La conjonction de l'an 1 Qu'il l'ait inventé parait peu probable, car il eut plutôt inventé la visite d'un ange, comme Luc.
Matthieu n'a donc eu besoin de rien inventer, mais comme il n'avait surement pas observé le phénomène lui même, et que Jérusalem n'est pas tellement connue pour avoir abrité des astronomes, il devait tenir ce récit d'une tradition venue d'ailleurs, de Chaldée, ou d'Alexandrie, où il y avait une colonie juive. Cette conjonction, supposée annoncer la naissance ou l'incarnation de Jésus, la première année de l'ère chrétienne, peut bien laissr songeur. Nous allons voir qu'avant qu'on utilise l'ère chrétienne, il a existé une chronologie qui plaçait la naissance du Christ la même année. Panodore et l'ère Alexandrine. Citons d'abord le précieux dictionnaire de Dom Cabrol. Vers l'an 412 de notre ère, un moine alexandrin, nommé Panodore, entreprit une conciliation des sources païennes de l'histoire orientale et des théories astronomiques de l'école d'Alexandrie avec la chronologie judaique de l'Ancien Testament. Son système chronologique est la source de tous les autres et le plus contesté de tous; il fait commencer son ère mondaine le 29 août de l'an 5493 avant Jésus-Christ. La date du mois est certaine. Elle correspond au ler Toth, début de l'année alexandrine, l'année semble devoir être maintenue, malgré des objections diverses, au millésime indiqué ci-dessus. Panodore plaçait la nativité de Jésus-Christ en l'année 5494 et, de ce fait, la passion en 5526. Panodore acceptait la tradition alexandrine; tradition assez générale d'ailleurs, d'après laquelle le Christ était mort à l'âge de trente-trois ans. Si nous évaluons l'ère chrétienne de Panodore au moyen de son ère mondaine, nous pouvons constater qu'il plaçait la conception et la naissance du Christ en l'année 1 de l'ère dionysienne. De toutes les chronologies diverses élaborées à Alexandrie et à Byzance, le système de Panodore est celui qui comporte le moins d'écart entre l'ère mondaine et l'ère chrétienne; cette particularité est une garantie de la réalité de la chronologie panadorienne, pour les faits postérieurs au début de notre ère. Cette réalité elle-même est imputable sans doute à ce que Panodore disposait, pour cette période, de sources quasi-officielles, telles que les fastes consulaires et les κανονες βασιλειων des astronomes alexandrins. ... H. LECLERCQ. (D.CABROL, Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, Letouzey 1922, tome V, col 352) En fait, "ère mondaine" signifie: ère depuis la création du monde. L'ère utilisée par Panodore est appelée ère alexandrine mineure, ou ère d'Antioche. La création du monde y est décalée de 10 ans par rapport à l'ère alexandrine proprement dite, et l'année de l'incarnation, de 3 ans, ce qui la place en l'an 1 de notre ère, l'année de la grande conjonction. Des chronologistes parlent d'une concordance de pure convention entre l'age du monde, les olympiades et l'ère chrétienne, mais sans donner la base de cette convention. Qu'est ce qui a poussé Panodore à déplacer de 3 ans l'année de l'incarnation? On peut se demander si, connaissant à la fois le texte de Matthieu et les observations des astronomes alexandrins, il n'avait pas déplacé l'année de l'incarnation pour la faire coincider avec celle de la grande conjonction. Denys le petit, et l'origine de l'ère Chrétienne Pratiquement tous les dictionnaires, livres de vulgarisation ou sites Web, sont d'accord pour dire que c'est le moine Denys le petit qui instaura l'ère chrétienne en l'an 525 de notre ère. Ils sont parfois moins diserts pour évoquer l'adoption progressive de cette ère, puisque si Bède le vénérable en introduit l'usage dans le monde occidental au début du VIIIème siècle, en pratique l'usage ne s'en généralisa qu'après l'an mille, et en Espagne, il fallut même attendre le XIVème siècle C'est que le dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie ne mentionne pas moins de 15 ères différentes employées dans le monde chrétien. L'ère en usage à Rome à l'époque de Denys le Petit était l'ère de Dioclétien, ou "ère des martyrs", elle commençait en 284 de notre ère. Et ce n'est pas du tout pour mettre fin à cette confusion que le pape Jean Ier fit appel à Denys, qui n'était d'ailleurs pas historien. C'était pour mettre fin à la confusion dans le calcul de la date de Paques, qui n'était pas le même dans les églises d'Orient (de culture grecque) et d'Occident (de culture latine). à Constantinople on se conformait à une ordonnance du concile de