CONCLUSION

Nous avons vu qu'on avait fait d'innombrables théories (car nous ne les avons pas toutes recensées) pour identifier l'étoile des mages. Elles avaient toutes un point commun: elles supposaient que Matthieu avait historiquement décrit la visite de mages à Jérusalem
Or nous avons vu qu'il n'en était rien.

Qui était l'évangéliste Matthieu?

Les commentateurs des évangiles nous disent habituellement que l'évangéliste Matthieu était publicain avant que Jésus ne l'invite à le suivre. Or, trois évangiles nous parlent d'un apôtre publicain, mais sous deux noms différents (nous utilisons la Bible TOB de 2010).
9 Comme il s’en allait, Jésus vit, en passant, assis au bureau des taxes, un homme qui s’appelait Matthieu. Il lui dit : « Suis-moi. » Il se leva et le suivit.
10 Or, comme il était à table dans sa maison, il arriva que beaucoup de collecteurs d’impôts et de pécheurs étaient venus prendre place avec Jésus et ses disciples.
(Matthieu, 9)
Note: Curieusement, Matthieu a omis le verset, qu'on trouve dans Marc et dans Luc, ou le publicain invite Jésus dans sa maison. Or si Matthieu était ce publicain, il devrait mieux s'en souvenir que les autres, ce qui fait douter que Matthieu soit le publicain.
2 Voici les noms des douze apôtres. Le premier, Simon, que l’on appelle Pierre, et André, son frère ; Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère ;
3 Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le collecteur d’impôts ; Jacques, fils d’Alphée et Thaddée ;
4 Simon le zélote et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra.
(Matthieu, 10)
Note: Si, Matthieu, l'apôtre est aussi l'évangéliste, il parle de lui à la troisième personne, comme Jules César. D'autre part, le fils d'Alphée s'appelle Jacques, alors que chez Marc, le fils d'Alphée est Levi le publicain.
14 En passant, il vit Lévi, le fils d’Alphée, assis au bureau des taxes. Il lui dit : « Suis-moi. » Il se leva et le suivit.
15 Jésus prit ensuite un repas dans la maison de Lévi. Beaucoup de collecteurs d'impôts et autres gens de mauvaise réputation étaient à table avec lui et ses disciples, car nombreux étaient les hommes de cette sorte qui le suivaient
(Marc, 2)
27 Après cela, Jésus sortit et vit un collecteur d'impôts, nommé Lévi, assis à son bureau. Jésus lui dit : « Suis-moi ! »
28 Lévi se leva, laissa tout et le suivit.
29 Puis Lévi lui offrit un grand repas dans sa maison ; beaucoup de collecteurs d'impôts et d'autres personnes étaient à table avec eux.

(Luc, 5)
Ensuite, il faut attendre plus d'un siècle, pour entendre reparler de Matthieu, sous la plume d'Irénée de Lyon:
Ainsi Matthieu publia-t-il chez les Hébreux, dans leur propre langue, une forme écrite d'Evangile, à l'époque où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y fondaient l'Eglise.
(Irénée de Lyon, Adversus haereses, III, 1)
Note: "dans leur langue", peut signifier en hébreu, ou en araméen, qui était plus probablement la langue des juifs convertis de l'époque.

Après lui, Eusèbe de Césarée ne fait que citer Irénée, et les auteurs suivants sont trop postérieurs pour apporter une information objective.
Or, Irénée ne nous dit même pas que Matthieu, l'évangéliste, était bien Lévi, l'apôtre publicain. Il nous dit bien plutôt qu'il n'écrivit pas son évangile en grec. Mais l'évangile qui nous reste est bien en grec. Or 45% de l'évangile de Matthieu (et 41% de celui de Luc) se retrouve dans l'évangile de Marc, écrit en grec. Si on ajoute que 25% de l'évangile de Matthieu se retrouve dans celui de Luc (et 23% de celui de Luc dans celui de Matthieu), on comprend qu'il est bien difficile d'admettre un proto-évangile de Matthieu écrit en araméen, et ensuite traduit en grec. De plus l'évangéliste Marc, ne se nomme pas lui même, et son nom est purement conventionnel. Du coup, nous avons de solides raisons de douter que Matthieu, l'évangéliste, qui ne se nomme pas non plus, était bien Lévi, le publicain.

