L'étoile des mages était elle d'ordre astrologique?

Puisque les mages venaient en Judée, après avoir vu le lever exceptionnel d'un astre, à qui ils attribuaient une signification importante, c'est donc que c'était des astrologues.
On comprend donc, que le mystère de l'étoile des mages ait gravement intéressé les astrologues, tout comme le thème natal du Christ.

Les astrologues de l'antiquité n'étaient pas chrétiens, et les premiers chrétiens, pas astrologues, c'est donc en dehors du monde chrétien qu'on va trouver la première application de l'astrologie à la naissance du Christ, en particulier chez l'astrologue arabe Messahala (740-815) dont une partie de son traité a été conservé dans une copie du 9ème siècle.

Ensuite le premier auteur chrétien à avoir dressé un horoscope complet du Christ aurait été le cardinal Pierre d'Ailly (1351-1420), auteur de "l'imago Mundi", mais aussi du "Tractatus de concordantia theologie et astronomie" qui traite des rapports entre astrologie et théologie. Etudier de tels rapports était moins étonnant à une époque ou régnait le syncrétisme.

1552, Jérome Cardan dresse le thème astral du Christ.


Jérome Cardan
Personnage tellement haut en couleur que certains en ont fait l'archétype de l'homme de la renaissance, Jérome Cardan fut tellement excentrique qu'il fut capable de se laisser mourir le jour ou il avait prédit sa propre mort. A la fois génial, excessif, inconstant et orgueilleux, Cardan fut un touche-à-tout qui tata avec bonheur des mathématiques, de la physique, de la mécanique et même de la médecine, mais se fourvoya lamentablement dans l'astrologie.
Bien qu'un des astrologues les plus réputés de son temps, il commit quelques erreurs magistrales, qu'il eut l'honnèteté de reconnaitre, comme l'horoscope du jeune roi Edouard VI qu'il tira en 1552: Cardan annonça qu'Edouard dépasserait le milieu d'une vie normale mais « qu'après l'âge de cinquante-cinq ans trois mois et dix-sept jours, il souffrirait de diverses maladies ». Hélas, neuf mois après le passage de Cardan, Edouard mourut à l'age de seize ans.

le thème astral du Christ
La même année, Cardan écrivit "De astrorum judiciis libros commentaria", (Commentaire à l'astrologie judiciaire de Ptolémée), où il eut l'audace de dresser l'horoscope du Christ. Il aurait ainsi expliqué la passion par une conjonction de planètes.
On devine que cette audace ne fut pas du gout de l'église, d'autant que Cardan écrivit aussi une apologie de Néron, grand persécuteur de chrétiens devant l'éternel. C'est pourquoi, en 1570, dénoncé par son propre fils, Cardan eut affaire à l'inquisition qui lui reprocha encore bien d'autres choses, comme ses doutes vis à vis des miracles et de la vie éternelle. Cardan écopa d'une lourde amende, de deux mois de prison, de sa radiation de l'université, et de l'autodafé d'une grosse partie de ses manuscrits. Il eut été mieux inspiré, après l'échec de son horoscope d'Eduard VI, de reconnaitre à temps que son horoscope du Christ ne valait rien.

1614, Képler calcule l'année de naissance du Christ.

C'est connu, Képler faisait de l'astrologie. Pour vivre, corrige-t-on, mais c'est un fait qu'il s'y connaissait. Comme les mages étaient supposés avoir été aussi des astrologues, et puisqu'on avait déja osé dresser l'horoscope du Christ, Képler va donc étudier la visite des mages à la lumière de l'astrologie.

