brisés, & d'autres déracinés; des maisons détruites; les troupeaux, le gibier, les poulets, les poules, les pigeons, tués ou blessés; quelques personnes ont aussi été blessées très grièvement, & il en est même, dit-on, qui ont perdu la vie. Le 3 aout 1813, des personnes furent blessés, un enfant tué, des animaux mutilés, les arbres effeuillés, les moissons écrasées et les vignes hachées au point qu'on dut les arracher. Le 17 juillet 1852, un orage détruisit les récoltes, déracina les arbres, renversa des chaumières et tua plusieurs personnes.
Oui, des personnes non protégées et sans possibilité de s'abriter on été tuées, par la foudre, la chute d'arbres, mais aussi par la grêle, ce qui n'a rien d'étonnant, si l'on réfléchit à l'impact que peut faire une masse de près d'une livre tombant de la hauteur d'un nuage.
Donc, oui, la grêle peut tuer. elle pourrait même faire une hécatombe en s'abattant sur une troupe d'hommes sans protection.

C'est donc bien des "pierres de grêle", c'est à dire des grélons, et non une "grêle de pierre", qu'il fallait comprendre.
Maintenant, cela suffit il à rendre le récit vraisemblable?
Non, car nous avons vu que la grêle pouvait faire une hécatombe sur une troupe d'hommes, à condition qu'ils fussent sans protection. Or imagine-t-on des soldats de l'antiquité partir au combat sans casque, ni bouclier? Et ce, alors que le bouclier avait été inventé dès le troisième millénaire avant nore ère? On les imaginerait bien plus, se protégeant de la grêle avec leur bouclier, comme nous en avons un exemple en 47 avant notre ère, pendant la guerre d'Afrique (celle qui est évoquée dans Astérix légionnaire):
Namque, Virgiliarum signo confecto , circiter vigilia secunda noctis, nimbus cum saxea grandine subito est exortus ingens...
Itaque, subito imbre grandineque consecuta gravati pondere, tenebris aquaque omnes subruti disjectique, nocte intempesta, ignibus exstinctis, rebusque, ad victum pertinentibus, omnibus conruptis, per castra passim vagabantur, scutisque capita contegebant.

Après la retraite des Pléiades, vers neuf heures du soir, se leva tout à coup un gigantesque nuage d'orage avec une grèle de pierres...
Et ainsi, accablés par la quantité de pluie et de grêle qui suivit, tout étant ruiné et dispersé par les ténèbres et l'eau, par cette nuit d'orage, les feux éteints, et par ces choses, cherchant la nourriture, tout étant gaté, ils erraient en tous sens à travers le camp, et se protégeaient la tête de leurs boucliers.

(Aulus Hirtius, bellum africum)
Cette fois, le fait est historique, et la description logique: les soldats se protègent de leurs boucliers.

Ainsi, si l'on veut que le phénomène eut été naturel, la grêle convient, mais elle n'eut pu être meurtrière que si les soldats Amorrhéens n'avaient pas pensé à se protéger de leurs boucliers.
Dès lors un miracle est tout de même nécessaire: ou pour faire tomber des grélons tellement lourds que leurs boucliers n'eussent pas protégé les soldats, ou pour faire oublier aux soldats de se protéger.

A moins que le livre de Josué nous ait raconté des conneries. Après tout, il veut nous faire croire aussi qu'à la bataille des eaux de Mérom, Josué vainquit une armée de cavaliers nombreux comme les grains de sable de la mer (des milliards, donc) avec une armée de va-nu-pieds, qui venait de passer 40 ans dans le désert, où il n'y a bien sûr, ni tisserands, ni cordonniers, ni forgerons, ni chevaux.

Dernière mise à jour: 02/12/2019

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