Le pieux mensonge de l'évangéliste Matthieu


Matth le menteur
Redisons le, les evangiles ( ευαγγελια ), sont la "bonne parole", celle qu'il faut croire, celle qui réconforte. Mais, selon les exégètes, ce sont des livres édifiants, et non historiques. Mais alors disent ils vrai?
Et c'est ici qu'il faut faire la distinction entre la réalité, et la vérité.
La réalité, c'est ce qui existe réellement, indépendamment de nos représentations, alors que la vérité, c'est ce qu'on croit, avec cette conséquence qu'il y a autant de vérités qu'il y a de systèmes de croyance.
La réalité historique, c'est ce qui s'est réellement passé, et que nous ne connaissons qu'imparfaitement à travers les ouvrages des historiens comme Flavius Josèphe pour l'histoire de la Judée au temps de Jésus. La vérité, par contre c'est ce qui disent les évangiles, avec cette nuance qu'il y a ici deux vérités; celle de Matthieu et celle de Luc. Toutes les deux font de Jésus le descendant de David, au prix d'une généalogie douteuse, et toutes les deux font naitre Jésus à Bethléem, ville de David, et lieu de naissance du Messie selon la prophétie de Michée, car toutes les deux sont pénétrées de l'idée que Jésus était bien le messie des Juifs, en contradiction avec la réalité historique.
Mais ensuite la vérité de Luc, ne contient qu'un épisode merveilleux, celui de l'apparition de l'ange aux bergers, et passe ensuite à l'observance des rites juifs, alors que la vérité de Matthieu insiste lourdement sur la réalisation (boiteuse) des prophéties, et va nous construire un conte édifiant, pour y ajouter l'autorité de la sagesse de l'orient.
Edifiant et intéressant, puisqu'il a suscité d'innombrables commentaires, son récit n'en a pas moins la structure d'un conte, et en tant que tel, se dispense d'expliquer comment son auteur a bien pu connaître des choses que, selon le récit même, il ne pouvait pas savoir.
2,7 Alors Hérode, appelant les mages en cachette, se fit preciser par eux le temps ou était apparue l'étoile.
2,8 Et, les envoyant à Bethléem, il dit: « Allez, enquérez-vous exactement de l'enfant et, dès que vous l'aurez trouvé, annoncez-le-moi, afin que moi aussi je vienne me prosterner devant lui. »
2,9 Sur ces paroles du roi, ils s'en allèrent. Et voici que l'étoile qu'ils avaient vue à son lever les précédait, jusqu'à ce qu'elle vint se placer au-dessus de l'endroit où était l'enfant.

Comme Matthieu n'était pas avec les mages, il ne connaissait, ni ce que leur dit Hérode en secret, ni ce qu'avait vu les mages en allant à Bethléem, ni les sentiments que cela leur inspira, et pourtant il nous le raconte tout de même. Il s'agit donc bien d'une invention. Comme il invente aussi le songe des mages les avertissant de ne pas revoir Hérode, on comprend que l'ensemble de l'histoire des mages n'est qu'une fable pieuse, contre laquelle nous n'avons de preuves que pour les éléments qui se réfutent d'eux même. Historiquement, la seule chose dont l'histoire aurait pu garder trace, c'est l'arrivée de mages à Jérusalem, jetant le trouble dans l'esprit du roi, mais Flavius Josèphe ne nous en dit rien. Ainsi le seul élément qui serait cohérent n'est pas vérifié.
Mais aussi, après avoir inventé ces mages, qui permettent à Hérode de savoir où est né le futur roi des juifs, Matthieu est obligé d'inventer l'étoile qui les guide jusqu'à la maison, puis d'inventer le songe des mages, pour éviter qu'Hérode ne fasse tuer Jésus, puis, pour tenir compte du souvenir de la cruauté d'Hérode, d'inventer le massacre des innocents, et d'inventer le songe de Joseph et la fuite en Egypte, sans quoi le christianisme n'aurait jamais existé. Pauvre Matthieu poussé en avant dans ses mensonges par les exigences de son récit.
Bien sûr, il faut comprendre que Matthieu, invente pour la bonne cause, pour mieux rassurer les convertis, "ad majorem Christi gloriam", mais historiquement, un mensonge, même pieux, reste un mensonge.