Kepler, peinture d'époque
Jean Képler
Egi hactenus cum Theologis & Historicis, patiantur nunc me Astrologiae non ignarum & cum Astrologis agere, quibus ego stellae Magorum argumento de anno Iuliano 40. facile persuadebo, simulque sententiam meam de computatione bimatus occisorum puerorum liquido comprobabo.
J'ai fait jusqu'à présent avec les théologiens et historiens, maintenant qu'on me permette, n'ignorant pas l'astrologie, de faire avec les astrologues, par lesquels je persuaderai facilement par l'argument de l'étoile des mages en l'année julienne 40, et en même temps je fortifierai clairement mon opinion sur le calcul du massacre des enfants de moins de deux ans.
  Erant Magi & nationis & Professionis vocabulo Chaldaei, penes quos primum nata fuit Astrologia, cuius disciplinae pronunciatum hoc est; Coniunctiones maximas Planetarum superiorum in punctis Cardinalibus praecipue aequinoctialibus Arietis & Librae mutationem rerum universalem, et stellam Cometam sub illa tempora coniunctionis apparentem Ortum alicuius Monarchae significare. Iam vero cum Magi venissent Iierosolymas principio Iuliani 41. Iam ante biennum fere ceperant Planetae congredi coniunctione maxima in principio Arietis.
Les mages étaient, et par la nation, et par la profession appelés Chaldéens, entre les mains de qui naquit l'astrologie, ceci est affirmé de cette discipline; les grandes conjonctions de planètes supérieures dans les points cardinaux surtout aux équinoxes dans le bélier et la balance annoncent des changements universels, et une comète au temps de cette conjonction l'apparition d'un roi. Maintenant, en vérité, quand les mages vinrent à Jérusalem au debut de l'année julienne 41, les planètes s'étaient déjà rencontrées, presque deux ans avant, dans une grande conjonction, au début du bélier.
Quod attinet motus medios ut ex Prutenicis computantur, ne quis meum privatum calculum hic suspectum habeat, Anno 40. die 22. Ianuarii Saturnus & Iupiter congressi sunt solis 34. scrupulis ante principium Arietis. Sequenti die 25. Februarii, Mars quoque ad Saturnum venit in 3. gradu Arietis, & primo Martii ad Iovum in 5. Arietis. Haec de motibus mediis seu fictis.
  Veri motus maiorem habuerunt evidentiam, & ratione temporis nobis plus astipulantur.
En ce qui concerne les mouvements moyens calculés d'après les tables pruténiques, afin qu'il n'y ait aucun doute sur mon propre calcul, le 22 Janvier de l'année 40, Saturne et Jupiter sont réunis au soleil à 34 minutes (d'angle horaire) avant le début du bélier. Le 25 février suivant, Mars vient aussi à Saturne au troisième degré du bélier, et le premier mars, à Jupiter dans le 5ème degè du bélier. Ceci à propos des mouvements moyens ou simulés.
Les mouvements réels eurent plus de précision et confirment en grand partie le calcul fait à notre époque.

Note: Les tables pruténiques (prussiennes) furent établies en 1551 par Erasmus Reinhold sur la base du système de Copernic, et remplacèrent les tables alphonsines qui s'écartaient trop des positions réelles des astres. Les années sont comptées ici à partir de la réforme de Jules César.
Anno Juliano 39. circa 22.iunii sole versante 3. grad. ante principium cancri, congressi sunt Saturnus et Iupiter primo in 23. gradu Piscium, 7. gradibus ante principium Arietis: cum autem uterque superiorum paulo post factus esset stationarius, sic ut Iupiter Saturnum non multum superaret, factum Augusto sequenti, cum uterque factus esset retrogradus, ut Iupiter Saturnum motu retrogrado secundo assequeretur in 21. gradu Piscium, procurrensque in anteriora, per Autumnum quo secundum me conceptus est Ioannes, tandem Decembri tertio Saturnum occupavit in 17. Piscium. Quos Mars anno 40. Februario & Martio consecutus, illum in ultimo triente Piscium, hunc in pricipio Arietis, & post Martem Sol cum Venere & Mercurio satellitibus omnes illo tres, Martio Aprili & Maio, impleverunt coniunctionem circa tempora concepti Christi, & post nati Ioannis.
l'an 39, vers le 22 Juin, le soleil se trouvant à 3 degrès avant le début du Cancer, Jupiter et Saturne se réunirent d'abord au 23ème degrè des Poissons, 7 degrès avant le début du Bélier: Comme peu après chacune des deux planètes supérieures devint stationnaire, alors que Jupiter ne dépassait pas beaucoup Saturne, ce qui se fit au mois d'aout suivant, lorsque toutes les deux étaient devenus rétrograde, en sorte que Jupiter par son mouvement rétrograde atteint une deuxième fois Saturne au 21ème degrè des Poissons, et s'élançant dans les (degrès) antérieurs, à l'automne ou selon moi a été conçu Jean, enfin, en décembre rattrapa Saturne une troisième fois dans le 17ème degrè des Poissons
Note: Ici apparaissent les limites des tables pruténiques, puisque les calculs actuels confirment bien cette triple conjonction, mais vers le 29 mai, 30 septembre et 5 décembre.
Surtout, nous pouvons aujourd'hui visualiser ce petit ballet de l'an 7 avant notre ère grace à Stellarium:

Que suivit Mars, en février et mars de l'an 40, lui dans le dernier tiers des poissons, ceci au début du Bélier, et après mars le Soleil avec ses gardes Vénus et Mercure, tous les trois, en mars, avril et mai, accomplirent une conjonction vers l'époque de la conception du Christ, et après la naissance de Jean.

