L'étoile des mages était-elle un météore? Un météore, c'est à dire ici, au sens général, un phénomène atmosphérique, et non pas un bolide, phénomène dont la durée se compte en secondes.vers 1272, Thomas d'Aquin examine les opinions des pères, et conclut à l'étoile intra-atmosphérique. DE LA MANIFESTATION DE LA NAISSANCE DU CHRIST. ARTICLE VII. — l'étoile qui apparut aux mages a-t-elle été une des étoiles célestes? Objections: 1 Il semble que l'étoile qui apparut aux mages ait été une des étoiles célestes. Car saint Augustin dit (in quod. serm. Epiph.) : Tandis qu'il est attaché au sein de sa mère et qu'il est enveloppé dans de mauvais langes, tout à coup une nouvelle étoile parut au ciel. Ce fut donc une étoile céleste qui apparut aux mages. 2 Saint Augustin dit encore (in serm. quod Epiph.) : Les anges montrent le Christ aux bergers et l'étoile aux mages; de part et d'autre c'est la langue des deux qui parle, parce que la langue des prophètes a cessé. Or, les anges qui ont apparu aux bergers ont été véritablement des anges céleste?. L'étoile qui a apparu aux mages a donc été aussi véritablement une des étoiles du ciel. 3 Les étoiles qui ne sont pas au ciel, mais dans l'air, sont appelées des comètes qui ne se manifestent pas à la naissance des rois, mais qui sont plutôt des marques de leur mort. Note: Cette théorie des comètes qui ne sont pas au ciel, mais dans l'air, vient d'Aristote, qui a la faveur de Thomas d'Aquin. Or, cette étoile désignait la naissance d'un roi ; d'où les mages disent (Mt 2,2) : Où est celui qui est né roi des Juifs? car nous avons vu son étoile en Orient. Il semble donc qu'elle ait été une des étoiles célestes. Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Cont. Faust, lib. ii, cap. 5) : Ce n'était pas une de ces étoiles qui dès le commencement de la création suivent leur route sous la loi au créateur ; mais ce fut un astre nouveau qui apparut du moment que la Vierge eut mis au monde son Fils. CONCLUSION. — L'étoile qui a conduit les mages au berceau du Christ, s'étant montrée dans l'air, voisine de la terre, la nuit et le jour, et s'étant dirigée du nord au midi, contrairement à la marche des autres étoiles; il parait conforme à la raison qu’elle n'ait pas été une des étoiles célestes, mais que Dieu l'ait créée uniquement pour cela. Note: On peut bien admettre que dans sa deuxième apparition, l'étoile s'était montrée dans l'air, mais dans cette deuxième apparition, elle n'a accompagné les mages que sur une dizaine de km. 21 Il faut répondre que, comme le dit saint Chrysostome (Sup. Matth. hom. vi), il est évident pour beaucoup de raisons que l'étoile qui apparut aux mages ne fut pas une des étoiles célestes : 1° Parce qu'aucune des autres étoiles ne suit cette direction. Car cette étoile allait du nord au midi, puisque telle est la position de la Judée par rapport à la Perse, d'où les mages sont venus. Note: Thomas d'Aquin reprend ici l'erreur de Jean Chrysostome en n'y voyant que du feu. 2° C'est ce que l'on voit aussi d'après le temps. Car non-seulement on la voyait de nuit, mais encore au milieu du jour ; ce qui est supérieur à la vertu d'une étoile et même de la lune. Note: nouvelle reprise de l'erreur de Jean Chrysostome. Matthieu n'a jamais dit qu'on voyait l'étoile au milieu du jour, ni ne l'a laissé entendre. 3° Parce que tantôt elle se montrait et tantôt elle se cachait. Car lorsqu'ils entrèrent à Jérusalem elle se cacha ; ensuite dès qu'ils eurent quitté Hérode, elle se montra. Note: troisième reprise de l'erreur, ou du sophisme de Jean Chrysostome. 4° Parce qu'elle n'avait pas un mouvement continu; mais elle s'avançait lorsque les mages devaient marcher, et elle s'arrêtait quand ils devaient stationner : comme la colonne nébuleuse qui était dans le désert. Note: ceci ne concerne que la réapparition de l'étoile, pendant à peine deux heures, à la sortie de Jérusalem. 