Les sources d'inspiration de Matthieu

Si Matthieu a innventé toute cette histoire des mages, était il un habile conteur, ou s'est il inspiré de récits existants?
Aucune des deux solutions n'est valable à 100%. D'abord nous avons vu qu'un événement astronomique rare, qui fut très probablement observé à Alexandrie, où existait une colonie juive, correspond exaxtement au texte de Matthieu: "Car nous avons vu son étoile à son lever". Matthieu n'a eu qu'à reprendre cette information et son interprétation.
Mais ensuite où a-il été chercher ses mages?

Plusieurs site voudraient nous faire croire que Matthieu se serait inspiré d'une visite de mages à Rome:
Ainsi, en 66 à Rome des mages accompagnaient le fastueux cortège de Tiridate, roi d'Arménie, qui venait s'incliner devant Néron pour recevoir de lui sa couronne à l'occasion d'une spectaculaire apparition de la comète de Halley :
« Tiridate était à la hauteur de sa réputation en raison de son âge, de sa prestance de ses origines et de son intelligence, de l'escorte de serviteurs et du cortège royal qui l'accompagnait, sans compter les trois mille cavaliers Parthes et les nombreux Romains qui suivaient". Et Tiridate s'adressa à Néron en ces termes:" je suis venu jusqu'à toi mon dieu t'adorer comme j'adore Mithra”... A son retour le roi ne reprit pas la route qu'il avait suivie en venant. » (Pline l'Ancien, Histoire Naturelle XXX, 6, 16.)

(Le récit Hérodien des mages)
Or Pline ne confirme que l'arrivée de mages:
Le mage Tiridates était venu le trouver à Rome, apportant dans sa personne le triomphe d'Arménie, et, à cause de cela, foulant les provinces sur son passage. Il n'avait pas voulu aller par mer, parce que les mages regardent comme interdit de cracher dans la mer, et de souiller cet élément par quelques-unes des excrétions nécessaires à l'humanité. II avait avec lui amené des mages, il avait initié Néron à des festins magiques; et cependant l'empereur, qui lui donnait un royaume, ne put recevoir de lui l'art de la magie.
En fait, le reste du texte vient de Dion Cassius:
Tiridate était dans la fleur de l'âge et de la beauté, distingué par la noblesse de sa race et de ses sentiments ; il était accompagné de toute la pompe d'un roi, trois mille cavaliers parthes, sans parler d'un grand nombre de romains, marchaient à sa suite...
Il s'exprima en ces termes : « Maître, je suis descendant d'Arsace, frère des rois Vologèse et Pacorus, et ton esclave. Je suis venu vers toi , qui es mon Dieu , pour t'adorer comme Mithra; »...
Tiridate ne s'en retourna pas par où il était venu, c'est-à-dire par l'Illyrie, et en traversant la mer d'Ionie, mais en faisant voile pour Dyrrachium ;

Quant à l'occasion du passage de le comète de Halley, c'est une simple invention de l'auteur. Mais remarquons que seul Pline dit qu'il y avait plusieurs mages. Dion Cassius n'en cite qu'un seul: Tiridate lui même. Il ne vint pas à Rome avec des présents pour adorer Néron, mais mit un genou en terre devant lui pour se faire confirmer sa royauté. Le seul point commun avec les mages de Matthieu est qu'il repartit par un autre chemin. C'est un peu court, jeune homme.
De plus, Matthieu ne pouvait évidemment pas avoir lu Dion Cassius, qui écrivait au début du troisième siècle.
Cette hypothèse est donc à oublier.

