168 avant JC
Macédoine, Comète qualifiée de "bouc"
En réalité: bolide

vers 62, Sénèque parle d'un globe de feu appelé "chèvre" à son ami Lucilius.
I. Nunc, ut ad propositum opus ueniam, audi, quid de ignibus sentiam, quos aer transuersos agit. Magna illos vi excuti argumentum est, quod obliqui feruntur et praerapida celeritate: apparet illos non ire sed proici. Ignium multae variaeque facies sunt.
Aristoteles quoddam genus horum capram vocat: si me interrogaveris quare, prior mihi rationem reddas oportet, quare hoedi vocentur; si autem, quod commodissimum est, convenerit inter nos, ne alter alterum interroget, quod scit illum respondere non posse, satius erit de re ipsa quaerere quam mirari, quid ita Aristoteles globum ignis appellaverit capram. Talis enim fuit forma ejus, qui bellum adversus Persen Paulo gerente a lunari magnitudine apparuit.
Vidimus nos quoque non semel flammam ingentis pilae specie, quae tamen in ipso cursu suo dissipata est..

J'aborde maintenant mon sujet. Écoute ce que la philosophie veut qu'on pense de ces feux que l'air fait mouvoir transversalement. Ce qui prouve avec quelle force ils sont lancés, c'est l'obliquité de leur course, et leur extrême vitesse ; on voit qu'il y a là, non un mouvement propre, mais une impulsion étrangère. Ils sont aussi nombreux que variés dans leurs formes.
Il y en a une espèce qu'Aristote appelle Chèvre. Si tu m'en demandes la raison, explique-moi d'abord pourquoi on les nomme aussi cabris. Si, au contraire, ce qui est plus expéditif, nous convenons entre nous de nous épargner ces questions sur le dire des auteurs, nous gagnerons plus à rechercher la cause du phénomène qu'à nous étonner de ce qu'Aristote appelle Chèvre un globe de feu. Telle fut la forme de celui qui, pendant la guerre de Paul Emile contre Persée, apparut de la grandeur de la lune.
Nous-mêmes avons vu plus d'une fois des flammes qui offraient l'aspect d'un ballon énorme, mais qui se dissipaient dans leur course.

(Sénèque, Liv. I, ch 1)
Note: Il est clair que Sénèque parle bien de bolide, d'un type qu'il a vu lui même. Il n'est pas rare qu'un bolide apparaisse comme un globe du diamètre de la lune, car ce qu'on en voit est en réalité la sphère de plasma qui l'entoure. Cependant, après Georgius Caesius, tous les cométographes, sans avoir lu Sénèque, prétendront qu'il parlait d'une comète.

1579, Georgius Caesius confond bolide et comète.
Anno Urbis 586. mundi 3798. ante Christum 165. Eclipsis Lunae totalis in fine aestatis 4 septemb. fuit et Cometa conspectus, cui, ut Seneca scribit, tribuebatur nomen Hirci.
L'an 586 de Rome, 3798 de la création, 165 avant Jésus Christ, il y eut une éclipse totale de lune à la fin de l'été, le 4 septembre, et on observa une comète à qui fut donné le nom de bouc, comme l'écrit Sénèque.
(Caesius, non paginé)
Note: 586 de Rome = 168 AC et non 165. Il y eut bien une éclipse en 168 AC, mais elle n'eut pas lieu à la fin de l'été mais au solstice. Sénèque ne parlait pas d'une comète, mais d'un bolide. C'est Pline, qui parle d'une comète "bouc" à propos de la comète de l'an 346 AC.

1602, Abraham Rockenbach, copie Caesius, ses inventions et ses erreurs.
Anno mundi, ter millesimo, septingentesimo, nonagesimo octavo, Anno urbis Romae, quingentesimo, octuagesimo sexto, Anno ante natum Christum, centesimo, sexagesimo quinto, Cometa, Hircus, ut Seneca scribit, dictus, quarto septembris, una cum eclipsi Lunari apparuit.
L'an 3798 de la création, 586 de Rome, 165 avant Jésus Christ, une comète "bouc", comme on dit qu'écrivit Sénèque, apparut le 4 septembre, lors d'une éclipse de lune.
(Rockenbach, p 127)
Note: Rockenbach, qui prétendait puiser aux sources les plus anciennes et les plus sûres, n'a même pas lu Sénèque, et se contente d'écrire qu'on dit que Sénèque l'écrivit. C'est lamentable.

1668, Johannes Hévélius fait trop confiance à Rockenbach:
Ante Christum 166 vel 165
Anno mundi 3798, Urbis 586, ante N.C.165 Cometa Hircus, ut Seneca scribit, dictus, quarto Septembris una cum Eclipsi Lunari apparuit. Rockenb.

166 ou 165 avant Jésus Christ
L'an 3798 de la création, 586 de Rome, 165 avant Jésus Christ, une comète "bouc", comme on dit qu'écrivit Sénèque, apparut le 4 septembre, lors d'une éclipse de lune.