Note: Stellarium ne retrouve pas cette conjonction de Vénus et Mercure avec le Soleil, qui aurait eu lieu en mars avril et mai, époque de la conception de Jésus d'après Képler. Cette date fait d'ailleurs naitre Jésus en fin décembre de l'an 6 avant notre ère, et non de l'an 7 comme le prétendent tous ceux qui prétendent connaitre la théorie de Képler.
Da nunc ut nova Magorum stella primum conspecta fuerit, non tantum eodem tempore quo Vicini invicem spectabantur Saturni & Iupiter, anno scilicet 39. mense Iunio, sed etiam eodem coeli loco cum planetis quod summo miraculo factum est etiam nostro tempore anno 1604. cum stella nova in sagittatio: quid aliud Chaldaei ex ipsis artis Regulis hodieque extantibus coniicere potuerunt, quam maximi mamenti eventum. Ab hoc autem tempore scili. a mense Iunio anni 29. in Februarium anni 41. biennium est, minus 4. aut 5. mensibus. Nihil igitur habet ne Astrologus quidem quod computationi meae anni Natalitii opponat, habet vero quod in anno 40. Iuliano maximi faciat, & Nativitati Christi stellaeque Magorum convenientissimum iudicet. Nec dubito Deum condescendisse ad Chaldaeorum credulitatem, ut alias solet ad alias hominum infirmitates condescendere: cum praesertim in Astrologia, utcunque multa vana, non omnio tamen contemnenda, sed aliqua Naturae rerum, quae Dei opus est, consentanea sint, praesertim aspectus & coniunctiones: ut in Harmonicis demonstrabo.
Tot igitur modis & tertia Nativitatis Christi circumstantia nobis ad investigationem anni facta est utilis: Transeundum ad quartam.

Donnez maintenant que la nouvelle étoile des mages fut observée la première fois, non seulement en ce temps ou Saturne et Jupiter étaient observés mutuellement voisins, c'est à dire au moins de Juin de l'an 39, mais aussi dans ce même lieu du ciel avec les planètes parce que s'y produisit encore le plus grand miracle à notre époque l'année 1604 avec une nouvelle étoile dans le sagittaire: Que les Chaldéens, d'après les règles de leur art, encore existant aujourd'hui, purent conjecturer d'autre qu'un évènement extrèmement attendu. En outre, à partir de ce moment, c'est à dire du mois de juin 39 au mois de février 41, il y a deux ans moins 4 ou 5 mois. Il n'y a donc rien qu'un astrologue même réfute quant à mon calcul de l'année de la naissance, il y a en vérité qu'en l'année julienne 40, il s'en fit un très important, qu'il juge le plus convenable à la naissance du Christ et à l'étoile des mages. Et je ne doute pas que Dieu se soit mis au niveau de la croyance des Chaldéens, comme il convient autrement de condescendre aux autres faiblesses des hommes: Particulièrement dans l'astrologie, en dépit de beaucoup de choses inutiles, tout n'est pas à dédaigner, mais n'importe laquelles des choses de la nature, qui est l'œuvre de Dieu, sont des circonstances concordantes, surtout dans les aspects et les conjonctions: Ainsi que je le demontrerai dans les Harmonies.
C'est pourquoi, tant de mesures et la troisième circonstance de la nativité du Christ nous est utile pour la recherche de l'année : pour passer à la quatrième.

Note: remarquons qu'il faut faire l'hypothèse d'une nova dans la même région céleste que celle de 1604, et celle de l'attente d'un grand évènement chez les Chaldéens. Mais cela n'explique pas pourquoi ce grand évènement concernait la Judée.
(Johannis Keppleri, De vero anno quo aeternus dei filius humanam naturam in utero benedictae virginis mariae assumpsit., Francofurti 1614, p 134)

fin du XVIIème siècle, Elie Benoist fait de l'astrologie une science exacte

Note: Elie Benoist, théologien protestant, né à Paris en 1640, eut à souffrir de la révocation de l'édit de Nantes, et termina sa vie aux Pays Bas. Il fait de Balaam un astrologue infaillible sur l'exemple de la réussite de sa prophétie sur Israel. Il suppose donc que cette prophétie a bien eu lieu, et vient de l'astrologie et non d'une inspiration divine.