5° Parce que pour démontrer l'enfantement de la Vierge elle ne se tenait pas élevée, mais elle descendait en bas. Car l'Evangile dit (Mt 2,9) : que l’étoile que les mages avaient vue en Orient allait devant eux, jusqu'à ce qu'étant arrivée sur le lieu où était l'enfant elle s'y arrêta. Note: même remarque. D'où il est évident que ces paroles des mages qui disaient : Nous avons vu son étoile en Orient, ne doivent pas s'entendre comme s'ils eussent vu en Orient une étoile qui se trouvait dans le pays de Juda, mais parce qu'ils la virent en Orient et qu'elle les précéda jusqu'en Judée ; quoique quelques-uns considèrent cette opinion comme douteuse. Note: cette idée est éminemment douteuse. Ayant vu l'étoile à son lever, donc à l'est, elle n'indiquait évidemment pas la direction de la Judée. Mais le fait qu'elle les précéda jusqu'en Judée est une invention de Jean Chrysostome. D'ailleurs elle n'aurait pas pu montrer distinctement la maison, si elle n'avait été près de terre. Et, comme le dit le même doeteur (loc. cit.), ceci ne paraît pas être propre à une étoile, mais à la vertu d'un être raisonnable. D'où il semble que cette étoile a été animée d'une vertu invisible, qui s'est manifestée sous cette forme. C'est pourquoi il y en a qui disent que comme l'Esprit-Saint est descendu sur le Seigneur à son baptême sous la forme d'une colombe, de même il a apparu aux mages sous celle d'une étoile. Note: Pour miraculiste qu'elle soit, cette idée serait encore cohérente si on ne l'applique qu'à la réapparition de l'étoile. — D'autres prétendent que l'ange qui apparut aux bergers sous la forme humaine, a apparu aux mages sous la forme d'une étoile (I). Note: Il y en a même qui disent, sans rire, que la lueur merveilleuse vue en Perse était celle de l'ange de Bethléem. Ils n'ont pas réfléchi que, quand bien même l'ange serait d'une luminosité prodigieuse, la courbure de la Terre interdisait de le voir depuis la Perse. Mais eux croyait encore à la Terre plate, à laquelle ne croit plus Thomas d'Aquin. — Cependant il parait plus probable que ce fût une étoile créée nouvellement, non dans le ciel, mais dans l'air voisin de la terre, et qui était mue selon la volonté divine. D'où le pape saint Léon dit (in serm. Epiph. i) : Une étoile d'une clarté nouvelle apparut aux trois mages (2) dans l'Orient; elle était plus éclatante et plus belle que les autres, et elle attirait sur elle les regards et l'esprit de ceux qui la considéraient, afin qu'on fût immédiatement convaincu qu'un signe aussi extraordinaire n'existait pas sans motif. Note: Donc Thomas d'Aquin pense à une sorte de météore créé spécialement par Dieu, donc miraculeux. (Thomas d'Aquin, Somme Théologique, Partie III, Question XXXVI) 1557, Conrad Lycosthènes, fait de l'étoile un phénomène aérien. Anno Domini 1. Anno quo Christus salvator natus est, die 13, (ut Vincentius lib.7.refert.cap.91) Magi ex Persia et Chaldaea venientes ex Sabaea regione stella duce splendidissima Hierosolymam, regi Iuadaerum, aurum, thus, & myrrham obtulerunt, cuius rei miraculo, non tantum Herodes & incolae Hierosolomytani, verum etiam tota Iuadaea commota est, haec autem stella, ut Fulgentius memoriae prodit, fuit a caeteris discreta, locumque habuit neque in firmamento cum stellis minoribus neque in aethere cum planetis, sed in aere vicina terrae locum suum occupavit. An 1 L'année où est né le Christ sauveur, le 13ème jour ( selon Vincent de Beauvais, livre VII, ch.91) des mages de Perse et de Chaldée venu de la région de Saba conduits à Jérusalem par une splendide étoile, offrirent au roi des juifs de l'or, de l'encens et de la myrrrhe, dont par cette chose miraculeuse, non seulement Hérode et les habitants de Jérusalem, mais en vérité toute la Judée fut troublé, en effet cette étoile, comme Fulgence le montre dans ses mémoires, était distincte des autres, et ne se trouvait ni avec les étoiles dans le firmament, ni dans l'éther avec les planètes, mais sa place était dans l'air près de la terre. (Lycosthenes, p 238) Note: Lycosthenes semble croire que les mages suivirent l'étoile jusqu'à Jérusalem, ce qui est une invention de Jean Chrysostome, mais il a raison de dire qu'alors elle eut été un phénomène aérien et non céleste. 