(Hévélius, p 799)
Note: Hévélius n'a manifestement pas lu Sénèque non plus.

1681, Lubienietski dédouble la comète:
XXI. Anno Mundi 3801. ante Christum natum 168. Urbis Roma 585. arsit cometa, cui tribuitur nomen Hircus. Eckstormius ex Seneca L.7.
XXI. l'an 3801 de la création, 168 avant Jésus Christ, 585 de Rome, brûla une comète à qui fut donnée le nom "bouc". Eckstorm d'après Sénèque Livre 7.
(Lubienietski, p 16)
XXVIII De Cometa, quem in Historia Num. XXI. censuimus, hic XXVIII. censemus, Rockenbachius annotat, eum Anno M. 3798. U.C.586. ante Christum Natum 165. apparuisse 4. Septembr. unam cum Eclipsi Lunae, Hircum, teste Senecâ, a villorum specie et Juba, quae velut hirsutum exhibeat, dictum.
XXVIII. A propos de la comète que nous avons recensé dans notre histoire sous le numéro 21, et recensons sous ce numéro 28, Rockenbach note cette année 3798 de la création, 586 de Rome, 165 avant Jésus Christ, qu'un bouc apparut le 4 septembre lors d'une éclipse de lune, on dit qu'au témoignage de Sénèque, elle était comme hérissée de poils et sa chevelure se montrait touffue.
(Lubienietski, p 33)
Note: la chronologie de Lubienietski est incohérente, et on ne sait pas très bien s'il compte une comète ou deux. Lui non plus n'a pas lu Sénèque et fait confiance à Eckstorm, puis à Rockenbach, sans réaliser que l'un n'avait fait que copier l'autre.

1696, Johann Zahn, invente une durée.
26) M.3795. A.C.N.168. visus Cometes per 5. Septimanas. Rockenbachius.
28) An 3795 de la création, 168 avant Jésus Christ, on vit une comète pendant 5 semaines. Rockenbach.
(Zahn, p 164)
Note: La durée de 5 semaines devient ridicule quand on sait qu'il s'agissait d'un bolide.

1783, Alexandre Guy Pingré, cherche pour rien.
166 ou 165 Le 4 de Septembre, on vit une Comète, à laquelle on donna le nom de bouc, & il y eut une éclipse de Lune. L'éclipse appartient à l'an 167. Quant à la Comète, nos Cométographes fondent sa réalité sur l'autorité de Sénèque. En conséquence de cette citation, l'ai relu tout le septième livre des Questions naturelles de ce Philosophe; je n'y ai pas trouvé un mot qui puisse appuyer l'apparition de cette Comète bouc.
Lub. Hévél. Rock.
(Pingré, p 267)
Note: Pingré ne s'y retrouve plus dans les catalogues des "cométographes modernes" qui mélangeaient tout. Lubieniestki cite Eckstorm dont le texte contient "hircus". Eckstorm écrivait en 1621, en prétendant citer Sénèque. Cependant le mot "hircus" n'existe dans aucun livre des "questions naturelles de Sénèque". Mais en 1602, Rockenbach écrivait la même chose. On jugera du sérieux d'Eckstorm qui semble avoir copié sur Rockenbach, qui lui même avait copié Caesius, qui avait donné la date d'une éclipse et y ajoutait une comète en prétendant citer Sénèque, qui parle d'un bolide et non d'une comète. Et Sénèque parlait de chèvre et de cabri et non de boucs.
Mais par contre le mot "hirci" (boucs) apparait chez Pline: "fiunt et hirci, villorum specie et nube aliqua circumdati". "Il y en a, les boucs, comme hérissées de poils et enveloppées d'une espèce de nuage". Mais il s'agit de la comète de l'an 346 AC
Encore une fois, la source de l'erreur est Caesius, que Pingré n'a pas lu, ce qui lui fait ignorer le pot aux roses.


2007, Richard Stothers trouve l'interprétation correcte.
Seneca (Nat. 1.1.2;) ... In 168 BC, when L. Aemilius Paullus was waging war against King Perseus of Macedon, "a ball ... was the form of a fire that appeared, as large as the moon." This could have been a bolide.
Sénèque (Questions Narurelles, livre I, 1-2)... En 168 avant Jésus-Christ, lorsque Paul-Emile faisait la guerre contre le roi Persée de Macédoine, "un globe ... était la forme d'un feu qui apparut aussi grand que la lune." Ceci pourrait avoir été un bolide.
(Stothers, p 85)
Note: On voit que Stothers va directement à la source, et en déduit une interprétation correcte, sans tenir compte des âneries de ses prédécesseurs.

Analyse:
Encore une fausse comète sous la plume de Georgius Caesius, bien que cette fois, il s'agit plutôt d'une confusion que d'une invention.
Mais comme d'habitude, les cométographes ultérieurs ont tous gobé cette confusion, alors qu'il était si simple de chercher le texte original de Sénèque, comme l'a fait Pingré.
C'est tout de même la neuvième fausse comète de Georgius Caesius.

Dernière mise à jour: 13/11/2014

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