Nicée, alors qu'à Rome on utilisait un autre calcul, basé sur un cycle de 84 ans, avec ce résultat que les deux dates de Paques avaient parfois différé d'un mois. Comme Denys le petit était connu pour être un excellent traducteur latin-grec, parfaitement bilingue, et respecté tant à Rome qu'à Constantinople, c'est à lui qu'on fit appel pour établir un canon de la date de Paques, qui soit accepté dans toute l'église. La date de Paques était fixée à la première pleine lune du printemps, mais cette pleine lune n'était pas observée, mais calculée sur la base du cycle de Méton, ou 19 années équivalent à 235 lunaisons. Denys établit donc ce nouveau canon pour cinq cycles de 19 ans à partir de l'an 532, le précédant canon s'arrétant à l'an 531. L'innovation de Denys, c'est surtout d'avoir abandonné l'ère de Dioclétien, l'infame persécuteur, pour la remplacer par une ère basée sur l'année de l'incarnation, l'ère que nous utilions actuellement. Dans ce nouveau système l'incarnation avait eu lieu le 25 mars, et la naissance de Jésus le 25 décembre, de l'année précédant l'an 1 (qu'on appelait pas année 0, parce qu'on avait pas encore inventé le 0) Mais Denys le petit n'a jamais prétendu faire de la chronologie, et tous les calculs qu'on lui prète aujourd'hui sont purement inventés, comme ont été inventés les différents enrichissements de l'histoire des mages. En effet, Denys lui même, dans son "liber de Paschate", ne nous dit rien de la façon dont il a déterminé l'année de départ. Au début de l'Argumenta Paschalia, il écrit simplement: Argumentum primum: De annis Christi. Si nosse vis quotus sit annus ab incarnatione Domini Nostri Jesu Christi computa quindecies XXXIV, fiunt DX, iis semper adde XII regulares, fiunt DXXII; adde etiam indictionem anni cujus volueris, ut puta, tertiam, consulatu Probi Junioris, fiunt simul anni DXXV. Isti sunt anni ab incarnationé Domini. Premier argument: Des années du Christ. Si tu veux juger quel nombre est l'année de l'Incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ compte quinze fois 34, ce qui fait 510, puis ajoute y les 12 canoniques, ce qui fait fait 522; ajoute encore l'indiction de l'année que tu auras voulu, ainsi demande la troisième, Probus junior étant consul, ce qui fait l'année 525. Ce sont les années depuis l'incarnation du Seigneur. Note: l'indiction est le rang de l'année dans un cycle de 15 ans, établi sous Constantin et n'ayant rien à voir avec la religion, ni la lune, mais avec les impots. Flavius Anicius Probus iunior fut consul l'an 525 de notre ère. Tout ce que nous pouvons comprendre, c'est que Denys le Petit s'est arrangé pour que quelque chose tombe pile dans sa chronologie. Mais il y a deux hypothèses: - Soit il a choisi son "année de l'incarnation", pour que sa date convenue (en fait, celle de l'annonciation) qui devait tomber le jour de la première lune de printemps, tombe aussi le jours de l'équinoxe. L'an 753 de Rome convenait alors très bien. - Soit il s'est arrangé pour que son tableau de la date de Paques, place le dimanche de Paques de l'année de l'incarnation à la même date que l'an 532. Auquel cas il faut multiplier les 19 années du cycle de Méton, par 7 (pour ramener les jours de la semaine), puis par 4 (à cause des années bissextiles du calendrier Julien). On arrive alors à 19 x 7 x 4 = 532 anneés, représentant 6580 lunaisons. Analyse: En se rappelant que la "grande année" des anciens devait ramener toutes les choses dans le même état, et donc les cinq planètes à la même place, on comprend que le rassemblement de quatre planètes, sans Saturne (le gouverneur du monde) pouvait bien paraître annoncer une nouvelle ère, à l'intérieur de cette grande année Comme il parait vraisemblable que la grande conjonction de l'an 1, ait été observée à Alexandrie, il est bien possible que le souvenir en ait inspiré Matthieu, via la colonie juive d'Alexandrie, et qu'il ait incité Panodore à faire coincider l'année de l'incarnation avec celle de cette conjonction Par contre, le fait que Denys le Petit place l'année de l'incarnation l'année précédente, ne parait lié qu'aux exigences de son comput lunaire, et n'a rien à voir, ni avec l'étoile des mages, ni avec la date réelle de la naissance de Jésus. Retenons en tout cas qu'il existe une abondante mythologie moderne qui fait de Denys le petit, un chronologiste qui s'était trompé de plusieurs années dans le calcul de l'année de naissance de Jésus. |
Dernière mise à jour: 13/02/2015
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