1715, Dom Calmet essaye d'économiser les miracles Pour revenir à la nature de l'étoile, & pour nous fixer au milieu de cette variété de sentimens, nous croyons que c'étoit un météore enflammé dans la moyenne région de l'air, (d) qui ayant été remarqué par les mages, avec des circonstances & des qualitez extraordinaires, fut prise par eux pour un phénomène miraculeux; et que se souvenant de ce qui avoit été autrefois prédit par Balaam, il se déterminèrent à le suivre, pour savoir des nouvelles de ce nouvau monarque qui devoit être né dans la Judée. (Dom Augustin Calmet, Nouvelles dissertations importantes et curieuses, Paris, 1715) Note: Dom Calmet applique ici son principe d'économie de miracle, et remplace une étoile miraculeuse par un météore enflammé. Mais il ne se rend pas compte qu'un météore qui brule le temps d'un voyage de l'orient à Jérusalem est tout simplement miraculeux 1745, Alban Butler démontre le météore miraculeux
(c) Cette étoile étoit vraiment miraculeuse; il n'y a pas d'apparence que ç'ait été une des étoiles fixes: car la plus voisine de nous est trop éloignée & d'un trop gros volume, pour indiquer une maison ou même la ville de Bethléem. Saint Chrysostome, de qui est cette remarque, pense que c'étoit un ange révétu de la forme d'une étoile. Dans la supposition d'un corps réel, nous dirons que c'étoit un météore semblable à une étoile, & miraculeusement enflammé dans la moyenne région de l'atmosphère: en effet son mouvement étoit contraire au cours naturel des astres: il conduisoit les mages avec une sorte d'intelligence, s'accomodant à leurs besoins, paroissant & disparoissant selon qu'il leur étoit plus utile. (Abbé Godescard, Vie des pères, des martyrs, et des autres principaux saints, Paris, 1783) Note: L'ouvrage initial étant en anglais, ceci est la traduction de l'abbé Godescard, en 1783. On remarque que l'auteur suppose le même phénomène que Dom Calmet, mais cette fois avec un caractère miraculeux. 1910, l'abbé Moreux croit lui aussi au météore miraculeux L'étoile de Bethléem -----
Ayant entendu les paroles du roi, ils partirent. « Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue en Orient les précédait jusqu'à ce que, venant au-dessus du lieu où était l'Enfant, elle s'y arrëta. Voyant l'étoile ». ils se réjouirent d'une « très grande joie ». Et entrant dans la maison. ils trouvèrent l'Enfant avec Marie, sa Mère, et, se prosternant, ils l'adorèrent. (S. Math., chap. II, v. 1-12.) ... La seule conclusion logique, c'est qu'il s'agit d'une lumière miraculeuse. Or, le miracle, une fois admis, pourquoi ne pas croire à l'apparition soudaine d'une lueur située dans les basses régions de l'atmosphère, lumière mystérieuse que Dieu aurait fait paraître en Orient pour guider vers les divines clartés, en la personne des Mages, « le peuple assis a l'ombre de la mort ». Le miracle ne nous apparaît-il pas encore dans ce fait que la singulière étoile conduit d'abord les voyageurs, ignorant du lieu où ils vont atterrir, vers Jérusalem, aux pieds du roi Hérode ? Là, elle disparaît ; puis, quand les Mages ont fait connaître aux Juifs, la venue du Messie, lorsqu'ils leur ont enseigné que l'heure prédite par les prophètes est arrivée, l'étoile surgit de nouveau et les guide vers Bethléem, pour s'arrêter exactement sur la demeure du Nouveau Né depuis si longtemps attendu. Cette solution n'est-elle pas cent fois meilleure que toutes les hypothèses émises par les astronomes pour expliquer la mystérieuse étoile, et dont aucune ne satisfait au récit biblique ? (La Croix, 24 décembre 1910, page 1) Note: Le miracle, une fois admis, tout devient possible. Mais l'abbé Moreux ne se rend pas compte que la singulière étoile n'a jamais conduit les voyageurs vers Jérusalem, car c'est une invention de Jean Chrysostome. Matthieu dit seulement Car nous avons vu son étoile au Levant . Cette "étoile" là n'avait pas besoin d'être un miracle, un phénomène astronomique fait aussi bien l'affaire. Par contre, "l'étoile" aperçue à la sortie de Jérusalem, a un comportement incompatible avec un objet physique. Il y a donc deux solutions: - soit, elle n'a jamais existé, et donc Matthieu nous raconte des conneries. - soit, c'est un miracle L'abbé Moreux, qui est homme d'église, choisit la seconde solution. 