Agobard, archevèque éclairé... et controversé

Qui était Agobard?

Nous ne savons pas à quoi ressemblait Agobard, pas plus d'ailleurs que pour les principaux personnages de ce temps là, Charlemagne mis à part. Nous n'avons aucune description physique d'Agobard, et les illustrations qu'on en a fait sont de pure fantaisie.
On est un peu mieux renseigné sur sa vie.
On sait qu'avant d'être à Lyon, Agobard venait de Septimanie, c'est à dire du Languedoc, où il avait gardé des attaches. Par contre, si on s'accorde à le faire naitre vers 779, on ignore son lieu de naissance. Certains le font naitre en Espagne, d'où il serait venu à l'age de trois ans avec ses parents, qui auraient été des "hispanis", c'est à dire des chrétiens ayant quitté l'Espagne pour fuir la domination musulmane. Mais, en dépit de l'autorité des sources qui l'affirment, ce n'est là qu'une hypothèse.
Leidrade, qui avait travaillé comme Bibliothécaire pour le roi Charles, fut nommé, à la recommandation de celui ci, evêque de Lyon en 798, dut aussitôt s'acquitter d'une mission de "missus dominicus", et pris ses fonctione en 799. En l'an 804, il ordonna prêtre Agobard, qui aurait alors été agé de 25 ans, puis il le fit son son chorévêque, en l'an 808 selon les uns ou 813 selon les autres.
A cette dernière date, Agobard était prêtre depuis 9 ans, et Leidrade, agé d'environ 69 ans, ce qui rend la chose vraisemblable. D'autre part, en 810, Agobard fut impuissant contre le lynchage des prétendus empoisonneurs de boeufs de Grimoald, ce qui laisse penser qu'il n'était pas encore chorévêque.
A la mort de Charlemagne, Leidrade, qui, sous le poids des ans, souhaitait se démettre, désigna Agobard comme son successeur, le fit consacrer par trois évêques, et se retira au monastère de Saint Médard. Comme Leidrade était toujours vivant, certains évêques contestèrent la légitimité d'Agobard, qui dut attendre l'an 816 pourqu'elle soit reconnue.
Il y a un curieux parallèle, entre les vies d'Agobard et de Louis le pieux (ou le débonnaire). Nés à un an d'écart, ils montèrent sur le trone la même année, furent tous les deux déposés, tous les deux rétablis, et moururent la même année à deux semaines d'écart.

Agobard, face aux superstitions de son temps

Tous les biographes d'Agobard s'accordent à dire, qu'il fut le prélat qui lutta le plus contre les superstitions de son temps. De fait, il lutta toute sa vie contre des croyances et des pratiques, qui, de son temps, étaient d'usage courant. En règle générale, il s'agissait de survivances du paganisme, que l'église s'était contentée de christianiser, et qui ne furent considérées par tout le monde, comme relevant de la superstition que près d'un millénaire plus tard. On mesure l'avance qu'avait Agobard.
Une des superstitions qu'il affronta, souvent cités par ses biographes, étaient les ordalies, ou jugement de Dieu. Le patient devait se soumettre à une épreuve douloureuse, voire mortelle, comme de tenir un fer rouge dans la main. S'il succombait, il était jugé coupable, mais innocent s'il surmontait l'épreuve. Aujourd'hui cette pratique parait absurde, mais du temps d'Agobard, on considérait que Dieu sauvait l'innocent et laissait périr le coupable. Cette pratique avait cours à Lyon dans le cadre de la "loi de Gondebaud" instaurée depuis le VIe siècle sur l'ancien territoire des burgondes. Agobard fit valoir que si Dieu avait voulu que les bons triomphent toujours des méchants, alors c'est Jean-Baptiste qui eut fait décapiter Hérode et non l'inverse. Il fit valoir aussi que les hommes n'ont pas à imposer à Dieu de rendre un jugement. Il eut gain de cause, et l'empereur Louis abolit la loi de Gondebaud, pour la remplacer par la loi franque, et les capitulaires.
Une autre superstition qu'il affronta fut l'affaire des convulsionnaires, qui eut dans le diocèse de Narbonne, dont l'évèque Barthelemy le consulta. Agobard constatant qu'il n'y avait ni vrai mal, ni guérison dans les églises où les phénomènes se produisaient, mais qu'ils généraient des offrandes, soupçonna la fraude, et conseilla à Barthelemy de fermer les églises concernées, et de faire fouetter les simulateurs, ce qui fit aussitôt tout cesser.
Ce qui paraissait à Agobard un reliquat du paganisme, était le culte des images. Sans aller jusqu'à proner leur destruction, il dénonçait leur vénération, trop proche du culte des idoles. Ceci lui valu d'être considéré plus tard comme un précurseur du protestantisme.
Il s'occupa aussi de la correction des antiphonaires, partitions des chants grégoriens liturgiques, dont il supprima, ce qui lui paraissait léger, mensonger, voire blasphématoire. On a jugé cette activité futile, mais là encore, quand on voit les stupidités qui se chantaient onze siècles après lui, non dans les chants liturgiques, mais dans les cantiques, on mesure son avance. Il n'aurait probablement jamais admis un cantique comme "Christ écrasé".
Enfin, ce qui l'a fait le plus connaître auprès des ufologues, et signalé dans toutes ses biographies, est sa lutte contre la croyance aux "tempestaires", ces sorciers qui déclenchaient l'orage, la grêle et la tempète. Curieusement, on y croyait sans en avait jamais vu un seul en action, par contre on voyait bien, et on payait, ceux qui prétendaient protéger de l'orage. Outre des arguments théologiques, Agobard use d'un raisonnement toujours valable aujourd'hui: Puisqu'il est plus facile de faire tomber la pluie que la grêle, pourquoi n'a-t-on pas fait appel aux tempestaires, lors des périodes de sécheresse? Mais les capitulaires de l'empereur, et les rituels des siècles suivants, montrent qu'on a continué à croire pendant des siècles, qu'on pouvait déclencher l'orage avec l'aide du diable, et le conjurer avec des prières et de l'eau bénite. Un précurseur méconnu, là encore.