Matthieu aurait donc inventé ces mages, tout seul, comme un grand.
Mais remarquons qu'il ne lui fallait pas un grand effort d'imagination. En même temps qu'il voulait prouver, sur la base des prophéties, que Jésus était bien le messie des juifs, il voulait aussi prouver la royauté, la divinité et l'humanité de Jésus.
Irénée le Lyon en explique le moyen:
Puis, ayant été guidés par l'étoile vers la maison de Jacob jusqu'à l'Emmanuel, ils firent voir, par les présents qu'ils offrirent, quel était Celui qu'ils adoraient . la myrrhe signifiait que c'était lui qui, pour notre race humaine mortelle, mourrait et serait enseveli; l'or, qu'il était le Roi dont le règne n'aurait pas de fin; l'encens, enfin, qu'il était le Dieu qui venait de se faire connaître en Judée et de se manifester à ceux qui ne le cherchaient point.
(Irénée de Lyon, Adversus haereses, III, 2)
Mais qui auraient pu apporter ces présents révélateurs? Il fallait que ce fut une autorité respectable, mais ce ne pouvait être ni Hérode, ni les prêtres juifs. Solution: des mages, venus d'Orient. Et c'est tout. Matthieu n'a pas besoin d'avoir assez d'imagination pour donner leur nom, leur ville d'origine, ni raconter leur voyage. Ce n'est pas son problème.
Mais ensuite, tout le reste découle de son premier choix: Les mages d'Orient ne peuvent savoir dans quelle ville est né le nouveau roi des juifs. Ils doivent le demander. Ce faisant, ils ne peuvent éviter de troubler le roi, qu'on savait cramponné à son trone. Matthieu est bien obligé de tenir compte de la réaction du roi, cherchant à éliminer son futur rival. Puis il est obligé de faire réapparaitre l'étoile pour guider les mages jusqu'à la maison. Puis il est obligé de faire prévenir les mages de ne pas retourner vers Hérode, sans quoi, plus d'enfant Jésus. Puis il est obligé de faire prévenir Joseph pour la même raison. Après quoi, pour tenir compte encore une fois du caractère d'Hérode, il est encore obligé d'inventer ce massacre des innocents.
Finalement, Matthieu n'a donc pas eu besoin de beaucoup d'imagination, il n'a eu besoin que de rester cohérent.

Conclusion finale

La seule chose de vraie, dans l'histoire des mages, c'est l'apparition de l'étoile, elle même. Mais ensuite, en faisant un pieux mensonge, "ad majorem Christi gloriam", mais insuffisamment documenté, Matthieu a déclenché une réaction en chaine irréversible. Les pères de l'église, les docteurs en théologie, les historiographes, les astronomes, les savants et ceux qui prétendaient l'ètre, ont tous pataugé dans les incohérences, les approximations, les illusions, voire les mensonges, soit pour rendre le récit plus convenable, soit dans l'espoir chimérique d'y apporter une solution définitive. Personne, ou presque, n'a mis en doute la réalité du récit de Matthieu. Personne n'a remarqué que son récit autoréfutable, était forcément inventé, d'autant plus qu'il était incompatible avec celui de Luc.
Pour avoir voulu trop bien honorer Jésus, Matthieu a déclenché un processus qui durera jusqu'à la fin de notre cicilisation. Ce processus nous a tout de même permis de faire un petit voyage dans la crédulité, la malhonnèteté et la bétise humaine.

Dernière mise à jour: 16/01/2016

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