Les Disciples de Balaam avoient donc regardé cette Prédiction comme une Epoque remarquable , selon les principes de leur Doctrine , qui font dépendre des Astres les grandes révolutions des Empires; & qui prétendent que par une certaine situation des Etoiles , on peut les prévoir & les prédire de fort loin : plus même ces rencontres sont éloignées les unes des autres, plus ils croyent qu'elles présagent de grands & d'inévitables changemens. Certaines Constellations qui arrivent tous les vingt ans , signifient des choses plus grandes que celles qui se renouvellent tous les ans;
Note: Par "constellations", il faut entendre "conjonctions", mais jusqu'ici, c'est logique.
& ainsi du reste. Suivaut ces principes , les Mages avoient expliqué la Prédiction de l'Etoile d’une manière qui les avoit conduits au tems de son dernier accomplissement, parce qu'ils avoient remarqué que les divers articles de cette Prédiction ne s'étant accomplis que l’un après l'autre , par conséquent le principal effet de la Constellation que Balaam avoit envisagée , c'est-à-dire, le lever de l'Etoile, ne devint arriver qu'après que de certaines Nations auroient été détruites. Aiant calculé selon les principes de leur Maître le tems de la Constellation qui présageoit la grande Révolution , & joint aux règles de leur Science la Tradition, qui leur apprenoit que cette Prédiction avoit été prononcée en faveur des Israélites, ils avoient jugé que c'étoit dans le Pays de ce Peuple, que le Restaurateur de sa gloire devoit naître; & c'étoit-là ce qu'ils y venoient chercher.
Note: ici l'auteur marche à fond dans l'histoire de la prophétie de Balaam, sans avoir compris que le rédacteur du livre des nombres ne pouvait rien en connaître. Si cette prophétie avait été réelle, et si le souvenir s'en était conservé dans le pays des mages, et si ces mages en avaient suivi le déroulement, et si chacune de ses étapes avait été signalée par une conjonction, alors peut-être, une conjonction rare aurait pu présager pour les mages, un grand évéènement en Judée. Mais avec tant de "si", on mettrait Jérusalem dans une amphore.
Les Mages prétendoient, comme les Astrologues le font encore aujourd'hui , que de certaines singularités des Constellations désignent non seulement les perfonnes & les événemens, mais les tems & les lieux, au moins en gros & un peu confusément , quand on n'est pas aidé par une particulière connoissance d'un Pays ,& des affaires qui s'y passent.
Note: En fait, dans l'antiquité l'astrologie ne concernait pas les personnes, mais seulement les états.
C'est pourquoi ceux-ci ne peuvent pas déterminer d'abord le Lieu particulier , où ils trouveroient ce qu'ils étoient venus chercher. Mais aussi-tôt qu'ils eurent appris que les Juifs attendoient de Bethléem celui qui devoit rendre à leur Etat sa première splendeur, ils retournèrent à leurs Observations , & trouvèrent aisément que leurs principes convenoient avec la doctrine des Juifs , & que c’étoit à Bethléem qu'ils devoient aller , pour y trouver le Roi de qui ils avaient connu la naissance; & aiant connu la Ville , il leur était aisé selon les mêmes principes , de découvrir le Lieu particulier où ils trouveraient la récompense de toutes leurs peines.
Note: ici nous sommes en pleine science fictive. Les mages retournent à leur observations, et en déduisent la ville et la maison. Encore un peu et la disposition des astres leur indiquerait dans quelle pièce il fallait aller.
C'est encore aujourd'hui la procédure des gens du métier. Ils prédisent des choses générales , quand ils raisonnent d'abord sur un Thème céleste; mais quand ils ont atteint quelque particularité certaine . ils rectifient le Thème par les lumières qu'ils tirent de cette particularité , & entrent plus avant dans le détail des circonstances les plus cachées. C'est ainsi que l'Etoile montre aux Mages le chemin de Bethleem , & leur fait même trouver la maison où est né le Roi qu’ils cherchent ; parce qu'en rectifiant leurs premières Observations, ils jugent que les Signes célestes conviennent avec le Lieu qu'on leur a désigné pour la naissance du Roi qu'ils cherchent. Cela ne doit nullement paraître incroyable a des personnes qui savent raisonner , puisque ces sortes de remarques sont justes , de quelque principe que vienne cette justesse.

Note: L'auteur semble ici faire une confiance aveugle à l'astrologie, et semble ignorer les vrais méthodes des charlatans. Retenons simplement qu'il pense qu'une conjonction assez rare d'astres survenant après d'autres aurait annoncé aux mages l'accomplissement de la (fausse) prophétie de Balaam.
(J.G. de Chaufepié, Nouveau Dictionnaire Historique et Critique, article Benoist (Elie), Amsterdam, 1750)

1842, J. Reynaud transforme les mages en prêtres mazdéens.

En 1834, P. Leroux et J. Reynaud lancèrent une Encyclopédie pittoresque à deux sous. C'était l'époque de la démocratisation de l'imprimé, qui vit l'essor de diverses revues, dont le Magasin pittoresque, apparu l'année précédente. L'Encyclopédie pittoresque changea bientôt de nom pour devenir l'Encyclopédie nouvelle. Il semble que Zoroastre ait été un personnage important pour nos auteurs, puique L'article qui y est consacré ne contient pas moins de 46 pages, en petits caractères, alors que le dictionnaire de Bayle ne lui en consacre que 17, et le dictionnaire de Moréri, à peine une colonne. L'auteur y développe une théorie qui n'était sûrement pas celle de l'église de son temps.