Agobard, face aux juifs

Divers auteurs collent à Agobard une réputation d'antisémitisme. C'est ainsi que Michel Bougard Traite le livre d'Agobard contre les supersitions sur la grêle, de "violemment antisémite" (sans l'avoir lu). En fait, il n'y a rien sur les juifs dans ce livre. Surtout Agobard n'était absolument pas antisémite au sens moderne de ce mot, mais il se défiait comme de la peste des juifs, de leurs pompes et de leurs oeuvres. Et c'est bien normal, puisque chaque parti préchait pour son clocher. Agobard, partisan d'une unité de religion dans l'empire, aurait bien aimé convertir les juifs, mais ne pouvant le faire de force, essayait de les évangeliser par la persuasion. Inversement les juifs essayaient de séduire les chrétiens. C'était une petite guerre de religion, qui évoquerait bien plus la rivalité entre Don Camillo et Peppone, que les meurtrières guerres de religion du XVIe siècle. Le principal point d'achoppement entre Agobard et les juifs, était la conversion de leurs esclaves. Aujourd'hui, on s'indignerait que les juifs aient eu des esclaves, mais à l'époque Agobard s'indignaient surtout de ce qu'il ne puisse les baptiser. De fait, les juifs de Lyon avaient obtenu de l'empereur Louis le pieux, certains privilèges, et notamment celui de pouvoir interdire le baptème de leurs esclaves sans leur consentement. D'où l'indignation d'Agobard, qui écrivit plusieurs libelles, contre les privilèges des juifs, et contre leurs superstitions, ce qui lui valut une entrée dans l'Encyclopedia Judaica, ou il est taxé d'anti-juif (ce qui est exact), et canonisé par l'église catholique (ce qui est faux). On retrouve ce problème des esclaves des juifs dans la bande dessinée de R. Nolane et F. Miville.

Agobard, face à l'empereur

Ce qui est surtout controversé, dans les biographies d'Agobard, c'est son rôle politique. A l'époque le rôle politique des évêques étaient important, au point qu'il avaient le pouvoir d'influer sur l'élection ou l'éviction d'un roi, comme le prouva l'influence de l'archevêque Adalbéron lors de l'élection de Hugues Capet à la royauté. Ce qui fit brûler le torchon entre l'empereur Louis et certains évêques, fut le nouveau partage de l'empire entre ses héritiers. En 817, transigeant entre l'indivisibilité de l'empire, et le partage du royaume de la tradition franque, Louis avait institué son fils ainé, Lothaire, comme corégent et héritier de l'empire, pendant que ses frères Pépin, et Louis, héritaient de l'Aquitaine et de la Bavière, en tant que vassaux.
Mais après la mort de sa femme Ermengarde, Louis se remaria avec Judith de Bavière, qui lui donna en 823 un nouvel héritier, le futur Charles le chauve. En 829, Louis décide d'intégrer Charles à sa succession, ce qui a pour effet d'irriter Lothaire, de qui se rapprochent Louis et Pépin, qu'une sourde guère familiale va opposer à leur père et surtout à Judith, avec l'appui des grands de l'empire, et même du pape. Finalement en 833, le parti de Lothaire est vainqueur, Charles est rélégué à Prüm et Judith en Italie.
Or Agobard, comme d'autres évêques, était très attaché à l'unité de l'empire, nécessaire à l'unité de la religion et à l'unité des lois. Se joignant à l'archevêque Ebon de Reims, il écrivit une apologie pour la conduite de Lothaire, et en novembre 833, Louis, par la "pénitence de Soissons" est forcé d'abdiquer la dignité impériale.
Lothaire triomphe, mais il mécontente Louis et Pépin, qui s'allient à leur père contre lui. Lothaire doit partir en Italie, et, en 835, Louis est rétabli empereur au concile de Thionville, alors qu'Agobard, qui ne s'y était pas présenté, est destitué.
Néanmoins, Agobard se réconcilia avec Louis le pieux, dont on dit, qu'il avait apprécié la compétence, et retrouva son siège épiscopal en 837. En 840, Il accompagna l'empereur à Saintes, où il mourut le 6 juin.

Agobard, précurseur

On ne peut nier l'avance étonnante que les idées d'Agobard avaient sur celles de son temps. Phare de la renaissance carolingienne, celui ci raisonnait comme s'il avait vécu au siècle des lumières.
Selon le groupe social auquel on appartient, on peut voir en Agobard, un précurseur du rationalisme, un précurseur du protestantisme, un précurseur de l'antisémitisme, un précurseur du mondialisme, etc...
Ce qui est sûr, c'est que l'avance d'Agobard ne fut reconnue que bien plus tard, et serait restée à jamais ignorée si, en 1605, Papyre Masson n'était entré dans la boutique d'un relieur...


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Dernière mise à jour: 20/04/2019