1912, H. LESETRE. réduit le miracle à la mesure d'un météore Toutes ces conditions ont pu, au contraire, étre remplies par un simple météore miraculeux suscité par Dieu pour la circonstance. Ce météore a-t-il été une réalité ou une simple apparence? A-t-il été vu des mages seuls ou de heaucoup d‘autres? Il n’importe. Mais le miracle est indispensable pour rendre compte du récit évangélique. Comme rien n'oblige ici à chercher 1e surnaturel au delà du strict nécessaire, on doit abandonner l'idée de Kepler faisant mouvoir une vraie étoile dans la partie inférieure de l’air. Un simple météore, un astre qui n'avait de commun avec les autres que l'apparence, a dù suffire. La puissance divine l’a conduit, en dehors de toutes les lois astronomiques, pour le faire paraitre et disparaitre à son gré, le pousser du nord au sud de Jerusalem à Bethlehem, l’abaisser assez pour guider des voyageurs sur une route, et enfin l’arréter au-dessus d’une maison. H. LESETRE. (Fulcran Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, Letouzey, 1912) Note: On retrouve encore une fois le principe d'économie de miracle. Pour rendre compte du récit évangélique, il faut un miracle. Mais il ne faut pas non plus gaspiller la puissance divine: un météore suffit. Analyse: Les pères de l'église avaient leurs raisons de sauver le miracle de l'étoile des mages, au moins pour la seconde apparition. Pour la première, un phénomène naturel aurait suffi. La seconde apparition est effectivement inexplicable par un phénomène naturel. Pour que l'étoile paraisse s'arréter au dessus de la maison, il faut effectivement un phénomène intra-atmosphérique proche des mages. Un tel phénomène s'appelle effectivement un météore. Mais ce météore apparait au moins deux heures, et a un comportement intelligent, qui plus est. Il y a alors deux solutions: 1) - C'est bien un phénomène inexplicable, et ce pourrait être un miracle, que Dieu a fait pour permettre à des mages d'aller se prosterner devant un lointain nouveau-né. Mais Dieu ne fait rien en vain et d'autres hypothèses sont possibles (sans être plus vraisemblables). Un ufomane aurait vite fait d'expliquer cette prétendue étoile par un OVNI. 2) - Le texte de Matthieu ne reflète pas la réalité. Or de ceci, nous avons des indices: Matthieu prétend connaître le contenu de l'entrevue secrète entre Hérode et les mages, puis il prétend que les mages reconnurent leur étoile, puis qu'ils furent avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, alors que Matthieu ne pouvait rien savoir de tout ceci. Donc Matthieu nous a menti sur la deuxième observation de l'étoile, qui n'a rien à voir avec la première: - soit, (le plus probable), cette observation n'a jamais eu lieu, et aucun mage n'est jamais allé à Bethléem. - soit, l'étoile n'avait pas du tout le comportement que lui prète Matthieu, et l'hypothèse du météore devient caduque. - soit, les mages ne l'ont pas reconnu pour celle qu'ils avaient vu à leur départ, mais ont néanmoins suivi un météore miraculeux dont ils avaient compris qu'il les guiderait (Hum ?). - soit, les mages étaient des faux mages qui ne distingaient pas une étoile d'un météore, ni une vessie d'une lanterne. Par ailleurs Matthieu avait des raisons d'inventer un voyage des mages: il s'agissait pour lui de prouver la divinité de Jésus. Et il avait une raison d'inventer cette deuxième observation de l'étoile: il fallait bien que les mages trouvent la maison. En conséquence, l'hypothèse du météore miraculeux ne vaut pas tripette devant celle de l'invention par Matthieu d'une étoile qui guidait les mages. |
Dernière mise à jour: 01/02/2015
Accueil | Paranormal | OVNI | Prodiges célestes | L'étoile des mages |