De l'importance de Zoroastre
§ 1
L'Evangile de S. Matthieu débute par un mythe singulier : Dieu révèle miraculeusement aux Mages la naissance de Jésus-Christ ; ces théologiens, devinant le signe céleste, se réjouissent , et viennent se prosterner aux pieds de celui qui doit changer par un dogme nouveau l'esprit et la face de l'Occident. Cette légende, malgré son étrangeté, à pris crédit en Europe dès le second siècle, s'est répandue dans toute la chrétienté comme une des scènes les plus populaires de la vie du Rédempteur, enfin a été consacrée dans l'Eglise par une fête solennelle : seulement, en s'éloignant de son origine, elle à varié , et les prêtres mazdéens, dont il est question dans le monument primitif, se sont changés dans l'imagination des peuples en rois d'Orient.
Note: Il est exact que la royauté des mages est une invention ultérieure, mais l'auteur invente lui aussi ces prêtres Mazdéens. L'évangéliste Mathieu dit seulement: voici que des mages venus du Levant se présentèrent à Jérusalem. Mais nous allons voir que pour l'auteur, ce caractère de prêtres Mazdéens est une évidence qui se passe de preuves.
La théologie romaine, sans s'arrêter aux invraisemblances de l'événement, ni prétendre l'accommoder à la raison , l'a précieusement rangé dans sa tradition, y marquant par l’Adoration des Mages le premier acte de la reconnaissance du Christ par les gentils. Les protestans, frappés au contraire du fait matériel, se sont évertués de mille manières à l'expliquer. Mais l'étoile dans laquelle les Mages lisent l'horoscope du Messie, qui marche devant eux daus le ciel comme un guide, qui finalement s'arrête à Bethléem sur la divine maison, est devenue, dans toute hypothèse, par suite des progrès de l'astronomie, une insurmontable difficulté. Ce n'en était pas une quand le mythe se forma. Rien ne s'accordait mieux avec les croyances communes de l'antiquité que les apparitions d'étoiles dans les événemens considérables ; et l’étoile messianique une fois admise, le mouvement qu'on lui supposait, loin d'être un nouvel embarras, se présentait dans les idées d'alors comme un simple détail. Le trait véritablement extraordinaire de la légende, celui qui a du impressionner le plus vivement les populations dans le sein desquelles elle s’est dévelnppée, celui qui par conséquent mérite le plus l'attention de l'histoire, n'est pas la présence de l'étoile, mais celle des ministres de Zoroastre.
Note: Nouvelle affirmation sans preuve.
Comment se fait-il, si c'est un symbole de la reconnaissance du Christ par les gentils, que les personnages appelés par Dieu dans cette cérémonie, au lieu d’être des délégués de l'Europe, soient précisément ceux de la partie du monde dans laquelle les gentils ont le moins cédé? Voilà ce qui est capital, et c'est ce qu'il faut d'abord expliquer. Les théologiens protestans, qui se sont seuls exercés sur le mythe en question, au lieu de s’y prendre par ce fond, se sont agités sur les Particularités secundaires, et par conséquent, sauf en ce qui concerne la pure critique, n'ont véritablement rien fait. Origène, avec son instinct des grandes Choses, avait bien senti que l'essence de cette figure consistait dans la connexion du sacerdoce arien avec le Messie de Judée. Il rapportait à la prophétie de Balaam, c'est-à-dire aux relations anciennes des Hébreux et des Chaldéens dans le Chanaan, l'intérêt qu'il pouvait y avoir pour les affaires chrétiennes dans les sanctuaires mazdéens. Mais cette idée, qui prend jour en effet sur le côté sérieux de la question, perd sa valeur dès qu'on cesse d'attribuer une réalité positive aux narrations poétiques des Hébreux et des néo-chrétiens. Il ne s'agit plus de savoir comment les Mages, d'après la prédiction de Balaam , ont pu deviner dans une étoile l'avénement du fils de Marie, lorsqu'il n'est plus permis de douter que les faits eux-mêmes ne soient fabuleux.
Note: Les faits sont effectivement fabuleux (ce qui était loin d'être admis par tout le monde du temps de notre auteur), mais comment l'auteur peut il affirmer que des mages, qui n'ont jamais existé, étaient des prêtres Mazdéens?
Le probième change, mais en acquérant un tour plus vif, et en même temps plus d'étendue. Il faut savoir en effet comment une fiction, en apparence aussi dénuée de fondement, a pu s'inventer dans les premiers siècles chez les chretiens de Syrie, auteurs de l'Evangile qui la contient, s'accréditer parmi eux comme expression de leurs sentimens généraux, et de là, sur les débris rejetés de tant d'autres fables analogues, accueillies avec faveur par les théologiens d'Occident, s'enraciner définitivement dans la mythologie de l'Eglise; et ensuite, ce qui n'est pas moins important, rechercher quelle vérité était enveloppée dans ce mythe, pour que la chrétienté ait pu, sans se compromettre absolument, y ajouter foi aussi universellement et pendant tant de siècles. En un mot, quel est le sens philosophique de l'entrevue des Mages avec le Christ au berceau ?
Note: Irénée de Lyon l'expliquait déjà: il s'agissait, pour Matthieu, de montrer la royauté, la divinité et l'humanité de Jésus.
Il y a d'abord à remarquer que la préférence donnée aux Mages, dans cette fiction, sur les prètres de Jupiter, d'Isis ou de toute autre divinité étrangère à Israël, indique assez clairement que le mazdéisme, aux yeux des judéo-chrétiens, devait briller d'un éclat supérieur à celui des autres religions des gentils. Sollicités à se forger des événemens assez admirables pour alteindre au niveau de leur enthousiasme de néophytes et accompagner dignement la naissance du Rédempteur, ils ne trouvent parmi les sacerdoces de l'Europe et de l'Asie aucune grandeur plus imposante à courber devant celle du nouveau-né, ni dont la soumission doive produire sur les esprits plus d'effet, que la grandeur des Mages. Plus étaient élevés dans l'opinion commune ceux à qui l'on faisait baisser la tête, plus devait paraître sublime celui à l'égard duquel ils avouaient ainsi leur infériorité. La première conséquence de ce mythe semble donc être qu'aucune religion, au temps du Christ, ne dominait plus immediatement la Judée que celle de Zoroastre.
Note: cette préférence donnée aux mages vient justement de ce que Matthieu reste vague et n'en fait pas des prêtres.
De plus, il en résulte aussi que l'on devait concevoir,au moins confusément, dans cette contrée, certains rapports de bienveillance entre le . mazdéisme et la religion naissante. Autrement, on ne verrait aucun moyen de compreudre comment il serait venu à l'imagination des judéo-chrétiens que les Mages avaient été spécialement avertis de la naissance du Christ, qu'ils s'en étaient réjouis, et en toute hâte s'étaient mis en route pour lui offrir leurs présens et leurs hommages, Il est évident que la grâce supposée accordée par Dieu à ces Orientaux, à l'exclusion de tous les autres gentils, n'est qu'un reflet de la sympathie instinctive u'éprouvaient pour leur culte les auteurs et les premiers acceptateurs du mythe. Quelle différence dans la conduite que l’on fait tenir, à la nouvelle de la naissance du Christ, d'une part aux représentans de Zoroastre et de l'autre à celui de Moïse! Les représentans de Zoroastre viennent pieusement adorer l'enfant; le représentant de Moïse, plein de rage et d'épouvante, tente de l'étouffer, et ordonne pour y parvenir le plus abominable des massacres que l'imagination des légendaires ait jamais inventés!
Note: répétons que Matthieu ne fait pas des mages des représentants de Zoroastre, mais surtout, Hérode n'était nullement le représentant de Moïse, qui était le grand prêtre. Hérode, lui, avait pris le pouvoir et renversé la dynastie des Macchabés, avec l'aide des romains.
Dans ce tableau si puissamment frappé sont écrites mythiquement les relations du christianisme avec les deux religions du milieu desquelles il est sorti. Jésus qui est venu clore l'ancienne loi chez les Juifs, a livré à l'Occident çe que cette loi renfermait de véritablement divin, et l'y a fait fleurir en la fécondant par les dogmes les plus vitaux de la théologie mazdéenne. C'est à l'infuence de cette théologie, je ne crains pas de le dire, qu'il a dû les traits qui distinguent le plus la théologie qui lui appartient de celle qui se personnifie dans Moïse : aussi, en se plaçant au sein du mazdéisme , et en jugeant de là ce prophète avec impartialité, peut-on le considérer, tant par lui-même que par ce qui s'est accumulé successivement sous son nom, comme une des puissances qai ont le plus contribué à la propagation et au développement de l'esprit de Zoroastre. Ainsi, à se mettre dans l'abstrait, il est incontestable que les Mages ont dû bénir sa naissance. Voilà ce dont avaient eu vaguement conscience ceux dont la naîveté fervente s’est prêtée à la formation et à l'enracinement du mythe de l'Adoration. La rectitude de leur sentiment donne suffisamment convenance à l'image qui l'exprime. Donc c'est là aussi ce qui justifie l'Eglise de la longue créance qu'elle a donnée à ce récit. La substance en était vraie; et d'autant plus que l'on peut dire que comme les Mages se sont prosternés devant Jésus, le mazdéisme est venu abdiquer en effet devant le christianisme; que ses destinées , ainsi qu'un courant qui tombe dans un autre, se sont vues désormais entrainées avec celles de la religion nouvelle; que Zoroastre enfin a dû s’incliner devant la gloire supérieure de son héritier.

Note: Tout ça pour expliquer que le christianisme serait du judaïsme, corrigé par le Mazdéisme. On devine que l'église n'était pas d'accord.
(J. Reynaud, Encyclopédie nouvelle, tome 8, article Zoroastre, Paris, 1842, p. 792-793)

2002, Patrice Guinard invoque l'astrologie des esséniens.

Docteur es lettres, l'auteur arrive avec une nouvelle hypothèse. Après avoir évoqué le récit de Matthieu, ses enrichissements, les questions qui se posent, les hypothèses déjà émises et les critiques de ces hypothèses, il évoque l'hypothèse de la conjonction Jupiter-Saturne de Képler, ses échos chez les astrologues modernes, et arrive à cette remarque:
L'hypothèse ne répond pas à deux questions majeures : pourquoi cette conjonction précise ? Et surtout (question qui n'a guère été posée jusqu'alors) : pourquoi ces mages, des prêtres zoroastriens selon David Hughes, auraient-ils pris intérêt à un événement qui a priori ne les concernait pas ?
L'astronome Mark Kidger, qui ne cite ni d'Occhieppo, ni Seymour, a dénombré 64 conjonctions Jupiter-Saturne durant le premier millénaire précédant la naissance du Christ, et sept triple conjonctions (avec Mars), dont celle de 146-145 B.C. en Cancer avec un orbe de 10 minutes de degré. Autrement dit, à peine 140 ans avant l'événement de l'an 7, il y eut une conjonction plus spectaculaire encore car d'une meilleure précision, qui aurait tout aussi bien pu attirer l'attention des astrologues attentifs. Comme le remarque Kidger : "Si le seul facteur à prendre en compte était la conjonction, les mages, en voyant cette triple et spectaculaire conjonction [celle de 145 B.C.], auraient dû arriver à Jérusalem 139 ans plus tôt!" [10]
Note: Il est exact que le 4 mai 145 avant notre ère, Saturne et Jupiter n'était séparés que de 10 minutes d'arc, alors que le 28 mai 7 avant notre ère, ils étaient séparés d'un degré. La remarque de Kidger est similaire à celle d'Arthur Clarke, qui lui, s'était trompé.
...
Quelle que soit la date retenue, en amont ou en aval du 15 Septembre, elle doit résoudre les questions ci-dessus mentionnées, à savoir : D'où seraient venus ces astrologues, et quelles ont pu être leurs motivations pour entreprendre un tel voyage et venir rendre hommage à un enfant juif ? Et pourquoi à cette date de l'an 7 ? Pourquoi pas, en l'occurrence, 140 ans plus tôt, puisque cette conjonction ne serait pas aussi exceptionnelle que semblent le croire ses défenseurs ?
Note: C'est tout à fait exact: Si on suppose qu'une triple conjonction Jupiter Saturne annonce la laissance d'un nouveau roi en Judée, et qu'elles on lieu tout les 140 ans, alors, sachant que l'astrologie existait déja en Chaldée, on aurait du voir arriver à Jérusalem, des délégations de mages tout les 140 ans, depuis l'époque du roi David (conjonction dans les Poissons à moins de 1°, en septembre 980 avant notre ère).

  Mon hypothèse est la suivante : cette conjonction n'est pas la seule théorie mise en jeu pour déterminer la naissance du Messie, mais il existe une autre théorie concomitante, un autre événement de nature astronomique ou astrologique, qui, joint au premier, fait de cette naissance l'événement exceptionnel attendu.
Note: Oui, mais il existe une autre possibilité: une autre conjonction d'un type beaucoup plus rare, qu'on ait encore jamais observé de mémoire d'archiviste.
...

L'auteur rappelle alors le contenu de certains manuscrits esséniens retrouvés dans les grottes à Qumrân. On y trouverait des écrits astrologiques d'inspiration mazdéenne, évoquant une distribution de parts de lumière et de ténèbres respectant un cycle annuel. Et il conclut:
  Ainsi la date du 15 septembre de l'an 7 B.C. marque la coïncidence entre deux modèles astrologiques précis, l'un séculaire et peut-être d'origine iranienne, l'autre annuel, et apparemment essénien.
  Dans son important article de 1967, Dupont signale un autre document, malheureusement altéré, rédigé en araméen et "en clair", qui décrit les qualités du messie attendu, de l'Élu de Dieu.[22] Il conclut son article par une allusion à l'Étoile des mages: "Cette merveilleuse histoire, on en comprend mieux l'origine et le sens si on la rattache de quelque manière à ce monde juif essénien où, précisément vers le temps où naquit Jésus, on attendait, on guettait dans le ciel l'apparition de l'étoile du Messie." [23]

  La solution essénienne à l'énigme de l'Étoile des mages résout les principales difficultés posées par la conjonction planétaire de l'an 7, à savoir le choix de cette conjonction précise, et l'identité des mages.

Note: Cette hypothèse est intéressante, mais elle n'impose pas qu'elle soit la seule possible, par contre elle impose que Matthieu ait connu cette attente essénienne de l'étoile du Messie.
(Patrice Guinard, L'étoile de Bethléem: Un scénario organisé par des astrologues)

2012, Garry Stasiuk nous fait revivre les calculs de Kepler.

Le site (Garry Stasiuk's Universe) est consacré à la vulgarisation scientifique, surtout astronomique. Son auteur, en s'intéressant à l'explication astronomique de l'étoile des mages, va nous faire redécouvrir les méthodes de calcul de Képler.

Johannes Kepler was the last of the great "Mythographers". In De Stella Nova, Kepler applied observational data (i.e." successive conjunctions of Jupiter and Saturn) to reconstruct the history of the world. His chosen method was borrowed from the "lingua franca" of astrology. This method has nothing to do with astrology per se, but Kepler found in it a simple, "bookkeeping" style for tabulating large quantities of time.
Jean Kepler fut le dernier des grands "mythographes". Dans De Stella Nova, Kepler a utilisé des données d'observations ( c'est à dire les conjonctions successives de Jupiter et Saturne ) pour reconstituer l'histoire du monde. Sa méthode choisie a été emprunté à la "lingua franca" de l'astrologie. Cette méthode n'a rien à voir avec l'astrologie en soi, mais Kepler y a trouvé un style de "comptabilité" simple pour la tabulation de grandes quantités de temps.
Any conjunction of Jupiter and Saturn is called a "great conjunction". Three successive "great conjunctions" form a triangle called a "Trigon". A Trigon is equivalent to a passage of approximately 60 years (59.55 years). Twelve 'great conjunctions' equal a "middle conjunction" (238 Years). Four middle conjunctions equal a 'big conjunction' (952.8 years). Three 'big conjunctions' equal a 'mighty conjunction' (2858.4 Years).
Toute conjonction de Jupiter et de Saturne est appelé une "grande conjonction". Trois grandes conjonctions successives forment un triangle appelé un "Trigone". Un Trigone est équivalent à une durée d'environ 60 ans (59,55 ans). Douze grandes conjonctions valent une "conjonction moyenne" (238 ans). Quatre conjonctions moyennes valent une "grosse conjonction" (952.8 ans). Trois grosses conjonctions valent une "puissante conjonction" (2858,4 ans).
The elapsed time counted by proceeding from conjunction to conjunction and back to the origin is thus 40 times 20 years = 800 years, or more precisely, 794.25 years.
Le temps écoulé compté en procédant de conjonction en conjonction jusqu'au retour à l'origine est donc 40 fois 20 ans = 800 ans, ou plus précisément, 794,25 ans.
Note: Et voila! Képler n'avait pas d'ordinateur, mais avec de la méthode, un tableau noir et un peu d'astuce, on arrive à se passer de Stellarium.
(Garry Stasiuk, The Magi's Star)

Analyse:

Tous ces auteurs qui ont supposés que les mages étaient astrologues, ont d'abord du supposer que la visite des mages, invoquée par Matthieu, avait bien eu lieu. Dans ce cas, le "nous avons vu son étoile à son lever" ferait bien d'eux des astrologues.
Mais pour ce qui est d'en déduire quelque chose, nous avons vu que de nombreux phénomènes célestes auraient pu signifier quelque chose pour des astrologues. Pire, nous avons vu que le récit de la visite des mages est autoréfutable, et que cette visite n'a donc jamais eu lieu, pas plus que le massacre des innocents et la fuite en Egypte, qui en découlent. Ceci à l'avantage d'expliquer l'incompatibilité entre le récit de Matthieu et celui de Luc, mais réduit à néant toutes les spéculations qu'on a pu faire sur les calculs astrologiques des mages, ou leur représentation céleste de la Judée.
Le problème devient alors à peu près: sachant que des mages qui n'ont jamais existé, auraient calculé dans un système astrologique inconnu, la signification d'un phénomène céleste non identifié, trouver l'age qu'avait Jésus le 25 décembre de l'an 1 de notre ère.
La réponse s'impose d'elle même: le problème est absurde.

Dernière mise à jour: 06/05/2019

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